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Date : 20180501


Dossier : IMM-1617-17

Référence : 2018 CF 470

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2018

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

RUBY AMPARO MELO CASTRILLON

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Ruby Amparo Melo Castrillon demande le contrôle judiciaire (en vertu de l’article 72 la la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27) [LIPR]) de la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] qui a conclu que Mme Melo Castrillon ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger

I.  Question préliminaire

[2]  La décision de la SPR s’inscrit dans un paysage plus nuancé. En effet, la décision rendue le 13 mars 2017 est relative à Mme Melo Castrillon et quatre autres membres de sa famille immédiate. Quant à Mme Melo Castrillon, elle est exclue en vertu de l’article 98 de la LIPR. Or, quant aux quatre autres demandeurs, la SPR conclut qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse qu’ils soient des réfugiés ou personnes à protéger à cause du manque de crédibilité de leur récit. Mais la SPR semble aussi conclure que c’est le cas de Mme Melo Castrillon. Mme Melo Castrillon est la seule intéressée dans cette demande de contrôle judiciaire. Elle ne demande le contrôle judiciaire que de l’aspect de la décision portant sur son exclusion en vertu de l’article 98.

[3]  Il est paradoxal que la demanderesse demande le contrôle judiciaire de seulement une partie de la décision de la SPR. En effet, comme le fait remarquer l’avocate de la défenderesse, il semble bien que la SPR ait déclarée exclue Mme Melo Castrillon, mais elle l’a aussi considérée comme ne se qualifiant pas comme réfugiée ou une personne à protéger. Or, la demanderesse s’attaque à la première conclusion, celle voulant qu’elle soit exclue, mais non à la conclusion voulant que tous les demandeurs ne se qualifient pas sous les articles 96 et 97 de la LIPR. Si cela est exact, même si la demanderesse réussissait dans son recours devant la Cour, cela n’empêcherait pas la conclusion qu’elle n’est ni une réfugiée, ni une personne à protéger puisque cet aspect de la décision ne semble pas contesté. Cela rend la demande de contrôle judiciaire théorique puisque, d’une façon ou d’une autre, la demanderesse ne peut réussir dans son entreprise de bénéficier des articles 96 et 97 de la LIPR (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski] à la p 353).

[4]  Quoi qu’il en soit, la Cour a entendu les parties puisqu’autorisation a été conférée par cette Cour, et elle a choisi d’examiner la demande de contrôle judiciaire au mérite même si elle est théorique (Borowski, pp 358-363). La Cour est par ailleurs convaincue que la demanderesse pouvait raisonnablement être exclue aux termes de l’article 98 de la LIPR.

II.  La question qui se pose

[5]  Mme Melo Castrillon, qui est la mère de la demanderesse principale devant la SPR, fait l’objet d’un refus particulier parce que, selon la SPR, elle est exclue en vertu de la section E de l’article premier de la Convention des Nations-Unies relative au statut des réfugiés. Cette section E se lit de la façon suivante :

1E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

1E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

C’est l’article 98 de la LIPR qui incorpore en droit canadien les conséquences d’être visé par la section 1E. L’article 98 se lit de la façon suivante :

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[6]  La seule décision qui a été rendue par la SPR sur la base de l’article 98 est celle relative à l’exclusion de Mme Melo Castrillon.

III.  Les faits

[7]  La demanderesse a obtenu le statut de résidente permanente en Italie le 12 mars 2013. Elle y résidait déjà depuis août 2007. Elle a choisi de quitter l’Italie le 29 mai 2015 et de retourner dans son pays de nationalité, la Colombie, où sa famille résidait. Mais elle ne devait pas y rester longtemps. Après avoir transitée aux États-Unis en janvier 2016, elle et sa famille immédiate sont arrivées à la frontière canadienne le 22 janvier 2016. Une demande d’asile a alors été faite. Ils arrivaient alors de la Colombie.

