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Date : 20180508


Dossier : T-300-17

Référence : 2018 CF 484

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2018

En présence de monsieur le juge Zinn

RECOURS COLLECTIF PROPOSÉ

ENTRE :

GERALD BRAKE

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE-NEUVE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur présente une requête visant à faire convertir sa demande de contrôle judiciaire en une action au titre du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, et à faire autoriser cette action comme recours collectif en application du paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[2]  Dans son avis de demande, M. Brake sollicite le contrôle non seulement de la décision par laquelle sa demande d’inscription à la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq [PNQM] a été rejetée, mais aussi de toutes les décisions par lesquelles des demandes d’inscription à la PNQM ont été rejetées au titre de l’Accord supplémentaire pour la reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq [l’Accord supplémentaire].

[3]  La demande de contrôle judiciaire sous-jacente, dans la mesure où elle se rapporte à la décision de rejeter la demande d’inscription de M. Brake, ressemble, dans les faits, à celle que la Cour a examinée dans Wells c Canada (Procureur général), 2018 CF 483 [Wells]. En outre, les deux affaires soulèvent les mêmes questions juridiques. Le jugement et les motifs dans l’affaire Wells sont rendus aujourd’hui conjointement avec la présente décision.

[4]  Le dossier de requête comprend un projet de déclaration contre le Canada, dans lequel M. Brake demande, en plus des réparations susmentionnées, des jugements déclaratoires portant que le Canada a manqué à ses obligations fiduciaires, a porté atteinte aux droits garantis par la Charte et a bénéficié d’un enrichissement injustifié. M. Brake demande aussi des dommages‑intérêts pour le manquement aux obligations fiduciaires et la violation des droits garantis par la Charte qui sont allégués, ainsi que des dommages-intérêts punitifs. Le dossier de requête comprend aussi un deuxième projet de déclaration, qui ajoute la Fédération des Indiens de Terre‑Neuve [FITN] comme défenderesse et deux demandes de réparation se rapportant aux décisions du Comité d’inscription. Le Canada s’est opposé à ce que le deuxième projet de déclaration soit versé au dossier de requête, au motif qu’il s’agit d’une [traduction] « tentative de remédier aux nombreuses lacunes du projet de déclaration », ce qui [traduction] « mine la capacité du Canada de comprendre la demande et d’y répondre ».

[5]  Le résultat de l’analyse qui suit est le même, peu importe sur quelle déclaration elle est fondée. Néanmoins, aux fins des présents motifs, je me baserai sur la première déclaration. Je souscris à l’argument du Canada selon lequel le dépôt tardif d’une déclaration subséquente est injuste pour les parties défenderesses, qui ont le droit de connaître la preuve à réfuter dans un délai raisonnable avant l’audience.

Le contexte

[6]  Terre-Neuve s’est jointe au Canada le 31 mars 1949. Les Conditions de l’union de Terre‑Neuve au Canada ne comprenaient aucune disposition prévoyant la reconnaissance et l’inscription des peuples autochtones de Terre‑Neuve sous le régime de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5.

[7]  La FITN a été créée en 1972. Elle visait notamment à faire reconnaître les Mi’kmaq en tant qu’Indiens inscrits au sens de la Loi sur les Indiens. Comme il n’y avait pas eu de progrès dans ce dossier – ou très peu –, le 12 janvier 1989, la FITN a intenté une action devant la Cour fédérale du Canada [T-129-89] en vue d’obtenir, entre autres réparations, un jugement déclaratoire portant que les membres de la FITN étaient des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, et une ordonnance enjoignant au gouverneur en conseil de reconnaître le statut de « bande », au sens de la Loi sur les Indiens, à ses bandes membres. Dans le cadre du règlement de cette action, le Canada et la FITN ont entamé des négociations en vue de reconnaître à la PNQM le statut de bande et à ses membres le statut d’Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens.

[8]  Le 30 novembre 2006, le Canada et la FITN ont conclu une entente de principe qui décrivait le processus de création d’une bande de Mi’kmaq sans assise territoriale aux fins de la Loi sur les Indiens et le processus d’inscription de ses membres comme Indiens inscrits. Le 29 mars 2008, les membres de la FITN ont procédé à un vote sur la question de la ratification de l’entente de principe. Parmi les quelque 10 500 membres de la FITN, 3 232 ont voté, et 2 913 d’entre eux, ou 90 %, étaient en faveur de la ratification. L’entente de principe a été signée par des représentants du Canada et de la FITN le 23 juin 2008 [l’Accord original].

[9]  L’Accord original prévoyait la création d’un processus de reconnaissance de la PNQM, l’établissement d’un Comité d’inscription chargé d’examiner et d’évaluer les demandes d’inscription à la PNQM et la création de critères d’admissibilité à l’inscription à la PNQM [les Lignes directrices du Comité d’inscription]. Il prévoyait également la nomination d’un responsable des appels, chargé de se pencher et de se prononcer sur les appels interjetés à l’encontre des décisions du Comité d’inscription.

[10]  L’Accord original prévoyait un processus d’inscription en deux étapes, qui s’étalait sur une période de quatre ans. Chaque demande d’inscription devait être approuvée par le Comité d’inscription. Chaque personne approuvée par le Comité d’inscription au terme de ce processus était qualifiée de « membre fondateur » de la PNQM.

[11]  La première étape visait à s’assurer que le nombre de personnes intéressées justifiait la création d’une bande sous le régime de la Loi sur les Indiens. Du 30 novembre 2008 au 30 novembre 2009, au moins 5 025 personnes (50 % des membres de la FITN) devaient être acceptées par le Comité d’inscription en tant que membres de la PNQM, sans quoi l’Accord original prendrait fin. La deuxième étape, le cas échéant, se déroulerait du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2012. Il a été convenu que chaque membre fondateur serait admissible à l’inscription aux termes de l’alinéa 6(1)b) de la Loi sur les Indiens, en tant que « membre d’un groupe de personnes déclaré par le gouverneur en conseil après le 16 avril 1985 être une bande pour l’application de la présente loi ».

[12]  En se fondant sur les données du recensement et sur un sondage effectué auprès des Mi’kmaq, le Canada et la FITN s’attendaient à ce qu’environ 20 000 demandes soient présentées au cours du processus d’inscription de quatre ans. Or, 25 912 demandes d’inscription ont été présentées à la première étape du processus, soit pendant les douze premiers mois.

