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Date : 20180501


Dossier : IMM-4095-17

Référence : 2018 CF 469

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2018

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

ABIDA NISREEN

IFTIKHAR AHMAD BHATTI

MUHAMMAD SAFFI ULLAH NAWAZ

NIRMAL ZAHRA

FOUZ ROOMAN ZAHRA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), à l’encontre de la décision d’un agent des visas (l’agent) du Haut-commissariat du Canada datée du 17 août 2017 (la décision), par laquelle il a rejeté la demande de résidence permanente de Mme Abida Nisreen (demanderesse principale), à titre de membre de la catégorie des candidats des provinces.

II. RÉSUMÉ DES FAITS

[2] La demanderesse principale est une citoyenne du Pakistan qui a été sélectionnée pour devenir résidente permanente au Canada par la province de la Saskatchewan (Saskatchewan), au titre de membre de la catégorie des candidats des provinces. Les autres demandeurs sont le mari et les trois enfants de la demanderesse principale.

[3] En s’appuyant sur le certificat de désignation de la Saskatchewan, la demanderesse principale a présenté une demande de résidence permanente à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). La lettre de désignation de la Saskatchewan indiquait que la demanderesse principale était sélectionnée sous le code professionnel 4142 (Enseignants/enseignantes aux niveaux primaire et préscolaire) de la Classification nationale des professions (CNP). Dans sa demande, la demanderesse principale a indiqué qu’elle avait l’intention d’occuper [traduction] « tout emploi de premier échelon (enseignante/couturière/esthéticienne) », mais elle a seulement indiqué une expérience d’adjointe administrative et d’enseignante dans une école. La demanderesse principale a aussi inclus dans sa demande les résultats de l’examen de l’International English Language Testing System (IELTS). Sa note globale était de 4,5 et sa note la moins élevée était de 3,5 en compréhension de l’écrit.

[4] Dans le but de répondre aux préoccupations selon lesquelles le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale ne lui permettrait pas d’occuper le poste pour lequel elle avait été désignée, l’agent lui a fait parvenir une lettre relative à l’équité procédurale par courriel. La lettre expliquait que même si ses notes à l’examen de l’IELTS [traduction] « étaient égales ou légèrement supérieures au niveau minimum recommandé », elles correspondaient tout de même à un niveau de base. L’agent a conclu, selon l’information figurant dans le Guichet-Emplois d’Emploi et Développement social Canada, qu’il serait raisonnable de s’attendre à un niveau élevé de compétence linguistique en anglais pour occuper un poste d’enseignante. Il a aussi indiqué que la demanderesse principale ne semblait pas posséder la compétence linguistique nécessaire pour obtenir un certificat d’enseignement en Saskatchewan ou pour réussir toute formation complémentaire nécessaire. L’agent a aussi pensé qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’un travail comme adjointe administrative, fournisseuse de services de traitement esthétique ou opératrice de machine à coudre demande un niveau moyen de compétence linguistique en anglais.

[5] Outre les préoccupations relatives à la langue, la lettre de l’agent informait aussi la demanderesse principale qu’elle n’avait présenté aucune preuve relative à l’existence d’une offre d’emploi en Saskatchewan, ni précisé la profession qu’elle entendait exercer au Canada. Comme la demanderesse principale avait uniquement indiqué de l’expérience en tant qu’adjointe administrative et enseignante, l’agent n’était pas convaincu qu’elle possédait le niveau de compétences en couture ou en traitement esthétique que les employeurs canadiens exigeraient. L’agent a aussi affirmé craindre que, même si la demanderesse principale se trouvait un emploi, il serait insuffisant pour lui permettre de réussir son établissement économique.

[6] La demanderesse principale a répondu à la lettre de l’agent au moyen de trois séries d’observations s’étendant sur une période d’environ neuf mois et demi. Avec sa dernière observation, elle a inclus une copie d’une lettre dans laquelle on lui offrait un emploi comme nettoyeuse à Saskatoon, ainsi qu’une lettre de l’employeur proposé confirmant qu’il avait parlé à la demanderesse principale et qu’il était satisfait de sa compétence linguistique en anglais. La demanderesse principale avait précédemment indiqué qu’elle pourrait s’établir à titre d’opératrice de machine à coudre indépendante, d’esthéticienne, ou encore d’aide-éducatrice de la petite enfance, mais sa dernière observation à l’agent laissait entendre que l’offre d’emploi constituait une preuve supplémentaire de sa capacité à se trouver un emploi en Saskatchewan. Ses réponses à la lettre relative à l’équité procédurale comprenaient aussi des lettres de membres de sa famille en Saskatchewan expliquant comment ils aideraient la famille de la demanderesse principale à s’établir, ainsi que des éléments de preuve concernant les biens qu’apporterait la famille au Canada.

III. DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7] L’agent a examiné les réponses de la demanderesse principale à la lettre relative à l’équité, mais a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de la catégorie des candidats des provinces.

[8] La lettre informant la demanderesse principale de la décision indiquait que le certificat de désignation de la Saskatchewan ne constituait pas un indicateur suffisant de son aptitude à réussir son établissement économique au Canada, car l’agent n’était pas convaincu qu’elle possédait des compétences linguistiques suffisantes. En plus de souligner qu’il avait consulté le gouvernement de la Saskatchewan, l’agent indiquait également dans la lettre que les réponses de la demanderesse principale à la lettre relative à l’équité procédurale ne l’avaient pas convaincu qu’elle pourrait réussir son établissement économique.

[9] Les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) permettent de mieux comprendre le raisonnement de l’agent. Après avoir examiné les observations de la demanderesse principale à propos de l’équivalence entre ses notes à l’examen de l’IELTS et les notes du Canadian Language Benchmarks (CLB, pour l’anglais) [Niveaux de compétence linguistique canadiens (pour le français)], l’agent a admis que le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale [traduction] « peut sembler suffisant pour effectuer certaines tâches de certains emplois peu spécialisés (par rapport à la catégorie pour laquelle elle a été sélectionnée), y compris ceux d’opératrice de machine à coudre, d’esthéticienne ou d’aide-éducatrice de la petite enfance ». Mais, l’agent continue de penser que pour effectuer ces tâches avec l’anglais du Canada, l’appelante principale aura besoin d’un niveau de compétence supérieur à celui qu’elle a démontré, car il ne s’agira plus d’un contexte pouvant [traduction] « être qualifié de “connu” ou “peu exigeant” ou de “situations courantes et prévisibles” ». L’agent souligne également que même si les compétences linguistiques de la demanderesse principale peuvent être suffisantes pour effectuer les tâches d’une opératrice de machine à coudre, d’une aide-éducatrice de la petite enfance ou d’une esthéticienne, l’emploi proposé à ce moment était celui de tailleuse ou de couturière indépendante. L’agent a conclu qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que l’exploitation d’une petite entreprise au Canada nécessite un niveau de compétence linguistique plus élevé que celui démontré par la demanderesse principale.

[10] L’agent rejette également les arguments de la demanderesse principale, selon lesquels il est raisonnable de s’attendre à ce que sa compréhension de l’oral s’améliore rapidement, et qu’elle répond déjà presque aux exigences linguistiques de la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral). Il souligne que les candidats des provinces doivent rapidement s’établir à leur arrivée au Canada et devraient déjà posséder les compétences leur permettant de le faire. De même, le fait qu’elle réponde déjà presque aux exigences d’une autre catégorie ne règle cependant pas son problème, soit qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la catégorie des candidats des provinces.

[11] L’agent admet que, conformément à l’Accord Canada-Saskatchewan sur l’immigration, 2005, la désignation de la demanderesse principale constitue un indicateur initial de sa capacité à réussir son établissement économique, mais il souligne que la décision finale revient toujours au Canada. Comme l’agent n’est pas convaincu que le certificat de désignation de la Saskatchewan soit suffisant, il rejette l’argument de la demanderesse principale selon lequel il devrait accorder beaucoup d’importance à l’opinion des représentants provinciaux. La Saskatchewan a continué d’appuyer la demande et a souligné le faible taux de chômage et le grand nombre d’emplois disponibles dans la province. La Saskatchewan a répété que la demanderesse principale répondait aux exigences linguistiques minimales et que sa compétence en anglais et son expérience de travail lui permettraient d’effectuer les tâches d’une aide-éducatrice de la petite enfance. Toutefois, l’agent a conclu que la disponibilité des emplois en Saskatchewan n’avait rien à voir avec la propre capacité de la demanderesse principale de réussir son établissement économique. L’agent souligne également que les postes d’aide-éducatrice de la petite enfance en Saskatchewan exigent une accréditation, et que [traduction] « l’inscription au programme d’accréditation des éducateurs/éducatrices de la petite enfance de Sask Polytechnic exige une note globale d’au moins 6,5 à l’examen de l’IELTS, et aucune note individuelle inférieure à 5,0 ». L’agent admet que les aides-éducatrices de la petite enfance n’ont pas besoin d’une accréditation, mais estime que les exigences linguistiques pour la certification sont probablement le reflet de la compétence linguistique attendue dans le secteur des soins à l’enfant en Saskatchewan.

[12] L’agent indique aussi le soutien considérable auquel aura droit la demanderesse principale de la part de sa famille pour l’aider à s’installer. Il souligne toutefois que l’installation n’est pas assimilable à l’établissement économique. La catégorie des candidats des provinces est une catégorie économique et l’aide à l’installation offerte par les membres de la famille ne signifie pas que la demanderesse principale a la capacité de réussir son établissement économique. De même, les biens que possède la demanderesse principale pourraient être pertinents pour ce qui est de répondre aux critères d’admissibilité financière, mais ils ne démontrent pas la capacité de réussir son établissement économique. De plus, l’agent n’est pas convaincu que les promesses d’affaire de la part de clients éventuels de l’entreprise de couture proposée par la demanderesse principale offriraient un revenu brut suffisant pour répondre aux besoins de la demanderesse principale et de sa famille, même s’ils pouvaient compter sur leurs ressources financières pendant une période de transition.

[13] Après avoir examiné les observations de la demanderesse principale relativement à l’offre d’emploi qu’elle a reçue, l’agent a conclu que l’emploi [traduction] « lui procurerait un salaire annuel avant retenues de 24 960 $, ce qui ne semble pas suffisant pour l’établissement économique de [la demanderesse principale] et de ses quatre personnes à charge, surtout si l’on tient compte du fait que le seuil de faible revenu (SFR) pour une famille de cinq en 2017 est de 51 846 $ ». Cela confirme la préoccupation de l’agent selon laquelle tout emploi que la demanderesse principale pourra trouver ne sera pas suffisant pour réussir son établissement économique.

[14] L’agent n’est donc pas convaincu que la demanderesse principale satisfait aux exigences de la catégorie des candidats des provinces, et a renvoyé la demande à un second agent pour réexamen et confirmation. Le second agent a conclu que, selon l’information disponible et l’examen fait par l’agent, il semble raisonnable de soulever certaines préoccupations relativement à la capacité de la demanderesse principale de réussir son établissement économique. Le second agent a donc confirmé la décision de l’agent, de substituer son appréciation aux critères prévus, conformément au paragraphe 87(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR).

