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Date : 20180419


Dossier : IMM-4067-17

Référence : 2018 CF 421

[TRADUCTION FRANÇAISE]

À Ottawa (Ontario), le 19 avril 2018

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO,

DIANA MARIA OSPINA GUZMAN,

JUAN PABLO JARAMILLO OSPINA

(MINEUR REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE,

CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO),

LUISA MARIA JARAMILLO OSPINA

(MINEURE REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE,

CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Contexte

[1]  Les demandeurs forment une famille et sont originaires de la Colombie. Carlos Mario Jaramillo Barco et sa femme, Diana Maria Ospina Guzman, sont les parents de deux adolescents, à savoir Juan Pablo Jaramillo Ospina et Luisa Maria Jaramillo Ospina. Ils sont entrés au Canada en provenance des États-Unis le 29 septembre 2014 et ont revendiqué le statut de réfugié. Leurs demandes d’asile ont été rejetées le 4 février 2015. Après le rejet, le 27 mai 2015, de leur demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à leur demande d’asile, les demandeurs ont présenté sans succès une demande d’examen des risques avant renvoi. Même si le renvoi du Canada des demandeurs a été fixé à trois reprises depuis 2015, leur renvoi a été reporté d’abord en mars 2015, puis une nouvelle fois en mars 2017; et, plus récemment, à la suite d’une ordonnance de sursis du renvoi des demandeurs datée du 5 octobre 2017 jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prise quant à la présente demande de contrôle judiciaire.

[2]  Le 7 septembre 2017, les demandeurs se sont présentés à une entrevue à la Direction des opérations d’exécution de la loi et du renseignement de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à Toronto et ont signé une directive leur enjoignant de se présenter pour leur renvoi fixé au 30 septembre 2017. À la suite de cette entrevue, ils ont présenté à l’ASFC, le 11 septembre 2017, une demande de report du renvoi en attendant le traitement de leur demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Dans une lettre datée du 27 septembre 2017, un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs a cependant rejeté leur demande de report de leur renvoi. L’agent a conclu qu’il n’y avait pas lieu de reporter l’exécution de la mesure de renvoi dans les circonstances. Les demandeurs présentent maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (LIPR). Ils demandent à la Cour d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer leur demande de report du renvoi pour réexamen par un autre agent d’exécution.

II.  La décision de l’agent

[3]  Après avoir résumé les antécédents des demandeurs en matière d’immigration depuis leur arrivée au Canada, l’agent a accueilli leur demande de report du renvoi afin de permettre le traitement de leur demande pour considérations d’ordre humanitaire, reçue par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) le 7 mars 2017. L’agent a souligné que le paragraphe 48(2) de la LIPR impose à l’ASFC d’exécuter les mesures de renvoi dès que possible et il précise que [traduction] « un agent d’exécution a peu de latitude quant au report d’un renvoi ». L’agent a également relevé que les demandeurs avaient réclamé que soient prises en considération les difficultés auxquelles ils feraient face à leur retour en Colombie et l’intérêt supérieur des enfants. L’agent a retenu que, même si leur demande pour considérations d’ordre humanitaire était toujours en instance, cela ne [traduction] « donnait pas nécessairement lieu à un sursis de la mesure de renvoi conformément à la LIPR et son Règlement, et ne constituait pas non plus un obstacle au renvoi ». L’agent a conclu que la présence des demandeurs au Canada n’était pas requise pour traiter leur demande pour considérations d’ordre humanitaire et que le traitement de leur demande ne serait pas interrompu, même après la date prévue de leur renvoi du Canada.

[4]  L’agent n’a pas accepté les arguments des demandeurs selon lesquels une décision relative aux considérations d’ordre humanitaire était imminente ou aurait déjà dû être rendue en soulignant que :

[traduction]

[…] l’avocat a présenté de récentes statistiques d’IRCC montrant que le délai moyen de traitement des demandes pour considérations d’ordre humanitaire était de 9 mois pour atteindre l’étape de l’approbation de principe (ADP), et que le taux d’acceptation des demandes tranchées à l’intérieur du Canada est plus élevé. Je souligne que chaque demande est tranchée en fonction de son bien-fondé et que les éléments de preuve présentés par l’avocat ne permettent pas d’affirmer qu’une décision sera bientôt prise quant à cette demande. J’ai consulté le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/demande/verifier-delais-traitement.html) et j’ai remarqué qu’au 27 septembre 2017, les délais courants de traitement affichés pour les demandes pour considérations d’ordre humanitaire sont d’environ 29 mois. Par conséquent, je souligne que la preuve présentée ne permettait pas d’affirmer qu’une décision d’IRCC quant à cette demande était imminente ou aurait déjà dû être prise.