[13]  Étant donné le nombre inattendu de demandes, le Comité d’inscription n’a pas pu évaluer toutes les demandes dans le délai prescrit par l’Accord original. Néanmoins, il a été convenu que, puisque le nombre de membres était supérieur au minimum requis, le Canada créerait la PNQM par décret en conseil, puis modifierait la liste des membres de la bande jusqu’à ce que le nom de toutes les personnes admissibles ayant présenté une demande d’inscription au cours de la première étape du processus y soit inscrit.

[14]  La PNQM a été constituée légalement par le décret en conseil C.P. 2011-928 [le décret de reconnaissance] le 22 septembre 2011.

[15]  Entre la fin de la première étape du processus d’inscription et le 22 septembre 2011, soit la date du décret de reconnaissance, 4 816 nouvelles demandes d’inscription ont été présentées. Entre le 22 septembre 2011, soit la date de la création de la PNQM, et le 30 novembre 2012, soit la date limite pour présenter une demande d’inscription, 69 946 nouvelles demandes d’inscription ont été présentées, dont environ 46 000 ont été reçues au cours des trois derniers mois du processus d’inscription. En tout, le Comité d’inscription a reçu 100 674 demandes d’inscription à la PNQM au cours de la période visée par l’Accord original.

[16]  À l’automne 2012, la FITN s’est rendu compte que le Comité d’inscription ne parviendrait pas à évaluer toutes les demandes d’inscription avant la date limite prévue dans l’Accord original, soit le 23 mars 2013. La FITN a écrit aux représentants du Canada le 16 août 2012 pour leur demander s’ils accepteraient que le délai soit prorogé.

[17]  L’Accord original prévoyait trois critères d’admissibilité à l’inscription à la PNQM : l’auto-identification à titre de membre du groupe des Mi’kmaq, l’ascendance mi’kmaq et l’acceptation par la communauté. Ce sont les critères de l’auto-identification et de l’acceptation par la communauté qui sont en litige dans le recours collectif proposé.

L’auto-identification

[18]  Le sous-alinéa 4.1d)(i) de l’Accord original disposait que [traduction] « [t]oute personne est admissible à l’inscription en tant que membre fondateur si [...] le Comité d’inscription estime [...] qu’à la date du décret de reconnaissance elle s’identifiait à titre de membre du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve » [non souligné dans l’original].

[19]  L’article 4.2.1 de l’Accord original prévoit que le Comité d’inscription doit évaluer les demandes [traduction] « en conformité avec la procédure énoncée à l’article 4.4 et les Lignes directrices du Comité d’inscription ». L’article 24 des Lignes directrices du Comité d’inscription prévoit qu’un [traduction] « formulaire de demande signé constitue une preuve suffisante que le demandeur s’identifie comme membre du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve ».

[20]  À l’automne 2012, la FITN a jugé que les personnes qui avaient signé un formulaire de demande après la date du décret de reconnaissance n’avaient pas démontré objectivement qu’elles s’identifiaient comme membre de la communauté mi’kmaq avant la date du décret de reconnaissance. Ainsi, comme l’ancien président de la FITN l’a déclaré, [traduction] « la Fédération a interjeté appel des quatre décisions par lesquelles le Comité d’inscription avait accordé le statut de membre fondateur de la bande Qalipu à des demandeurs qui avaient établi qu’ils s’identifiaient à titre de membres du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve en signant un formulaire de demande après la date du décret de reconnaissance ».

[21]  Dans son appel, la FITN a exprimé ses préoccupations ainsi :

[traduction]

Pour les demandeurs ayant signé un formulaire de demande avant la date du décret de reconnaissance, cette disposition des lignes directrices leur permettait de satisfaire au critère énoncé au sous‑alinéa 4.1d)(i), puisque la bande n’avait pas encore été créée. En l’espèce, la demande est postérieure au décret de reconnaissance. On ne peut donc pas présumer qu’elle constitue une preuve d’auto-identification par le demandeur à la date du décret de reconnaissance.

Dans le cas des demandes qui sont postérieures au décret de reconnaissance, la preuve dont il est question dans cette disposition des lignes directrices, c’est-à-dire une demande signée, ne permet pas de savoir si le critère prévu au sous-alinéa 4.1d)(i) était rempli à la date du décret de reconnaissance ou avant. Elle fait simplement état de l’auto-identification du demandeur à la date de la demande, ce qui ne satisfait pas au critère énoncé au sous‑alinéa 4.1d)(i). Par conséquent, d’autres éléments de preuve objectifs doivent être présentés pour établir que le critère est rempli, à défaut de quoi la demande doit être rejetée.

[22]  Le responsable des appels ne s’est pas prononcé sur les appels interjetés par la FITN avant la date limite pour ce faire. Cependant, ces préoccupations et la demande de prorogation du délai pour évaluer le nombre étonnamment élevé de demandes ont fait l’objet d’une discussion avec le Canada. Le Canada partageait les préoccupations de la FITN.

[23]  L’article 2.15 de l’Accord original prévoyait quand et comment celui-ci pouvait être modifié :

[traduction]

Le présent accord ne peut être modifié ou remplacé qu’au moyen d’une entente écrite intervenue entre les parties et ratifiée conformément à la procédure de ratification du présent accord, mais les parties peuvent convenir par écrit lorsqu’il y a lieu de modifier le présent accord, sans qu’il soit nécessaire de ratifier ou d’approuver les modifications, pour l’une des fins suivantes :

a)  éliminer les contradictions ou incompatibilités pouvant exister entre les modalités du présent accord et les dispositions d’une loi ou d’un règlement applicable, dans la mesure où les parties conviennent que ces modifications ne porteront pas préjudice à leurs intérêts respectifs;

b)  corriger une erreur typographique dans le présent accord ou apporter des corrections ou des modifications afin de corriger une omission d’écriture, une erreur, une erreur manifeste ou une ambiguïté qui découle de dispositions lacunaires ou incohérentes du présent accord;

c)  proroger un délai prévu par le présent accord.

[Non souligné dans l’original.]