[8]  Mme Melo Castrillon aura déclaré avoir quitté l’Italie le 29 mai 2015 pour retourner en Colombie. Il y eut deux audiences devant la SPR, le 4 mai 2016 et le 23 juin 2016. Cela peut avoir une certaine importance puisqu’une allégation a été faite à l’effet que le statut de résident permanent pourrait être perdu en Italie si une personne n’y réside pas pour une période de 12 mois consécutifs. En effet, la demanderesse soumet que son absence d’Italie lui a fait perdre son statut de résidente permanente, si bien que l’article 98 de la LIPR ne trouvait plus application à compter du 29 mai 2016. Puisque l’audition devant la SPR ne s’est complétée que le 23 juin 2016, la SPR a commis une erreur en l’excluant en vertu de l’article 98 puisqu’elle avait quitté pendant plus de 12 mois consécutifs.

[9]  Ainsi, toute la question est de savoir si Mme Melo Castrillon avait perdu son statut de résidente permanente en Italie faisant en sorte que la section E de l’article premier de la Convention ne peut être valablement invoqué contre elle et qu’elle peut de ce fait réclamer le statut de réfugié ou de personne à protéger au Canada.

IV.  La décision de la SPR

[10]  Le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile est intervenu devant la SPR aux termes du paragraphe 170 e) de la LIPR. Il est acquis qu’elle a été résidente d’Italie entre août 2007 et le 29 mai 2015. Le Ministre a fait des allégations relativement à la situation juridique de Mme Melo Castrillon. Ainsi, il allègue que celle-ci a déclaré avoir le statut de résidente permanente en Italie lors de son entrevue au point d’entrée le 23 janvier 2016. De plus, le Ministre a indiqué avoir reçu confirmation des autorités italiennes selon lesquelles Mme Melo Castrillon est titulaire d’un permis de résidence permanente délivré le 12 mars 2013. Le Ministre a indiqué qu’il existe des conditions qui pourraient faire perdre le statut de résident permanent à qui l’a obtenu en Italie. Cependant, aucune telle preuve n’a été offerte par la demanderesse. C’est ainsi que le Ministre prétend à l’existence d’une preuve prima facie que la demanderesse est toujours résidente permanente en Italie au jour de l’audition devant la SPR. Il en résulterait, selon le Ministre, que l’article 98 de la LIPR fait en sorte que Mme Melo Castrillon est tout simplement exclue par l’application de la section E de l’article premier de la Convention et elle ne peut-être une réfugiée ou une personne à protéger au Canada.

[11]  La SPR fait peu de cas du fait que la demanderesse aurait déclaré dans deux formulaires différents avoir commencé à habiter en Italie en novembre 2004 et avoir eu sa résidence en Italie depuis août 2007. Par ailleurs, il est retenu qu’elle a déclaré lors de son entrevue du 23 janvier 2016, avoir la qualité de résidente permanente en Italie.

[12]  La SPR décide donc des questions suivantes :

  • a) Mme Melo Castrillon était une résidente permanente de l’Italie jusqu’à son départ le 29 mai 2015;

  • b) La période de 12 mois consécutifs en question est considérée aux fins du droit canadien à partir de la date de départ jusqu’à la date d’audience devant la SPR;

  • c) Ainsi, la période d’une année n’était pas complétée au jour où la demanderesse a demandé le statut de réfugié au Canada, au jour où l’audience a commencé, le 4 mai 2016, mais la période de 12 mois était complétée lorsque la deuxième audience a eu lieu le 23 juin 2016;

  • d) Le statut de résidente permanente peut être perdu en Italie dans le cas où une personne est absente de l’Union européenne pour une période de 12 mois consécutifs;

  • e) La SPR s’est satisfaite que le statut de résident permanent en Italie donne le droit au détenteur d’y retourner. Qui plus est, la SPR conclut que le résident permanent en Italie a les mêmes droits et obligations que les ressortissants italiens au sens de l’article 98. Pour ce faire, la SPR s’en remet en particulier à l’index du cartable national des documentations sur l’Italie (31 mai 2016), cartable national mis à la disposition du public par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. En particulier, la SPR semble s’être appuyée sur le paragraphe suivant :

