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Date : 20180529

Dossiers : IMM-1844-18

IMM-2061-18

Référence : 2018 CF 552

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 29 mai 2018

En présence de monsieur le JUGE EN CHEF

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

ARAM ALI

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  M. Ali est interdit de territoire au Canada pour cause de grande criminalité. Le 16 mars 2018, un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a rendu, en application de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR], un avis selon lequel le défendeur constitue un danger pour le public au Canada [l’avis de danger].

[2]  Par la suite, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] a rendu deux décisions distinctes, par lesquelles elle libérait M. Ali, mis en détention par les autorités de l’immigration, sous réserve de nombreuses conditions de mise en liberté. Entre autres choses, la CISR a conclu que ces conditions devraient [traduction« atténuer suffisamment » tout risque, (i) que peut présenter M. Ali pour le public au Canada, ou (ii) qu’il puisse ne pas se présenter pour son renvoi du Canada, le moment venu.

[3]  La seule question à trancher dans les présentes demandes de contrôle judiciaire est de savoir si les deux décisions de la CISR étaient déraisonnables, compte tenu de l’avis de danger et des récentes évaluations faites par l’agent de libération conditionnelle de M. Ali et le Service correctionnel du Canada [SCC], selon lesquelles M. Ali présente un risque [traduction« modéré » pour la sécurité du public.

[4]  Pour les motifs énoncés ci-après, j’estime que les décisions de la CISR de libérer M. Ali sous réserve de diverses conditions n’étaient pas déraisonnables.

[5]  Alors que l’avis de danger et les évaluations du risque mentionnés plus haut se fondaient principalement sur des facteurs « statiques » datant de la période 2008 à 2010, les décisions de la CISR s’appuyaient sur des facteurs « dynamiques » associés au dossier très positif de M. Ali depuis ce temps. Ce dossier faisait état d’une période irréprochable de quatre années pendant laquelle il était en liberté « sous caution » en attendant son procès et l’audience sur la détermination de la peine concernant des délits commis en 2009. Il contenait également des éléments de preuve montrant une amélioration significative des facteurs de risque de M. Ali et l’existence d’un soutien familial et communautaire. Compte tenu des facteurs dynamiques relevés, la CISR a conclu que le risque que présentait M. Ali de manière prospective était beaucoup moins important qu’il l’était en 2009.

[6]  Compte tenu des éléments de preuve additionnels dont disposait la CISR, cette conclusion n’était pas déraisonnable. Cela dit, il était déraisonnable pour la CISR d’aller plus loin et de conclure ou de laisser entendre que ce risque avait disparu. Si la CISR n’avait pas décidé d’imposer un ensemble de conditions rigoureuses de mise en liberté, sa décision n’aurait pas été raisonnable.

[7]  Les conditions de mise en liberté imposées aux personnes qui sont interdites de territoire pour cause de grande criminalité, et qui, selon ce qui a été estimé, constituent un danger pour le public au Canada, doivent garantir que le public ne sera pas exposé à un risque de préjudice significatif. Cela signifie qu’elles doivent pratiquement éliminer tout risque que pourrait représenter la personne pour la sécurité du public, ou tout risque de fuite.

[8]  Compte tenu des faits très particuliers de l’espèce, il n’était pas déraisonnable que la CISR conclue que l’ensemble des conditions de mise en liberté imposées à M. Ali permettent d’atteindre cet objectif.

II.  Résumé des faits

[9]  Né en Iraq, M. Ali est apatride. Il est devenu résident permanent du Canada après être arrivé au pays en tant que réfugié avec ses parents et un membre de sa fratrie en 2000.

[10]  En 2009, alors qu’il avait 23 ans, il a été reconnu coupable de possession d’une substance répertoriée dans le but d’en faire le trafic. Alors qu’il était en liberté sous caution relativement à cette infraction, il a été accusé de plusieurs infractions découlant d’une fusillade survenue en février de la même année, à l’extérieur d’un bar de danseuses nues de Surrey, en Colombie-Britannique.

[11]  En bref, agissant selon les directives d’un membre haut gradé du gang United Nations qui lui avait remis une arme à feu, M. Ali a tiré huit coups de feu en direction d’un véhicule occupé par un membre d’un gang rival et trois autres passagers. Trois balles ont pénétré l’habitacle et une quatrième s’est logée dans le tableau de bord. Trois des quatre autres coups de feu ont également atteint le véhicule. Le conducteur a été atteint à l’épaule; le coup de feu lui a brisé la clavicule, et son oreille a été égratignée. Après la fusillade, M. Ali s’est débarrassé de l’arme chargée en la lançant par la fenêtre de sa voiture, sur la voie publique, où un passant l’a trouvée.

[12]  Après avoir été arrêté par la police, M. Ali a été accusé de tentative de meurtre et d’avoir tiré des coups de feu dans l’intention de blesser. Au final, il a été reconnu coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait graves, et d’avoir tiré des coups de feu dans l’intention de blesser. Le 15 décembre 2015, il a été condamné à huit années et demie de prison pour ces infractions, moins cinq années pour le temps pendant lequel il a été incarcéré en attendant d’être libéré sous caution, entre le début de 2009 et août 2011.

[13]  En 2009, M. Ali a été reconnu coupable de l’accusation de possession, mentionnée au paragraphe 10 ci-dessus, et il s’est vu accorder un sursis au prononcé de sa peine et a été mis en probation pour une période de deux ans; une ordonnance d’interdiction obligatoire a également été rendue.

[14]  Le 10 juillet 2016, M. Ali a fait l’objet de deux rapports d’interdiction de territoire : un en application de l’article 37 de la LIPR pour criminalité organisée, et l’autre en application de l’article 36 de la LIPR pour grande criminalité, suivant sa déclaration de culpabilité pour voies de fait graves. Les rapports d’interdiction de territoire ont été déférés à la CISR pour enquête, par laquelle M. Ali a été déclaré interdit de territoire au Canada pour grande criminalité.

[15]  Le 9 août 2016, la CISR a pris une mesure d’expulsion à l’endroit de M. Ali.

[16]  Le 7 décembre 2016, la Commission des libérations conditionnelles a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. Ali. Il a interjeté appel de cette décision; son appel a été rejeté en avril 2017.

[17]  Comme je l’ai indiqué précédemment, un délégué ministériel a ensuite rendu un avis de danger en mars de cette année.

[18]  Le 17 avril 2018, M. Ali a atteint sa date de libération d’office et l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] l’a placé dans un centre de détention de l’immigration.

[19]  Le 20 avril 2018, M. Ali a comparu devant la CISR pour une audience de contrôle des motifs de détention après 48 heures, conformément au paragraphe 57(1) de la LIPR. Après que la commissaire Ko eut ordonné que M. Ali soit libéré sous réserve de certaines conditions, le ministre a demandé un sursis temporaire à la mise en liberté, qui a été accordé par le juge Gleeson un peu plus tard la même journée. Le 26 avril 2018, le juge Gleeson a rendu une ordonnance subséquente de sursis à l’exécution de l’ordonnance de mise en liberté de M. Ali, jusqu’à la première des dates suivantes, soit la date à laquelle une décision sera rendue relativement à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le ministre concernant la décision de la commissaire Ko, ou la date du prochain contrôle des motifs de détention prévu par la loi.