[24]  Le Canada et la FITN étaient d’avis que la disposition relative à la preuve d’auto‑identification contenue dans les Lignes directrices du Comité d’inscription constituait [traduction] « une erreur, une erreur manifeste ou une ambiguïté » aux termes de l’alinéa 2.15b) de l’Accord original. Selon eux, une demande d’inscription signée après la date du décret de reconnaissance ne pouvait pas établir que le demandeur s’identifiait comme Mi’kmaq avant cette date, comme l’exige le sous-alinéa 4.1d)(i) de l’Accord original. Par conséquent, ils ont modifié l’article 24 des Lignes directrices du Comité d’inscription pour exiger que toute personne qui présente une demande d’inscription après la date du décret de reconnaissance établisse qu’elle s’identifie comme Mi’kmaq en montrant que son nom figure sur la liste des membres de la FITN, de l’Alliance des Mi’kmaq de Ktaqamkuk, de la Première Nation de Benoit ou de la bande des Mi’kmaq sip’kop. Subsidiairement, le demandeur doit présenter au moins un des documents énumérés aux sous-alinéas 24(3)(ii) à (v) des Lignes directrices du Comité d’inscription :

[traduction]

ii.  une copie du questionnaire du recensement de 2006 ou d’un recensement antérieur qui a été dûment rempli et retourné par un résident de l’île de Terre‑Neuve et dans lequel la personne se dit autochtone, amérindienne ou membre d’une bande/Première Nation;

iii.  une copie d’un article paru dans un quotidien terre‑neuvien avant le 23 juin 2008, date de la signature de l’Accord, dans lequel il est fait mention de la participation du demandeur, en tant que membre du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre‑Neuve, à des cérémonies ou à des activités traditionnelles ou culturelles des Mi’kmaq de l’île;

iv.  sous réserve d’une approbation écrite des deux parties reconnaissant que le document est une preuve valable d’auto‑identification, une copie certifiée conforme d’un formulaire rempli par un résidant de l’île avant le 23 juin 2008 en vue :

-  d’obtenir un emploi au sein de l’administration fédérale ou provinciale, dans une autre institution publique ou dans l’une des organisations autochtones énumérées à l’alinéa (i) ci-dessus, ou

-  de bénéficier d’un programme financé par un gouvernement ou un organisme gouvernemental;

et dans lequel ledit résidant se déclare mi’kmaq, indien ou autochtone;

v.  sous réserve d’une approbation écrite des deux parties, d’autres documents pertinents pouvant être reçus ou établis par un gouvernement, une institution publique, la Fédération des Indiens de Terre‑Neuve, l’Alliance des Mi’kmaq de Ktaqamkuk, la Première Nation de Benoit, la bande des Kitpu et la bande des Mi’kmaq sip’kop avant le 23 juin 2008, date de la signature de l’Accord, démontrant que le demandeur s’est identifié comme membre du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre‑Neuve.

[25]  L’article 4.3.3 de l’Accord original conférait des droits d’appel au Canada, à la FITN et aux personnes dont la demande d’inscription a été rejetée :

[traduction]

Dans les trente (30) jours suivant la mise à la poste de la décision du Comité d’inscription, le demandeur et les parties peuvent interjeter appel de la décision du Comité d’inscription en envoyant un avis d’appel au responsable des appels, avec copie au Comité d’inscription.

[26]  L’appel reposait sur l’examen par le responsable des appels du dossier dont le Comité d’inscription était saisi, c’est-à-dire la demande, les documents présentés par le demandeur, les échanges écrits entre le Comité d’inscription et le demandeur, et la décision du Comité d’inscription.

[27]  Le droit d’appel des demandeurs dont la demande a été rejetée sur le fondement de l’auto-identification a été supprimé par le paragraphe 6(2)(b) de l’Accord supplémentaire, ainsi libellé :

Un demandeur n’a pas le droit d’en appeler de la décision rendue par le comité d’inscription qui refuse une demande au motif que :

[…] 

b. le nom du demandeur ou le nom d’un des parents du demandeur ne se trouve pas sur une des listes mentionnées à l’alinéa 24(2)(i) des Lignes directrices du Comité d’inscription et le demandeur n’a pas fourni de preuve documentaire objective de l’auto-identification conformément aux alinéas 24(2)(ii) à (v).

Les autres préoccupations du Canada et de la FITN

[28]  Outre les préoccupations concernant la preuve relative à l’auto-identification, le Canada et la FITN étaient préoccupés par le nombre de demandes qui ont été présentées, qui était beaucoup plus élevé que prévu. Le déposant du Canada, Roy Gray, a déclaré que [traduction] « le dépôt de plus de 46 000 demandes au cours des trois derniers mois de la période d’inscription de quatre ans a soulevé des doutes quant à la crédibilité des demandes ». Il a affirmé que [traduction] « [l]e Canada et la FITN étaient tous deux préoccupés par l’intégrité et la crédibilité de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq et par la légitimité de ses membres ». Brendan Sheppard, de la FITN, a décrit de façon similaire sa réaction par rapport au nombre de demandes :

[traduction]

D’après ma longue expérience au sein de la Fédération, il était inconcevable que ces personnes aient pu s’identifier comme membres du groupe des Indiens mi’kmaq avant la création de la PNQM. Si ça avait été le cas, il y aurait eu un plus grand intérêt pour devenir membre de la Fédération ou d’autres organisations représentant les Mi’kmaq sur l’île de Terre‑Neuve. Un plus grand nombre de personnes aurait assisté aux activités culturelles, comme les pow-wow de Conne River ou de Flat Bay ou les cérémonies de la fête de Sainte‑Anne. Par conséquent, il n’était pas crédible que tous ces demandeurs s’identifiaient comme membres du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre‑Neuve avant la création de la PNQM. Cela a soulevé la question de savoir combien de nouveaux demandeurs ont présenté une demande afin de bénéficier des avantages que procure l’appartenance à une bande.

J’en ai eu la preuve lorsque le gouvernement du Canada a émis ce qui est communément appelé les « cartes de statut » au début de 2012 aux membres de la PNQM. Peu après l’émission des « cartes de statut », un concessionnaire automobile de Corner Brook a commencé à faire de la publicité à la station CFCB, une station de radio de Corner Brook dont les émissions sont diffusées dans la partie ouest de l’île de Terre‑Neuve, pour la vente de véhicules sans taxe à payer pour les membres de la PNQM qui détenaient leur « carte de statut ». Après la diffusion de ces publicités, les gens ont commencé à faire la file pendant des heures au bureau de la PNQM de Corner Brook, où se trouvait également le bureau de la Fédération, pour présenter une demande en vue d’obtenir une « carte de statut ».

[29]  M. Gray s’est appuyé sur les données des recensements pour étayer les préoccupations formulées par le Canada et la FITN. Dans son affidavit, il a résumé ces données de la manière suivante :

[traduction]

D’après le recensement de 2001, la population du Canada s’élevait à 30 007 094 habitants, dont 608 850, ou 0,02 % [sic il s’agit en fait de 2 %], ont déclaré être membres d’une Première Nation. En 2001, la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador comptait 508 080 habitants, dont 18 775 (ou 3,6 %) s’identifiaient comme Autochtones et 7 035 (ou 1,4 %) s’identifiaient comme membres d’une Première Nation, ce qui inclut les Innus et les Mi’kmaq. [...]