7.  Droits conférés aux titulaires de la carte de résident de longue durée de la CE Sur son site Internet, la police nationale explique que la carte de résident de longue durée de la CE confère à son titulaire le droit d’entrer en Italie sans visa de retour, d’exercer une activité professionnelle, de bénéficier des services et des avantages sociaux fournis par l’administration publique et de [version française de la police nationale] « participer à la vie publique locale » (Italie 29 mars 2010). Dans le document intitulé Staying in Italy Legally, le ministère de l’Intérieur affirme que les étrangers titulaires d’une carte de résidence valide jouissent des mêmes droits à l’éducation que les citoyens italiens (ibid. s.d., 21). Selon cette même source, les étrangers [version française du ministère de l’Intérieur] « titulaires d’un permis de séjour » sont obligés de s’inscrire au Service sanitaire national (S SN), ce qui garantit toute l’assistance sanitaire prévue par la loi et comporte [version française du ministère de l’intérieur] « une parité de traitement avec les citoyens italiens quant à l’obligation contributive, à l’assistance fournie en Italie par le même S.S.N. et à sa validité temporaire » (ibid., 23).

 

  • f) C’était à la demanderesse de démontrer à la satisfaction de la SPR qu’elle avait perdu le statut de résident permanent. Voici comment la SPR s’exprime à cet égard :

[47]  Ceci étant dit, selon la preuve récente des autorités italiennes concernant la demandeure, il y a tout simplement la possibilité de perdre le statut; ils n’indiquent pas qu’elle allait perdre son statut en Italie, ni qu’elle avait perdu son statut au moment de l’audience. Par ailleurs, dans les documents soumis par la demandeure, concernant ses communications avec les autorités italiennes, il n’u a aucune confirmation qu’elle a perdu son statut de résident permanent.

V.  Norme de contrôle et analyse

[13]  Ce n’est pas une proposition nouvelle que de déclarer que le rôle du juge en révision judiciaire n’est que de s’assurer que la décision rendue est légale. Ainsi, pour certaines questions, le juge de révision doit décider si une question donnée  est révisée selon la norme de la décision correcte. Or, l’état actuel du droit est à l’effet que rares seront ces questions. Dans la grande majorité des cas, la norme de contrôle à appliquer sera celle de la décision raisonnable (voir tout récemment Williams Lake Indian Band c Canada (Affaires autochtones et du Développement du Nord), 2018 CSC 4, para 26 et suivants, pour une illustration de l’évolution du droit sur la question de la norme appropriée). C’est le cas en l’espèce alors qu’une interprétation doit être donnée à la section E de l’article premier de la Convention. Dans Majebi c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CAF 274[Majebi] la Cour d’appel fédérale écrivait :

[5]  Tout d’abord, nous sommes en désaccord avec l’affirmation selon laquelle la Cour fédérale a examiné à tort la décision de la Section d’appel des réfugiés selon la norme de contrôle du caractère raisonnable. Comme la Cour fédérale l’a relevé à juste titre, la Cour a exprimé des opinions différentes sur la norme de contrôle applicable aux décisions portant sur l’interprétation d’instruments internationaux. Toutefois, la jurisprudence antérieure à l’articulation de l’examen de la présomption du caractère raisonnable énoncée dans des arrêts comme Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, [2011] 3 RCS 654, 2011 CSC 61 doit être abordée avec prudence. Dans le cas en l’espèce, nous sommes d’accord avec la Cour fédérale que rien dans le contexte législatif ne révèle l’intention du législateur de « ne pas protéger la compétence du tribunal » (Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), [2015] 2 RCS 3, 2015 CSC 16, au paragraphe 46). L’interprétation de la Convention ne relève pas non plus d’une catégorie de questions à laquelle la norme de la décision correcte demeure applicable, tel qu’il est expliqué dans l’arrêt Alberta Teachers’, au paragraphe 30. Cette conclusion est conforme à la décision plus récente rendue par la Cour dans l’arrêt B010 c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CAF 87, [2014] 4 R.C.F. 326, aux paragraphes 58 à 72.

[6]  Il s’ensuit que l’interprétation de la Section d’appel de la Convention a été correctement examinée selon la norme de contrôle du caractère raisonnable.

[14]  Appliquant cette norme, la Cour est alors à la recherche de ce qui fait d’une décision qu’elle est raisonnable. S’agit-il d’une des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit? La décision est-elle justifiée, est-elle transparente et y a-t-il intelligibilité du processus décisionnel? (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; 2008 1 RCS 190 au para 47).