IV. QUESTIONS EN LITIGE

[15] Les demandeurs soutiennent que la présente demande soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a-t-il manqué à son devoir d’équité en ne donnant pas à la demanderesse principale la possibilité de répondre à ses réserves relativement à son incapacité d’atteindre le seuil de faible revenu pour la Saskatchewan?
  2. La conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse principale ne peut réussir son établissement économique au Canada est-elle déraisonnable?

V. NORME DE CONTRÔLE

[16] Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En effet, si la jurisprudence établit de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à une question particulière portée devant la cour de révision, celle-ci peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de contrôle judiciaire en common law que la cour de révision doit procéder à une analyse des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[17] La norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est la norme de la décision correcte. Voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa], et l’arrêt Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79.

[18] La conclusion de l’agent selon laquelle il est peu probable que les demandeurs réussissent leur établissement économique est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable. Voir la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 808, au paragraphe 10 [Singh 2017], citant Parveen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 473, au paragraphe 13.

[19] Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour doit intervenir uniquement si la décision est déraisonnable, dans la mesure où elle ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[20] Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Immigration économique

Economic immigration

12 (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique « se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12 (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

[21] Les dispositions suivantes du RIPR sont applicables en l’espèce :

Catégorie

Class

87 (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des candidats des provinces est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

87 (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the provincial nominee class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada.

Qualité

Member of the class

(2) Fait partie de la catégorie des candidats des provinces l’étranger qui satisfait aux critères suivants :

(2) A foreign national is a member of the provincial nominee class if

a) sous réserve du paragraphe (5), il est visé par un certificat de désignation délivré par le gouvernement provincial concerné conformément à l’accord concernant les candidats des provinces que la province en cause a conclu avec le ministre;

(a) subject to subsection (5), they are named in a nomination certificate issued by the government of a province under a provincial nomination agreement between that province and the Minister; and

b) il cherche à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation.

(b) they intend to reside in the province that has nominated them.

Substitution d’appréciation

Substitution of evaluation

(3) Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

(3) If the fact that the foreign national is named in a certificate referred to in paragraph (2)(a) is not a sufficient indicator of whether they may become economically established in Canada and an officer has consulted the government that issued the certificate, the officer may substitute for the criteria set out in subsection (2) their evaluation of the likelihood of the ability of the foreign national to become economically established in Canada.

Confirmation

Concurrence

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

VII. THÈSES DES PARTIES

A. Thèse des demandeurs

1) Équité procédurale

[22] Les demandeurs affirment que l’agent a manqué à son obligation d’équité en ne les informant pas de ses réserves, selon lesquelles l’offre d’emploi faite à la demanderesse principale ne lui permettrait pas d’atteindre le seuil de faible revenu. Ils affirment que l’obligation d’équité est grande lorsqu’un agent des visas substitue aux critères prévus sa propre appréciation en application du paragraphe 87(3) du RIPR. Dans l’arrêt Sadeghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 337 (CAF) [Sadeghi], la Cour d’appel fédérale devait examiner la décision d’un agent de réviser son appréciation concernant une demande présentée par un demandeur de la catégorie des demandeurs indépendants, préalable à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le juge Evans a conclu que le pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent, lui permettant de ne pas tenir compte des critères de sélection prescrits par la loi, était un pouvoir extraordinaire et que « [l]es décisions qui frustrent une personne de son attente légitime de recevoir un bénéfice attirent généralement une plus grande protection sur le plan de la procédure que celles où le pouvoir discrétionnaire est général » : Sadeghi, précité, au paragraphe 15. Les demandeurs soutiennent que ces remarques s’appliquent aussi aux substitutions de l’appréciation dans le contexte des candidats des provinces, car la substitution frustre de façon semblable l’attente légitime d’un demandeur selon laquelle il répond aux exigences de la catégorie.

[23] Les demandeurs affirment que l’agent avait l’obligation de les informer de son intention de s’appuyer sur les exigences relatives au seuil de faible revenu, parce que ses réserves ne découlaient pas directement des exigences de la Loi ou de son règlement. Voir la décision Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 [Hassani]. Ils affirment que la déclaration de l’agent incluse dans la lettre relative à l’équité procédurale, concernant sa crainte que l’emploi que la demanderesse principale pourrait trouver ne [traduction] « serait pas suffisant pour vous permettre de réussir votre établissement économique » n’indiquait pas que l’agent entendait s’appuyer sur les exigences relatives au seuil de faible revenu. Les demandeurs maintiennent qu’ils n’avaient aucune raison de prévoir que le seuil de faible revenu serait utilisé de cette façon. Ils soulignent également que le critère énoncé dans la décision Hassani est cité et approuvé dans la décision Mohammed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 992, au paragraphe 8 [Mohammed], décision sur laquelle s’appuie le défendeur, et ils affirment que selon l’arrêt Sadeghi, ces réserves ont une plus grande importance dans un cas de substitution de l’appréciation.

[24] Les demandeurs indiquent qu’il n’y a aucune exigence relative à un revenu minimum prescrit pour la catégorie des candidats des provinces, et que lorsque le RIPR fait mention du seuil de faible revenu, le terme n’est pas utilisé en lien avec le revenu exigé d’un éventuel immigrant au Canada. Le seuil de faible revenu est plutôt invoqué dans la définition du « revenu vital minimum » à l’article 2 du RIPR. Les demandeurs appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) et à la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) doivent disposer de fonds d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum, pour prouver qu’ils pourront réussir leur établissement économique. Voir le sous-alinéa 76(1)b)(i) et le paragraphe 87.2(5) du RIPR. De plus, les parrains doivent démontrer qu’ils disposent du niveau de revenu nécessaire par rapport au revenu vital minimum pour être autorisés à parrainer un membre de la famille dans le cadre d’une demande de résidence permanente. Voir le sous‑alinéa 133(1)j)(i) du RIPR. Les demandeurs affirment que ce sont là les seuls usages qui sont faits du seuil de faible revenu dans la loi fédérale sur l’immigration, et que l’application de ce terme à la catégorie des candidats des provinces ne pouvait être anticipée.

[25] Les demandeurs affirment également que les réserves de l’agent relativement au seuil de faible revenu reposent de façon injuste sur un élément de preuve extrinsèque. Quand il entend s’appuyer sur un élément de preuve extrinsèque, un agent des visas doit informer le demandeur de cet élément de preuve, de manière à ce qu’il puisse y répondre. Voir la décision Kniazeva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268, au paragraphe 21. Le fait de ne pas divulguer cet élément de preuve extrinsèque peut constituer un manquement à l’obligation d’équité. Voir, par exemple, la décision Dasent c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), [1995] 1 RCF 720 (1re inst.). Les considérations pertinentes concernant la question de savoir si le défaut de divulguer un élément de preuve extrinsèque constitue un manquement à l’obligation d’équité incluent les considérations suivantes :

  • a) La preuve a-t-elle eu une incidence sur l’issue de la décision (voir la décision Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 20, aux paragraphes 17 et 29)?

  • b) La preuve était-elle difficilement accessible ou impossible à prévoir (voir la décision Majdalani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 294, au paragraphe 34 [Majdalani])?

  • c) La divulgation était-elle nécessaire pour permettre au demandeur de participer de manière significative à la prise de décision (voir l’arrêt Haghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407 (CAF), au paragraphe 26 [Haghighi])?

  • d) La divulgation réduit-elle le risque d’erreur ou aide-t-elle à résoudre le différend (Haghighi, précité, au paragraphe 28).

[26] Les demandeurs affirment qu’en l’espèce, l’agent s’est entièrement appuyé sur une évaluation axée sur le seuil de faible revenu pour conclure que l’offre d’emploi qu’avait reçue la demanderesse principale ne démontrait pas qu’elle pourrait réussir son établissement économique; par conséquent, l’utilisation du seuil de faible revenu a eu une incidence sur la décision. Ils affirment que la décision Rani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1414, au paragraphe 24, montre qu’une offre d’emploi valide pourrait suffire à démontrer qu’un demandeur peut réussir son établissement économique. Ils affirment aussi que, même si le document portant sur le seuil de faible revenu est accessible au public, il aurait été impossible d’anticiper raisonnablement que l’agent l’utiliserait, « compte tenu de la nature des observations présentées » : De Vazquez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 530, au paragraphe 28 [De Vazquez]. Ils répètent que les exigences réglementaires pour la catégorie des candidats des provinces ne parlent pas d’un seuil de revenu minimum, et soulignent que le seuil de faible revenu est une statistique familiale. Le défaut d’informer la demanderesse principale que l’on invoquerait le seuil de faible revenu l’a privé de toute participation significative au processus décisionnel, parce qu’on ne lui a pas offert la possibilité de répondre aux réserves de l’agent. Si on lui avait offert une telle possibilité, les demandeurs affirment qu’elle aurait pu soutenir qu’il fallait aussi tenir compte du revenu potentiel de son mari, ou qu’elle aurait pu soulever la question auprès de son employeur éventuel.

[27] Les demandeurs affirment également que l’agent s’est appuyé sur un élément de preuve extrinsèque quand il a conclu que le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale était insuffisant pour qu’elle puisse s’inscrire au programme d’accréditation des éducatrices de la petite enfance offert par Sask Polytechnic. Tout comme pour l’utilisation du seuil de faible revenu, la demanderesse principale n’a reçu aucun avis et n’a pas eu la possibilité de répondre.

2) Établissement économique

[28] Les demandeurs affirment, subsidiairement, que si la Cour devait conclure que l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité, la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse principale ne pourrait réussir son établissement économique est déraisonnable, car elle fait fi de la preuve produite. Les motifs ont pour but de permettre « à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). Puisque le décideur doit examiner les points importants en litige, « ses motifs doivent rendre compte d’un examen des principaux facteurs pertinents » : Turner c Canada (Procureur général), 2012 CAF 159, au paragraphe 41 [Turner], citant Via Rail Canada Inc. c Office national des transports (2000), [2001] 2 CF 25 (CAF), au paragraphe 22. Par conséquent, une décision peut être déraisonnable lorsque les motifs ne permettent pas à la cour de révision de comprendre les raisons pour lesquelles un point important et pertinent a été écarté. Voir l’arrêt Turner, précité, au paragraphe 42. Les demandeurs soutiennent que la Cour d’appel fédéral a également laissé entendre qu’en plus de se demander si les motifs sont trop laconiques pour être intelligibles et transparents, il faut également tenir compte du niveau de connaissances subjectif de la personne touchée par la décision. Voir l’arrêt D’Errico c Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, aux paragraphes 12 et 13; voir aussi la décision Sidhu c Canada (Citoyenneté et immigration), 2014 CF 176, aux paragraphes 20 et 21.

a) Revenu

[29] Les demandeurs affirment qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de refuser d’accorder une quelconque importance aux éléments de preuve portant sur les finances personnelles de la demanderesse principale, l’employabilité de son époux et son soutien familial au Canada à titre d’indicateurs de sa capacité de réussir son établissement économique. L’agent souligne dans sa décision ces éléments de preuve, mais estime que l’aide de la famille ne prouve pas que la demanderesse principale est en mesure de réussir son établissement économique, et que l’état de ses finances est uniquement pertinent concernant la question de l’interdiction de territoire pour motifs financiers. Les demandeurs affirment que la conclusion de l’agent concernant la non-pertinence de l’aide offerte par la famille de la demanderesse principale ne tient pas compte du fait que leur aide pourrait faciliter son intégration au marché du travail de la Saskatchewan. De plus, la conclusion de l’agent relativement aux ressources financières de la demanderesse principale laisse entendre qu’il considère que ces ressources ne concernent que la question de l’admissibilité. Les demandeurs affirment que lorsqu’il s’agit de déterminer si l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus pour la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), notre Cour a conclu qu’un agent des visas commet une erreur s’il ne tient pas compte des fonds dont dispose un demandeur pour son établissement au moment de déterminer la probabilité que le demandeur réussisse son établissement économique. Voir la décision Choi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 577, aux paragraphes 21 et 22; Abro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1258, au paragraphe 15. Ils affirment que le libellé similaire employé pour les substitutions de l’appréciation au paragraphe 76(3) du RIPR laisse entendre que des considérations semblables devraient s’appliquer aux substitutions de l’appréciation dans le contexte des candidats des provinces prévues aux termes du paragraphe 87(3).