[20]  Conformément au paragraphe 57(2) de la LIPR, ce contrôle subséquent des motifs de détention devant avoir lieu dans un délai de sept jours a été effectué les 2 et 3 mai 2018. Après que le commissaire McPhalen eut une fois de plus ordonné la remise en liberté de M. Ali sous réserve de certaines conditions, le ministre défendeur a demandé un autre sursis, que j’ai accordé le jour suivant. Conformément à l’ordonnance que j’ai rendue, la remise en liberté de M. Ali a été suspendue jusqu’à la première des dates suivantes, soit la date à laquelle une décision serait rendue relativement à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le défendeur concernant la décision du commissaire McPhalen, ou la date du prochain contrôle des motifs de détention prévu par la loi, qui selon ce que j’ai compris a été prévu pour demain, le 30 mai 2018.

III.  Décisions faisant l’objet du contrôle

A.  Décision de la commissaire Ko (dossier de la Cour no IMM-1844-18)

[21]  Devant la commissaire Ko, le ministre a présenté ses observations qui portaient presque entièrement sur des facteurs « statiques ». Le ministre a souligné la nature très grave des infractions commises par M. Ali au début de 2009, les autres infractions commises en 2008, le fait qu’il avait commis ces premières infractions alors qu’il était en liberté sous caution en attendant son procès pour les infractions commises en 2008, la décision de la Commission des libérations conditionnelles de décembre 2016 de rejeter sa demande de libération conditionnelle, la décision d’avril 2017 de la Section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles confirmant la décision de décembre 2016, et l’avis de danger. Comme dans les présentes demandes dont la Cour est saisie, le ministre a mis l’accent sur le rôle qu’ont joué les besoins financiers de M. Ali dans ses crimes, le fait qu’il n’a plus la possibilité de travailler au Canada pour gagner un revenu, et sa croyance que l’inactivité de M. Ali augmente le risque qu’il retombe dans la délinquance.

[22]  Après avoir examiné les observations du ministre, la commissaire Ko a souligné que [traduction] « si [M. Ali] devait agir comme il l’a fait par le passé [...] le risque pour le public au Canada serait très élevé ». Toutefois, la commissaire Ko a ensuite souligné qu’il était également pertinent d’évaluer le risque prospectif que présentait M. Ali en fonction de sa conduite au cours des dernières années, y compris durant la période pendant laquelle il a été en liberté sous caution entre août 2011 et décembre 2015.

[23]  Se fondant sur la bonne conduite de M. Ali depuis 2011, la commissaire Ko a conclu que le risque qu’il pourrait présenter pour le public pouvait être [traduction] « atténué suffisamment » par des conditions de mise en liberté qu’elle a énumérées et dont on traite à la partie VI.B des présents motifs, ci-dessous. Avec ces conditions de mise en liberté en place, elle a conclu qu’il était [traduction] « peu probable que M. Ali récidive avec violence ou d’une manière qui pourrait présenter un risque pour le public canadien » (dossier certifié du tribunal [DCT], à la page 308).

[24]  Dans son processus décisionnel, la commissaire Ko a souligné qu’elle avait devant elle des éléments de preuve et des observations qui différaient de ce dont disposait la Commission des libérations conditionnelles en décembre 2016 quand elle a rejeté la demande de libération conditionnelle de M. Ali. Elle a également souligné que M. Ali avait participé à des programmes supplémentaires depuis la date de la décision de la Commission des libérations conditionnelles, qui avaient mené à des améliorations de certains de ses facteurs d’évaluation, y compris sa capacité et son engagement à utiliser les compétences nécessaires pour établir et maintenir du soutien et de saines relations, sa façon de gérer son temps libre, et sa façon de penser, son attitude et sa conduite en général.

B.  Décision du commissaire McPhalen (dossier de la Cour no IMM-2061-18)

[25]  Devant le commissaire McPhalen, le ministre s’est appuyé essentiellement sur les mêmes observations que celles présentées à la commissaire Ko. Le ministre a également présenté une mise à jour des efforts faits pour obtenir un document de voyage pour M. Ali.

[26]  Dans sa décision, le commissaire McPhalen a souligné que [traduction] « il n’y avait aucun doute qu’en 2009 [M. Ali] représentait un danger pour le public ». Toutefois, après avoir examiné la conduite de M. Ali depuis, le commissaire McPhalen a jugé que le ministre n’avait pas fait la preuve que M. Ali représente actuellement un danger pour le public. Il a également jugé qu’il était probable que M. Ali quitte volontairement le Canada, si on lui demandait de le faire.

[27]  Dans son processus décisionnel, le commissaire McPhalen a souligné que l’auteur de l’avis de danger ne disposait pas de la décision de la Commission des libérations conditionnelles relativement à la libération d’office de M. Ali, datée du 6 avril 2018.

[28]  Malgré les conclusions qui précèdent, le commissaire McPhalen a imposé plusieurs conditions pour la mise en liberté de M. Ali, afin de réduire tout danger et tout risque de fuite qu’il pourrait tout de même présenter. Ces conditions sont abordées à la partie VI.C des présents motifs, ci-dessous.

IV.  Dispositions législatives applicables

[29]  En vertu des alinéas 3(1)h) et i), et des alinéas 3(2)g) et h) de la LIPR, le législateur a choisi de donner la priorité à la sécurité du public : Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, au paragraphe 10 [Medovarski]. Ces dispositions se lisent comme suit :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Objet de la loi

Objectives and Applications

Objet en matière d’immigration

Objectives – Immigration

3 (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

3 (1) The objectives of this Act with respect to Immigration are:

(…)

(…)

h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne;

(h) to protect public health and safety and to maintain the security of Canadian society;

i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

(i) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons who are criminals or security risks;

(…)

(…)

Objet relatif aux réfugiés

Objectives — refugees

3 (2) S’agissant des réfugiés, la présente loi a pour objet :

3 (2) The objectives of this Act with respect to refugees are:

(…)

(…)

g) de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;

(g) to protect public health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society;

h) de promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire aux personnes et demandeurs d’asile qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité. (je souligne)

(h) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons, including refugee claimants, who are security risks or serious criminals; (emphasis added)

[30]  Conformément au paragraphe 58(1) de la LIPR, la CISR est tenue de libérer un résident permanent ou un ressortissant étranger à moins d’être satisfaite de certains faits relatifs à la personne, après avoir pris en compte les facteurs prescrits. Deux des faits en question sont les suivants :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,  LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Mise en liberté par la Section de l’immigration

Release — Immigration Division

(…)

(…)

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(a) they are a danger to the public;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination or an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

[31]  Conformément à l’article 244 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], la CISR doit tenir compte des critères énoncés aux articles 245 et 246 pour juger si une personne constitue un « risque de fuite » ou un « danger pour le public », respectivement. En l’espèce, seuls deux des critères de l’article 245 semblent s’appliquer, soit c) « le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle » et g) « l’appartenance réelle à une collectivité au Canada ».

