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Date : 20180517


Dossier : IMM-4477-17

Référence : 2018 CF 521

Montréal (Québec), le 17 mai 2018

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

SOMAIRA ALTAGRACIA FERMIN MORA

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision rendue le 28 septembre 2017 par la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [Commission], en vertu du paragraphe 111(1) de la LIPR. Dans cette décision, la SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] en concluant que la demanderesse n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention », ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.  Faits

[2]  La demanderesse, âgée de 48 ans, est citoyenne de la République dominicaine.

[3]  Advenant un retour dans son pays, la demanderesse allègue craindre la mort et les mauvais traitements aux mains de son ex-mari, Miguel Fernandez. La demanderesse a épousé Miguel en avril 1994 et a eu trois enfants avec lui. Le couple s’est divorcé le 20 octobre 2014.

[4]  Dans le récit écrit annexé au fondement de sa demande d’asile [FDA], la demanderesse raconte que son ex-mari serait une personne instable, irresponsable et agressive. D’après les dires de la demanderesse, étant donné que son ex-mari ne changeait pas ses comportements et qu’il continuait à consommer de l’alcool et à voler son argent, elle a décidé de quitter la demeure familiale accompagnée de ses trois enfants, le 8 août 2011. Le frère de la demanderesse aurait accueilli la demanderesse et ses enfants chez lui.

[5]  En décembre 2011, la demanderesse raconte qu’elle est allée vivre chez sa mère avec les enfants, cependant, ces derniers seraient retournés vivre chez leur père « où ils étaient plus confortables ».

[6]  Dans la nuit du 20 au 21 janvier 2013, la demanderesse allègue avoir été avisée par sa fille de ne pas retourner chez sa mère puisque son ex-mari l’attendait pour la tuer à l’aide d’une machette. La demanderesse raconte qu’elle était chez sa tante afin de célébrer son départ aux États-Unis. Elle serait restée chez sa tante pour la nuit, étant donné l’heure tardive. La demanderesse allègue que son ex-mari est un homme jaloux et qu’il la soupçonnait d’être avec un autre homme pendant qu’elle passait du temps avec sa tante.

[7]  Le 22 janvier 2013, la demanderesse aurait porté plainte au bureau de la violence intrafamiliale de gendre et sexuelle afin de dénoncer les menaces de son ex-mari.

[8]  Le lendemain, la demanderesse allègue avoir vécu cette fois-ci chez les beaux-parents de sa sœur dans le but d’éviter que son ex-mari ne la trouve. Monsieur Fernandez aurait tout de même tenté de se présenter sur les lieux de travail de la demanderesse, mais il n’aurait pas réussi à pénétrer l’établissement en raison des mesures de sécurité.

[9]  En décembre 2013, la demande de visa de la demanderesse pour les États-Unis a été refusée. En avril 2014, la demanderesse obtient un visa pour le Canada et arrive au pays en mai 2014.

[10]  En 2014 et en 2015, la demanderesse a présenté une demande de modification des conditions de son séjour de son visa dans le but de visiter son partenaire conjugal à Montréal.

[11]  Le 2 février 2016, la demanderesse a sollicité l’asile au Canada.

III.  Décision de la SPR

[12]  Le 26 mai 2016, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse et a conclu qu’elle n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies relatives au statut des réfugiés ni celle de personne à protéger.

[13]  La décision de la SPR n’était basée que sur la conclusion selon laquelle la demanderesse n'était pas crédible, l’identité de la demanderesse ayant été établie à la satisfaction du tribunal. De façon générale, le commissaire qui siégeait à la SPR a trouvé que la demanderesse a présenté un témoignage « assez flou ». Entre autres, la demanderesse n’aurait pas été en mesure de fournir des précisions sur son divorce. Le tribunal a alors conclu que ces incohérences constituent des problèmes majeurs qui influent sur la crédibilité de la demanderesse. La SPR est arrivée à la conclusion que le témoignage de la demanderesse n’était pas digne de foi en raison de plusieurs éléments à la base de la demande d’asile, notamment :