[30] Les demandeurs affirment aussi que la demanderesse principale a produit un élément de preuve concernant l’employabilité de son époux dont l’agent n’a pas tenu compte. Même si notre Cour a conclu que le fait de se fier à un travail à temps partiel et occasionnel constitue un motif raisonnable pour conclure qu’un demandeur n’a pas prouvé qu’il peut réussir son établissement économique, elle a aussi implicitement affirmé que l’emploi d’un conjoint peut constituer un facteur pertinent dans la détermination. Voir la décision Noreen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1169, au paragraphe 8; voir aussi la décision Zahid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1263, aux paragraphes 15 à 17, citant la décision Singh Sran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 791, aux paragraphes 18 et 19.

[31] Les demandeurs affirment également qu’il est déraisonnable que l’agent s’appuie sur le seuil de faible revenu pour déterminer si leur revenu est suffisant pour réussir leur établissement économique, car le seuil de faible revenu n’est pas une mesure permettant de déterminer si une famille sera capable de subvenir à ses propres besoins. Le seuil de faible revenu sert plutôt à déterminer s’ils consacreront une plus grande partie de leur revenu aux nécessités de la vie que la plupart des familles canadiennes. L’agent n’explique pas la raison pour laquelle le seuil de faible revenu peut aider à déterminer si une famille est en mesure de subvenir à ses propres besoins, mais pas ses actifs financiers et la capacité du conjoint à contribuer au revenu du ménage. Ils soutiennent que la décision sur laquelle s’appuie le défendeur pour justifier l’idée qu’un agent peut avec raison invoquer le seuil de faible revenu est différente, parce que « […] cette brève note dans les inscriptions au SMGC ne suggère pas que [le SFR] fut le motif de la décision » : Singh 2017, précitée, au paragraphe 21.

b) Compétences linguistiques

[32] Les demandeurs affirment aussi que la conclusion de l’agent selon laquelle les compétences linguistiques de la demanderesse principale empêcheront son établissement économique est déraisonnable, car elle contredit les propres exigences d’IRCC et ne tient pas compte de la capacité de la demanderesse principale de se familiariser avec le marché du travail canadien. Les demandeurs indiquent que l’agent a conclu que le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale [traduction] « peut sembler suffisant pour effectuer certaines tâches de certains emplois peu spécialisés » en comparaison de ceux de la catégorie pour laquelle elle a été sélectionnée. Cependant, l’agent poursuit en affirmant que [traduction] « le contexte dans lequel les fonctions liées à ce poste ou à d’autres postes au Canada sont exécutées… ne peut pas être qualifié de “connu” ou “peu exigeant” ou de “situations courantes et prévisibles” ». L’utilisation des termes « connu », « non exigeant » et « situations courantes et prévisibles » fait référence à la description du Stade I – Débutant (niveaux 1 à 4) des Niveaux de compétence linguistique canadiens (Canadian Language Benchmarks ou CLB pour l’anglais). Mais les demandeurs soulignent que le terme « familier » est aussi utilisé dans la description du Stade II - Intermédiaire (niveaux 5 à 8). Ils affirment que le raisonnement de l’agent a pour effet de décider que toute personne qui immigre au Canada sans expérience de travail au Canada aura au moins besoin du niveau CLB 5 pour travailler au Canada, en raison du manque de familiarité à l’environnement. Ce n’est qu’au Stade III – Avancé (niveaux 9 à 12) que la compétence linguistique est décrite comme englobant pleinement les contextes « plus imprévisibles ». Cela laisse entendre qu’il est possible que même les demandeurs répondant au Stade II du CLB pourraient ne pas satisfaire aux réserves de l’agent s’ils n’ont aucune expérience de travail canadienne.

[33] Les demandeurs affirment qu’imposer un tel niveau de compétence linguistique est déraisonnable, puisqu’il dépasse les exigences linguistiques du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), de la catégorie de l’expérience canadienne, et du Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) établies par le ministre aux termes du paragraphe 74(1) du RIPR. Même si ces deux programmes des travailleurs qualifiés et des travailleurs de métiers spécialisés ne prévoient aucune exigence concernant l’expérience de travail au Canada, ils exigent les niveaux 7 et 4 du CLB (compréhension de l’écrit et expression écrite), respectivement. Les demandeurs affirment que si le ministre a décidé qu’un niveau CLB 4 est suffisant pour travailler au Canada sans expérience canadienne, il est donc déraisonnable pour l’agent d’imposer en fait un niveau CLB 5, ou même un niveau CLB 9 si les réserves de l’agent s’étendent aux notes du Stade II du CLB.

B. Thèse du défendeur

1) Équité procédurale

[34] Le défendeur affirme que l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité en s’informant sur le seuil de faible revenu pour la Saskatchewan, parce qu’il n’était pas tenu d’informer les demandeurs de ses réserves concernant le seuil de faible revenu. Dans la décision Grewal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 955, au paragraphe 17, un contrôle judiciaire visant le rejet d’une demande de visa de résident permanent présentée dans le cadre du Programme des candidats des provinces du Manitoba, le juge Kane a examiné le résumé fait par la juge Bédard des principes pertinents s’appliquant au rejet d’une demande de visa de résident permanent dans la décision Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, aux paragraphes 21 à 24, et a souligné ce qui suit :

[…] le devoir d’équité procédurale auquel sont soumis les agents des visas se situe à l’extrémité inférieure du spectre; un agent des visas n’est pas tenu d’aviser le demandeur des défauts de sa demande ou des documents justificatifs; et un agent des visas n’est pas tenu d’accorder au demandeur la possibilité de répondre à toute réserve de l’agent dans les cas où les documents sont trop incomplets, imprécis ou insuffisants pour convaincre l’agent que le demandeur satisfait à ces conditions.

[35] Le défendeur souligne également qu’il incombe aux demandeurs de fournir suffisamment de renseignements à l’appui de leur demande de résidence permanente. Voir la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 84, au paragraphe 35. Les demandeurs doivent aussi « présenter des demandes qui sont convaincantes et qui anticipent les inférences néfastes que contiennent les preuves et [...] les aborder » : Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001, au paragraphe 35. Le défendeur affirme qu’il est raisonnable pour un agent des visas de tenir compte des seuils de faible revenu pour déterminer si une offre d’emploi permettra à un demandeur de réussir son établissement économique. Voir Singh 2017, précitée, au paragraphe 21. Comme la question du seuil de faible revenu a été soulevée après la réponse offerte par les demandeurs à la lettre relative à l’équité procédurale, et que l’agent n’était nullement tenu de demander d’autres observations pour contrer la faiblesse des observations de la demanderesse principale, le défendeur soutient que rien n’obligeait l’agent à informer la demanderesse principale de ses réserves concernant les seuils de faible revenu.

[36] Le défendeur affirme aussi que les seuils de faible revenu ne constituent pas une preuve extrinsèque, puisqu’il s’agit de renseignements auxquels le public a accès et que la demanderesse principale aurait pu prévoir que l’agent s’appuierait sur ces seuils. Dans les circonstances, les demandeurs n’ont pas été surpris par cette information. Voir la décision Mohammed, précitée, au paragraphe 10. De même, les exigences en matière d’accréditation pour les aides-éducatrices de la petite enfance sont également publiques et directement pertinentes concernant l’un des domaines d’emploi proposés par la demanderesse principale. Le fait que l’agent se soit appuyé sur ces renseignements ne pouvait prendre la demanderesse par surprise, et ils ne représentent donc pas un élément de preuve extrinsèque.

2) Établissement économique

[37] Le défendeur affirme que la conclusion de l’agent, selon laquelle il était peu probable que la demanderesse principale réussisse son établissement économique, est raisonnable, parce que son niveau de compétence linguistique est insuffisant pour exploiter une petite entreprise et que le salaire associé à l’offre d’emploi qu’elle a ultérieurement produite est inférieur au seuil de faible revenu pour la Saskatchewan.

[38] Le défendeur souligne qu’il est important de considérer la demande de résidence permanente des demandeurs en contexte. La demanderesse principale a au départ été sélectionnée à titre de candidate d’une province, sous le code 4142 de la CNP (enseignants/enseignantes aux niveaux primaire et préscolaire) et a proposé d’occuper un emploi de cette profession, ou [traduction] « tout emploi de premier échelon (enseignante/couturière/esthéticienne) ». La lettre relative à l’équité procédurale préparée par l’agent découle de ses réserves, selon lesquelles le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale ne lui permettrait pas d’obtenir un brevet d’enseignement ou de suivre une formation additionnelle; l’agent pensait également qu’elle ne possédait pas les compétences que demandent les employeurs des secteurs de la couture ou de l’esthétique. Dans sa réponse, la demanderesse principale a plutôt proposé de créer sa propre petite entreprise de couture; elle a par la suite présenté une offre d’emploi qu’elle avait reçue comme nettoyeuse, emploi assez éloigné de celui proposé dans sa demande initiale. Le défendeur affirme que le fait que l’agent ait pris en considération les compétences linguistiques de la demanderesse principale et le seuil de faible revenu pour la Saskatchewan doit être vu comme faisant partie de l’évaluation de la demande dans son ensemble.