[32]  Les critères dont doit tenir compte la CISR pour évaluer si un individu constitue un danger pour le public, et qui s’appliquent en l’espèce, sont les suivants :

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Danger pour le public

246 Pour l’application de l’alinéa 244b), les critères sont les suivants :

Danger to the public

246 For the purposes of paragraph 244(b), the factors are the following:

a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

(a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(i) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act

b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

(b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;

(…)

(…)

d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :

(d) conviction in Canada under an Act of Parliament for

(i) infraction d’ordre sexuel,

(i) a sexual offence, or

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(ii) an offence involving violence or weapons;

e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :

(e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(i) section 5 (trafficking),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) article 7 (production);

(…)

(iii) section 7 (production);

(…)

[33]  Lorsque la Commission estime qu’il existe des motifs de détention, elle doit prendre en considération les critères énoncés à l’article 248. Cette disposition se lit comme suit :

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Autres critères

248 S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

Other factors

248 If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) le motif de la détention;

b) la durée de la détention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(a) the reason for detention;

(b) the length of time in detention;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned; and

(e) the existence of alternatives to detention.

[34]  Conformément au paragraphe 58(2) de la LIPR, la CISR jouit du pouvoir discrétionnaire d’ordonner la détention d’un résident permanent ou d’un étranger qui présente un risque de fuite ou constitue un danger pour le public. Cette disposition se lit comme suit :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,  LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Mise en détention par la Section de l’immigration

Detention — Immigration Division

 

58(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

58(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

[35]  Conformément au paragraphe 58(3), la CISR peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un individu :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,  LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Conditions

Conditions

58(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.

58(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.

[36]  Pour des raisons pratiques, le texte complet des dispositions mentionnées ci-dessus a été inclus à l’annexe 1 des présents motifs ci-dessous.

V.  Question en litige et norme de contrôle

[37]  La seule question soulevée dans les présentes demandes est de savoir si les décisions de la commissaire Ko et du commissaire McPhalen de libérer M. Ali sous réserve de certaines conditions étaient déraisonnables.

[38]  Il est acquis de part et d’autre que de telles décisions sont susceptibles de révision par notre Cour selon la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53 [Dunsmuir]; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Lunyamila, 2016 CF 1199, au paragraphe 20 [Lunyamila].

[39]  Lorsqu’elle évalue si une décision est raisonnable, la Cour se demande habituellement si la décision cadre bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité. À cet égard, la tâche de la Cour consistera à évaluer si elle est en mesure de comprendre pourquoi la décision a été rendue et à déterminer si la décision fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16.

[40]  Lorsque la CISR met en liberté un individu dont on a déterminé qu’il constitue un danger pour le public aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, ou dont la Commission des libérations conditionnelles ou le SCC a estimé qu’il présente plus qu’un faible risque pour la sécurité publique, la décision de la CISR ne sera pas justifiée si elle omet d’examiner de manière significative les aspects importants de ces autres décisions.

[41]  Afin de prouver qu’elle a examiné de manière significative ces autres décisions, la CISR doit expliquer pourquoi elle a décidé de mettre en liberté un individu, malgré les évaluations défavorables sur le risque de la Commission des libérations conditionnelles ou du SCC.

VI.  Analyse

A.  Principes généraux

[42]  Un des objectifs importants de la LIPR est d’interdire l’accès au territoire canadien aux personnes qui sont des criminels ou qui constituent un danger pour la sécurité : alinéas 3(1)i) et 3(2)h) de la LIPR.

[43]  Pour atteindre cet objectif, la CISR a le pouvoir discrétionnaire de mettre en détention un résident permanent ou un ressortissant étranger, si elle est convaincue qu’il présente un danger pour le public ou qu’il se soustraira vraisemblablement à son renvoi du Canada : paragraphe 58(2) de la LIPR. L’existence de ce pouvoir discrétionnaire suppose que la CISR n’a pas l’obligation de détenir ces personnes. Elle peut plutôt ordonner la mise en liberté de ces personnes, sous réserve de toute condition qu’elle estime nécessaire, y compris le paiement d’un dépôt ou la remise d’une garantie d’exécution : paragraphe 58(3) de la LIPR. Tant que les conditions de mise en liberté garantissent collectivement que la personne ne présentera pas un risque significatif pour le public, la mise en liberté de la personne ne sera pas contraire aux objectifs énoncés aux alinéas 3(1)h) et 3(2)g) de la LIPR.

[44]  Quoi qu’il en soit, dans ses décisions en matière de mise en détention, la CISR doit toujours donner plein effet à la priorité accordée par le législateur à la sécurité du public : Medovarski, précité; Lunyamila, précité, aux paragraphes 60 à 66. Il convient de souligner que cela impose à la CISR de s’assurer que toute décision qu’elle pourrait rendre de mettre un individu en liberté ne donne pas lieu à un risque important pour la sécurité du public.

[45]  Cette priorité accordée à la protection du public contre les ressortissants étrangers, y compris les réfugiés, qui constituent un danger pour le public ou qui présentent un risque important pour la sécurité du public, découle du principe de base selon lequel « [l]’une des responsabilités les plus fondamentales d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de ses citoyens » : Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au paragraphe 1 [Charkaoui].

[46]  Tant qu’il y a en place « un processus valable de contrôle continu qui tienne compte du contexte et des circonstances propres à chaque cas » et d’autres critères pertinents, dont ceux énumérés à l’article 248 du Règlement, le maintien en détention d’une personne ou de ses conditions de mise en liberté restera conforme au droit de liberté protégé par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [la charte] : Charkaoui, aux paragraphes 107 à 117 et 123; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. John Doe, 2011 CF 974, au paragraphe 6 [John Doe]. Même si on doit accorder un poids substantiel à ce droit de liberté, la priorité doit être accordée au droit de vie, de liberté et de sécurité du grand public, pour la durée de la période pendant laquelle des fins valides d’immigration justifient le maintien en détention de la personne ou sa mise en liberté sous certaines conditions.

[47]  Une fois que le ministre a établi une preuve prima facie selon laquelle une personne constitue un danger pour le public ou présente un risque de fuite, il incombe à la personne de démontrer pourquoi sa mise en liberté est justifiée : John Doe précité, au paragraphe 4. Ce principe vaut également pour les conditions de mise en liberté. Autrement dit, dans de telles circonstances, il incombe à la personne de démontrer que ses conditions de mise en liberté sont suffisamment solides pour garantir que le grand public ne sera pas exposé à un risque important de préjudice, et offrir un certain degré de certitude que la personne se présentera pour son renvoi du Canada, le cas échéant.