[5]  En ce qui concerne les considérations d’ordre humanitaire et l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a fait précéder ses motifs à cet égard en déclarant :

Bien que procéder à une évaluation complémentaire fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne relève pas de mes compétences, j’ai examiné les considérations particulières avancées dans la demande de report du renvoi. La demande de report du renvoi est une mesure temporaire prise en réponse à des circonstances exceptionnelles. [...]

Je tiens à faire remarquer que je ne suis pas un agent d’IRCC et que je ne suis pas chargé d’évaluer le bien-fondé de la demande pour considérations d’ordre humanitaire en instance. Dans le cadre d’une demande de report du renvoi, je concentre mon pouvoir discrétionnaire limité sur les éléments de preuve permettant de conclure qu’un grave préjudice découlerait de l’exécution de la mesure de renvoi à la date prévue. Je conviens que la procédure de renvoi représente une expérience difficile et qu’une réinstallation peut s’avérer délicate à l’heure actuelle, mais ces facteurs à eux seuls ne justifient pas un report du renvoi.

[6]  L’agent a retenu que, même si la famille avait commencé à s’établir et à nouer des liens au Canada, indiquant que M. Jaramillo Barco occupait un emploi stable et que Mme Ospina Guzman assistait quotidiennement une femme souffrant actuellement d’un cancer, ces éléments ne suffisaient pas à reporter l’exécution de la mesure de renvoi. En ce qui concerne l’intérêt supérieur de Juan et de Luisa, l’agent a reconnu que la procédure de renvoi [traduction] « constituait une expérience difficile, surtout lorsqu’elle implique ou touche des enfants ». L’agent a poursuivi en déclarant [traduction] « Je suis réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur à court terme de Juan et de Luisa » et en mentionnant également que « cette famille s’était déjà vu accorder un report de renvoi à deux reprises par l’ASFC afin de permettre aux enfants de terminer leur année scolaire ». L’agent a retenu que, même si le Canada pouvait offrir à Juan et Luisa de meilleures possibilités à long terme, cette considération ne suffisait pas pour reporter l’exécution de la mesure de renvoi. L’agent a ensuite souligné ce qui suit :

[...] Je ne suis pas un agent chargé d’examiner les demandes pour considérations d’ordre humanitaire et je ne peux qu’examiner l’intérêt supérieur à court terme de Juan et de Luisa. Je fais remarquer que le renvoi au Royaume-Uni [sic] comportera une période durant laquelle ils devront s’adapter; toutefois, ils continueront de recevoir l’amour et le soutien de leurs parents à leur retour en Colombie. Je suis convaincu qu’avec l’amour et le soutien constants de leurs parents, ils demeureront des êtres équilibrés sur le plan affectif. Je souligne également que les éléments de preuve soumis étaient insuffisants pour affirmer que Juan et Luisa ne seraient pas en mesure de poursuivre leurs études en Colombie. J’ajoute que les enfants sont arrivés au Canada à l’âge de 14 et de 11 ans et […] retrouveront une culture et un environnement qu’ils connaissent bien, et ils comprennent en outre la langue.

[7]  Tout en reconnaissant que la Colombie demeurait un pays instable et dangereux, l’agent a néanmoins estimé que le risque auquel seraient exposés les demandeurs à leur retour en Colombie avait fait l’objet d’un examen des risques avant renvoi. Après avoir examiné les éléments de preuve relatifs à la situation dans le pays présentés par les demandeurs, l’agent a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve nouveaux et convaincants pour justifier un report du renvoi aux fins d’un examen plus approfondi des risques. L’agent a conclu les motifs du rejet de leur demande de report du renvoi en faisant remarquer que la Colombie ne figurait pas sur la liste des pays visés par une suspension temporaire des renvois, et que les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour affirmer que les demandeurs subiraient un préjudice disproportionné ou irréparable à leur retour en Colombie.