[39] Le défendeur affirme que les compétences linguistiques de la demanderesse principale sont insuffisantes pour lui permettre d’assumer le rôle de propriétaire d’une petite entreprise. Lorsqu’il examine une demande de visa, l’agent des visas peut s’appuyer sur son expérience générale et sa connaissance des conditions locales pour évaluer les éléments de preuve à l’appui de la demande. Voir la décision Mohammed, précitée, au paragraphe 7, et la décision Bahr c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 527, au paragraphe 42 [Bahr]. Les notes aux tests linguistiques obtenues par la demanderesse principale, qui sont égales ou légèrement supérieures au niveau minimum, ont été appréciées en fonction des exigences de ses professions préférées et de sa proposition d’exploiter une petite entreprise. Le défendeur affirme que la conclusion de l’agent selon laquelle les compétences linguistiques de la demanderesse principale sont insuffisantes pour occuper un emploi d’aide-éducatrice de la petite enfance, ou pour exploiter sa propre entreprise, est raisonnable, et qu’il va sans dire que l’exploitation d’une entreprise nécessite de plus solides compétences linguistiques que l’accomplissement de tâches spécifiques. La demanderesse principale n’a pas réussi à convaincre l’agent que ses compétences linguistiques sont suffisantes pour lui permettre de réussir son établissement économique.

[40] Le défendeur souligne aussi que le revenu annuel associé à l’offre d’emploi de la demanderesse principale était inférieur à la moitié du seuil de faible revenu en 2017 pour la Saskatchewan.

[41] Le défendeur affirme que les conclusions de l’agent sont raisonnables, parce qu’elles reposent sur une appréciation raisonnable des éléments de preuve présentés par les demandeurs. Les compétences linguistiques de la demanderesse principale sont inférieures aux exigences des professions qu’elle entend occuper, le salaire associé à son offre d’emploi est bien inférieur au seuil de faible revenu, et les éléments de preuve concernant les plans d’emploi de son mari étaient insuffisants. Le défendeur indique aussi que l’aide à l’installation que pourrait offrir la famille de la demanderesse principale et leurs ressources financières ne permettent pas de déterminer si les demandeurs pourraient réussir leur établissement économique au Canada, car « installation » et « établissement économique » sont des concepts distincts.

[42] Le défendeur affirme aussi que les motifs de l’agent sont suffisants pour permettre à la Cour de comprendre la décision et de déterminer si elle appartient aux issues raisonnables. Voir la décision Cayanga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1046, au paragraphe 14. Compte tenu du volume de demandes que doivent examiner les agents des visas et des intérêts en jeu, « l’obligation de fournir des motifs “se situe au plus bas de l’échelle pour ce qui est des détails à fournir et des formalités procédurales à respecter” » : Mohammed, précitée, au paragraphe 5, citant la décision Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1298, au paragraphe 20. Le défendeur souligne également que les motifs de décision de l’agent incluent les notes du SMGC consignées tout au long du processus de traitement de la demande.

VIII. DISCUSSION

[43] L’agent a conclu que la demanderesse principale n’avait pas démontré, conformément au paragraphe 87(1) du RIPR et à la jurisprudence faisant autorité, qu’elle était apte à « réussir son établissement économique au Canada » dans un délai raisonnable. Les demandeurs ont fait un effort considérable pour contester cette conclusion et j’examinerai, à tour de rôle, chacun des motifs qu’ils ont invoqués pour appuyer l’idée que l’agent a commis une erreur susceptible de révision.

A. Attentes légitimes

[44] S’appuyant sur le raisonnement du juge Evans dans l’arrêt Sadeghi, précité, aux paragraphes 14 à 17, les demandeurs ont résumé, dans leurs observations écrites, leur thèse sur la question de la façon suivante :

[traduction]

20. Les commentaires du juge Evans dans l’arrêt Sadeghi soulignent le rôle de la loi de l’immigration, qui incite l’immigrant potentiel à fonder ses attentes sur des mesures prévisibles. Comme l’indique le paragraphe 87(1) du RIPR, les candidats des provinces sont, à première vue, admissibles à la résidence permanente. Lorsqu’il substitue son évaluation à ce critère, l’agent des visas prive le demandeur de son attente légitime. Dans un tel cas, « [l]a rigueur du processus décisionnel est particulièrement importante » et une telle évaluation exigera « un degré plus élevé d’équité procédurale ».

[45] Il est important de se rappeler que, dans l’arrêt Sadeghi, le juge Evans se penchait sur l’alinéa 11(3)b) du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, pris en vertu de la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2, maintenant abrogée, dans le contexte d’une demande présentée par un demandeur indépendant, catégorie qui a précédé la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). La Cour devait déterminer si cette disposition accordait aux agents des visas « un pouvoir discrétionnaire général leur permettant de réviser l’appréciation qu’ils ont faite selon les critères de sélection particuliers prévus ou de justifier un point de vue selon lequel le demandeur n’est pas [...] “à la hauteur” ». Dans l’arrêt Sadeghi, le juge Evans a conclu ce qui suit :

14 Il est important de mettre l’accent sur le contexte particulier dans lequel cette question d’équité procédurale se pose. L’alinéa 11(3)b) confère un pouvoir extraordinaire s’appliquant aux cas exceptionnels et n’accorde pas aux agents des visas un pouvoir discrétionnaire général leur permettant de réviser l’appréciation qu’ils ont faite selon les critères de sélection particuliers prévus ou de justifier un point de vue selon lequel le demandeur n’est pas d’une certaine façon tout à fait [traduction] « à la hauteur » : voir la décision Chen, précitée, [1991] 1 C.F. 350 (1re inst.), à la page 363. L’exigence selon laquelle le demandeur indépendant qui sollicite un visa de résident permanent doit être apprécié conformément aux critères de sélection prévus par la loi vise comme objectif de la loi à garantir une certaine objectivité et une certaine uniformité dans le processus décisionnel des agents des visas.

[…]

16 Dans ce contexte, je note qu’en l’espèce, la remarque qu’a faite l’agente des visas dans ses notes au STIDI selon laquelle elle avait peut-être été trop généreuse dans son appréciation de la compétence en anglais de M. Sadeghi peut indiquer qu’elle a fait l’erreur de penser qu’elle pouvait se servir de l’alinéa 11(3)b) pour réviser son évaluation quand il est devenu évident que l’appelant avait plus de 70 points.

17 Pour s’assurer du bien-fondé de son opinion selon laquelle il existe de bonnes raisons de croire que les points d’appréciation ne reflètent pas de façon appropriée les chances du demandeur de réussir son installation au Canada, il est important que l’agent des visas communique ses réserves à l’intéressé de façon à lui donner la possibilité d’y répondre, au moins dans les cas où le demandeur peut apporter un éclaircissement utile. La rigueur du processus décisionnel est particulièrement importante quand une opinion défavorable est susceptible de priver une personne de ses droits ou, comme en l’espèce, de la réception légitimement attendue d’un bénéfice prévu par la loi.

[46] Dans l’arrêt Sadeghi, l’agente a commis une erreur, parce qu’elle a pensé pouvoir « se servir de l’alinéa 11(3)b) » pour réviser son appréciation précédente. Dans les circonstances, c’était manifestement inéquitable du point de vue procédural, parce que le demandeur n’a pas eu la possibilité de répondre à cette réévaluation. Il n’y a rien de tel dans le cas présent. En l’espèce, la demanderesse principale a reçu une lettre relative à l’équité procédurale l’informant que l’agent entendait exercer le pouvoir ultime de sélection dont dispose le Canada, et substituer aux critères prévus son appréciation défavorable de sa capacité à réussir son établissement économique. La lettre relative à l’équité procédurale faisait aussi état des motifs détaillés de sa décision, et invitait la demanderesse principale à fournir à l’agent d’autres renseignements à examiner. Dans la mesure où l’arrêt Sadeghi confirme le principe que toute substitution de l’appréciation, même si elle est clairement prévue dans la loi, attire toujours une plus grande protection procédurale, les faits en l’espèce permettent de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt Sadeghi.

[47] Dans ses conclusions, le juge Evans a pris soin d’indiquer qu’il « est important de mettre l’accent sur le contexte particulier dans lequel cette question d’équité procédurale se pose » (au paragraphe 14). Dans le présent contexte, la décision concerne une substitution de l’appréciation en application des paragraphes 87(3) et (4) du RIPR :

87 […]

(3) Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

87 […]

(3) If the fact that the foreign national is named in a certificate referred to in paragraph (2)(a) is not a sufficient indicator of whether they may become economically established in Canada and an officer has consulted the government that issued the certificate, the officer may substitute for the criteria set out in subsection (2) their evaluation of the likelihood of the ability of the foreign national to become economically established in Canada.

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

[48] Il n’y a rien dans le contexte ou dans le libellé spécifique de l’article 87 du RIPR qui laisse entendre qu’un demandeur est soit [traduction] « à première vue, admissible à la résidence permanente » ou qu’une substitution de l’appréciation prive le demandeur d’une [traduction] « attente légitime ». Le RIPR explique clairement qu’aucun droit ni attente n’est acquis par le demandeur jusqu’à ce que le processus de demande – qui comprend la possibilité de substitution d’appréciation si l’agent conclut que le certificat provincial « n’est pas un indicateur suffisant » et consulte le gouvernement provincial concerné – a suivi son cours et qu’une décision définitive a été rendue. Chaque demandeur qui présente une demande aux termes du régime est censé comprendre qu’un certificat provincial délivré en application de l’alinéa 87(2)a) ne peut pas être considéré comme un « indicateur suffisant » lorsque la demande est examinée conformément au paragraphe 87(3) du RIPR.

[49] L’agent l’explique clairement dans ses motifs :

[traduction]

La représentante souligne que la demanderesse principale a le soutien de la province ayant délivré le certificat de désignation, et soutient qu’il [traduction] « faut accorder un poids important à la décision du Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan (PCIS) de sélectionner Mme Nisreen pour la résidence permanente, et de continuer de lui offrir son soutien ». La représentante affirme que « les propres documents de CIC » indiquent que la province ayant délivré le certificat de désignation est la mieux placée pour déterminer qui est le plus susceptible de réussir son établissement économique, et cite le guide OP 7-B qui indique que « [l]es agents d’immigration peuvent présumer qu’un candidat désigné par une province a [...] selon l’opinion des représentants de la province, [...] de fortes chances de réussir son établissement sur le plan économique au Canada ». Conformément aux termes de l’Accord Canada-Saskatchewan en matière d’immigration, le Canada a accepté (par l’entremise d’IRCC) que la sélection par la province de la demanderesse principale constitue un indicateur initial de sa capacité à réussir son établissement économique. Cependant, toujours conformément à l’Accord Canada-Saskatchewan en matière d’immigration, c’est le Canada qui doit exercer le pouvoir ultime de décision, nonobstant le pouvoir de désignation de la province. Lorsque le fait qu’un ressortissant étranger est nommé dans un certificat de désignation ne constitue pas un indicateur suffisant de son aptitude à réussir son établissement économique, l’agent peut substituer aux critères prévus dans la réglementation en matière d’immigration sa propre appréciation de l’aptitude de cette personne à réussir son établissement économique au Canada. En l’espèce, l’agent n’était pas convaincu que la désignation de la demanderesse principale par la Saskatchewan constituait un indicateur suffisant de sa capacité à réussir son établissement économique, et a présenté à la demanderesse principale et à la province les raisons de sa décision et leur a offert la possibilité de répondre à ces réserves [...].

[50] Je ne vois dans ces motifs aucune erreur susceptible de contrôle.