D’après le recensement de 2006, la population du Canada s’élevait à 31 234 030 habitants, dont 689 025, ou 0,02 % [sic il s’agit en fait de 2 %], ont déclaré être membres d’une Première Nation. En 2006, la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador comptait 500 610 habitants. Environ 24 000 des résidents de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (ou 4,6 % d’entre eux) s’identifiaient comme Autochtones, dont 7 765 (ou 1,6 %) s’identifiaient comme membres d’une Première Nation, ce qui inclut les Innus et les Mi’kmaq. [...]

D’après le recensement de 2011, la population du Canada s’élevait à 32 852 320 habitants, dont 851 560, ou 0,025 % [sic il s’agit en fait de 2 %], ont déclaré être membres d’une Première Nation. Terre‑Neuve‑et‑Labrador comptait 514 536 habitants. Environ 36 000 résidents de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (ou 3,7 % d’entre eux) s’identifiaient comme Autochtones, dont 19 315 (ou 3,7 %) s’identifiaient comme membres d’une Première Nation, ce qui inclut les Innus et les Mi’kmaq.

[30]  Compte tenu de son analyse des données des recensements et du nombre de demandes reçues, M. Gray a conclu qu’il n’était ni raisonnable ni réaliste de s’attendre à ce que l’ensemble des 100 000 demandeurs et plus puissent valablement prétendre qu’ils satisfaisaient aux critères d’inscription :

[traduction]

Compte tenu de ces données, il n’était ni raisonnable ni réaliste de s’attendre à ce que 104 000 demandeurs répondent aux conditions d’inscription à la Première Nation Qalipu Mi’kmaq. Le nombre de demandeurs représentait 1 habitant de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sur 5 (19 % de la population de la province) et environ 11 % de la population des Premières Nations du Canada (alors que la population de Terre‑Neuve‑et‑Labrador ne représentait que 1,6 % de la population du Canada en 2011).

L’acceptation par la communauté

[31]  Le sous-alinéa 4.1d)(ii) de l’Accord original prévoyait que, pour être admissibles à l’inscription à la PNQM, les demandeurs devaient établir qu’ils étaient, à la date du décret de reconnaissance, acceptés par le groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve à titre de membre de ce groupe.

[32]  L’article 25 des Lignes directrices du Comité d’inscription prévoyait que les demandeurs pouvaient satisfaire au critère de l’acceptation par la communauté de deux façons. Premièrement, ils pouvaient établir qu’ils résidaient dans un lieu occupé par le groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve ou près d’un tel lieu (alinéa 25a)). Deuxièmement, ils pouvaient démontrer qu’ils avaient rendu fréquemment visite à des membres vivant dans un lieu occupé par le groupe des Indiens mi’kmaq ou communiqué fréquemment avec ceux-ci et qu’ils avaient maintenu la culture ou le mode de vie mi’kmaq (alinéa 25b)).

[33]  Dans le préambule de l’Accord supplémentaire, les parties ont abordé le critère de l’acceptation par la communauté et la nécessité de « préciser davantage la nature de la preuve » à fournir pour établir ce critère. Elles ont apporté ces précisions dans l’annexe A de l’Accord supplémentaire, intitulée « Lignes directrices à l’intention du Comité d’inscription et du(des) responsable(s) des appels concernant l’application du sous-alinéa 4.1d)(ii) de l’Accord pour la reconnaissance de la bande Qalipu Mi’kmaq au chapitre de l’acceptation au sein du groupe des Indiens mi’kmaq de Terre-Neuve » [les Lignes directrices à l’intention du Comité d’inscription et du(des) responsable(s) des appels].

[34]  Les Lignes directrices à l’intention du Comité d’inscription et du(des) responsable(s) des appels énoncent un certain nombre d’exigences et de principes généraux que le Comité d’inscription et le responsable des appels doivent respecter pour déterminer si un demandeur a satisfait au critère de l’acceptation par la communauté. Elles établissent également un système de cotation pour l’évaluation et fournissent des directives précises quant à son application.

L’application de l’Accord supplémentaire et des Lignes directrices à l’intention du Comité d’inscription et du(des) responsable(s) des appels

[35]  L’article 2 de l’Accord supplémentaire prévoyait que le Comité d’inscription réévaluerait les demandes qui avaient été présentées entre le 1er décembre 2008 et le 30 novembre 2012 et qui avaient été acceptées. L’article 4 de l’Accord supplémentaire prévoyait que tous les demandeurs dont la demande serait évaluée ou réévaluée recevraient un avis écrit « des exigences en matière de preuve liées à l’évaluation ou à la réévaluation de leur demande en vertu des critères de l’alinéa 4.1d) [et auraient] l’occasion d’envoyer [...] de la documentation jamais soumise auparavant ».

Gerald Brake

[36]  M. Brake est né à Corner Brook (Terre‑Neuve), mais il habite aujourd’hui à Casselman (Ontario). Il a présenté sa demande d’inscription le 5 novembre 2011, soit un mois et demi après la date du décret de reconnaissance. Il a reçu une lettre datée du 31 janvier 2017 l’informant que le Comité d’inscription avait rejeté sa demande.

[traduction]

Le Comité d’inscription a décidé de rejeter votre demande au motif que vous ne répondez pas au critère de l’auto-identification prévu au sous-alinéa 4.1d)(i) de l’Accord et à l’article 24 des Lignes directrices. Votre nom (ou celui d’un de vos parents si vous avez moins de 18 ans) ne figurait pas sur la liste des membres de la Fédération des Indiens de Terre‑Neuve, de l’Alliance des Mi’kmaq de Ktaqamkuk, de la Première Nation de Benoit ou de la bande des Mi’kmap sip’kop. Vous n’avez pas non plus fourni de preuve documentaire objective d’auto-identification, comme l’exigent les alinéas 24(3)(ii), (iii), (iv) et (v) des Lignes directrices. [Souligné dans l’original.]

[37]  Le Comité d’inscription a évalué les demandes de manière séquentielle. Lorsqu’une demande était jugée valide au motif qu’elle répondait aux conditions énoncées aux articles 1 à 7 des Lignes directrices du Comité d’inscription, on procédait ensuite à l’examen des critères d’admissibilité dans l’ordre suivant : auto-identification, acceptation par la communauté et ascendance. Puisque la demande de M. Brake ne répondait pas au critère de l’auto-identification, le Comité d’inscription n’a pas évalué les deux autres critères.