i.  des contradictions entre le témoignage livré par la demanderesse et son récit annexé au FDA au sujet de l’incident du 20 janvier 2013;

ii.  une contradiction entre le témoignage de la demanderesse et l’acte de dénonciation datée du 22 janvier 2013 rapportant les circonstances de l’incident du 20 janvier 2013;

iii.  des contradictions portant sur les lieux de résidence de ses enfants et de son ex-époux;

iv.  une omission de mentionner dans son récit annexé au FDA qu’un ordre de restriction lui avait été remis par la police suivant la plainte qu’elle a portée le 22 janvier 2013.

[14]  Enfin, la SPR a conclu au rejet de la demande d’asile en raison du comportement de la demanderesse. Le tribunal a noté que la demanderesse a attendu longtemps avant de quitter son pays en mai 2014 à la suite de l’incident de janvier 2013. Le tribunal a conclu que la demanderesse n’a pas effectué assez de démarches pour tenter de fuir son mari. De plus, le tribunal note que la demanderesse n’aurait pas demandé de l’aide auprès des autorités afin de dénoncer la situation, mise à part celle du 22 janvier 2013. D’après la SPR, ce comportement ne correspond pas à celui d’une personne qui allègue craindre pour sa sécurité. Le tribunal a également noté que la demanderesse avait déclaré que son ex-mari se serait présenté fréquemment au domicile de sa mère dans le but de la retrouver. Les explications fournies par la demanderesse, lorsque confrontée sur ces points, n’ont pas non plus été retenues par la SPR au motif qu’il était déraisonnable d’attendre en février 2016 pour demander l’asile au Canada.

[15]  Le 21 juin 2016, la demanderesse a interjeté appel de la décision de la SPR.

IV.  Décision de la SAR

[16]  Le 28 septembre 2017, la SAR a rejeté l’appel interjeté et a confirmé la décision de la SPR conformément au paragraphe 111(1) de la LIPR.

[17]  D’abord, la SAR a déterminé qu’aucun nouvel élément de preuve n’avait été présenté par la demanderesse et qu'il n'y avait pas lieu de tenir une audience. Ensuite, elle a énuméré les conclusions tirées par la SPR sur la crédibilité. Après avoir indiqué les arguments de la demanderesse tirés de son mémoire d’appel, la SAR a énoncé son rôle en tant que tribunal d’appel.

[18]  Suite à un examen indépendant et approfondi du dossier et des conclusions de la SPR, la SAR a conclu que la SPR n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la preuve et des explications de la demanderesse. Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience, la commissaire de la SAR en est également venue à la conclusion que la demanderesse n’a pas été crédible sur des éléments importants quant à son récit. Par exemple, elle a noté qu’il y a eu des contradictions importantes entre la déclaration de l’incident aux autorités et le FDA de la demanderesse. La SAR était d’avis que la demanderesse a donné des versions différentes sur l’incident qui aurait eu lieu avec son ex-époux. La SAR a procédé à une analyse indépendante de la preuve et a tiré une inférence négative en matière de crédibilité.

V.  Question en litige

[19]  La seule question consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[20]  Les conclusions de fait tirées par la SAR ainsi que son appréciation de la preuve sont des questions mixtes de droit et de fait qui commandent l’application de la norme de la décision raisonnable (Abbar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1101 au para 21; Akuffo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1063 au para 27 [Akuffo]; Siliya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 120 au para 20). Pour intervenir, la Cour doit être convaincue que la décision de la SAR ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47), étant donné l’expertise considérable de la SAR pour trancher des appels.