B. Manquement à l’équité procédurale

[51] Les demandeurs ont présenté des observations détaillées à ce sujet :

[traduction]
22. L’agent des visas a manqué à son obligation d’équité procédurale en n’informant pas Mme Nisreen qu’il entendait s’appuyer sur le seuil de faible revenu pour déterminer si son revenu projeté serait suffisant pour lui permettre de réussir son établissement économique.

23. Même si l’agent des visas affirme qu’il craignait que l’emploi ne soit pas [traduction] « suffisant [...] pour réussir son établissement économique », il ne peut être affirmé que cette déclaration a fourni un avis de son intention de s’appuyer sur le seuil de faible revenu, lequel ne permet pas de déterminer, de façon claire et directe, la probabilité de réussir son établissement économique. Il est révélateur que l’agent des visas ait apparemment adopté une condition très claire concernant un revenu projeté minimum, mais qu’il ait refusé d’en informer Mme Nisreen dans la lettre relative à l’équité procédurale.

24. Il ne peut être affirmé que la condition relative au seuil de faible revenu que l’agent des visas a appliquée découle directement des exigences de la loi ou du règlement connexe. Il n’existe aucune exigence en matière de revenu minimum pour les candidats des provinces, et il n’est pas indiqué que le seuil de faible revenu sera retenu pour déterminer le revenu minimum exigé.

25. Il n’y a également aucune raison justifiant que la demanderesse ou son avocat aurait pu prévoir que l’agent des visas invoquerait le seuil de faible revenu de cette façon.

26. Le seuil de faible revenu est une mesure produite par Statistique Canada, qui en donne la définition suivante :

Les seuils de faible revenu (SFR) sont des limites de revenu en deçà duquel une famille est susceptible de consacrer une part plus importante de son revenu à l’achat de nécessités comme la nourriture, le logement et l’habillement qu’une famille moyenne. L’approche consiste essentiellement à estimer un seuil de revenu à partir duquel on s’attend à ce que les familles dépensent 20 points de plus que la famille moyenne pour l’alimentation, le logement et l’habillement.

[…]

28. Il n’y a aucune exigence, en vertu de la loi ou de la réglementation sur l’immigration, indiquant que les candidats des provinces doivent atteindre un niveau particulier de revenu projeté pour démontrer qu’ils ont réussi leur établissement économique. De plus, la lettre préalable au refus envoyée à Mme Nisreen ne précise pas que l’agent des visas définissait ainsi l’établissement économique.

29. Pour toutes ces raisons, Mme Nisreen n’aurait pas pu prévoir qu’il lui faudrait démontrer que son revenu projeté pourrait atteindre un certain niveau, encore moins le seuil de faible revenu, qui n’est pas utilisé pour déterminer le revenu projeté exigé dans un contexte d’immigration. La question du seuil de faible revenu, appliquée par l’agent des visas, n’a aucun fondement législatif.

30. Par conséquent, l’agent des visas a porté atteinte au droit de Mme Nisreen à l’équité procédurale. Il a rejeté sa demande en fonction de sa conclusion selon laquelle l’établissement économique exige d’un demandeur qui demande la résidence permanente qu’il prouve qu’il gagnera au Canada un revenu au moins égal au seuil de faible revenu, mais sans l’informer d’abord de cette exigence, et lui offrir une possibilité réelle de répondre.

[…]

33. L’agent des visas s’appuie sur le seuil de faible revenu pour conclure que Mme Nisreen ne serait pas en mesure de subvenir aux besoins de sa famille :

[traduction]

L’offre d’emploi présentée lui procurerait un salaire annuel avant retenues de 24 960 $, ce qui ne semble pas suffisant pour l’établissement économique de [la demanderesse principale] et de ses quatre personnes à charge, surtout si l’on tient compte du fait que le seuil de faible revenu (SFR) pour une famille de cinq en 2017 est de 51 846 $.

34. L’élément de preuve qui précède n’a pas été présenté à Mme Nisreen. Elle affirme ce qui suit dans son affidavit :

[traduction]

Après avoir reçu les raisons pour lesquelles l’agent des visas a rejeté ma demande, j’ai été très surprise d’apprendre qu’il croyait que l’offre d’emploi que j’avais reçue me permettrait de réussir mon établissement économique [sic], parce qu’elle ne correspondait pas au [traduction] « SFR pour une famille de cinq en 2015 [sic] ». Après avoir discuté de ces raisons avec mon avocat, je me suis rendu compte que « SFR » est un acronyme pour « seuil de faible revenu ». L’agent des visas ne m’avait jamais informée auparavant, ni informé mon avocat ou les membres de ma famille, qu’il y avait un revenu minimum exigé, que je devais personnellement respecter pour démontrer que je pouvais réussir mon établissement économique. L’agent des visas ne m’a aussi jamais informée qu’il pensait qu’un revenu annuel en deçà du SFR serait considéré comme insuffisant pour réussir un établissement économique. Je n’étais pas au courant de ces réserves avant de recevoir les raisons du rejet de ma demande de résidence permanente.

Je crois qu’il était injuste de la part de l’agent des visas de croire qu’il me fallait dénicher un emploi m’offrant plus que le seuil de faible revenu, sans m’informer de cette réserve. Si l’agent des visas m’avait informée de cette réserve, et m’avait permis d’y répondre, j’aurais pu en discuter avec mon avocat et préparer des observations pour répondre à ces réserves. Il a plutôt choisi de rejeter simplement ma demande sans me faire part de ses réserves et me permettre d’y répondre. Je crois que c’était injuste, parce qu’on ne m’a jamais donné l’occasion de répondre à ces réserves et de tenter de convaincre l’agent des visas que mon revenu projeté me permettrait de réussir mon établissement économique malgré ces réserves.

[…]

37. Mme Nisreen n’a pas eu la possibilité de participer de manière significative au processus de prise de décision. Non seulement Mme Nisreen n’aurait pas pu prévoir que l’on utiliserait le seuil de faible revenu comme seuil de revenu minimum, lequel n’a aucun fondement législatif, mais l’agent des visas ne l’a pas avisée qu’il invoquerait le seuil de faible revenu.

[…]

39. En omettant d’informer la demanderesse principale qu’il utilisait le seuil de faible revenu comme critère de réussite de l’établissement économique, l’agent des visas a manqué à son obligation d’équité procédurale. Cette erreur est suffisante pour annuler la décision.

[Renvois omis.]

[52] L’agent n’affirme nulle part dans la décision, soit directement ou implicitement, que la demanderesse principale devait répondre à une exigence en matière de seuil de faible revenu, ou qu’elle devait atteindre [traduction] « un niveau particulier de revenu projeté » pour démontrer qu’elle réussirait son établissement économique. Dans sa décision, l’agent fait référence au seuil de faible revenu dans ces termes :

[traduction]

Même s’il s’agissait peut-être autrefois d’une condition pour être sélectionné dans le Programme des candidats immigrants de la Saskatchewan, dans la catégorie de la classe familiale (catégorie qui n’existe plus), le fait que des membres de la famille habitent la province ne démontre pas que la demanderesse principale est en mesure de réussir son établissement économique. L’offre d’emploi présentée lui procurerait un salaire annuel avant retenues de 24 960 $, ce qui ne semble pas suffisant pour l’établissement économique de [la demanderesse principale] et de ses quatre personnes à charge, surtout si l’on tient compte du fait que le seuil de faible revenu (SFR) pour une famille de cinq en 2017 est de 51 846 $. Il était indiqué dans la lettre relative à l’équité procédurale que même si la demanderesse principale arrivait à obtenir un emploi, il ne serait pas suffisant pour lui permettre de réussir son établissement économique, mais la demanderesse principale n’a pas répondu à cette réserve. L’emploi offert à la demanderesse principale a été pris en considération et examiné en détail, mais je ne suis pas convaincu qu’il constitue une preuve suffisante de la capacité de la demanderesse principale à réussir son établissement économique. Les commentaires et renseignements que la demanderesse principale et sa représentante ont présentés en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale ont fait l’objet d’un examen approfondi et réfléchi, mais je ne suis pas convaincu que ces observations atténuent les réserves soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale.

[53] La comparaison entre le revenu de l’emploi offert de 24 960 $ et le seuil de faible revenu pour 2017 de 51 846 $ n’importe pas une exigence selon laquelle la demanderesse principale doit atteindre le seuil de faible revenu, ou s’en approcher, pour prouver sa capacité de réussir son établissement économique au Canada. L’agent se demande comment la demanderesse principale pourra subvenir aux besoins d’une famille de cinq avec un revenu de 24 960 $, et mentionne en passant le seuil de faible revenu pour une famille de cinq. L’agent a conclu que la demanderesse principale ne s’était pas acquittée de son fardeau d’expliquer comment le type d’emploi qu’elle est susceptible de trouver lui permettra de réussir son établissement économique, compte tenu que sa famille compte cinq personnes. La référence au seuil de faible revenu n’est pas faite dans le but d’établir le revenu qu’elle devrait obtenir pour convaincre l’agent; il sert plutôt à indiquer quel type d’établissement économique permettrait un niveau de revenu plus élevé. Dans la lettre relative à l’équité procédurale, l’agent fait part de ses réserves économiques à la demanderesse principale, et cette dernière a eu toutes les possibilités d’atténuer ces réserves. Si elle l’avait voulu, elle aurait pu elle-même faire référence aux seuils de faible revenu, parce qu’il s’agit de données publiques auxquelles avaient accès la demanderesse principale et ses représentants. L’agent a conclu que la demanderesse principale n’avait pas réussi à atténuer les réserves économiques qu’il avait soulevées avec elle, et non qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences relatives au seuil de faible revenu.

[54] Lors de l’audition de la présente demande, le 4 avril 2018, l’avocat des demandeurs n’a pas affirmé que l’agent s’était servi du seuil de faible revenu comme d’une exigence, mais plutôt que le seuil de faible revenu était la seule explication à sa conclusion et qu’il aurait dû accorder à la demanderesse principale la possibilité de répondre. L’agent n’a pas justifié sa décision avec le seuil de faible revenu en soi; il s’est plutôt appuyé sur son expérience générale, et il est en droit de le faire. Voir la décision Bahr, précitée, au paragraphe 42. Même si ce principe a été appliqué dans le contexte de demandes de permis d’études, il a aussi été appliqué à une demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié (voir la décision Asl c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1006). Je ne vois aucune raison pour laquelle le principe ne pourrait pas s’appliquer à une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des candidats des provinces. La réponse de la demanderesse principale à la lettre relative à l’équité procédurale ne contient rien qui viendrait confirmer le bien-fondé du salaire de l’emploi offert. La demanderesse principale n’a aucune expérience au Canada, et il lui incombe de fournir des éléments de preuve et des renseignements traitant des réserves soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale, où l’agent indique qu’il n’est pas [traduction] « convaincu que vous seriez en mesure de trouver un emploi au Canada ou, si vous décrochiez tout de même un emploi, que celui-ci serait suffisant pour vous permettre de réussir votre établissement économique ». Pour répondre à cette réserve, la demanderesse principale a suggéré diverses autres possibilités d’emploi et a finalement produit l’offre d’emploi qu’elle avait reçue, mais elle n’a pas expliqué comment un salaire annuel de 24 960 $ lui permettrait, compte tenu de certains autres facteurs, de réussir son établissement économique; elle s’est contentée d’affirmer que l’emploi lui permettrait d’intégrer immédiatement le marché du travail.