[48]  Lorsque le ministre démontre qu’une personne fait l’objet d’un avis de danger émis en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, il est établi prima facie que la personne constitue un danger pour le public. Dans de telles circonstances, c’est la personne qui doit démontrer pourquoi sa mise en liberté est justifiée. C’est particulièrement le cas, comme en l’espèce, quand l’avis de danger est récent.

B.  Décision de la commissaire Ko (dossier de la Cour no IMM-1844-18)

[49]  Le ministre affirme que la décision de la commissaire Ko de libérer M. Ali était déraisonnable pour deux raisons principales. Premièrement, le ministre affirme que la commissaire Ko n’a pas tenu compte des critères prescrits par le Règlement. Deuxièmement, le ministre maintient que la commissaire Ko a omis d’imposer des conditions de mise en liberté qui tiennent compte de manière raisonnable du danger que constitue M. Ali pour le public et du risque de fuite qu’il présente.

[50]  Il n’est pas clairement indiqué de quels critères prescrits par le Règlement la commissaire Ko n’aurait pas tenu compte.

[51]  La commissaire Ko a explicitement tenu compte des critères énoncés à l’article 246 du Règlement pertinents en l’espèce, soit le fait que M. Ali fait l’objet d’un avis de danger, et le fait que les crimes dont il a été reconnu coupable ont été commis avec violence ou avec des armes, et étaient liés au trafic de drogues et au crime organisé. En s’appuyant sur ces facteurs statiques, elle a convenu que M. Ali constituait bien un danger pour le public en 2009.

[52]  La commissaire Ko a également tenu compte des critères pertinents de risque de fuite énoncés à l’article 245 et des autres critères pertinents énumérés à l’article 248.

[53]  Toutefois, l’évaluation prospective qu’elle a effectuée lui a fait dire que le risque que présente actuellement M. Ali est nettement inférieur au risque décrit dans l’avis de danger et par le ministre. À mon avis, cette conclusion n’était pas déraisonnable. Autrement dit, il était raisonnablement loisible à la commissaire Ko d’accorder un plus grand poids que ne le faisait l’avis de danger aux progrès substantiels réalisés par M. Ali durant les dernières années, à son dossier exemplaire pendant sa mise en liberté sous caution durant les quatre années précédant immédiatement le prononcé de sa peine en décembre 2015, à son excellente conduite en établissement tout au long des trois années et demie de sa plus récente incarcération, et au soutien offert à M. Ali par sa famille et les membres de sa collectivité.

[54]  L’avis de danger a été rédigé avant les décisions du SCC et de la Commission des libérations conditionnelles, datées du 19 mars 2018 et du 6 avril 2018, respectivement, qui faisaient référence aux progrès accomplis par M. Ali dans les programmes institutionnels depuis le rejet de sa demande de libération conditionnelle en décembre 2016.

[55]  De plus, l’avis de danger mettait l’accent sur le fait « statique » que M. Ali était retourné dans [traduction] « le milieu des gangs à Vancouver [...] par besoin financier » après avoir tenté d’abandonner cette vie. Il accordait également [traduction] « un poids considérable » aux conclusions de la Commission des libérations conditionnelles dans sa décision de décembre 2016 de rejeter la demande de libération conditionnelle de M. Ali.

[56]  Toutefois, cette décision de la Commission des libérations conditionnelles et la décision subséquente de la Section d’appel ont été rendues sans que l’on dispose du rapport final sur la participation aux programmes du SCC, daté du 16 janvier 2018, lequel traitait des progrès importants accomplis par M. Ali dans ses programmes institutionnels, durant la période intermédiaire de treize mois.

[57]  En bout de ligne, la décision de la Commission des libérations conditionnelles de rejeter la demande de libération conditionnelle de M. Ali reposait sur le risque de fuite qu’il présentait, le fait qu’il était incapable de travailler au Canada, le fait que le gain financier était le principal facteur ayant motivé ses infractions, et le fait que les membres de sa communauté de soutien ne connaissaient pas son passé criminel, ses fréquentations ou ses facteurs de risque. De plus, la Commission des libérations conditionnelles s’est appuyée sur l’évaluation (maintenant désuète) selon laquelle M. Ali avait un besoin élevé d’amélioration en ce qui concernait son attitude et ses fréquentations. La Commission des libérations conditionnelles a également souligné les facteurs statiques associés à son désir de se soustraire aux conditions de mise en liberté il y a plusieurs années, et à la nature violente de ses plus récentes infractions.

[58]  En ce qui a trait au risque de fuite que présentait M. Ali, la commissaire Ko a souligné qu’il s’était conformé à ses conditions de mise en liberté durant les quatre années et demie précédant son incarcération, y compris après sa déclaration de culpabilité pendant qu’il attendait le prononcé de sa peine. Malgré l’incertitude à laquelle il faisait face durant cette période concernant la durée de sa peine d’emprisonnement, la commissaire Ko a souligné qu’il n’avait pas fui. Elle a ajouté qu’elle n’était pas d’accord avec le ministre pour dire que M. Ali aurait moins d’incitatifs à respecter ses conditions de mise en liberté maintenant qu’il était en liberté sous caution en attendant le prononcé de sa sentence. À mon avis, cette conclusion n’était pas déraisonnable, surtout compte tenu du fait que sa mère, qui reçoit de l’aide sociale et a des moyens très limités, perdrait sa caution de 5 000 $ s’il devait enfreindre l’une ou l’autre de ces conditions. Comme l’a souligné la commissaire Ko, c’est beaucoup d’argent pour elle, et ni elle ni M. Ali ne souhaitaient que cette somme leur soit confisquée. De plus, comme l’a souligné la commissaire Ko, tout manquement à ces conditions mettrait indûment en péril le temps que pourrait passer M. Ali avec sa famille, avant son renvoi du Canada.

[59]  Concernant la situation financière de M. Ali et le soutien de sa collectivité, la commissaire Ko a jugé que M. Ali aurait le soutien de sa famille et d’autres membres de la collectivité qui pourraient lui offrir un toit et subvenir à ses besoins essentiels. Cette conclusion était en partie fondée sur des éléments de preuve dont ne bénéficiait pas la Commission des libérations conditionnelles en 2016. À cet égard, elle a souligné que son frère avait récemment trouvé un emploi à temps plein et que M. Luqman était prêt à lui offrir un logement et d’autres formes d’aide. M. Luqman est un bon ami qui a précédemment employé M. Ali durant un certain temps et qui a passé du temps avec M. Ali dans un camp de réfugiés avant de venir au Canada. Il était raisonnablement loisible à la commissaire Ko d’accorder plus de poids à ce fait et à d’autres éléments de preuve du soutien de sa famille et de sa collectivité, que ne l’avait fait l’auteur de l’avis de danger, qui a écarté une bonne partie de ces autres éléments de preuve.