III.  Questions en litige

[8]  Les demandeurs soulèvent trois questions distinctes : l’agent a-t-il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au moment de déterminer dans quelle mesure les considérations d’ordre humanitaire pouvaient être prises en compte pour trancher la demande de report du renvoi des demandeurs? Les motifs de l’agent sont-ils suffisamment transparents et intelligibles? Et, l’agent a-t-il raisonnablement pris en compte les considérations d’ordre humanitaire dans le cadre de la demande de report du renvoi des demandeurs? Toutefois, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ces questions séparément, car la question fondamentale est la suivante : la décision de l’agent était-elle raisonnable?

IV.  Discussion

A.  Norme de contrôle

[9]  La décision d’un agent d’exécution de la loi concernant un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi du Canada commande la retenue et un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 25, [2010] 2 RCF 311 [Baron]; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au paragraphe 43, 23 Admin LR (6th) 185 [Lewis]). En vertu de la norme de la décision raisonnable, la Cour est chargée de déterminer si la décision du décideur est justifiable, transparente et intelligible, et elle doit déterminer « si la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190. Ces critères sont respectés si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [2011] 3 RCS 708).

1)  La portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution

[10]  Le pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution de la loi de reporter le renvoi est limité. L’arrêt Baron de la Cour d’appel fédérale le confirme : « Il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité » (au paragraphe 49). Dans l’arrêt Baron, le juge Nadon a cité l’arrêt Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 RCF 682, au paragraphe 48, 2001 CFPI 148, [Wang], où il a été conclu que « l’exercice de ce pouvoir doit être réservé aux affaires où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure ne devienne de nul effet » (Lewis, au paragraphe 54).

[11]  Un agent d’exécution de la loi est investi de pouvoirs restreints d’aborder les considérations d’ordre humanitaire soulevées dans le contexte d’une demande de report d’une mesure de renvoi. Tant notre Cour que la Cour d’appel fédérale ont noté qu’« à moins qu’il n’existe des considérations spéciales », une demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire en instance n’est pas un obstacle à l’exécution d’une mesure de renvoi valide à moins qu’il n’y ait une menace à la sécurité personnelle (Baron, au paragraphe 50; Wang, au paragraphe 45; Lewis, aux paragraphes 56 et 57; Arrechavala de Roman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 478, au paragraphe 25, 432 FTR 176).

[12]  Par ailleurs, dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, au paragraphe 45, [2012] 2 RCF 133, la Cour d’appel a déclaré que les agents d’exécution « disposent de peu de latitude et les reports sont censés être temporaires. Les agents d’exécution ne sont pas censés se prononcer sur les demandes d’ERAR ou sur les demandes pour considérations d’ordre humanitaire ou réexaminer de telles décisions ». Dans l’arrêt Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, au paragraphe 36, [2006] 2 RCF 664 [Munar], la Cour a fait remarquer que l’on « ne peut pas exiger des agents d’exécution qu’ils se livrent à un examen approfondi des motifs humanitaires que l’on doit examiner dans le cadre d’une évaluation des considérations d’ordre humanitaire. Cela constituerait non seulement une demande « préalable à la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire », comme le dit le juge Nadon dans la décision Simoes, mais il y aurait également double emploi jusqu’à un certain point avec la vraie évaluation des considérations d’ordre humanitaire ». Plus récemment, dans Newman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 888, [2016] ACF no 852 [Newman], la Cour s’est exprimée ainsi :

[19]  [...] peu importe que la demande pour considérations d’ordre humanitaire d’un candidat attire la sympathie, ou la nature impérieuse des facteurs sous-jacents, les agents de l’ASFC ne sont pas tenus d’enquêter sur les considérations d’ordre humanitaire présentées par un demandeur, car le devoir de ces agents n’est pas d’agir en tant que tribunal de dernière minute des demandes pour des considérations d’ordre humanitaire. L’obligation de mener une évaluation des considérations d’ordre humanitaire incombe à un agent responsable de trancher les demandes pour considérations d’ordre humanitaire. Il est bien établi qu’un agent de renvoi n’est pas tenu de mener une enquête préliminaire ou une mini analyse des considérations d’ordre humanitaire et d’évaluer le bien-fondé d’une telle demande (Shpati c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 286 [Shpati], au paragraphe 45; Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, au paragraphe 36; Prasad, au paragraphe 32).