C. La preuve extrinsèque

[55] Dans le cadre d’arguments connexes, les demandeurs affirment, au sujet du seuil de faible revenu, que l’agent invoque des éléments de preuve extrinsèques qui n’ont pas été communiqués à la demanderesse principale :

[traduction]

31. L’erreur de l’agent des visas, qui n’a pas informé les demandeurs de ses réserves relatives au seuil de faible revenu, soulève une autre question parce qu’il s’est injustement fondé sur des éléments de preuve extrinsèques. La question de savoir si un agent s’est injustement fondé sur des éléments de preuve extrinsèques est une question d’équité procédurale susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

32. Lorsqu’un agent des visas cherche [à s’appuyer sur] des éléments de preuve extrinsèques, il doit communiquer ces éléments de preuve avant de rendre sa décision. Le fait de ne pas le faire équivaut à un manquement à l’équité procédurale. Pour déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, il faut procéder à une analyse contextuelle portant sur différentes considérations, notamment :

a) La preuve a-t-elle eu une incidence réelle sur l’issue de la décision?

b) La preuve était-elle difficilement accessible ou impossible à prévoir?

c) Le demandeur a-t-il pu participer de façon significative au processus de prise de décision?

d) L’utilisation des éléments de preuve extrinsèques avait-elle pour but « d’éviter le risque d’erreur dans la prise de la décision ou dans la résolution de la question particulière en litige »?

[…]

35. Les éléments de preuve extrinsèques utilisés ont eu une incidence sur la décision de l’agent des visas. Une offre d’emploi valide suffit à démontrer qu’un demandeur pourrait réussir son établissement économique. L’agent des visas a conclu que [...] l’emploi offert ne permettait pas à la demanderesse principale de prouver qu’elle pouvait réussir son établissement économique, parce qu’il ne lui assurerait pas un revenu suffisant. La décision d’écarter l’offre d’emploi repose uniquement sur son appréciation fondée sur le seuil de faible revenu.

36. Il n’aurait pas été possible d’anticiper raisonnablement les éléments de preuve extrinsèques. Même si le document est manifestement accessible au public, il ne contient pas de renseignements connus de la demanderesse, « compte tenu de la nature des observations présentées ». Comme nous l’avons déjà expliqué, les exigences législatives applicables aux candidats des provinces ne mentionnent pas de seuil de revenu minimum. Il s’agit d’une mesure produite par Statistique Canada qui décrit tout simplement un seuil « en deçà duquel une famille est susceptible de consacrer une part plus importante de son revenu à l’achat de nécessités, comme la nourriture, le logement et l’habillement, qu’une famille moyenne ». Rien dans cette mesure ne laisserait croire que les demandeurs doivent satisfaire au seuil de faible revenu pour démontrer qu’ils seraient en mesure de subvenir à leurs propres besoins.

[Renvois omis.]

[56] Les chiffres concernant le seuil de faible revenu étaient publics, et la demanderesse principale pouvait y avoir accès. Elle aurait pu les consulter et s’en servir si elle pensait qu’ils appuieraient sa cause. Mais, plus important encore, sa demande est rejetée non pas parce qu’elle ne satisfait pas à l’exigence relative au seuil de faible revenu, mais parce qu’elle n’a pas réussi à convaincre l’agent que le revenu tiré de l’emploi offert lui permettrait, compte tenu de certains autres facteurs, de réussir son établissement économique. Lorsqu’il a mentionné les chiffres relatifs au seuil de faible revenu, l’agent ne faisait que souligner le fait qu’un revenu de 24 960 $ n’est pas très élevé pour une famille de cinq et qu’il n’équivaut pas, en soi, à un établissement économique.

[57] Dans leurs observations écrites, les demandeurs affirment également que l’agent s’est fondé sur des éléments de preuve extrinsèques pour conclure que le niveau de compétence en anglais de la demanderesse principale n’était pas suffisant, même si les demandeurs semblent avoir abandonné ce point à l’audience. Par mesure de prudence, j’en traiterai brièvement. Ils ont présenté les observations écrites suivantes :

[traduction]

40. Veuillez prendre note que l’agent des visas s’est également fondé sur des éléments de preuve extrinsèques pour conclure que l’anglais de Mme Nisreen n’était pas suffisant. L’agent des visas affirme que la compétence linguistique minimale pour [traduction] « l’inscription au programme d’accréditation des éducateurs/éducatrices de la petite enfance de Sask Polytechnic » est un [traduction] « indicateur de la compétence linguistique généralement attendue dans le secteur des soins à l’enfant en Saskatchewan ». L’agent des visas n’a pas informé Mme Nisreen de ses réserves liées à cet élément de preuve extrinsèque. S’il l’avait fait, Mme Nisreen aurait pu tenter de dissiper ses réserves, y compris en essayant de lui prouver que des emplois étaient disponibles pour des aides-éducatrices de la petite enfance ne possédant pas d’accréditation en anglais.

[58] Le raisonnement et les conclusions de l’agent relativement à ses réserves concernant la langue sont exposés en ces termes :

[traduction]

Le niveau de compétence en anglais de la DP peut sembler suffisant pour effectuer certaines tâches de certains emplois peu spécialisés (par rapport à la catégorie pour laquelle elle a été sélectionnée), y compris ceux d’opératrice de machine à coudre, d’esthéticienne ou d’aide-éducatrice de la petite enfance. Toutefois, le contexte dans lequel s’effectuent les tâches liées à ces emplois ou à d’autres emplois au Canada, où il semble raisonnable de supposer que l’usage de l’anglais est plus courant et le niveau plus soutenu que celui auquel la DP a été habituée au Pakistan, ne peut être qualifié de « connu » ou « peu exigeant » ou de « situations courantes et prévisibles » pour la DP. Par conséquent, sa compétence en anglais ne lui permettrait probablement pas d’exécuter de manière satisfaisante les tâches liées aux emplois qui lui ont été offerts. De plus, même si la représentante de la DP maintient que l’anglais de la DP est suffisant pour [traduction] « accomplir les tâches » d’une opératrice de machine à coudre, d’une aide-éducatrice de la petite-enfance ou d’une esthéticienne, la principale activité économique proposée par la DP et sa représentante est, en fait, celle de tailleuse/couturière indépendante. En tant que propriétaire et exploitante d’une petite entreprise, il semble raisonnable de penser que la DP aurait besoin d’un niveau plus élevé de compétence en anglais que celui dont elle a fait preuve pour réussir à s’acquitter des tâches auxquelles il semblerait raisonnable de s’attendre d’une propriétaire et exploitante d’une petite entreprise au Canada. J’ai pris note de l’évaluation faite par la représentante des compétences en anglais de la DP. Même si la représentante a présenté une interprétation de rechange qui avantage sa cliente, cette interprétation ne démontre pas que l’interprétation de l’agent des visas est erronée. La représentante affirme aussi qu’il est [traduction] « à noter » que la DP [traduction] « répond déjà presque aux exigences linguistiques » de la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral), ratant uniquement le critère de la compréhension de l’oral, mais qu’il est [traduction] « raisonnable de s’attendre à ce que la compréhension de l’oral de Mme Nisreen s’améliore rapidement une fois arrivée au Canada et immergée dans un environnement anglophone ». La représentante laisse également entendre que puisque la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) comprend des [traduction] « superviseurs/superviseures et métiers techniques dans les ressources naturelles, l’agriculture et la production connexe », [traduction] « il serait illogique et incohérent qu’une personne possédant des compétences en compréhension de l’oral légèrement supérieures à celles de Mme Nisreen réponde aux exigences pour travailler comme superviseur/superviseure dans les ressources naturelles ou l’agriculture, alors que l’on juge que Mme Nisreen ne possède pas des compétences linguistiques suffisantes pour travailler comme couturière ». Après une période initiale d’ajustement, on s’attend à ce que les candidats des provinces s’établissent relativement rapidement après leur arrivée au Canada, et qu’ils possèdent déjà les compétences, habiletés et qualifications qui leur permettront de le faire. L’anglais d’un nouvel immigrant peut très bien s’améliorer après son arrivée au Canada, ou non, mais il devrait toujours être suffisant pour lui permettre de commencer à contribuer à l’économie canadienne peu de temps après son arrivée. Le fait de presque répondre aux exigences linguistiques d’une autre catégorie d’immigrant est une autre façon de dire que la DP ne répond pas aux exigences de cette catégorie, et les exigences des autres catégories d’immigration n’ont aucune incidence sur l’appréciation visant à déterminer si la DP répond aux exigences de la catégorie des candidats des provinces, la catégorie dans laquelle elle a présenté sa demande.

[59] Encore une fois, les éléments de preuve auxquels font référence les demandeurs étaient des renseignements publics facilement accessibles pour la demanderesse principale et ses représentants; comme elle envisage une possible carrière dans le secteur des éducatrices de la petite enfance, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’elle les consulte. Voir la décision Majdalani, précitée, aux paragraphes 53 et 54, et la décision De Vazquez, précitée, au paragraphe 28.

D. Décision déraisonnable

[60] Les demandeurs affirment que la décision de l’agent selon laquelle la demanderesse principale n’est pas en mesure de réussir son établissement économique au Canada est déraisonnable pour diverses raisons.

1) Motifs insuffisants

[61] Les demandeurs affirment que les motifs de l’agent ne sont pas suffisamment clairs, précis et intelligibles pour permettre à la Cour et aux demandeurs de comprendre la raison sous-jacente de la décision. Les demandeurs n’expliquent pas pourquoi la décision n’est ni transparente ni intelligible. Ils mentionnent quelques questions pour lesquelles l’agent aurait tiré des conclusions déraisonnables, mais, à mon avis, les motifs de l’agent sont clairs et intelligibles. Le fait que les demandeurs ont pu soulever tant d’objections relativement aux conclusions de l’agent démontre clairement qu’ils comprennent pleinement le fondement de la décision et qu’ils sont en mesure de cerner ce qu’ils considèrent comme des erreurs susceptibles de révision. Quand ils affirment que la décision n’est pas « intelligible », les demandeurs semblent simplement dire qu’ils ne sont pas d’accord avec la décision, et que l’agent aurait dû tirer une conclusion en faveur de la demanderesse principale.

2) Conclusion au sujet de l’insuffisance du revenu

[62] Les plaintes formulées par les demandeurs sur ce point sont les suivantes :

[traduction]

44. L’agent des visas commet une erreur en jugeant non pertinents les éléments de preuve présentés par Mme Nisreen concernant ses finances personnelles, l’employabilité de son époux et le soutien offert par la famille au Canada, et en refusant d’y accorder un poids quelconque et de reconnaître que ce sont là des indicateurs de sa capacité à réussir son établissement économique au Canada. Il était également déraisonnable que l’agent des visas conclue que son salaire projeté ne pourrait atteindre le seuil de faible revenu.