Gregory Collins

[38]  Le demandeur a déposé l’affidavit de Gregory Collins, né à Corner Brook (Terre‑Neuve), mais habitant aujourd’hui à Rockland (Ontario). M. Collins affirme que si la Cour le juge nécessaire, il est prêt à se joindre à M. Brake à titre de représentant demandeur. M. Collins a présenté une demande d’inscription le 1er février 2009, soit lors de la première étape du processus d’inscription. Sa demande a été acceptée le 29 mai 2009. Toutefois, le Comité d’inscription a réévalué sa demande en application de l’Accord supplémentaire et, par une lettre datée du 31 janvier 2017, il l’a rejetée, au motif qu’elle ne répondait pas au critère de l’acceptation par la communauté, tel qu’il est défini dans les Lignes directrices à l’intention du Comité d’inscription et du(des) responsables des appels. M. Collins a interjeté appel de cette décision, mais a été débouté.

Les questions en litige

[39]  La Cour doit examiner les deux questions suivantes :

  1. La Cour devrait-elle exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et convertir la présente demande de contrôle judiciaire en action?

  2. Si la Cour juge que la conversion en action est indiquée, le demandeur a-t-il rempli toutes les conditions prévues au paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales pour que l’instance soit autorisée comme recours collectif?

Analyse

[40]  Le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales est ainsi libellé : « Elle [la Cour fédérale] peut, si elle l’estime indiqué, ordonner qu’une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action. » Cette disposition n’indique pas dans quelles circonstances il peut être « indiqué » de convertir la demande en action et n’énumère pas non plus les facteurs qui pourraient ou devraient être examinés.

[41]  Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c MacInnis, [1994] 2 CF 464, [1994] ACF n392, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 9, a fait la mise en garde suivante : « Il ne faudrait pas perdre de vue l’intention clairement exprimée par le Parlement, qu’il soit statué le plus tôt possible sur les demandes de contrôle judiciaire, avec toute la célérité possible, et le moins possible d’obstacles et de retards du type de ceux qu’il est fréquent de rencontrer dans les procès. » Les demandes de contrôle judiciaire sont la norme; les actions sont l’exception.

[42]  Dans l’arrêt Drapeau c Canada (Ministre de la Défense nationale) (1995), 179 NR 398, [1995] ACF no 536, la Cour d’appel fédérale a interprété de façon large la portée du pouvoir discrétionnaire conféré au juge des requêtes par le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Dans cette affaire, la majorité des juges a conclu que le juge des requêtes n’avait pas commis d’erreur en prenant en considération, dans une requête en conversion, le caractère souhaitable de mesures visant à prévenir une multiplicité de procédures. M. Drapeau avait indiqué dans sa demande son intention d’engager une action en dommages-intérêts en plus de la demande de contrôle judiciaire, sur la base des mêmes faits.

[43]  La majorité des juges de la Cour d’appel fédérale a aussi conclu, au paragraphe 3, que le paragraphe 18.4(2) de la Loi n’établissait aucune limite quant aux facteurs qui peuvent à juste titre être pris en considération dans le contexte d’une requête en conversion et que « les commodités de l’accès à la justice et la prévention des coûts et délais inutiles » figurent parmi ces facteurs légitimes.

[44]  L’arrêt le plus instructif sur la question de l’interaction entre la conversion d’une demande en action et un recours collectif proposé est l’arrêt Tihomirovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 308 [Tihomirovs], qui a infirmé la décision Tihomirovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 479.

[45]  Le 1er février 2002, M. Tihomirovs a déposé une demande de résidence permanente en vertu des dispositions de la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2. Sa demande n’a été traitée qu’après l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, le 28 juin 2002. Sa demande a donc été traitée sous le régime de la nouvelle Loi, et elle a été rejetée. Il a déposé une demande de contrôle judiciaire pour obtenir une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’évaluer sa demande conformément à l’ancienne loi. Il a présenté une requête en vue de faire convertir sa demande en action. Il a indiqué qu’il voulait faire convertir sa demande en action pour pouvoir faire autoriser l’action comme recours collectif. Le groupe proposé incluait non seulement les 21 autres demandeurs qui avaient présenté une demande de contrôle judiciaire pour des raisons semblables, mais aussi les quelque 40 000 personnes qui avaient présenté une demande de résidence permanente au Canada entre le 1er janvier et le 28 juin 2002.

[46]  S’agissant de la requête en conversion, M. Tihomirovs a fait valoir que son intention de faire autoriser l’instance comme recours collectif était suffisante en soi pour justifier la conversion de sa demande en action. La Cour fédérale a fait remarquer qu’« il peut arriver dans certains cas qu’au vu de la demande de contrôle judiciaire, la demande soit de nature telle qu’elle ne convienne manifestement pas à une procédure de recours collectif ». Or, elle a conclu que la demande de M. Tihomirovs ne faisait pas partie de cette catégorie. De plus, le juge des requêtes a fait remarquer que refuser d’autoriser la conversion dans les circonstances de l’espèce « équivaut à refuser à monsieur Tihomirovs l’autorisation de déposer un recours collectif; en effet, si sa demande n’est pas convertie en action, le demandeur ne sera plus en mesure de faire autoriser le recours collectif ». Pour cette raison, la Cour a statué que la requête en conversion soulevait un problème d’accès à la justice et a ordonné que la demande soit convertie en action.

[47]  Dans l’arrêt Tihomirovs, la Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel interjeté à l’égard de cette décision. Le juge Rothstein, alors juge d’appel, a déclaré que l’intention de faire autoriser un recours collectif est « simplement [un] facteur supplémentaire dont il convient de tenir compte dans une [...] demande [de conversion] ». Il a ajouté, au paragraphe 14, que, « [é]tant donné que le contrôle judiciaire vise le règlement expéditif et sommaire des questions de droit public, les tribunaux seront toujours obligés d’évaluer les avantages de la procédure par voie de recours collectif par rapport à l’efficacité de la procédure par voie de contrôle judiciaire ».