VI.  Dispositions pertinentes

[21]  Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

Décision

Decision

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

[EN BLANC]

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

[EN BLANC]

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

[EN BLANC]

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re-determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

VII.  Position des parties

[22]  D’une part, la demanderesse soutient que la SAR n’a pas procédé à une analyse indépendante pour conclure sur la crédibilité de la demanderesse. Dans les motifs de sa décision, la SAR aurait réitéré les conclusions tirées par la SPR pour rejeter l’appel, et ce, malgré qu’elle avait accès à l’intégralité de l’enregistrement de l’audience dans le dossier d’appel. La demanderesse soumet que la SAR devait considérer la preuve qu’elle avait devant elle au lieu de tenir compte d’éléments secondaires à la demande d’asile. Par exemple, la SAR aurait erré en se fondant uniquement sur des aspects secondaires (mauvaise adresse de l’ex-mari, présence des enfants chez la demanderesse la nuit de l’incident du 20 janvier 2013, etc.) pour conclure que l’histoire de la demanderesse n’est pas crédible. Par conséquent, la SAR aurait erré en effectuant une analyse microscopique du témoignage livré par la demanderesse, s’attardant à des éléments périphériques (Attakora c Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] ACF No 444).

[23]  La demanderesse argumente ensuite que « [l]e témoignage d’un demandeur d’asile est présumé véridique à moins qu’il n’existe des raisons valides d’en douter [Maldonado c Canada (MCI), [1980] 2 CF 302] » (Dossier de la partie demanderesse, Mémoire, à la p 26).

[24]  La demanderesse fait valoir que la SAR devait casser la décision de la SPR après avoir conclu que la SPR a commis une erreur en spéculant sur la dernière fois que la demanderesse et son ex-mari se seraient rencontrés pour signer leur papier de divorce. La demanderesse soumet de plus qu’il n’était pas fondé en preuve d’indiquer que le document du notaire est « apocryphe » étant donné que rien dans la preuve soumise au dossier ne permettait de douter de l’authenticité du document.

[25]  D’après la demanderesse, la SAR n’a pas considéré le profil de la demanderesse, soit l’âge, la culture et les antécédents sociaux (Cooper c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 118 au para 4). Ces omissions, selon elle, suffisent pour rendre la décision déraisonnable.

[26]  La demanderesse argumente que la SAR n’a pas adressé la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse a attendu près de 21 mois une fois au Canada avant de demander l’asile.

[27]  D’autre part, le défendeur soumet que la décision de la SAR est raisonnable. Contrairement à ce que la demanderesse allègue, le défendeur est convaincu que la SAR a procédé à sa propre évaluation de la preuve au dossier. Le défendeur n’est pas d’avis que la SAR a repris les mêmes conclusions et incohérences que la SPR pour rendre sa décision. Le ministre soumet que la SAR a effectivement effectué une analyse indépendante de la preuve puisqu’elle a même tiré une inférence négative sur une des constatations de la SPR au sujet du document du notaire. Le défendeur rappelle que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des conclusions tirées par la SAR :

La Cour doit éviter ici de substituer sa propre appréciation des faits à celle de la SAR, un tribunal administratif d’appel spécialisé, faut-il le rappeler, et doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions tirées par cette dernière, d’autant plus que celles-ci confirmaient les conclusions de la SPR dont l’appréciation du témoignage et de la crédibilité des demandeurs d’asile est au cœur du mandat et de l’expertise (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au para 89, [2009] 1 RCS 339; Quintero Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 491, au para 12; Touileb Ousmer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 222, au para 15; Cepeda-Gutierrez c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1998] FCJ No 1425, au para 14, 157 FTR).

(Koita c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 774 au para 7.)

[28]  Contrairement à ce que la demanderesse prétend, le défendeur soumet que la SAR n’a pas utilisé une approche microscopique pour rendre sa décision. D’ailleurs, il mentionne que la demanderesse a présenté ce même argument dans son mémoire d’appel à l’encontre de la SPR. La SAR a tenu compte de cet argument et a conclu que la SPR n’avait pas erré sur cet aspect.

[29]  Le défendeur n’est pas d’avis que la SAR aurait conclu que le document de divorce était apocryphe. Le défendeur argumente que la SAR a soulevé dans sa décision que la SPR a erré en ayant spéculé sur un élément de preuve, ensuite, elle a seulement ajouté l’exemple d’un document apocryphe pour expliquer en quoi la SPR avait erré sur cette appréciation de la preuve.