[15]  Personne ne conteste que l’examen de l’application de la section E de l’article premier doit se faire à un moment dans le temps. Les parties sont d’accord et la Cour accepte que l’examen de l’application de la section E de l’article premier de la Convention se fait au dernier jour de l’audience devant la SPR. Dans Majebi, la Cour écrivait :

[7]  La Section d’appel des réfugiés a appliqué la décision de la Cour dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Zeng, 2010 CAF 118, [2011] 4 R.C.F. 3, pour conclure que le statut des appelants devrait être examiné au dernier jour de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés. Nous sommes d’accord avec la Cour fédérale qu’il s’agissait d’une conclusion raisonnable de la part de la Section d’appel.

[16]  Tel que l’expliquent James C. Hathaway et Michelle Foster dans leur The Law of Refugee Status, 2e ed. (Cambridge University Press, 2014), la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, à la Section 1E, prévoit que la protection n’est plus offerte pour une catégorie de personnes (l’autre étant à la section 1 D). C’est que  ces personnes bénéficient de la protection d’un autre état, ce qui fait en sorte que la protection d’un état substitut, le Canada en l’espèce, n’est pas requise. Dit simplement, si Mme Melo Castrillon peut bénéficier de la protection d’un autre état au jour de l’audience de sa demande relative au statut de réfugié, c’est à cet état qu’il faut s’adresser.

[17]  Il y a bien sûr des conditions à être remplies pour perdre le bénéfice de la Convention. Essentiellement, il s’agira de cas de « nationaux de facto », ceux qui ont les droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

[18]  En notre espèce, la question soulevée est de déterminer si la demanderesse continuait d’être une « nationale de facto » de l’Italie grâce à son statut de résidente permanente qui lui permettrait, entre autres, d’y entrer sans visa. La demanderesse a limité sa contestation à sa prétention que son statut de résidente permanente était perdu 12 mois après son départ de l’Italie. Elle plaide que la perte de statut serait automatique.

VI.  Analyse

[19]  La demanderesse dit avoir fait des recherches afin de déterminer fermement si elle a perdu son statut ou non. Ni au jour où l’affaire était devant la SPR, ni depuis, y compris au jour de l’audience devant la Cour, n’a-t-elle été en mesure de déterminer si elle est résidente permanente d’Italie. Cela, en soi, est indicatif que le statut n’est pas perdu automatiquement. Au plus, le statut peut faire l’objet de révocation pour qui n’y réside pas pendant 12 mois.

[20]  La seule question devant la Cour est donc celle de déterminer si la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse avait, au 23 juin 2016, le statut de résidente permanente est raisonnable. Il n’est pas débattue qu’une personne qui a quitté l’Italie pour plus de 12 mois consécutif pourrait perdre son statut de résidente permanente. Toute la question est de savoir si la perte de statut est automatique.

[21]  Pour avoir gain de cause, la demanderesse avait pour ainsi dire à convaincre la SPR que dès le 30 mai 2016, elle avait perdu son statut de résidente permanente en Italie. Cette perte devrait être immédiate, ou presque.

[22]  Comme noté plus haut, la demanderesse aura cherché à connaître son statut en Italie. Ce qui importe pour nos fins est son statut au jour de l’audience, le 23 juin 2016. Malgré ses démarches, elle n’a pu savoir l’état de son statut. Si la perte du statut était automatique au 30 mai 2016, soit 12 mois après son départ d’Italie, il eut été facile pour les autorités italiennes de confirmer la perte de statut. Cela n’a pas été le cas. Cela semblerait confirmer la preuve documentaire selon laquelle le statut de réfugié peut être révoqué si la résidente permanente n’est pas sur le territoire de la Communauté européenne [CE] pendant 12 mois consécutifs.

[23]  À vrai dire, la demanderesse n’a même pas établi cette absence d’Italie ou de la CE durant 12 mois consécutifs. On sait seulement qu’elle aurait quitté le territoire italien le 29 mai 2015. Quoi qu’il en soit, ce qui importe en l’espèce est que la SPR a conclu de la preuve documentaire que seulement la possibilité de révoquer la résidence permanente existe; celle-ci n’est pas perdue automatiquement. Il semble qu’il faille un acte de révocation. Comme le dit la SPR, la révocation automatique aurait dû faire l’objet d’une réponse facile et directe de la part des autorités italiennes, ce qui suggère que l’interprétation de la preuve documentaire est exacte. Or, elle n’a qu’à être raisonnable.