[13]  Compte tenu de ce qui précède, on peut dire que la demande pour considérations d’ordre humanitaire en suspens pourrait justifier un report du renvoi s’il existe des « considérations spéciales » ou une menace à la sécurité personnelle. Comme l’a fait remarquer la Cour dans la décision Newman, les « considérations spéciales » sont plus larges qu’une menace à la sécurité personnelle, mais ne comprennent pas « la force ou la nature impérieuse de la demande CH sous-jacente » (au paragraphe 29); « ces considérations doivent donc être examinées en tenant compte de la latitude restreinte accordée aux agents d’exécution quant aux demandes de report du renvoi. De toute évidence, elles doivent transcender le seul fondement de la demande CH, sinon toutes les demandes CH feraient l’objet de “ considérations spéciales ” » (Newman, au paragraphe 30).

[14]  La latitude accordée à un agent d’exécution quant à l’examen de l’intérêt supérieur des enfants est restreinte. Dans la décision Baron, le juge Nadon déclare que « l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi » (paragraphe 57). Dans la décision Munar, le juge de Montigny a conclu que « l’obligation de l’agent de renvoi d’examiner l’intérêt des enfants nés au Canada se situe du côté d’un examen moins élaboré » (au paragraphe 38) et, contrairement à un agent d’immigration qui doit examiner l’intérêt supérieur de l’enfant à long terme dans la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, un agent d’exécution doit seulement examiner l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme, par exemple s’il faut « surseoir au renvoi jusqu’à ce que l’enfant ait terminé son année scolaire, si l’enfant doit quitter avec l’un de ses parents » (au paragraphe 40). De la même façon, dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Varga, 2006 CAF 394, [2007] 4 RCF 3, au paragraphe 16, le juge Evans a déclaré ce qui suit : « Compte tenu du peu de latitude dont jouit l’agent de renvoi pour l’accomplissement de ses tâches, son obligation, le cas échéant, de prendre en considération l’intérêt des enfants touchés est minime, contrairement à l’examen complet qui doit être mené dans le cadre d’une demande pour considérations d’ordre humanitaire présentée en vertu du paragraphe 25(1). »

[15]  Plus récemment, dans Kampemana c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1060, au paragraphe 34, [2015] ACF no 1119 [Kampemana], la Cour a confirmé que même si l’agent d’exécution est « tenu de considérer l’intérêt immédiat et à court terme des enfants et d’en traiter équitablement et avec sensibilité », « il n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi ». Ainsi, la Cour d’appel a conclu par son arrêt Lewis que « la jurisprudence actuelle permet à l’agent d’exécution d’examiner l’intérêt supérieur à court terme des enfants lorsque leurs parents font l’objet d’un renvoi du Canada, mais il ne peut se livrer à une véritable analyse des motifs d’ordre humanitaire quand il s’agit de déterminer l’intérêt supérieur à long terme de ces enfants » (au paragraphe 61).

[16]  La jurisprudence a établi que les agents d’exécution sont tenus de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme de façon juste et avec délicatesse (Joarder c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 230, au paragraphe 3, 146 ACWS (3d) 305; Kampemana, au paragraphe 34). Il est également clair que « si l’intérêt supérieur des enfants est certainement un facteur dont il faut tenir compte dans le contexte d’une mesure de renvoi, il ne s’agit toutefois pas d’un facteur déterminant » (Pangallo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 229, au paragraphe 25, 238 ACWS (3rd) 711).