[30]  Le défendeur soumet que la présomption de véracité concernant le témoignage de la demanderesse n’est pas absolue, mais bien irréfragable. « [S]on manque de crédibilité suffisait pour la repousser » (Mémoire du défendeur, au para 25). Le défendeur n’est pas d’avis non plus que la SAR devait considérer le profil de la demanderesse. En effet, la demanderesse n’aurait pas fourni des explications dans son mémoire d’appel sur la nécessité de considérer les aspects personnel et culturel de son profil.

VIII.  Analyse

[31]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A.  La décision de la SAR est-elle raisonnable?

[32]  Pour les raisons qui suivent, la Cour retient la position du défendeur.

[33]  « La décision de la SPR est entièrement basée sur la crédibilité » (Motifs et décision de la SAR, au para 31).

[34]  Il ressort clairement de ses motifs que la SAR a procédé à une évaluation indépendante de la preuve.

Il se dégage de ses motifs que la SAR ne s'est pas limitée à confirmer sans réserve les conclusions de la SPR. Plutôt, la SAR s’est appuyée sur un examen approfondi du dossier et sur les prétentions des parties afin de confirmer les conclusions de crédibilité de la SPR, menant au rejet de l'appel.

(Hamidi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 243 au para 23 [Hamidi].)

[35]  La Cour est convaincue que la SAR a pris connaissance de l’ensemble de la preuve incluant le témoignage de la demanderesse devant la SPR qui était sur enregistrement. La SAR a de plus tenu compte des conclusions négatives tirées par la SPR sur la crédibilité. Contrairement aux prétentions de la demanderesse, « [l]e fait que la SAR ait tiré les mêmes conclusions que la SPR ne signifie pas qu'aucune analyse indépendante n'ait été effectuée » (Paye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 685 au para 18). En effectuant sa propre analyse de la preuve au dossier, la SAR n’a pas retenu toutes les constatations de la SPR et s’est prononcée sur chacun des motifs de l’appel. Par exemple, elle a retenu un des arguments de la demanderesse au soutien de son mémoire d’appel, soit que :

[L]a SPR a erré en indiquant croire que les ex-époux s’étaient revus après leur séparation afin de finaliser le divorce. L’appelante estime que cela est pure spéculation.

(Motifs et décision de la SAR, au para 41.)

[36]  Ainsi, la SAR a expliqué dans ses motifs que « la conclusion de la SPR à l’effet qu’il y aurait erreur de la part du notaire apparaît spéculative » (Motifs et décision de la SAR, au para 42). Considérant l’ensemble de la preuve, la Cour considère que la SAR n’était pas convaincue que l’erreur commise par la SPR était déterminante pour casser sa décision et les motifs de la SAR ne pouvaient pas être plus clairs et explicites sur le rejet de la conclusion de la SPR : « De l’avis de la SAR toutefois, cet élément en soi n’a aucune portée sur la décision globale de la SPR. Il s’agit d’un élément de peu d’importance dans l’ensemble de la preuve » (Motifs et décision de la SAR, au para 43). La Cour est d’avis qu’il était raisonnable à la SAR de tirer une inférence négative en matière de crédibilité, compte tenu de l’ensemble de la preuve (Sanmugalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 200 au para 81).

[37]  De même, la Cour reconnaît que la SAR n’a pas commis d’erreur dans les explications qu’elle a fournies par rapport au document de divorce. En effet, la Cour retient l’argument du défendeur selon lequel la SAR n’a seulement poussé son analyse en donnant l’exemple d’un document qui serait apocryphe. La Cour est convaincue que les motifs de la SAR ne portent pas à confusion car, suivant l’exemple d’un document apocryphe, la SAR a clairement indiqué que « la preuve n’est pas suffisante pour conclure quoi que ce soit » (Motifs et décision de la SAR, au para 42).