[48]  Au paragraphe 16, le juge Rothstein a reconnu l’évidence : si la conversion vise à présenter une demande d’autorisation d’une instance comme recours collectif et que le demandeur ne peut convaincre le tribunal que les conditions préalables à l’autorisation énoncées à l’article 229.18 [aujourd’hui l’article 334.16] des Règles seront remplies, alors la demande ne doit pas être convertie. Par contre, au paragraphe 19, il établit clairement que, même si le demandeur parvient à convaincre le tribunal que le recours collectif serait autorisé, cela ne mène pas inévitablement à la conclusion que la demande devrait être convertie :

[L]a procédure souhaitable est l’un des facteurs à prendre en considération dans le cadre de la procédure de conversion et d’autorisation. Le tribunal examinera les problèmes liés à la facilité et à l’efficacité des procédures, et choisira celle qui offrira le moins de difficultés pour régler les questions en litige. Par exemple, une pluralité de contrôles judiciaires que permettrait d’éviter un recours collectif pourrait également être évitée si les parties convenaient de considérer un seul contrôle judiciaire comme une cause type pour les autres contrôles judiciaires qui portent sur la même question. Ces facteurs, parmi d’autres, devraient permettre au tribunal de décider s’il convient d’autoriser la conversion et l’autorisation du recours collectif.

[49]  Lorsque la Cour fédérale a réexaminé la demande de conversion, elle a conclu que, si la demande était convertie en action, celle-ci ne remplirait pas les conditions en vue de son autorisation comme recours collectif. La Cour a donc rejeté la demande de conversion : Tihomirovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 197.

[50]  Les requêtes en vue de faire autoriser une instance comme recours collectif sont régies par le paragraphe 334.16(1) des Règles, qui est ainsi libellé :

Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

a)   les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

b)   il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

c)   les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

d)   le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

e)   il existe un représentant demandeur qui :

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

[51]  Cette disposition prévoit que le recours collectif doit être autorisé si les cinq conditions énumérées sont remplies. Conformément à l’arrêt Tihomirovs, je me pencherai d’abord sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où la demande était convertie en action, les conditions en vue de l’autorisation comme recours collectif seraient remplies.

a)  Existe-t-il une cause d’action valable?

[52]  Le critère applicable pour déterminer s’il existe une cause d’action valable est le même que celui qui s’applique aux requêtes en radiation. Il faut se demander s’il est évident et manifeste que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action valable : Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959.

[53]  Dans sa demande, M. Brake sollicite plusieurs des réparations traditionnelles du droit public, dont (1) un jugement déclaratoire portant que le rejet, par application de l’Accord supplémentaire, des demandes d’inscription à la PNQM présentées par le demandeur et par d’autres était [traduction] « manifestement injuste selon les principes de justice naturelle et contraire au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales »; (2) un jugement déclaratoire portant que le Canada a agi de mauvaise foi en rejetant ces demandes d’inscription; (3) un jugement déclaratoire portant que le Comité d’inscription a outrepassé sa compétence ou a refusé d’exercer sa compétence, a omis de respecter les principes de justice naturelle, a fondé ses décisions sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, et a commis des erreurs de droit; (4) une ordonnance annulant les décisions du Comité d’inscription de rejeter ces demandes d’inscription ou les renvoyant pour nouvel examen.

[54]  Ces réparations sont également demandées dans le projet de déclaration, dans lequel le demandeur sollicite aussi des jugements déclaratoires portant que le Canada a manqué à ses obligations fiduciaires, a porté atteinte aux droits garantis au demandeur par la Charte et a bénéficié d’un enrichissement injustifié. En outre, dans le cadre de l’action proposée, le demandeur demande des dommages-intérêts pour le manquement aux obligations fiduciaires et la violation des droits garantis par la Charte qui sont allégués, ainsi que des dommages-intérêts punitifs.

[55]  Je souscris à l’observation formulée par la FITN au paragraphe 50 de son mémoire, selon laquelle l’action proposée par M. Brake est [traduction] « fondée sur le fait que sa demande a été mal évaluée », parce que l’Accord supplémentaire n’a pas été ratifié de la façon prévue dans l’Accord original. L’action proposée est également fondée sur la prétention de M. Brake selon laquelle la décision du Comité d’inscription et tout le processus d’évaluation étaient injustes.

[56]  Le Canada et la FITN font tous deux valoir que le projet de déclaration ne révèle aucune cause d’action valable, puisque les causes d’action de droit privé invoquées par M. Brake n’ont aucune chance raisonnable d’être accueillies. Cependant, ils n’ont pas formulé la même observation en ce qui a trait aux réparations de droit public demandées par M. Brake.

[57]  M. Brake a soutenu que [traduction] « la première condition énoncée à l’alinéa 334.16(1)a) est remplie dans le contexte d’un contrôle judiciaire, à moins que “la cause d’action [soit] manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie” ». Je suis d’accord. Le juge Rothstein a exprimé un point de vue semblable dans l’arrêt Tihomirovs lorsqu’il a fait observer que, dans le contexte d’un recours collectif proposé en matière d’immigration, au moment où on en arrive à l’étape de la conversion et de l’autorisation du recours collectif, la condition relative à la cause d’action valable aura habituellement déjà fait l’objet d’une décision, parce que l’autorisation de procéder aura déjà été accordée à cette étape. De plus, cette première condition est remplie, parce que l’affaire Wells a déjà été tranchée sur la base d’une situation semblable à celle de M. Brake et que le demandeur a eu gain de cause en partie. Par conséquent, je conclus que l’acte de procédure révèle au moins une cause d’action valable.

[58]  Il ne faudrait pas présumer, en raison de cette conclusion, que les réparations de droit privé demandées dans le projet de déclaration soulèvent aussi des causes d’action valables. Comme je l’expliquerai plus loin, dans mon analyse de la question de savoir s’il existe un groupe identifiable, toutes les réclamations du demandeur fondées sur le droit privé sont prématurées. Il ne conviendrait donc pas que la Cour détermine si celles-ci pourraient hypothétiquement révéler une cause d’action valable dans le futur. Cependant, aux fins de la présente analyse, j’accepte que M. Brake a rempli la première condition.

b)  Existe-t-il un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes?

[59]  M. Brake propose le groupe suivant : toutes les personnes qui ont présenté une demande d’inscription à la bande Qalipu et dont la demande a été rejetée au titre de l’Accord supplémentaire.

[60]  Cette condition vise à identifier les personnes qui ont droit aux avis, qui ont droit à la réparation accordée, le cas échéant, et qui sont liées par le jugement. Dans l’arrêt Hollick c Toronto (Ville), 2001 CSC 68, au paragraphe 21, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que ce n’est pas une exigence lourde.

[61]  Le Canada fait valoir [traduction] « [qu’]il n’existe pas de lien rationnel entre le groupe proposé, d’une part, et les causes d’action et les questions communes alléguées, d’autre part, et [que] le groupe proposé est par conséquent trop large ». Dans ses observations orales, M. Brake a demandé à la Cour de modifier le groupe proposé si elle juge qu’il est trop large.