2)  Entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire

[17]  Selon les demandeurs, un examen visant à déterminer si l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent a été entravé commande la norme de contrôle de la décision correcte ou, à la lumière de l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, 341 DLR (4th) 710 [Stemijon], la norme de la décision raisonnable puisqu’une entrave au pouvoir discrétionnaire est toujours déraisonnable. Les demandeurs affirment en outre que l’agent a appliqué le mauvais critère en ne tenant pas compte du critère relatif aux considérations d’ordre humanitaire énoncé par la Cour suprême du Canada dans son arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 [Kanthasamy], et que ce manquement commande l’application de la norme de la décision correcte. Le défendeur affirme que, à la lumière de l’arrêt Lewis, l’exercice du pouvoir discrétionnaire limité d’un agent d’exécution est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[18]  La norme de contrôle à appliquer en cas d’allégation d’entrave au pouvoir discrétionnaire d’un décideur administratif reste assez floue en jurisprudence. Le juge Stratas, dans l’arrêt Stemijon, décrit la manière dont, traditionnellement, l’entrave au pouvoir discrétionnaire constitue un motif automatique d’annulation d’une décision administrative; et la manière dont, désormais, suivant l’arrêt Dunsmuir, une allégation d’entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par un décideur serait susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable :

[21]  Bien que les arguments des appelantes fassent appel à la norme de la décision raisonnable, leur thèse selon laquelle il y aurait eu « entrave au pouvoir discrétionnaire » semble s’articuler en dehors de l’analyse du caractère raisonnable selon l’arrêt Dunsmuir. Les appelantes semblent faire valoir que « l’entrave au pouvoir discrétionnaire » constitue un motif automatique d’annulation des décisions administratives et qu’il n’est pas nécessaire que nous procédions un examen de la raisonnabilité selon l’arrêt Dunsmuir.

[22]  Il existe de la jurisprudence qui favorise la position des appelantes. Depuis maintenant plusieurs décennies, « l’entrave au pouvoir discrétionnaire » constitue un motif automatique ou prévu d’annulation des décisions administratives. Voir par exemple l’arrêt Maple Lodge Farms Ltd. C Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2, à la page 6, dont le raisonnement est le suivant. Les décideurs doivent respecter la loi. Si la loi leur accorde un pouvoir discrétionnaire d’une certaine étendue, ils ne peuvent l’assujettir à des restrictions obligatoires. Les autoriser à le faire équivaudrait à leur permettre de réécrire la loi. Seuls le législateur ou ses délégués dûment autorisés peuvent écrire ou réécrire la loi.

[23]  Ceci s’accorde mal avec l’arrêt Dunsmuir, dans lequel l’objectif déclaré de la Cour suprême visait à simplifier le contrôle judiciaire des décisions sur le fond en encourageant les tribunaux à appliquer une seule méthode d’examen, faisant appel uniquement à deux normes de contrôle, soit la norme de la décision correcte et la norme de la raisonnabilité. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême n’a pas traité de la façon dont des motifs automatiques ou prévus d’annulation des décisions sur le fond, comme [traduction] « l’entrave au pouvoir discrétionnaire », s’inscrivent dans le régime général. Est-il possible que les motifs automatiques ou désignés soient maintenant pris en compte lors de l’analyse du caractère raisonnable? Notre Cour a récemment exprimé des opinions divergentes en ce qui a trait à cette question (Kane c Canada (Procureur général), 2011 CAF 19). Toutefois, à mon avis, ce débat n’a aucune incidence lorsque nous sommes en présence de décisions qui découlent d’une [traduction] « entrave au pouvoir discrétionnaire ». Le résultat demeure le même.

[24]  L’arrêt Dunsmuir réaffirme un principe primordial bien établi : « tout exercice de l’autorité publique procède de la loi » (paragraphes 27 et 28). Toute décision qui repose sur une autre source que la loi, par exemple une décision qui se fonde uniquement sur un énoncé de politique informel sans égard à la loi, ne peut pas appartenir aux issues acceptables pouvant se justifier et donc être raisonnables selon la définition formulée dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47. Une décision qui est fondée sur l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire entravé doit en soi être déraisonnable.

[19]  Dans la décision Gordon c Canada (Procureur général), 2016 CF 643, 267 ACWS (3d) 738, la Cour a retenu la question non réglée de savoir si la norme de contrôle de la décision correcte ou de la décision raisonnable s’applique à une allégation selon laquelle un décideur administratif entrave son pouvoir discrétionnaire, faisant observer ce qui suit :

[25]  Il existe une certaine confusion quant à la norme de contrôle appropriée à appliquer en matière d’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

[26]  Traditionnellement, une telle entrave était susceptible de révision en se fondant sur la norme de la décision correcte : Thamotharem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, au paragraphe 33, 366 NR 301.