[60]  En ce qui concerne la connaissance, par les membres de sa famille et M. Luqman, du passé criminel de M. Ali, la commissaire Ko a souligné que sa mère avait témoigné lors du contrôle de sa mise en détention qu’elle était maintenant au courant des circonstances l’ayant mené à la prison, et qu’elle avait promis de faire de son mieux pour s’assurer qu’il respecte ses conditions de mise en liberté. Elle a ajouté que M. Ali serait également sous la supervision de son agent de libération conditionnelle, tout au moins jusqu’à l’expiration de la durée restante de sa peine, quelque part en 2019. Les éléments de preuve au DCT indiquent que M. Luqman est également conscient de la nature des crimes antérieurs de M. Ali et de son implication passée avec des gangs criminels (DCT, pages 82 et 83). Cela semble aussi être le cas du frère de M. Ali, Sardar (DCT, page 212).

[61]  Concernant les liens de M. Ali avec des criminels, la commissaire Ko a souligné qu’il avait pris des mesures actives pour rompre ces liens durant son incarcération, et qu’il avait acquis des compétences pour gérer et entretenir des relations positives. Elle a également observé qu’il avait agi judicieusement, pendant sa mise en liberté sous caution en attente de son procès et de l’audience de détermination de sa peine, pour éviter tout maintien de ses relations avec des personnes se livrant à des activités criminelles.

[62]  En ce qui concerne les préoccupations soulevées par le ministre relativement à l’inactivité de M. Ali (en raison de son incapacité à travailler), la commissaire Ko a souligné qu’il avait avec succès suivi des programmes qui lui avaient permis d’acquérir des compétences scolaires, professionnelles et sociales, et qu’il consacrerait du temps à diverses activités avec sa famille et ses amis.

[63]  En plus de ce qui précède, la commissaire Ko s’est appuyée sur plusieurs autres critères pour conclure que le risque que présentait M. Ali de manière prospective était beaucoup moins important qu’il l’était en 2009. Collectivement, ces critères ont été résumés dans le passage suivant de sa décision :

[traduction]

Je tiens compte du fait qu’en 2012, vous avez déménagé à Calgary et commencé à habiter avec votre famille et que, pendant un certain temps, de votre propre initiative, vous avez obtenu un emploi et coupé les ponts avec les personnes que vous fréquentiez ici dans le Lower Mainland et qui étaient mêlées à des activités criminelles, et enfin que vous avez respecté vos conditions de mise en liberté sous caution durant les quatre années de votre mise en liberté en attendant la conclusion de votre procès au criminel. De plus, les renseignements indiquent qu’il n’y a pas eu de problème sérieux pendant que vous purgiez votre peine. Donc, même s’il y a eu certains problèmes précédemment concernant votre conduite en établissement lors de votre première détention, il n’y a eu, plus récemment, alors que vous purgiez votre peine, aucune indication d’un problème sérieux. La seule infraction commise en détention mentionnée dans les documents dont je dispose est liée à la présence non autorisée d’un téléviseur dans votre cellule, à un certain moment.

Mais les rapports indiquent que vous n’avez commis aucune nouvelle infraction, que vous n’avez eu aucun comportement violent ou agressif durant votre séjour à l’Établissement du Pacifique, que vous avez achevé les programmes auxquels vous deviez participer, que vous avez obtenu votre diplôme d’études secondaires, et que vous avez obtenu des certificats professionnels. Les rapports correctionnels indiquent que vous avez participé à vos programmes, que vous avez été respectueux envers le personnel correctionnel et ponctuel dans vos présences, qu’on ne soupçonne aucune participation à la sous-culture de la prison, aux activités des gangs, ni aucune impulsivité, que dans vos interactions avec le personnel correctionnel ou votre équipe de gestion des cas, vous semblez honteux et plein de remords d’avoir été auparavant mêlé à des gangs et d’avoir commis des crimes, que votre attitude et votre conduite indiquent que vous avez adopté un mode de vie plus social, que vous êtes en mesure d’utiliser les compétences que vous avez acquises, et que vous avez modifié votre état d’esprit et votre façon de penser concernant les raisons précédemment invoquées pour justifier votre comportement criminel.

[64]  Étant donné les éléments de preuve résumés ci-dessus, dont une partie n’a pas été présentée à l’auteur de l’avis de danger, il était raisonnablement loisible à la commissaire Ko de conclure que le risque pour le public que présentait M. Ali, de manière prospective, était beaucoup moins important que celui décrit dans l’avis de danger.

[65]  Pour plus de précision, cela ne signifie pas qu’il était déraisonnable pour l’auteur de l’avis de danger de conclure que M. Ali présentait toujours un danger pour le public. Je me retiens explicitement de tirer une telle conclusion à cet égard, puisque cette décision n’est pas visée par les présentes demandes de contrôle judiciaire. Toutefois, même si l’avis de danger était peut-être juste, il était raisonnablement loisible à la commissaire Ko d’en arriver à une conclusion différente, compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait.

[66]  Malgré ce qui précède, dans son processus décisionnel, la commissaire Ko a omis de tenir compte de la conclusion de la Commission des libérations conditionnelles dans sa décision relativement à la libération d’office de M. Ali, datée du 6 avril 2018, selon laquelle il n’y avait eu aucun changement dans l’évaluation des facteurs de risque de M. Ali depuis qu’il avait commencé à purger sa peine. Elle a également omis de tenir compte du fait que le SCC avait évalué le risque que présentait M. Ali pour la sécurité du public comme étant [traduction« modéré », dans son rapport prélibératoire daté du 19 mars 2018. Cette cote a été donnée malgré les progrès accomplis par M. Ali concernant plusieurs des facteurs « dynamiques » mentionnés dans le rapport, et dont la commissaire Ko a tenu compte pour en arriver à sa décision. À mon avis, ces manquements auraient été catastrophiques si la commissaire Ko n’avait pas imposé des conditions à la mise en liberté de M. Ali.