[38]  « La Cour constate qu'il était raisonnable pour la SAR de faire preuve d'une certaine retenue envers les conclusions de crédibilité de la SPR; la SPR possède l'avantage considérable d'entendre les témoignages de vive voix et de soupeser la crédibilité et la valeur probante de la preuve présentée par les parties » (Hamidi, ci-dessus, au para 24). D’ailleurs, la SAR a reconnu les limites de son rôle en matière d’appel et c’est pourquoi, dès le début de son analyse, elle indique l’avantage véritable que possède la SPR en ce qui a trait aux témoignages. De plus, la SAR a tenu compte du fait que la SPR, qui a entendu la demanderesse de vive voix, a constaté que « le témoignage de la demanderesse était pour le moins vague » (Motifs et décision de la SAR, au para 44; Motifs et décision de la SPR, au para 11). La SAR confirme alors la conclusion de la SPR sur le témoignage et ajoute dans sa décision que, considérant son profil de personne éduquée, la demanderesse était en mesure de donner des réponses plus précises sur des questions importantes à sa demande d’asile. Considérant que la SAR n’a pas tenu d’audience en l’espèce, la Cour est satisfaite que la SAR a fait preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR concernant la crédibilité et que, dans son ensemble, la décision de la SAR fait en sorte qu’elle est raisonnable (Akuffo, ci-dessus, au para 34).

[39]  Quant au profil de la demanderesse, la SAR a tenu compte des arguments de celle-ci dans son mémoire d’appel et a conclu que la demanderesse a fait défaut d’expliquer en quoi son profil culturel et personnel devait être pris en compte. La Cour note que la SAR a correctement considéré le profil de la demanderesse (personne éduquée qui a un bon travail dans le domaine de la comptabilité, personne ayant voyagé à plusieurs reprises et personne qui n’est pas démunie) et a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de la SPR d’ajouter la situation de la demanderesse à l’absence de crédibilité.

[40]  Il importe à la Cour de mentionner que dans son mémoire déposé devant cette Cour, la demanderesse semblait présenter des arguments qui visaient la Commission en général, et non pas la SAR. C’est la décision de la SAR qui fait l’objet du présent litige. Après avoir passé en revue le dossier dans son entièreté, la Cour remarque aussi que la demanderesse a présenté à la Cour les mêmes soumissions que celles en appel. De façon générale, les arguments de la demanderesse en contrôle judiciaire ne démontrent pas en quoi la SAR aurait commis des erreurs. Au soutien de ses motifs, la Cour fait sienne la conclusion provenant de la décision Abdullahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 260 au para 26 :

La Cour ne constate aucune erreur susceptible de contrôle qui pourrait nuire à l'analyse par la SAR des conclusions de la SPR sur la crédibilité. À cet égard, la Cour est, en règle générale, d'accord avec le défendeur sur le fait que la demanderesse lui demande de réévaluer la preuve sur un certain nombre de points différents qui ont contribué aux conclusions défavorables sur la crédibilité, ce qui n'est évidemment pas son rôle.

[41]  Compte tenu des contradictions importantes entre le témoignage de la demanderesse, son FDA et certains documents (c.-à-d.. plainte à la police) déposés en preuve, la Cour conclut qu’il était raisonnable à la SAR de confirmer la décision de la SPR selon laquelle l’histoire de la demanderesse n’a pas été considérée comme crédible. Pour ces motifs, la Cour est convaincue que la SAR a rempli son rôle en tant que tribunal d’appel. La décision de la SAR est raisonnable et il n’y a pas lieu d’intervenir.

IX.  Conclusion

[42]  Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-4477-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier. L’intitulé de la cause est modifié pour remplacer « Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté » par « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ».

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5469-17

 

INTITULÉ :

SOMAIRA ALTAGRACIA FERMIN MORA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 MAI 2018

 

COMPARUTIONS :

Alfredo Garcia

 

Pour la partie demanderesse

 

Caroline Doyon

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocats Semperlex, S.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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