[27]  Par contre, la Cour d’appel fédérale a récemment adopté la position selon laquelle, suivant l’arrêt Dunsmuir, une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire devrait faire l’objet d’une révision selon la norme de la décision raisonnable puisqu’il s’agit d’un type d’erreur de fond. La Cour d’appel fédérale a toutefois veillé à préciser qu’une décision qui découle d’une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire est toujours en dehors du cadre des issues possibles acceptables, et est en soi déraisonnable : Stemijon Investments Ltd. C Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 23 à 25, 425 NR 341.

[28]  En l’espèce, il suffit de déclarer que l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire est une erreur susceptible de révision en vertu de l’une ou l’autre des normes de contrôle, et l’issue sera la même, soit l’annulation de la décision : JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c Canada (Revenu national), 2013 CAF 250, aux paragraphes 71 à 73, 450 NR 91; voir aussi Stemijon Investments, précité, au paragraphe 23. Autrement dit, si la déléguée du ministre a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la décision qu’elle a prise devrait être annulée, quelle que soit la norme de contrôle appliquée.

[20]  Aux fins de l’espèce, les motifs sont suffisants pour conclure que, même si on applique la norme de la décision raisonnable en réponse à la question d’entrave au pouvoir discrétionnaire soulevée par les demandeurs, si l’agent a limité son pouvoir discrétionnaire, cela constituerait une erreur susceptible de révision et exigerait que la décision soit annulée.

B.  La décision de l’agent était-elle raisonnable?

[21]  Les demandeurs affirment que l’agent était tenu d’examiner les facteurs énoncés dans l’arrêt Kanthasamy au moment d’évaluer leur demande de report du renvoi. Selon les demandeurs, le critère permettant d’évaluer les considérations d’ordre humanitaire, suivant l’arrêt Kanthasamy, englobe la notion d’équité et n’est pas simplement un critère basé sur les difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Ils soutiennent que la portée conjuguée de l’article 233 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, et du paragraphe 25(1) de la LIPR est tel que tout agent octroyant une dispense de l’application normale de la LIPR, comme un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs reportant l’exécution d’une mesure de renvoi, peut examiner les considérations d’ordre humanitaire. Certes, les demandeurs reconnaissent l’affirmation dans l’arrêt Kanthasamy selon laquelle l’exercice du pouvoir discrétionnaire, dans le cadre des demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire, est limité aux situations où un ressortissant étranger présente une demande de résidence permanente, mais que celle-ci n’est pas recevable ou ne satisfait pas aux exigences de la LIPR, mais ils qualifient cette affirmation comme incidente et font valoir que la Cour suprême ne s’est pas penchée sur l’application du paragraphe 25(1) dans d’autres contextes, comme dans le cas d’une décision prise par un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de reporter l’exécution de la mesure de renvoi.

[22]  Les demandeurs soutiennent que l’agent s’est contenté de mentionner les considérations pouvant appuyer une demande de report de renvoi, puis a rendu sa conclusion, sans préciser davantage les raisons pour lesquelles ces considérations étaient insuffisantes. Ils contestent la décision de l’agent, car elle n’expose et n’explique pas la raison pour laquelle (d’après les statistiques d’IRCC) les demandeurs qui présentent une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire qui ont été renvoyés du Canada ont un taux de réussite beaucoup plus faible (22,4 %) que ceux qui sont autorisés à demeurer au Canada en attendant que leur demande pour considérations d’ordre humanitaire soit traitée (66,7 %). Selon les demandeurs, l’agent a commis une erreur en n’effectuant qu’une analyse de l’intérêt supérieur des enfants sous l’angle des risques et non sous l’angle des difficultés. Même si les demandeurs reconnaissent que l’arrêt Lewis prescrit que seul l’intérêt supérieur à court terme des enfants doive être examiné et qu’une analyse exhaustive de l’intérêt supérieur des enfants et des considérations d’ordre humanitaire n’est pas requise, les motifs de l’agent dans lesquels les facteurs favorables sont énumérés puis sommairement rejetés ne satisfont pas à ces exigences.