[67]  L’ordonnance de mise en liberté rendue par la commissaire Ko exige que M. Ali respecte les conditions suivantes :

  1. se présenter à la date, à l’heure et à l’endroit convenus avec un agent de la Section de l’immigration de l’ASFC pour démontrer qu’il se conforme aux obligations imposées en application de la LIPR, qui peuvent comprendre le renvoi;

  2. fournir à l’ASFC, avant sa remise en liberté, son adresse résidentielle et aviser l’ASFC en personne avant tout changement d’adresse;

  3. se présenter à un fonctionnaire de l’ASFC au bureau 170, 220 4e Avenue SE, à Calgary (Alberta), dans la semaine suivant sa mise en liberté et chaque semaine par la suite. Un agent peut, par écrit, réduire la fréquence des rencontres ou changer l’endroit où le demandeur doit se présenter;

  4. respecter un couvre-feu et toujours être présent entre 21 h et 6 h à l’adresse résidentielle fournie à l’ASFC, sauf autorisation expresse donnée par écrit par un agent de l’ASFC ou en cas d’urgence médicale. Un agent peut, par écrit, réduire le nombre d’heures durant lesquelles la personne concernée doit être présente à sa résidence ou autoriser son absence pour une occasion précise;

  5. respecter toutes les conditions pour sa libération d’office imposées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, soit :

  1. ne pas fréquenter de personnes dont il sait ou devrait savoir qu’elles se livrent à des activités criminelles,

  2. ne pas détenir ou posséder plus d’un appareil de communication mobile et donner accès à son surveillant de libération conditionnelle à cet appareil pour qu’il puisse examiner ses listes de contacts et ses communications, en plus de lui fournir la facture mensuelle de cet appareil,

  3. fournir au surveillant de libération conditionnelle des renseignements financiers étayés satisfaisants, afin de garantir que les revenus et dépenses de M. Ali proviennent de sources légitimes et que son fardeau financier n’est pas tel qu’il risque de récidiver pour gagner de l’argent;

  1. ne pas travailler ni étudier au Canada, à moins d’être autorisé à le faire aux termes de la LIPR;

  2. ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;

  3. signaler immédiatement à l’ASFC toute nouvelle accusation criminelle ou déclaration de culpabilité;

  4. collaborer pleinement avec l’ASFC pour ce qui est d’obtenir des documents de voyage.

[68]  De plus, dans le cadre de sa peine de 2015, M. Ali est visé par une interdiction à vie de posséder des armes à feu et par une ordonnance de prélèvement génétique.

[69]  En outre, comme je l’ai mentionné, la commissaire Ko a demandé que la mère de M. Ali dépose un cautionnement de 5 000 $ auprès du receveur général du Canada.

[70]  La commissaire Ko a conclu que les conditions qui précèdent pourraient [traduction« atténuer suffisamment » tout risque pour le public et tout [traduction« risque de fuite » que présentait M. Ali.

[71]  Selon les éléments de preuve présentés à la commissaire Ko, et qui sont résumés ci-dessus, cette conclusion n’était pas déraisonnable. Toutefois, il convient de souligner que pour être « suffisantes » dans ce contexte, les conditions de mise en liberté doivent permettre d’éliminer tout risque important de préjudice pour le public, et de réduire le risque de fuite que présente la personne, dans la mesure du possible.

[72]  En résumé, il n’était pas déraisonnable pour la commissaire Ko de conclure que le risque prospectif que présentait M. Ali était beaucoup moins important que le risque déterminé dans l’avis de danger. Toutefois, il était déraisonnable pour la commissaire Ko de ne pas tenir précisément compte de la conclusion du SCC du 19 mars 2018, selon laquelle M. Ali continue de présenter un risque [traduction] « modéré » pour la sécurité du public. Il était également déraisonnable pour la commissaire Ko de ne pas tenir précisément compte de la conclusion de la Commission des libérations conditionnelles, selon laquelle il n’y avait eu aucun changement dans l’évaluation des facteurs de risque de M. Ali depuis qu’il avait commencé à purger sa peine. Ces aspects importants du dossier de preuve ne cadraient pas avec la conclusion de la commissaire Ko et auraient donc dû être abordés explicitement. Si la commissaire Ko n’avait pas imposé de conditions de mise en liberté pour réduire les risques décrits par le SCC et la Commission des libérations conditionnelles, sa décision aurait été déraisonnable. En effet, elle n’aurait pas été justifiée comme il se doit. Toutefois, compte tenu des faits très particuliers de l’espèce, j’estime qu’il lui était raisonnablement loisible de conclure que les conditions de mise en liberté énoncées dans son ordonnance de mise en liberté permettraient collectivement de faire en sorte qu’il soit [traduction] « peu probable que M. Ali récidive avec violence ou d’une manière qui pourrait présenter un risque pour le public canadien ».

[73]  D’après les motifs qu’elle a présentés et les conditions de l’ordonnance de mise en liberté qu’elle a rendue, la décision de la commissaire Ko avait un fondement rationnel et appartenait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 (CanLII), aux paragraphes 46 et 47 [Halifax].

C.  Décision du commissaire McPhalen (dossier de la Cour no IMM-2061-18)

[74]  Le ministre affirme que la décision du commissaire McPhalen, selon laquelle M. Ali ne présente plus de danger pour le public, était déraisonnable.

[75]  De plus, le ministre affirme que le commissaire McPhalen a commis une erreur en omettant de fournir des motifs clairs et convaincants justifiant qu’il s’écarte de la conclusion (alléguée) de la commissaire Ko, selon laquelle M. Ali constitue un danger pour le public.

[76]  Enfin, le ministre maintient que le commissaire McPhalen a commis une erreur en omettant d’imposer à M. Ali des conditions de mise en liberté qui tiennent compte de manière raisonnable du danger que constitue M. Ali et du risque de fuite qu’il présente.

[77]   Je conviens que la décision du commissaire McPhalen, selon laquelle M. Ali ne représentait plus un danger pour le public, était déraisonnable. Toutefois, elle s’explique principalement par le fait qu’à l’instar de la commissaire Ko, il a omis de tenir précisément compte (i) de la conclusion de la Commission des libérations conditionnelles dans sa décision relativement à la libération d’office de M. Ali, datée du 6 avril 2018, selon laquelle il n’y avait eu aucun changement dans l’évaluation des facteurs de risque de M. Ali depuis qu’il avait commencé à purger sa peine et (ii) du fait que le SCC avait évalué, dans son rapport prélibératoire daté du 19 mars 2018, que le risque que présentait M. Ali pour la sécurité du public était [traduction] « modéré ». Cette cote a été donnée malgré les progrès accomplis par M. Ali concernant plusieurs des facteurs « dynamiques » mentionnés dans le rapport, et dont le commissaire McPhalen a tenu compte pour en arriver à sa décision. Comme pour les manquements correspondants dans la décision de la commissaire Ko, ces manquements auraient été catastrophiques si le commissaire McPhalen n’avait pas imposé une série de conditions à la mise en liberté de M. Ali. En bref, la conclusion de la Commission des libérations conditionnelles et l’évaluation du SCC constituaient des éléments de preuve importants du DCT, qui ne cadraient pas avec la conclusion du commissaire McPhalen voulant que M. Ali ne présente plus de danger pour le public. Parce qu’il a omis de traiter ces éléments de preuve de manière précise significative, la décision du commissaire McPhalen n’était pas justifiée comme il se doit. Toutefois, comme dans le cas de la décision de la commissaire Ko, cette lacune a été corrigée par l’ensemble important de conditions de mise en liberté qu’il a imposées et qui comprennent les conditions précédemment imposées par la Commission des libérations conditionnelles. Ces conditions seront abordées plus loin.