[62]  Le Canada soutient que le groupe proposé est trop large pour trois raisons :

[traduction]

a.  Il suppose à tort que toutes les personnes dont la demande d’inscription a été rejetée auraient eu droit au statut de membre fondateur, n’eût été l’Accord supplémentaire. Les membres du groupe qui ne sont pas admissibles au statut de membre fondateur aux termes de l’un ou l’autre des accords n’ont aucune cause d’action et n’ont subi aucun préjudice.

b.  Il ne tient pas compte du fait que les demandeurs qui ont fait l’objet d’une décision défavorable de la part du Comité ou du responsable des appels se sont vu refuser le statut de membre fondateur pour diverses raisons et qu’ils peuvent demander le contrôle judiciaire des décisions du Comité ou du responsable des appels. Par exemple, si la demande de contrôle judiciaire de M. Brake était accueillie, sa demande d’inscription serait renvoyée au Comité, qui pourrait lui accorder le statut de membre fondateur. À l’heure actuelle, le groupe proposé comprend des personnes qui pourraient en fin de compte se voir accorder le statut de membre fondateur. Ces membres du groupe n’ont pas de cause d’action et n’ont subi aucun préjudice.

c.  Il ne tient pas non plus compte du fait qu’un demandeur qui ne satisfait pas aux critères d’inscription à titre de membre fondateur peut satisfaire aux exigences liées à l’inscription aux termes de la Loi sur les Indiens. Ce demandeur n’aurait pas le statut de membre fondateur, mais il serait un Indien inscrit et serait admissible à tous les avantages et les services qui en découlent. Ces membres du groupe n’auraient subi aucun préjudice, même s’ils ne sont pas des membres fondateurs.

[63]  À mon avis, la définition du groupe proposé pourrait convenir si l’on examinait uniquement les réparations de droit public qui ont été demandées, c’est-à-dire celles qui pourraient par ailleurs être accordées dans le cadre d’un contrôle judiciaire. D’ailleurs, à un moment donné dans ses observations orales, le Canada a semblé reconnaître qu’une instance par procédure collective de la nature d’un contrôle judiciaire pourrait être indiquée.

[64]  Bien que je me sois penché uniquement sur les réparations de droit public lorsque j’ai examiné la question de savoir s’il existait une cause d’action valable, ici, il faut tenir compte du fait que le projet de déclaration vise également des réparations de droit privé.

[65]  Je ne vois pas comment un demandeur dont la demande d’inscription a été rejetée au titre de l’Accord original (qui n’est pas contesté) pourrait prétendre avoir une réclamation contre l’une ou l’autre des parties défenderesses au motif que sa demande a été rejetée au titre de l’Accord supplémentaire. Je conviens avec le Canada que le recours proposé suppose que toutes les demandes d’inscription rejetées au titre de l’Accord supplémentaire auraient été acceptées aux termes de l’Accord original. Je suis donc d’avis, à l’instar du Canada, que la définition du groupe proposé est trop large, parce qu’elle inclut les demandeurs dont la demande aurait tout de même été rejetée au titre de l’Accord original.

[66]  Même si j’étais disposé à limiter ou à préciser le groupe proposé, je ne vois pas comment je pourrais, à ce point-ci, le faire avec certitude ou de façon à ce qu’une personne sache si elle fait ou non partie du groupe proposé à la simple lecture de la description du groupe. Par exemple, si le groupe se limitait aux demandeurs qui ont présenté une demande d’inscription qui a été rejetée au titre de l’Accord supplémentaire, mais qui ne l’aurait pas été au titre de l’Accord original, pour savoir s’ils font partie du groupe proposé, les demandeurs doivent savoir si leur demande aurait été acceptée aux termes de l’Accord original. Il est impossible d’obtenir ce renseignement, à moins que le Comité d’inscription ait procédé à cette évaluation pour chacun des milliers de personnes pouvant être membres du groupe, ce qui n’est pas le cas. Procéder à cette évaluation maintenant, simplement pour savoir si une personne fait partie du groupe proposé, nécessiterait des mois, voire des années, de travail potentiellement inutile.

[67]  En outre, cette définition du groupe suppose que toutes les dispositions de l’Accord supplémentaire ont été invalidées, alors que la Cour dans la décision Wells n’a invalidé que certaines parties de l’Accord supplémentaire. Ainsi, les personnes qui ont présenté une demande d’inscription qui aurait été rejetée au titre des dispositions valides de l’Accord supplémentaire n’ont aucune réclamation évidente de droit privé.

[68]  Cela signifie qu’une décision doit être rendue à l’égard des réparations de droit public qui ont été demandées avant l’examen des réclamations fondées sur le droit privé, car c’est à ce moment-là seulement que le groupe de membres ayant une réclamation fondée sur le droit privé sera identifiable.

c)  Les réclamations des membres du groupe soulèvent-elles des points de droit ou de fait communs?

[69]  À l’annexe A de son mémoire (ci-jointe à l’annexe A), M. Brake énumère huit questions de fait ou de droit qui, selon lui, sont communes à tous les membres du groupe proposé. Le Canada prétend que sept d’entre elles ne sont pas des questions communes. Pour ce qui est de la question restante, c’est-à-dire celle de savoir si le rejet des demandes d’inscription à la bande Qalipu des membres du groupe, au titre de l’Accord supplémentaire et de ses annexes, était légal aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, le Canada semble reconnaître qu’il s’agit d’une question commune. Encore une fois, cette question vise uniquement les réparations de droit public demandées dans l’action proposée.

[70]  À mon avis, les autres questions ne seraient sans doute communes qu’aux personnes dont la demande d’inscription a été rejetée au titre des dispositions de l’Accord supplémentaire qui ont maintenant été déclarées invalides et dont la demande d’inscription aurait par ailleurs été acceptée. Ce groupe n’est pas identifiable à l’heure actuelle. Par conséquent, je ne vois qu’une question commune, et elle ne se rapporte à aucune des réparations de droit privé demandées.

d)  Le recours collectif est-il le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs?

[71]  Je conviens avec M. Brake que [traduction] « les défendeurs n’ont présenté aucun élément de preuve établissant l’existence d’un meilleur moyen de régler les réclamations des membres du groupe fondées sur le manquement aux obligations fiduciaires, la violation des droits garantis par la Charte et l’enrichissement injustifié » [souligné dans l’original]. Cet argument suppose que les membres du groupe ont, de fait, des réclamations. Or, les membres du groupe n’ont des réclamations que dans la mesure où leur demande d’inscription a été rejetée au titre des dispositions invalides de l’Accord supplémentaire, alors qu’elle aurait été acceptée aux termes de l’Accord original, des dispositions valides de l’Accord supplémentaire ou de toute autre disposition valide adoptée par la suite par les défendeurs.