[23]  Le défendeur soutient que la décision de l’agent était raisonnable. Contrairement aux prétentions des demandeurs, le défendeur fait remarquer que la Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt Lewis que l’arrêt Kanthasamy s’applique uniquement aux décisions impliquant des considérations d’ordre humanitaire prises en application de l’article 25 de la LIPR et non aux décisions prises au titre de l’article 48 de la LIPR, lequel autorise les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs à reporter un renvoi. En ce qui concerne les prétentions des demandeurs relativement aux taux de réussite des demandes pour considérations d’ordre humanitaire présentées à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, le défendeur affirme qu’il s’agit là d’une confusion entre le lien d’association et le lien de causalité. Indépendamment des limites générales inhérentes aux statistiques, le défendeur soutient que les demandeurs font fi de l’explication logique de ces issues – à savoir que les demandeurs qui présentent de solides considérations d’ordre humanitaire sont moins susceptibles d’être dès le début renvoyés du Canada étant donné qu’ils recevront l’approbation à l’étape 1 ou qu’ils disposent d’autres éléments de preuve convaincants et attirant la sympathie.

[24]  À l’audition de la présente affaire, je souscris aux observations du défendeur selon lesquelles l’arrêt Lewis répond à tous les arguments invoqués par les demandeurs. Parmi les faits sous-tendant l’arrêt Lewis, la demanderesse a soutenu que l’arrêt Kanthasamy prévoyait que tous les décideurs, en appliquant la LIPR, se conforment à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, et qu’étant donné que l’article 48 ne confère pas aux agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs le pouvoir de prendre des décisions complexes mettant en cause des enfants d’une manière conforme à l’arrêt Kanthasamy, une telle décision serait déraisonnable parce qu’elle serait incomplète. La juge Gleason a rejeté cet argument dans l’arrêt Lewis en affirmant ce qui suit :

[82]  Ainsi, ni l’arrêt Kanthasamy ni la Convention n’exigeait dans l’affaire qui nous est soumise que l’agente d’exécution procède à une véritable évaluation de l’intérêt supérieur de la fille de M. Lewis ou qu’elle accorde le report demandé jusqu’à ce que la demande pour considérations d’ordre humanitaire de M. Lewis présentée à la dernière minute fasse l’objet d’une décision d’un représentant ministériel. L’agente d’exécution n’était tenue que de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme.

[83]  Dans les cas précédents, on a estimé que ces intérêts à court terme comprenaient des questions telles que la nécessité qu’un enfant termine son année scolaire au cours de la période visée par la demande de report (Munar au paragraphe 40; Khamis, au paragraphe 30) ou la nécessité d’assurer le bien-être des enfants qui exigent des soins médicaux continus au Canada (Danyi, aux paragraphes 36 à 40). En outre, comme il a été indiqué dans l’affaire Munar, aux paragraphes 40 à 42, les besoins à court terme d’un enfant dont un agent d’exécution doit tenir compte comprennent de s’assurer qu’il y aura quelqu’un pour s’occuper de l’enfant après le renvoi de son parent ou de ses parents si l’enfant doit rester au Canada.

[25]  À mon avis, les motifs de l’agent dans l’affaire qui est soumise à l’examen de notre Cour démontrent que les intérêts à court terme des enfants ont été raisonnablement examinés. Les considérations soulevées par les demandeurs, tel que le fait que les enfants perdent leurs amis et leurs liens personnels, les difficultés liées à l’obtention d’une éducation dans un pays instable, et le fait de devoir se relocaliser régulièrement afin d’éviter toute altercation avec des personnes dangereuses ne constituent pas des considérations à court terme devant être examinées par un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Il s’agit plutôt de considérations qui seraient plus correctement examinées par l’agent chargé d’évaluer la demande pour considérations d’ordre humanitaire des demandeurs.