[78]  En ce qui a trait au deuxième argument du ministre, je ne suis pas d’accord avec son affirmation selon laquelle la commissaire Ko a conclu que M. Ali présente un danger pour le public. Elle n’a tiré une telle conclusion à aucun moment dans sa décision. Bien qu’elle n’ait pas explicitement conclu que M. Ali ne présente pas un danger pour le public, sa décision indique manifestement qu’elle considérait que [traduction] « quel que soit » le risque qu’il présente actuellement, il est beaucoup moins important qu’en 2009 lorsqu’il a commis ses dernières infractions. Elle a ensuite conclu que les conditions de mise en liberté qu’elle imposait permettraient collectivement de faire en sorte qu’il soit [traduction] « peu probable que M. Ali récidive avec violence ou d’une manière qui pourrait présenter un risque pour le public canadien ».

[79]  Il ne reste que le troisième argument du ministre, selon lequel le commissaire McPhalen a commis une erreur en omettant d’imposer à M. Ali des conditions de mise en liberté qui tiennent compte de manière raisonnable du danger que constitue M. Ali et du risque de fuite qu’il présente.

[80]   Après avoir tiré cette conclusion selon laquelle M. Ali ne présente plus de danger pour le public ou de risque de fuite, le commissaire McPhalen a décidé d’imposer des conditions de mise en liberté plus strictes que celles imposées par la Commission des libérations conditionnelles, [traduction] « afin de réduire le risque de fuite et le danger à un niveau avec lequel, espère-t-on, même l’ASFC serait à l’aise[...] ».

[81]  Ces conditions de mise en liberté étaient identiques à celles imposées par la commissaire Ko, à deux exceptions. D’abord, elles exigeaient que M. Luqman dépose un cautionnement additionnel de 5 000 $ auprès du receveur général du Canada. Ensuite, elles imposaient à M. Ali des obligations de se présenter plus sévères, en l’obligeant à se présenter trois fois par semaine, au lieu d’une seule fois par semaine.

[82]  Pour les mêmes motifs que ceux abordés à la partie VI.B des présents motifs ci-dessus, je suis convaincu qu’il n’était pas déraisonnable pour le commissaire McPhalen de conclure implicitement que ces conditions de mise en liberté permettraient collectivement de s’assurer que le public ne soit pas exposé à un risque significatif de préjudice causé par M. Ali, et que M. Ali se présente selon toute vraisemblance pour son renvoi du Canada, le moment venu et le cas échéant.

[83]  En ce qui concerne le prétendu danger que présentait M. Ali, le commissaire McPhalen s’est appuyé en grande partie sur les mêmes facteurs prospectifs que la commissaire Ko. Ces facteurs sont les suivants :

  1. M. Ali n’a pris part à aucune activité criminelle depuis environ neuf ans. Même s’il a été incarcéré durant les trois dernières années et demie, il a été en liberté sous caution pendant plus de quatre ans entre août 2011 et décembre 2015 et n’a pas enfreint les conditions de sa mise en liberté durant cette période.

  2. Rien n’indique qu’il ait eu des contacts avec des membres de son ancien gang pendant sa mise en liberté ou durant sa plus récente incarcération.

  3. Rien n’indique qu’il se soit livré à des crimes liés à la drogue ou aux gangs durant cette période d’incarcération.

  4. De toute évidence, il a utilisé le temps passé à l’Établissement du Pacifique pour terminer avec succès tous les programmes institutionnels recommandés dans son plan correctionnel, à l’exception d’un cours, pour lequel il a été placé sur une liste d’attente.

  5. Le rapport final sur la participation aux programmes du SCC indiquait des progrès quant à plusieurs facteurs de risque différents, la cote passant de [traduction« modéré » à [traduction] « bon », y compris quant à son attitude et au risque d’être de nouveau impliqué avec des criminels.

  6. Il a poursuivi ses progrès au cours des dix-sept mois qui ont suivi le rejet par la Commission des libérations conditionnelles de sa demande de libération conditionnelle en décembre 2016.

  7. Lorsqu’elle a fixé les conditions de sa libération d’office, la Commission des libérations conditionnelles n’a pas jugé nécessaire d’exiger de lui qu’il vive dans une maison de transition.

  8. Il ira vivre avec sa mère, qui sera en mesure de répondre à ses besoins essentiels.

  9. M. Luqman a aussi offert de lui fournir une aide financière.

  10. Bien qu’il ne puisse pas travailler, l’inactivité ne sera pas un problème, puisqu’il rendra service à sa mère en faisant les courses, aidera ses jeunes frères et sœurs, et pourra faire de l’exercice, peindre et jouer au soccer.

  11. L’auteur de l’avis de danger a accordé beaucoup d’importance à la décision de 2016 de la Commission des libérations conditionnelles et n’a pu profiter d’éléments de preuve plus récents, y compris ceux contenus dans la décision de libération d’office du SCC. Le commissaire McPhalen a souligné que ces éléments de preuve plus récents auraient pu changer la conclusion tirée dans l’avis de danger.

  12. La mère de M. Ali et M. Luqman comprennent tous deux la nature de son casier judiciaire et seront en mesure d’exercer une influence positive sur lui.

  13. Il est très proche de sa mère et de M. Luqman, et ne voudra pas mettre en péril leurs cautionnements respectifs de 5 000 $ en enfreignant les conditions de sa mise en liberté, d’autant plus que la situation financière de sa mère est telle que cela aurait des conséquences assez négatives sur elle et sur ses frères et sœurs.

[84]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il n’était pas déraisonnable pour le commissaire McPhalen de conclure implicitement que les conditions de mise en liberté imposées à M. Ali permettraient collectivement de s’assurer qu’il ne présente pas de risque significatif pour le public.

[85]  En ce qui concerne le risque de fuite que présente M. Ali, le commissaire McPhalen s’est appuyé sur les conclusions suivantes :

  1. M. Ali n’a raté aucune comparution en cour depuis 2009, et n’a pas enfreint les conditions de sa mise en liberté entre août 2011 et décembre 2015.

  2. M. Ali a montré qu’il pouvait respecter des conditions même quand il ne le veut pas. À cet égard, le commissaire McPhalen a souligné ce qui suit : [traduction« Vous étiez en liberté sous caution entre le moment où vous avez été reconnu coupable des infractions à l’origine de la peine et le moment prévu pour l’audience sur la détermination de la peine, mais vous vous êtes présenté à la Cour pour l’audience de détermination de la peine, sachant que la Couronne demandait 12 ans ».

  3. M. Ali ne s’est pas enfui après avoir appris en 2014 qu’une mesure d’interdiction de territoire avait été prise contre lui.

  4. M. Ali et sa mère ont collaboré avec l’ASFC dans ses efforts pour obtenir des documents de voyage.

[86]  Une fois de plus, compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il n’était pas déraisonnable pour le commissaire McPhalen de conclure que les conditions de mise en liberté imposées à M. Ali permettraient de s’assurer qu’il se présente pour son renvoi du Canada, le moment venu et le cas échéant.

