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Date : 20180525


Dossier : IMM-2249-18

Référence : 2018 CF 541

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2018

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

RUTH MOSES ODAUDU

FAVOUR OJOMA ODAUDU

ONECHOJO DIVINE ODAUDU

OMOJO ABRIANA ODAUDU

OJOCHEGBE ABRAHAM ODAUDU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  D’entrée de jeu, il est à noter qu’une partie de l’ordonnance est une modification nécessaire de l’intitulé de manière à refléter la désignation des parties concernées.

[2]  La présente ordonnance et les présents motifs font suite à une lecture attentive des observations des deux parties et des éléments de preuve relatifs à la requête visant à surseoir au renvoi.

[3]  La Cour a entendu les deux parties, a considéré avec attention et a compris les motifs justifiant un certain retard fondé sur le fait que les demandeurs (et leur avocat) n’avaient pas reçu l’ensemble des motifs de la décision de l’agent d’immigration en ce qui concerne leur demande d’ERAR.

[4]  Le renvoi des demandeurs a été prévu pour le samedi 26 mai 2018.

[5]  En raison du fait que les demandeurs seraient exposés à un risque grave selon des éléments de preuve non contredits et corroborants, le motif sous-tendant la requête visant à surseoir au renvoi est que le sursis demeure en vigueur jusqu’à la décision sur le bien-fondé du recours, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27; les demandeurs auront alors eu l’occasion de recevoir une décision définitive.

[6]  Reconnaître qu’il est nécessaire que les systèmes administratif et juridique procèdent à un examen minutieux des allégations d’abus physiques et sexuels antérieurs, ainsi que des menaces de mutilations génitales, puisque ces éléments de preuve sont corroborants et non contredits dans ce dossier (en plus du soutien incontesté de l’église dans le pays d’origine de façon à s’assurer du départ de la demanderesse principale et de ses enfants en raison de sa situation), et comme il a été clairement exprimé dans la volonté [TRADUCTION] « d’être écoutés » et, par conséquent, d’être reconnus, d’être compris et d’obtenir réparation dans une telle situation; tel est le fondement très sérieux du présent dossier. En l’espèce, l’agent d’examen des risques avant renvoi [ERAR] sous-entend un manque de crédibilité, même si cela ne peut pas être précisé. L’agent d’ERAR n’a jamais entendu le récit des demandeurs, ne les ayant pas convoqués à une entrevue. (Les demandeurs n’ont jamais eu droit à une audition de leur demande d’asile en raison du récit de leur arrivée au Canada. La seule procédure à leur disposition était la demande d’ERAR.)

[7]  En plus des facteurs de la plus grande gravité susmentionnés et révélés par les éléments de preuve non contredits (y compris des cicatrices flagrantes sur le corps de la demanderesse principale), trois des quatre enfants mineurs souffrent de drépanocytose, attestée par leur dossier médical, maladie pour laquelle ils reçoivent des traitements dans un hôpital pour enfants bien connu.

[8]  Selon les éléments de preuve corroborants produits, il apparaît clairement que si les demandeurs devaient retourner dans leur pays d’origine, la demanderesse principale et ses enfants mineurs seraient exposés à des risques sérieux.

[9]  Les éléments de preuve non contredits et corroborants présentés par les demandeurs exigent, tout comme les systèmes juridique et administratif du Canada, que le message [TRADUCTION] « Écoutez-moi » soit entendu, ce qui n’a pas été le cas en ce qui concerne la décision relative à l’ERAR, qui sous-entendait un manque de crédibilité des demandeurs. (Cela comprend les cicatrices flagrantes sur le corps de la demanderesse principale, dues à des coups, élément de preuve non contredit, ainsi que d’autres éléments de preuve essentiels, tout à fait incontestés, mais laissant sous-entendre un manque de crédibilité. Il est fait référence aux décisions Ullah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 221; Zokai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1103; Adeoye c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 680 et Matute Andrade c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1074, au paragraphe 30.)

[10]  D’après la jurisprudence, la crédibilité doit être évaluée en termes clairs et non ambigus, en permettant aux demandeurs de réfuter les préoccupations, au besoin, au moyen d’une entrevue devant un agent d’ERAR. (Dans le même ordre d’idées, il est fait référence à une source reconnue à l’échelle internationale, soit le document de l’Assemblée générale des Nations Unies intitulé « Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes » daté du 20 décembre 1993, A/RES/40/34. En outre, en ce qui concerne le sérieux avec lequel ces allégations sont examinées, il est également fait référence au rapport public qui présente des conseils au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées conformément au document de la GRC intitulé « Travaillons ensemble pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones Analyse nationale des initiatives de la GRC », datant de mai 2017.)

[11]  L’ordonnance de renvoi contre les demandeurs repose sur la décision relative à l’ERAR qui va à l’encontre de la notion même de justice naturelle et d’équité, en plus d’être déraisonnable, puisque les éléments de preuve non contredits et corroborants à l’appui de la demande des demandeurs n’ont pas été examinés adéquatement.

[12]  Les demandeurs ont satisfait au critère en trois volets établi dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (CAF).

[13]  Par conséquent, la requête visant à surseoir au renvoi est accueillie pour les motifs invoqués par l’avocat des demandeurs.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER IMM-2249-18

LA COUR ORDONNE que la requête des demandeurs visant à surseoir au renvoi soit accueillie pour les motifs invoqués par l’avocat des demandeurs, jusqu’à ce que le bien-fondé du recours, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mène à une décision définitive à leur endroit. Cela comprend un sursis en faveur de l’enfant de sexe masculin âgé de 4 ans, né à l’extérieur du pays d’origine de la demanderesse principale, pour qu’il ne soit pas séparé de sa mère, la demanderesse principale.

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que les changements susmentionnés soient apportés à l’intitulé.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2249-18

 

INTITULÉ :

RUTH MOSES ODAUDU, FAVOUR OJOMA ODAUDU, ONECHOJO DIVINE ODAUDU, OMOJO ABRIANA ODAUDU, OJOCHEGBE ABRAHAM ODAUDU c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE et
LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 24 MAI 2018 À OTTAWA (ONTARIO) ET À MONTRÉAL (QUÉBEC)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mai 2018

 

OBSERVATIONS ORALES ET ÉCRITES :

Mitchell J.Goldberg

 

Pour les demandeurs

 

Mario Blanchard

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goldberg Berger

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour les défendeurs

 

 

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