[63] J’ai déjà conclu que l’agent n’a pas rejeté la demande parce que le salaire de la demanderesse principale ne satisfaisait pas aux exigences relatives au seuil de faible revenu.

[64] Pour ce qui est des autres facteurs qui, aux dires des demandeurs, ont été jugés non pertinents et n’ont reçu aucun poids, l’agent a affirmé ce qui suit :

[traduction]

a) Finances personnelles

Les ressources financières de la DP ont aussi été prises en note, mais même si les finances peuvent représenter un facteur pertinent pour déterminer si un demandeur est interdit de territoire ou non pour des raisons financières, elles ne démontrent pas la capacité d’un demandeur à réussir son établissement économique. De plus, la lettre relative à l’équité procédurale indiquait également que même si la DP trouvait un emploi, il ne serait pas suffisant pour lui permettre de réussir son établissement économique. Le projet d’entreprise proposé par la DP est dépendant des recettes provenant des clients. La DP a présenté des promesses écrites de cinq clients éventuels, incluant la somme qu’ils sont susceptibles de dépenser chaque année pour les services offerts par la DP. Cependant, même si ce qu’ils affirment devait se réaliser et qu’ils versaient à la DP les montants promis, cela lui donnerait un revenu brut annuel de seulement 7 500 $, ce qui ne semble pas suffisant pour subvenir aux besoins de la DP et de ses quatre personnes à charge, même avec les ressources financières qu’elle pourrait avoir pour « faciliter sa transition ».

[65] L’agent indique précisément que les ressources financières de la demanderesse principale ont été [traduction] « prises en note » et convient qu’elles [traduction] « peuvent représenter un facteur pertinent pour déterminer si un demandeur est interdit de territoire ou non pour des raisons financières [...] », mais il conclut qu’elles [traduction] « ne démontrent pas la capacité d’un demandeur à réussir son établissement économique ».

[66] L’agent explique ensuite la raison pour laquelle, compte tenu du projet d’entreprise de la demanderesse principale, son établissement économique n’est pas garanti, [traduction] « même avec les ressources financières qu’elle pourrait avoir pour “faciliter sa transition” ».

[67] Il est possible de ne pas être d’accord avec cette conclusion, mais je ne crois pas qu’il soit possible de dire que les ressources financières de la demanderesse ont été jugées non pertinentes et qu’aucun poids ne leur a été accordé. Au contraire, la décision indique clairement que les ressources financières de la demanderesse principale ont été prises en note, et qu’elles ont été prises en considération et appréciées en fonction du revenu probable de son projet d’entreprise.

b) Employabilité de l’époux

[68] Dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, la demanderesse principale affirme qu’elle a fourni [traduction] « des éléments de preuve montrant que son époux se cherchera aussi un emploi et subviendra aux besoins de leur famille en Saskatchewan ». Les demandeurs mentionnent une lettre de soutien de la sœur de la demanderesse principale, Mme Masooda Bibi, qui habitait à Regina à l’époque, et qui entendait aider les demandeurs à s’installer. Dans sa lettre, Mme Bibi soulignait que l’époux de la demanderesse principale [traduction] « commencera à chercher un emploi » et indiquait que des membres de sa famille élargie vivaient au Canada et seraient en mesure de lui fournir des références et de l’orienter vers des possibilités d’emploi. Dans sa propre lettre de règlement, aussi remise à l’agent en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, la demanderesse principale décrit son époux comme étant instruit et possédant de l’expérience dans l’administration de l’académie de la famille. La demanderesse principale laisse entendre que les compétences de son époux pourraient les aider à réaliser leur objectif à long terme, soit d’ouvrir une garderie, et que son époux et elle entendent suivre des cours d’anglais. Cependant la lettre n’indique pas la compétence linguistique actuelle de l’époux, même si on y mentionne que son père [traduction] « peut parler l’anglais de façon très efficace ».

[69] Dans la décision, l’agent reconnaît que [traduction] « la DP dit aussi que son époux entend chercher un emploi, mais que son “son seul salaire suffira, car il pourra me procurer un revenu suffisant compte tenu du fait que j’ai accès à des fonds stables qui peuvent durer au moins un an” ».

[70] Compte tenu des éléments de preuve et des observations présentés concernant les possibilités d’emploi de l’époux, on comprend aisément pourquoi l’agent, même s’il a pris note de ce facteur, n’est pas d’avis que cela résoudra la question de l’établissement économique, si l’on tient compte des autres facteurs en jeu. Il n’y avait tout simplement pas de plan concret concernant l’époux. Selon les observations présentées, il était raisonnable pour l’agent d’avoir des doutes par rapport aux plans d’emploi de l’époux.

c) Aide des autres membres de la famille

[71] Sur cette question, les demandeurs affirment ce qui suit :

[traduction]

48. La conclusion de l’agent des visas selon laquelle l’aide offerte par les proches de Mme Nisreen en Saskatchewan n’est pas pertinente est également sans fondement. L’aide offerte par ses proches vise à faciliter son intégration au marché du travail de la Saskatchewan, compte tenu de leur propre intégration réussie. Les facteurs jouant en faveur de Mme Nisreen dans sa recherche d’emploi ne peuvent pas être considérés comme non pertinents pour son établissement économique.

[72] En fait, l’agent porte une attention particulière aux observations présentées concernant la contribution proposée des proches de la demanderesse principale à son établissement économique.

[traduction]

La DP dit que sa sœur, Masooda Bibi, a démarré sa propre entreprise de couture à domicile et la DP prévoit en faire autant. La DP indique aussi que sa sœur entend l’aider avec le logement, la familiarisation avec les services locaux, l’inscription des enfants à l’école, etc.

[…]

La sœur de la DP, Masooda Bibi, s’identifie comme un membre de la famille de la DP capable de l’aider, et raconte comment elle a démarré sa propre entreprise de couture à domicile, affirmant que la DP pourra en faire autant. La sœur de la DP affirme aussi qu’il y a de nombreuses possibilités d’emploi à Regina pour la DP et son époux. La sœur de la DP s’engage aussi à aider la DP à s’installer.

[…]

Le soutien considérable offert à la DP par ses proches au Canada a été pris en note, mais même si la capacité de ses proches d’aider la DP peut permettre d’établir certaines des capacités des proches et constituer un facteur dans l’installation potentielle de la DP, elle ne démontre pas que la DP est capable de réussir son établissement économique. L’« installation » et l’« établissement économique » sont des concepts qui ne sont pas interchangeables; un immigrant, appartenant à la catégorie du regroupement familial, qui disposerait du type de soutien offert à la DP par ses proches, pourrait s’installer avec succès au Canada, sans réussir son établissement économique.

[73] Encore une fois, je crois qu’il est possible de ne pas souscrire à ces conclusions, mais je ne crois pas qu’il soit possible de dire que le soutien des proches n’a pas été pris en considération, ou que l’agent n’a pas fourni de motifs expliquant pourquoi, en l’espèce, il n’atténuait pas ses réserves au sujet de la capacité de la demanderesse principale de réussir son établissement économique.

3) Compétences linguistiques insuffisantes

[74] Les demandeurs affirment avec force ce qui suit :

[traduction]

53. La conclusion de l’agent des visas selon laquelle Mme Nisreen ne possède pas les compétences linguistiques nécessaires pour travailler dans les domaines d’emploi où elle entend travailler n’est ni intelligible, ni justifiée, ni transparente. Elle repose sur une évaluation qui va à l’encontre des propres exigences d’IRCC, et ne tient pas compte de la question de savoir si Mme Nisreen réussira à se familiariser avec l’environnement de travail dans un délai raisonnable.

54. L’agent des visas concède que Mme Nisreen pourrait être en mesure d’effectuer certaines des tâches de l’emploi envisagé, mais semble conclure, ensuite, qu’elle ne pourrait pas occuper l’un ou l’autre des emplois proposés, car le milieu de travail canadien ne peut être considéré comme un contexte « connu » pour elle :

[traduction]

Le niveau de compétence en anglais de la DP peut sembler suffisant pour effectuer certaines tâches de certains emplois peu spécialisés (par rapport à la catégorie pour laquelle elle a été sélectionnée), y compris ceux d’opératrice de machine à coudre, d’esthéticienne ou d’aide-éducatrice de la petite enfance. Toutefois, le contexte dans lequel s’effectuent les tâches liées à ces emplois ou à d’autres emplois au Canada, où il semble raisonnable de supposer que l’usage de l’anglais est plus courant et le niveau plus soutenu que celui auquel la DP a été habituée au Pakistan, ne peut être qualifié de « connu » ou « peu exigeant » ou de « situations courantes et prévisibles » pour la DP. Par conséquent, sa compétence en anglais ne lui permettrait probablement pas d’exécuter de manière satisfaisante les tâches liées aux emplois qui lui ont été offerts.

[…]

56. Le raisonnement de l’agent des visas semble être qu’un locuteur est limité au domaine de compétence décrit dans le stade correspondant au niveau de compétence du locuteur indiqué dans le CLB. L’agent affirme en fait que toute personne immigrant au Canada sans posséder d’expérience de travail au Canada aura besoin au minimum du niveau CLB 5 pour pouvoir travailler au Canada. Même si l’agent des visas affirme qu’une personne classée au stade I sera incapable de travailler dans des environnements (canadiens) « non familiers », son raisonnement signifie que les locuteurs classés aux stades I et II ne seront pas en mesure de travailler au Canada. La définition du stade II (niveaux 5 à 8) décrit aussi le domaine de compétences en termes de familiarité : [traduction] « Il décrit la gamme des compétences requises pour fonctionner de façon autonome dans la plupart des situations quotidiennes de la vie sociale, des études et du travail, de même que dans des contextes moins prévisibles. » Ce n’est qu’au stade III (niveaux 9 à 12) que le domaine de compétences englobe complètement les contextes « imprévisibles ». Ainsi, la seule façon pour un demandeur sans expérience de travail au Canada de satisfaire au critère linguistique énoncé par l’agent des visas, pour n’importe quel emploi, c’est d’obtenir au moins le niveau CLB 9.

57. Ce seuil linguistique imposé par l’agent des visas est déraisonnable, car il ne correspond pas aux propres exigences linguistiques d’IRCC. Le paragraphe 74(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés dispose que le ministre établit les niveaux de compétence linguistique minimaux pour les catégories de l’immigration économique : la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) (CTQ), la catégorie de l’expérience canadienne (CEC), et la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) (CTMS). Même si la CEC exige au moins une année d’expérience de travail au Canada, la CTQ et la CTMS n’exigent aucune expérience de travail au Canada. Le ministre a établi pour la CTQ un niveau de compétence CLB 7 pour chacune des quatre habiletés langagières (compréhension de l’écrit, expression écrite, compréhension de l’oral et expression orale). Le niveau de compétence linguistique pour la CTMS est le niveau CLB 4… en compréhension de l’écrit et expression écrite, et le niveau CLB 5 en expression orale et compréhension de l’oral.

[Renvois omis.]