[87]  En résumé, je conclus que les conditions de mise en liberté imposées par le commissaire McPhalen ont remédié à son défaut de tenir compte des conclusions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC, dont il a été question au paragraphe 77 ci-dessus. Compte tenu de ces conditions de mise en liberté, je conclus que sa décision n’était pas déraisonnable.

[88]  Comme dans le cas de la décision de la commissaire Ko, d’après les motifs qu’il a présentés et les conditions de l’ordonnance de mise en liberté qu’il a rendue, la décision du commissaire McPhalen avait un fondement rationnel et appartenait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Halifax, précité.

VII.  Conclusion

[89]   Pour les motifs énoncés aux parties VI.B et VI.C ci-dessus, les présentes demandes sont rejetées.

[90]  Lors de l’audience, les avocats des parties ont indiqué qu’aucune question sérieuse d’importance générale ne ressortait des faits et enjeux des présentes demandes. Je suis d’accord.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-1844-18 et IMM-2061-18

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Ces demandes sont rejetées.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


ANNEXE 1 – Lois applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Objet de la loi

Objet en matière d’immigration

Objectives and Applications

Objectives – Immigration

3 (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

(…)

3 (1) The objectives of this Act with respect to Immigration are:

(…)

h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne;

(h) to protect public health and safety and to maintain the security of Canadian society;

i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

(…)

(i) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons who are criminals or security risks;

(…)

Objet relatif aux réfugiés

3 (2) S’agissant des réfugiés, la présente loi a pour objet :

(…)

Objectives — refugees

3 (2) The objectives of this Act with respect to refugees are:

(…)

g) de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;

(g) to protect public health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society;

h) de promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire aux personnes et demandeurs d’asile qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité.

(…)

(h) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons, including refugee claimants, who are security risks or serious criminals;

(…)

Interdictions de territoire

Grande criminalité

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

Inadmissibility

Serious criminality

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

(…)

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

(…)

Détention et mise en liberté

Contrôle de la détention

57 (1) La section contrôle les motifs justifiant le maintien en détention dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci, ou dans les meilleurs délais par la suite.

Detention and Release

Review of detention

57 (1) Within 48 hours after a permanent resident or a foreign national is taken into detention, or without delay afterward, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

Comparutions supplémentaires

(2) Par la suite, il y a un nouveau contrôle de ces motifs au moins une fois dans les sept jours suivant le premier contrôle, puis au moins tous les trente jours suivant le contrôle précédent.

(…)

Further review

(2) At least once during the seven days following the review under subsection (1), and at least once during each 30-day period following each previous review, the Immigration Division must review the reasons for the continued detention.

(…)

Mise en liberté par la Section de l’immigration

58 (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

Release — Immigration Division

58 (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(a) they are a danger to the public;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité, criminalité ou criminalité organisée;

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality, criminality or organized criminality;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger — autre qu’un étranger désigné qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause — n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger;

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national — other than a designated foreign national who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question — has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity; or

e) le ministre estime que l’identité de l’étranger qui est un étranger désigné et qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause n’a pas été prouvée.

(e) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national who is a designated foreign national and who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question has not been established.

(…)

Mise en détention par la Section de l’immigration

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

Detention — Immigration Division

 

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

Conditions

(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.

(…)

Conditions

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.

(…)

Principe du non-refoulement

Principe

115 (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

Principle of Non-refoulement

Protection

115 (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

Exclusion

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

Exceptions

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

(a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or

b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada.

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Détention et mise en liberté

Critères

244 Pour l’application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l’appréciation

Detention and Release

Factors to be considered

244 For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person

a) du risque que l’intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l’enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;

b) du danger que constitue l’intéressé pour la sécurité publique;

(b) is a danger to the public; or

c) de la question de savoir si l’intéressé est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée.

(c) is a foreign national whose identity has not been established.

Risque de fuite

245 Pour l’application de l’alinéa 244a), les critères sont les suivants :

Flight risk

245 For the purposes of paragraph 244(a), the factors are the following:

a) la qualité de fugitif à l’égard de la justice d’un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;

(a) being a fugitive from justice in a foreign jurisdiction in relation to an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;

b) le fait de s’être conformé librement à une mesure d’interdiction de séjour;

(b) voluntary compliance with any previous departure order;

c) le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle;

(c) voluntary compliance with any previously required appearance at an immigration or criminal proceeding;

d) le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi;

(d) previous compliance with any conditions imposed in respect of entry, release or a stay of removal;

e) le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;

(e) any previous avoidance of examination or escape from custody, or any previous attempt to do so;

f) l’implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l’intéressé à se soustraire aux mesures visées à l’alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d’être incité ou forcé de s’y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations;

(f) involvement with a people smuggling or trafficking in persons operation that would likely lead the person to not appear for a measure referred to in paragraph 244(a) or to be vulnerable to being influenced or coerced by an organization involved in such an operation to not appear for such a measure; and

g) l’appartenance réelle à une collectivité au Canada.

(g) the existence of strong ties to a community in Canada.

Danger pour le public

246 Pour l’application de l’alinéa 244b), les critères sont les suivants :

Danger to the public

246 For the purposes of paragraph 244(b), the factors are the following:

a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;

(a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(i) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act;

b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;

(b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;

c) le fait de s’être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;

(c) engagement in people smuggling or trafficking in persons;

d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :

(d) conviction in Canada under an Act of Parliament for

(i) infraction d’ordre sexuel,

(i) a sexual offence, or

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(ii) an offence involving violence or weapons;

e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances:

(e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(i) section 5 (trafficking),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) article 7 (production);

(iii) section 7 (production);

f) la déclaration de culpabilité ou l’existence d’accusations criminelles en instance à l’étranger, quant à l’une des infractions ci-après qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale :

(f) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament for

(i) infraction d’ordre sexuel,

(i) a sexual offence, or

(ii) infraction commise avec violence ou des armes;

(ii) an offence involving violence or weapons; and

g) la déclaration de culpabilité ou l’existence d’accusations criminelles en instance à l’étranger, quant à l’une des infractions ci-après qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à l’une des dispositions ci-après de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :

(g) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,

(i) article 5 (trafic),

(i) section 5 (trafficking),

(ii) article 6 (importation et exportation),

(ii) section 6 (importing and exporting), and

(iii) article 7 (production).

(…)

(iii) section 7 (production).

(…)

Autres critères

248 S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

Other factors

248 If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned; and

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

(e) the existence of alternatives to detention.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

IMM-1844-18 et IMM-2061-18

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. ARAM ALI

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À OTTAWA (ONTARIO) ET À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

DATE DES MOTIFS :

Le 29 mai 2018

COMPARUTIONS :

Sarah A. Pearson

POUR LE DEMANDEUR

Veen Aldosky

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le procureur général du Canada
Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Veen Aldosky

John S. Stowe Law Office

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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