[72]  Le paragraphe 334.16(2) des Règles prévoit les facteurs que la Cour doit prendre en compte pour trancher cette question :

Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

[73]  Essentiellement, M. Brake prétend qu’un recours collectif permettrait à l’ensemble des 80 000 demandeurs déboutés d’obtenir réparation, au lieu que chacun d’eux dépose une demande individuelle. Il existe toutefois une autre façon de procéder pour éviter ce résultat, du moins lorsque des réparations de droit public sont en jeu : on peut recourir à la cause type. D’ailleurs, le Canada et la FITN ont qualifié l’affaire Wells de cause type en ce qui a trait à la validité des dispositions relatives à l’auto-identification de l’Accord supplémentaire. Une décision a été rendue dans cette affaire, et la demande de M. Brake a été rejetée sur le fondement de cette décision.

[74]  La décision définitive rendue dans les affaires Wells permettra à ces demandeurs et aux demandeurs dont la demande a été rejetée au même titre, y compris M. Brake, s’il choisit de se prévaloir de cette option au lieu de donner suite à sa propre demande, de faire évaluer leur demande d’inscription aux termes des dispositions qui demeurent valides ou, peut-être, aux termes des dispositions modifiées adoptées conformément à l’Accord original. Ce n’est qu’à la suite de cette évaluation qu’on pourra affirmer qu’un recours collectif est un moyen efficace de déterminer les réparations de droit privé qui pourraient s’offrir aux demandeurs dont la demande d’inscription aurait été rejetée à tort.

e)  M. Brake est-il un représentant demandeur convenable?

[75]  Je conviens que M. Brake est un représentant demandeur convenable pour les membres du groupe dont la demande a été rejetée au même titre que la sienne, c’est-à-dire le défaut de remplir le critère de l’auto-identification. À mon avis, il ne peut pas représenter les demandeurs dont la demande a été rejetée sur le fondement de l’acceptation par la communauté.

[76]  La Cour a été informée que M. Collins est disposé à se joindre à M. Brake à titre de représentant demandeur. Sa demande a été rejetée sur le fondement du critère de l’acceptation par la communauté.

[77]  Compte tenu de la preuve par affidavit qui a été présentée et en reconnaissant le fait que le ou les demandeurs proposés n’ont pas à être les meilleurs représentants, je suis prêt à accepter que les deux hommes agissent comme représentants demandeurs.

Conclusion

[78]  Comme je l’ai déjà mentionné, toutes les conditions énumérées au paragraphe 334.16(1) des Règles doivent être remplies pour qu’une instance soit autorisée comme recours collectif. En l’espèce, au moins deux d’entre elles n’ont pas été remplies. Il s’ensuit que la requête en autorisation serait rejetée. Bien que M. Brake et M. Collins soient des représentants demandeurs convenables et qu’il existe au moins une cause d’action valable, le seul groupe de personnes identifiable se rapporte aux questions de droit public, qui peuvent être tranchées plus efficacement par la voie d’une ou de plusieurs demandes de contrôle judiciaire type. Par conséquent, le présent recours collectif proposé ne serait pas autorisé. Conformément à la décision Tihomirovs, la requête en vue de faire convertir la présente demande de contrôle judiciaire en action est par conséquent rejetée.

[79]  La décision rendue à l’égard des présentes requêtes est sans préjudice de toute réclamation présentée ultérieurement par un demandeur dont la demande d’inscription à la bande Qalipu a été rejetée et que l’on jugerait par la suite être admissible à l’inscription, ou de toute requête subséquente en vue de faire autoriser l’instance comme recours collectif.

[80]  Puisque les présentes requêtes se rapportent à un recours collectif, aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE dans le dossier T-300-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.  La requête présentée par le demandeur en vue de faire convertir sa demande de contrôle judiciaire en action, aux termes du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, et de faire autoriser cette action comme recours collectif aux termes du paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, est rejetée.

2.  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Russel W. Zinn »

Juge


Annexe A

  • 1) Le rejet des demandes d’inscription à la bande Qalipu du groupe, au titre de l’Accord de 2013 et de ses annexes, est-il légal aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales?

  • 2) En établissant et en mettant en œuvre l’Accord de 2013, le Canada a-t-il manqué à ses obligations fiduciaires à l’égard du groupe?

  • 3) En établissant et en mettant en œuvre l’Accord de 2013, le Canada a-t-il porté atteinte aux droits à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination fondée sur la race, l’origine nationale et l’origine ethnique, qui sont garantis aux membres du groupe par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • 4) Si la réponse à la question commune no 3 est « oui », les actes du Canada sont-ils justifiés au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés? Si oui, dans quelle mesure et pendant quelle période?

  • 5) Si la réponse à la question commune no 3 est « oui » et que la réponse à la question commune no 4 est « non », l’octroi de dommages-intérêts serait-il une réparation convenable et juste aux termes de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés eu égard aux violations?

  • 6) Si la réponse aux questions nos 1, 2 ou 5 est « oui », la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale, aux termes de l’article 334.28 des Règles, des dommages subis par une partie ou la totalité des membres du groupe dans le cadre du procès relatif aux questions communes? Si oui, à combien s’élèvent-ils?

  • 7) La conduite du Canada lui a-t-elle permis de bénéficier d’un enrichissement injustifié? Si oui, le Canada est-il un fiduciaire par interprétation détenant des gains mal acquis pour le compte du demandeur et des membres du groupe? Quel est le montant d’argent détenu par le Canada dans la fiducie par interprétation?

  • 8) La conduite du Canada justifie-t-elle l’attribution de dommages-intérêts punitifs? Le cas échéant, quel devrait être le montant de ces dommages-intérêts?

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

t-300-17

INTITULÉ :

GERALD BRAKE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 6 ET 7 MARS 2018

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

LE 8 mai 2018


COMPARUTIONS :

David Rosenfeld

Brittany Tovee

POUR LE DEMANDEUR

 

Elizabeth Kikuchi

Sarah Sherholds

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Stephen J. May

POUR LA DÉFENDERESSE

FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE-NEUVE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Koskie Minsky LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Cox & Palmer

Avocats

St. John’s (Terre‑Neuve)

POUR LA DÉFENDERESSE

FÉDÉRATION DES INDIENS DE TERRE-NEUVE

 

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