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Date : 20180525


Dossier : T-331-18

Référence : 2018 CF 545

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2018

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

HASSENE BEN ABDESSLEM

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Monsieur Hassene Ben Abdesslem a intenté une poursuite en dommages contre Sa Majesté la Reine, par laquelle il la tient responsable des agissements fautifs de plusieurs individus qu’il soupçonne être des agents du Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS].

[2]  M. Ben Abdesslem allègue avoir été interrogé par des agents du SCRS à son arrivée au Canada en 2001 et avoir, depuis, été harcelé par le SCRS et par d’autres individus, incluant son ex-épouse, engagés par le SCRS pour le piéger.

[3]  Il a fait un certain nombre de démarches infructueuses afin d’obtenir la confirmation qu’il est bel et bien une cible du SCRS et que les individus qu’il nomme dans sa procédure sont des agents ou mandataires du SCRS:

a)  Le 16 juin 2016, il a déposé une plainte au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité;

b)  Les 2 avril et 11 mai 2016 il a présenté des demandes d’accès à l’information au SCRS;

c)  Il a déposé plusieurs plaintes auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

[4]  Il allègue qu’en conséquence de toutes ces démarches, les individus qu’il soupçonne être des agents ou mandataires du SCRS l’ont attaqué à son domicile dans la nuit du 24 au 25 septembre 2016, le blessant sérieusement à la main droite.

[5]  Par requête interlocutoire, il demande essentiellement que la Cour ordonne à la défenderesse :

1.  De divulguer tous les dossiers du SCRS qui permettraient à un juge désigné de cette Cour de confirmer l’identité des agents et sources humaines du SCRS qu’il soupçonne être ses « agresseurs, intimidateurs, harceleurs et les agents derrière les faux complots terroristes »;

2.  De divulguer au juge désigné de cette Cour les photos et enregistrements audio et vidéo utilisés par le SCRS pour le diffamer et le discréditer auprès de son entourage; et

3.  De lui fournir, ou de fournir au juge désigné de cette Cour, une copie de tous les documents le concernant, en la possession du SCRS.

[6]  D’abord, il est important de noter que M. Ben Abdesslem n’a pas demandé le contrôle judiciaire des décisions dont il est fait état au paragraphe 3 des présents motifs, émises par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. L’eut-il fait qu’il aurait été confronté à un certain nombre d’obstacles (voir par exemple la décision récente du juge Patrick Gleeson dans VB v Canada (Attorney General), 2018 FC 394).

[7]  Par ailleurs, bien qu’il ait d’abord fondé sa requête sur les règles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, M. Ben Abdesslem a reconnu lors de l’audience que ces dispositions ne s’appliquaient qu’aux demandes de contrôle judiciaire et non aux actions comme la sienne. Il n’a toutefois pas éclairé la Cour quant au réel fondement de sa requête.

[8]  Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que la requête de M. Ben Abdesslem est non-fondée ou à tout le moins prématurée, et qu’elle n’a pas d’objet tant que les parties n’auront pas déposé leur affidavit de documents prévu aux règles 222 et suivantes des Règles des Cours fédérales. Une fois cette étape franchie, il sera loisible à M. Ben Abdesslem d’interroger un représentant de la défenderesse sur toute question litigieuse soulevée dans son action.

[9]  Le cas échéant, la défenderesse devra aviser la Procureure générale du Canada [PGC] de la possible divulgation de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables aux relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationale, au sens de l’article 38.01 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5. Si un tel avis lui est transmis, la PGC aura le loisir de s’adresser à l’un des juges désignés de cette Cour afin d’obtenir une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation des renseignements dont M. Ben Abdesslem demande communication, s’ils existent, conformément au paragraphe 38.06(3) de la Loi sur la preuve au Canada.

[10]  Je tiens finalement à souligner que la voie que M. Ben Abdesslem a choisi d’emprunter en intentant son action contre la défenderesse est parsemée d’autant d’obstacles que s’il avait demandé le contrôle judiciaire des décisions rendues par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Le privilège d’intérêt public que la PGC peut invoquer à l’égard des renseignements dont M. Ben Abdesslem demande communication, s’ils existent, étant le même dans les deux cas. Ce privilège pourrait couvrir l’ensemble des renseignements dont M. Ben Abdesslem demande la communication, incluant le fait que le SCRS s’intéresse ou se soit intéressé à lui ou non.


ORDONNANCE au dossier T-331-18

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête du demandeur est rejetée;

  2. Les dépens au montant de 500 $, incluant les débours et les taxes, sont accordés à la défenderesse.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-331-18

INTITULÉ :

HASSENE BEN ABDESSLEM c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 avril 2018

ORDONNANCE ET motifs :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

LE 25 mai 2018

COMPARUTIONS :

Hassene Ben Abdesslem

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Émilie Tremblay

Pour LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LA DÉFENDERESSE

 

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