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Date : 20180511


Dossier : IMM-4393-17

Référence : 2018 CF 501

Toronto (Ontario), le 11 mai 2018

En présence de monsieur le juge Grammond

ENTRE :

JONAS LAVILETTE

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Jonas Lavilette, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui rejette sa demande d’asile. Je rejette cette demande, car j’estime que la décision de la Commission était raisonnable eu égard à la preuve et que la Commission n’a pas manqué à son devoir d’équité procédurale.

[2]  M. Lavilette a quitté Haïti, son pays natal, en juin 2016, pour se rendre aux États-Unis. Il y a fait une demande d’asile. Avant que cette demande ne soit traitée, il est entré au Canada en juillet 2017 et y a fait une demande d’asile. Il fonde cette demande sur deux agressions dont il aurait été victime en Haïti en raison de ses opinions politiques, l’une en octobre 2015 à Léogâne et l’autre en mai 2016 à Petit Trou de Nippes.

[3]  Le 18 septembre 2017, la Commission a rejeté la demande d’asile de M. Lavilette. La Commission a conclu que M. Lavilette n’était pas crédible et que les agressions alléguées n’ont probablement pas eu lieu. Pour parvenir à ces conclusions, la Commission s’est fondée sur plusieurs contradictions entre le témoignage de M. Lavilette à l’audience, son formulaire de fondement du droit d’asile [FDA] et la preuve documentaire qu’il a soumise. Elle a aussi noté que M. Lavilette avait été incapable de donner des détails satisfaisants au sujet des événements allégués. Enfin, elle a souligné que M. Lavilette avait changé son témoignage au sujet d’un élément important, la date à laquelle il avait quitté Léogâne pour s’établir à Petit Trou de Nippes. La Commission a conclu que M. Lavilette avait probablement falsifié les documents qu’il avait présentés pour appuyer sa demande d’asile.

[4]  La Cour examine les décisions rendues par la Commission selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157, aux paragraphes 30 à 35). Je dois m’assurer que la décision de la Commission se fonde sur une interprétation justifiable des principes juridiques applicables et sur une évaluation raisonnable de la preuve. En particulier, mon rôle n’est pas d’évaluer moi-même la crédibilité des témoins et le poids à accorder aux divers éléments de preuve.

[5]  En l’espèce, les reproches que M. Lavilette adresse à la décision de la Commission portent essentiellement sur l’appréciation de la crédibilité. À ce propos, il faut garder à l’esprit que la Commission n’était pas tenue de traiter explicitement de chaque argument ou de chaque élément de preuve (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). Après avoir examiné les allégations de M. Lavilette, son témoignage et les documents produits devant la Commission, je conclus que la décision de la Commission était tout à fait raisonnable.

[6]  La conclusion de la Commission selon laquelle M. Lavilette a fabriqué des éléments de preuve peut paraître dure. C’est cependant une conclusion entièrement justifiable. Je me permets simplement de souligner que le procès-verbal du Tribunal de paix de Léogâne, daté du 9 novembre 2015, fait état non seulement de faits survenus à Léogâne en octobre 2015, mais aussi de faits survenus à Petit Trou de Nippes en mai 2016. Il est difficile de comprendre comment un tel document, s’il a vraiment été rédigé à la date qu’il porte, peut faire état d’événements survenus postérieurement.

[7]  M. Lavilette soutient que la Commission a manqué à son devoir d’équité procédurale dans la manière dont elle a entendu et tranché l’affaire. Cette prétention est sans fondement.

[8]  Premièrement, dans leur ensemble, les arguments d’équité procédurale de M. Lavilette constituent une manière déguisée de s’en prendre au caractère raisonnable des conclusions de la Commission relativement à l’analyse de la preuve et à l’appréciation de la crédibilité.  Un demandeur ne saurait donner une telle caractérisation à ses arguments de manière à éviter l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[9]  Deuxièmement, M. Lavilette se fonde sur un passage de la décision de la Commission dans laquelle celle-ci note une incohérence entre le formulaire de FDA et la preuve documentaire. La Commission écrit ceci (au paragraphe 16) :

Le tribunal n’a pas prié le demandeur d’asile d’expliquer ces incohérences, et de ce fait n’a pas de réponse aux questions qu’il pourrait avoir. Le tribunal constate toutefois que ces incohérences jettent une ombre supplémentaire sur la crédibilité du demandeur d’asile lorsque celui-ci affirme avoir reçu des menaces des partisans de Jean-Charles Moïse.

[10]  Il est regrettable que la Commission ait fait de tels commentaires alors qu’elle n’a pas demandé à M. Lavilette d’expliquer l’incohérence en question. Cependant, je suis d’avis que cette erreur n’a aucunement affecté  le résultat. La Commission affirme que l’incohérence en question jette une « ombre supplémentaire » sur la crédibilité de M. Lavilette. J’en déduis que cette crédibilité était déjà affectée. Un examen sommaire de la preuve le confirme d’ailleurs. Il s’agit donc d’un cas où, même en supposant qu’il y ait eu violation de l’obligation d’équité procédurale, il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée, puisque le résultat aurait inévitablement été le même : Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 aux pp 228-229.

[11]  Je conclus que la décision de la Commission était raisonnable et que la Commission n’a pas manqué à son devoir d’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.


JUGEMENT DANS IMM-4393-17

LA COUR STATUE que :

  1. l’intitulé de cause est corrigé pour se lire « Jonas Lavilette »;

  2. la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

3.  aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4393-17

INTITULÉ :

JONAS LAVILETTE c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 MAI 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 11 mai 2018

COMPARUTIONS :

Marie F. Saintil

Pour le demandeur

Leanne Briscoe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marie F. Saintil

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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