[26]  En ce qui concerne les observations des demandeurs quant aux taux de réussite des demandeurs pour considérations d’ordre humanitaire à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, je suis d’accord avec le défendeur. Les demandeurs font fi d’une explication logique de ces issues, à savoir que les demandeurs qui présentent de solides considérations d’ordre humanitaire peuvent être moins susceptibles d’être renvoyés du Canada dès le début du processus s’ils ont reçu une approbation à l’étape 1 ou s’ils disposent d’éléments de preuve convaincants et attirant la sympathie permettant d’appuyer leur demande pour considérations d’ordre humanitaire. Les demandeurs n’ont fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle il n’en serait pas ainsi, et les arguments du défendeur à l’égard des taux de réussite des demandes pour considérations d’ordre humanitaire à l’intérieur et à l’extérieur du Canada sont convaincants.

[27]  Enfin, le fait que l’agent ait fait référence au retour des enfants au Royaume-Uni (comme cité plus haut) constitue une faute de transcription évidente, d’autant plus qu’ailleurs dans les motifs il y a de nombreuses mentions de la Colombie comme le pays vers lequel les demandeurs seraient renvoyés. Cette erreur n’invalide pas le reste de l’analyse et des motifs de l’agent à l’appui de la décision et ne prouve pas non plus que l’agent a mal interprété la preuve (voir Evans c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 259, aux paragraphes 30 et 31, 250 ACWS (3d) 321).

V.  Conclusion

[28]  Les motifs énoncés par l’agent pour rejeter la demande d’ERAR des demandeurs sont transparents, intelligibles et justifiables et sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est donc rejetée.

[29]  À la suite des directives formulées par la Cour à la fin de l’audition de la présente affaire, les demandeurs ont proposé les trois questions de portée générale suivantes à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR :

1.  Le paragraphe 25(1) de la LIPR confère-t-il au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile le pouvoir de « […] lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché », ou ce pouvoir n’appartient-il qu’au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration?

2.  Si la réponse à la première question est affirmative, le paragraphe 25(1) confère-t-il l’autorité de surseoir à un renvoi indépendamment de l’article 233 du Règlement?

3.  Si la réponse à la première et à la deuxième question est affirmative, dans quelle mesure le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est-il tenu d’examiner l’intérêt supérieur d’un enfant touché, au sens de l’arrêt Kanthasamy?

[30]  Le défendeur affirme qu’aucune des questions proposées par les demandeurs ne satisfait au critère de certification.

[31]  La Cour d’appel fédérale a récemment réitéré les critères de certification dans l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, 287 ACWS (3d) 532 :

[46]  Notre Cour a récemment réitéré, dans l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile) 2017 CAF 130, au paragraphe 36, les critères de certification. La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Cela signifie que la question doit avoir été examinée par la Cour fédérale et elle doit découler de l’affaire elle-même, et non simplement de la façon dont la Cour fédérale a statué sur la demande. Un point qui n’a pas à être tranché ne peut soulever une question dûment certifiée (arrêt Lai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21, 29 Imm. LR (4th) 211, au paragraphe 10). Il en est de même pour une question qui est de la nature d’un renvoi ou dont la réponse dépend des faits qui sont uniques à l’affaire (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, 485 N.R. 186, aux paragraphes 15 et 35).

[32]  Je suis d’avis que les questions proposées par les demandeurs ne transcendent pas les intérêts des parties ni ne soulèvent un élément qui a des conséquences importantes ou de portée générale. La réponse à la première question proposée est, à mon avis, négative, car les paragraphes 4(1) et 4(2) de la LIPR délimitent clairement la responsabilité du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vertu de la LIPR et la mention du ministre au paragraphe 25(1) fait référence au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Étant donné que la réponse à la première question est négative, nul besoin de répondre aux deux autres questions proposées. Je refuse, par conséquent, de certifier les questions proposées par les demandeurs aux fins de certification.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4067-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire et aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 31e jour de janvier 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4067-17

 

INTITULÉ :

CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO,
DIANA MARIA OSPINA GUZMAN,
JUAN PABLO JARAMILLO OSPINA (MINEUR REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE, CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO),
LUISA MARIA JARAMILLO OSPINA (MINEURE REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE, CARLOS MARIO JARAMILLO BARCO) c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 mars 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 avril 2018

 

COMPARUTIONS :

Jason Currie

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jason Currie

Avocat

Windsor (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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