[24]  J’ai consulté la preuve documentaire au dossier et je ne puis douter du caractère raisonnable de la conclusion de la SPR selon laquelle la révocation de la résidence permanente n’est qu’une possibilité, non un automatisme.

[25]  Trouvant appui sur Canada (Citizenship and Immigration) v Zeng, 2010 CAF 118 [Zeng], la SPR conclut que Mme Melo Castrillon avait un statut essentiellement semblable aux ressortissants Italiens. Elle est donc exclue si elle est résidente permanente au jour de l’audience devant la SPR ou, pour dire les choses autrement, si elle n’avait pas perdu son statut de résidente permanente au jour de l’audience. Les paragraphes 28 et 29 de Zeng parlent d’eux-mêmes :

[28]  Compte tenu de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience, le demandeur a-t-il, dans le tiers pays, un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants de ce pays? Si la réponse est affirmative, le demandeur est exclu. Si la réponse est négative, il faut se demander si le demandeur avait précédemment ce statut et s’il l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et qu’il ne l’a pas fait. Si la réponse est négative, le demandeur n’est pas exclu en vertu de la section 1E. Si elle est affirmative, la SPR doit soupeser différents facteurs, notamment la raison de la perte du statut (volontaire ou involontaire), la possibilité, pour le demandeur, de retourner dans le tiers pays, le risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine, les obligations internationales du Canada et tous les autres faits pertinents.

[29]  Il appartiendra à la SPR de soupeser les facteurs et de déterminer si l’exclusion s’appliquera dans les circonstances.

[26]  La SPR a conclu que la demanderesse avait le statut de résidente permanente au jour de l’audition et ce statut est essentiellement semblable à celui des ressortissants Italiens. Il n’était donc pas nécessaire de poursuivre l’analyse en fonction de l’arbre de décision proposé par la Cour d’appel fédérale.

[27]  Si la demanderesse ne peut établir qu’elle n’était pas automatiquement exclue du statut de résidente permanente, il était parfaitement raisonnable pour la SPR de conclure qu’elle avait ce statut au jour de l’audience.

VII.  Conclusion

[28]  Deux questions se posent lorsqu’on examine la section E de l’article premier de la Convention. D’abord, est-ce que le statut d’une personne dans le pays où elle a résidé lui permet de bénéficier des avantages dont les citoyens du pays jouissent. Ensuite, cette personne bénéficie-t-elle toujours de ce statut, si bien que c’est le pays où elle est un national « de facto »; si tel est le cas, c’est le pays où elle devait chercher refuge.

[29]  Donc l’audition devant la SPR se situait plus de 12 mois après le départ de l’Italie de la demanderesse. On ne peut voir ce qu’il y aurait de déraisonnable à considérer que le statut de résidente permanente peut être révoqué après 12 mois, mais qu’il ne l’est pas automatiquement. Ayant établi que la demanderesse avait ce statut au moment de son départ d’Italie, ce qui de toute façon n’est pas contesté, le fardeau était sur la demanderesse d’établir, à la satisfaction de la SPR, que le statut avait été révoqué automatiquement ou autrement. Cela n’a pas été fait. Il en découle que la décision de la SPR était raisonnable à sa face même quant au maintien du statut au jour de l’audience. Or, les droits conférés par ce statut en Italie sont conformes aux droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays, comme le requiert la section E. Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée puisque la décision de la SPR a tous les apanages de la raisonnabilité.

[30]  Les parties n’ont pas indiqué qu’il existe une question au sens de l’article 74 d) de la LIPR. Il n’y a pas de question grave de portée générale qui mérite d’être certifiée.

 


JUGEMENT au dossier IMM-1617-17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question sérieuse d’importance générale n’a été proposée et aucune n’est certifiée.

 

 

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1617-17

 

INTITULÉ :

RUBY AMPARO MELO CASTRILLON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 avril 2018

 

Jugement et motifs :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er  mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Nancy Munoz Ramirez

 

Pour la demanderesse

 

Thi My Dung Tran

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Nancy Cristina Munoz Ramirez

Roa Services Juridiques

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

 

 

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