[75] Les compétences en anglais de la demanderesse principale jouent un rôle important dans l’appréciation globale de l’agent :

[traduction]

La représentante a aussi inclus des détails provenant des renseignements du CLB correspondant aux niveaux de compétence en anglais de la DP pour l’expression orale, la compréhension de l’oral, la compréhension de l’écrit et l’expression écrite, afin d’appuyer ses affirmations selon lesquelles la DP possède des compétences suffisantes en anglais. Les résultats au test linguistique de la DP la classaient au niveau CLB 4 pour la compréhension de l’écrit et la compréhension de l’oral, et au niveau CLB 5 pour l’expression orale et l’expression écrite. La description globale des niveaux 1 à 4 (Stade I – Débutant) inclut les [traduction] « compétences requises pour pouvoir communiquer dans des situations courantes et prévisibles, afin de combler des besoins essentiels, d’effectuer des activités quotidiennes et de traiter de sujets connus qui présentent un intérêt personnel immédiat ». Le profil de compétence pour la compréhension de l’oral, niveau CLB 4, indique que l’auditeur peut [traduction] « [c]omprendre le sens général de propos simples qui traitent de sujets familiers et de besoins courants. Quand la communication est : • Avec un interlocuteur qui a un débit lent à normal • Appuyée occasionnellement d’indices visuels et contextuels • Face à face ou sur support audio ou vidéo (avec un seul interlocuteur ou en petit groupe) • En lien avec des sujets pertinents sur le plan personnel • Simple et courte • Dans un contexte non-exigeant. » Le profil de compétence pour la compréhension de l’écrit, niveau CLB 4, indique que le lecteur peut [traduction] « [c]omprendre le sens général et l’information de base de textes simples, brefs, qui portent sur des sujets familiers en lien avec des expériences personnelles de la vie de tous les jours. Quand le texte est : • Limité à du vocabulaire courant, surtout factuel et concret • Bien organisé et facile à lire • Parfois illustré de graphiques, de tableaux ou d’autres éléments visuels • Court • Dans un contexte non-exigeant. » La description globale des niveaux 5 à 8 (Stade II – Intermédiaire), pour l’expression orale, inclut [traduction] « la gamme des compétences requises pour communiquer de plus en plus efficacement dans un vaste éventail de situations qui peuvent être moins familières et prévisibles ». Le profil de compétence pour l’expression orale, niveau CLB 5, indique que le locuteur peut [traduction] « converser brièvement, avec un certain effort, dans des situations sociales courantes; fournir des renseignements concrets sur ses besoins et sur des sujets familiers, pertinents sur le plan personnel. Quand la communication est : • Face à face, au téléphone ou sur support audio ou vidéo • Informelle ou quelque peu formelle • Dans un petit groupe familier • Dans un contexte modérément exigeant. » La description globale des niveaux 5 à 8 (Stade II – Intermédiaire), pour l’expression écrite, inclut [traduction] « la gamme des compétences requises pour fonctionner de façon autonome dans la plupart des situations quotidiennes de la vie sociale, des études et du travail, de même que dans des contextes moins prévisibles ». Le profil de compétence pour l’expression écrite, niveau CLB 5, indique que la personne peut [traduction] « rédiger des descriptions, narrations et communications courtes, allant de simples à modérément complexes, sur des sujets familiers, concrets liés à la vie et aux expériences quotidiennes. Quand le texte est : • Sur un sujet familier et pertinent sur le plan personnel • Destiné à un lecteur connu • Relativement court • Dans un contexte modérément exigeant. » Le niveau de compétence en anglais de la DP peut sembler suffisant pour effectuer certaines tâches de certains emplois peu spécialisés (par rapport à la catégorie pour laquelle elle a été sélectionnée), y compris ceux d’opératrice de machine à coudre, d’esthéticienne ou d’aide-éducatrice de la petite enfance. Toutefois, le contexte dans lequel s’effectuent les tâches liées à ces emplois ou à d’autres emplois au Canada, où il semble raisonnable de supposer que l’usage de l’anglais est plus courant et le niveau plus soutenu que celui auquel la DP a été habituée au Pakistan, ne peut être qualifié de « connu » ou « peu exigeant » ou de « situations courantes et prévisibles » pour la DP. Par conséquent, sa compétence en anglais ne lui permettrait probablement pas d’exécuter de manière satisfaisante les tâches liées aux emplois qui lui ont été offerts. De plus, même si la représentante de la DP maintient que l’anglais de la DP est suffisant pour [traduction] « accomplir les tâches » d’une opératrice de machine à coudre, d’une aide-éducatrice de la petite-enfance ou d’une esthéticienne, la principale activité économique proposée par la DP et sa représentante est, en fait, celle de tailleuse/couturière indépendante. En tant que propriétaire et exploitante d’une petite entreprise, il semble raisonnable de penser que la DP aurait besoin d’un niveau plus élevé de compétence en anglais que celui dont elle a fait preuve pour réussir à s’acquitter des tâches auxquelles il semblerait raisonnable de s’attendre d’une propriétaire et exploitante d’une petite entreprise au Canada. J’ai pris note de l’évaluation faite par la représentante des compétences en anglais de la DP. Même si la représentante a présenté une interprétation de rechange qui avantage sa cliente, cette interprétation ne démontre pas que l’interprétation de l’agent des visas est erronée. La représentante affirme aussi qu’il est [traduction] « à noter » que la DP [traduction] « répond déjà presque aux exigences linguistiques » de la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral), ratant uniquement le critère de la compréhension de l’oral, mais qu’il est [traduction] « raisonnable de s’attendre à ce que la compréhension de l’oral de Mme Nisreen s’améliore rapidement une fois arrivée au Canada et immergée dans un environnement anglophone ». La représentante laisse également entendre que puisque la catégorie des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) comprend des [traduction] « superviseurs/superviseures et métiers techniques dans les ressources naturelles, l’agriculture et la production connexe », [traduction] « il serait illogique et incohérent qu’une personne possédant des compétences en compréhension de l’oral légèrement supérieures à celles de Mme Nisreen réponde aux exigences pour travailler comme superviseur/superviseure dans les ressources naturelles ou l’agriculture, alors que l’on juge que Mme Nisreen ne possède pas des compétences linguistiques suffisantes pour travailler comme couturière ». Après une période initiale d’ajustement, on s’attend à ce que les candidats des provinces s’établissent relativement rapidement après leur arrivée au Canada, et qu’ils possèdent déjà les compétences, habiletés et qualifications qui leur permettront de le faire. L’anglais d’un nouvel immigrant peut très bien s’améliorer après son arrivée au Canada, ou non, mais il devrait toujours être suffisant pour lui permettre de commencer à contribuer à l’économie canadienne peu de temps après son arrivée. Le fait de presque répondre aux exigences linguistiques d’une autre catégorie d’immigrant est une autre façon de dire que la DP ne répond pas aux exigences de cette catégorie, et les exigences des autres catégories d’immigration n’ont aucune incidence sur l’appréciation visant à déterminer si la DP répond aux exigences de la catégorie des candidats des provinces, la catégorie dans laquelle elle a présenté sa demande.

[76] Premièrement, je ne crois pas que l’on puisse dire que cette appréciation [traduction] « n’est ni intelligible, ni justifiée, ni transparente » ou qu’elle [traduction] « ne tient pas compte de la question de savoir si [la demanderesse principale] réussira à se familiariser avec l’environnement de travail dans un délai raisonnable ». Je ne crois pas, non plus, que l’on puisse dire qu’elle est déraisonnable parce qu’elle [traduction] « contredit les niveaux de compétence établis par le ministre [...] ».

[77] À mon avis, les demandeurs soulèvent devant moi les mêmes arguments sur ce sujet que ceux soulevés par la demanderesse principale (par l’entremise de sa représentante) devant l’agent, et ils m’invitent à en arriver à une conclusion qui soit en leur faveur. Ce n’est pas là le rôle de la Cour. Je conviens avec les demandeurs qu’il est possible d’être en désaccord avec la question de savoir si les compétences linguistiques en anglais de la demanderesse principale sont suffisantes pour lui permettre de réussir son établissement économique au Canada dans un délai raisonnable, mais je ne peux pas dire que l’analyse de l’agent à ce sujet n’est ni intelligible, ni justifiée, ni transparente, ou qu’elle va à l’encontre des propres exigences d’IRCC, ou qu’elle ne tient pas compte de la question de savoir si la demanderesse principale réussira à se familiariser avec l’environnement de travail dans un délai raisonnable.

[78] L’agent reconnaît que les compétences linguistiques de la demanderesse principale seraient suffisantes dans certains contextes, notamment comme opératrice de machine à coudre, mais pas pour ce qu’elle prétend vouloir faire au Canada pour réussir son établissement économique. L’agent ne se fonde pas simplement sur les résultats des tests du CLB de façon isolée, mais bien dans le contexte des compétences, et de l’expérience de la demanderesse, et de ce qu’elle souhaite faire au Canada.

IX. Conclusion

[79] J’ai examiné attentivement les motifs de révision présentés par les demandeurs en fonction du dossier et, bien que je comprenne pourquoi ils ont été déçus de cette décision, je ne trouve aucune erreur susceptible de révision qui justifierait de la renvoyer pour un nouvel examen.

X. Question à certifier

[80] Les demandeurs ont soumis à la Cour les questions à certifier suivantes :

En quoi le contexte législatif unique d’une substitution de l’appréciation, aux termes du paragraphe 87(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, influe-t-il sur le contenu de l’équité procédurale, lorsqu’il faut déterminer si une demande de visa, qui répond autrement aux critères de sélection prévus par la loi, devrait être rejetée?

[81] Comme je l’ai déjà mentionné, les demandeurs ont tort d’invoquer l’arrêt Sadeghi. Les facteurs donnant lieu aux préoccupations en matière d’équité procédurale dans cette affaire sont moins prononcés dans le contexte des paragraphes 87(3) et (4) du RIPR. En l’espèce, l’agent s’est acquitté de toute obligation d’équité exigée par l’arrêt Sadeghi, en envoyant la lettre relative à l’équité procédurale, en donnant à la demanderesse principale la possibilité de répondre, puis en prenant ses observations en considération. Les demandeurs tentent de faire entrer de force la cause de la demanderesse principale dans l’arrêt Sadeghi, mais c’est impossible : on lui a accordé la possibilité d’une participation significative, ce qui n’était pas le cas du demandeur dans l’arrêt Sadeghi. Le libellé de l’article 87 du RIPR et son application en l’espèce ne soulèvent aucune question ayant des conséquences importantes ou étant de portée générale, car les réserves soulevées dans l’arrêt Sadeghi n’ont pas lieu en l’espèce, eu égard aux faits exposés.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4095-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de juillet 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4095-17

 

INTITULÉ :

ABIDA NISREEN, IFTIKHAR AHMAD BHATTI, MUHAMMAD SAFFI ULLAH NAWAZ, NIRMAL ZAHRA, FOUZ ROOMAN ZAHRA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 avril 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Luke McRae

Pour les demandeurs

 

Nicholas Dodokin

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bondy Immigration Law

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Le procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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