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Date : 20180518


Dossier : T-132-13

Référence : 2018 CF 522

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2018

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

GAELEN PATRICK CONDON

REBECCA WALKER

ANGELA PIGGOTT

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une requête présentée sur consentement en vertu de l’article 334.29 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir des ordonnances approuvant les ententes de règlement, la nomination d’un administrateur et d’arbitres, et fixant les montants des frais d’administration, de la rétribution des représentants demandeurs, ainsi que les honoraires des avocats du groupe.

[2]  Pour les motifs exposés ci-après, j’approuve l’entente de règlement ainsi que les montants de la rétribution des représentants demandeurs et les honoraires des avocats du groupe.

I.  Énoncé des faits

[3]  Le 11 janvier 2013, Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC] a publié un communiqué de presse faisant état de la perte d’un disque dur portable contenant les renseignements personnels de quelque 583 000 personnes qui avaient contracté un prêt auprès du Centre de service national de prêts aux étudiants entre 2000 et 2006. Le disque perdu contenait les noms, numéros d’assurance sociale, coordonnées et soldes impayés des prêts [renseignements personnels] des emprunteurs touchés.

[4]  Pour aider les emprunteurs à déterminer s’ils étaient personnellement touchés par la perte de données, RHDCC a établi un centre d’appels auprès duquel ils pouvaient obtenir de l’information sur la perte de données et vérifier si leurs renseignements personnels se trouvaient sur le disque perdu.

[5]  RHDCC a également écrit directement aux personnes touchées, en se servant des dernières coordonnées connues dans leur dossier. La lettre les informait que des données avaient été perdues et que la défenderesse avait acheté auprès d’Equifax des ensembles de services de protection du crédit personnalisés. RHDCC a ultérieurement acheté d’autres services de protection du crédit auprès de TransUnion, dont toutes les personnes touchées pouvaient se prévaloir pendant six années après avoir donné leur consentement. Les membres du groupe avaient jusqu’au 31 mars 2018 pour se prévaloir de l’offre.

[6]  En janvier 2013, deux groupes d’avocats ont proposé d’intenter contre la défenderesse un recours collectif en lien avec la perte des données :

i.  Bob Buckingham Law

ii.  Branch McMaster LLP, de concert avec les cabinets maintenant connus sous les dénominations Strosberg Sasso Sutts LLP et Charney Lawyers PC.

[7]  Les quatre cabinets ont choisi d’unir leurs efforts pour mener à bien le présent recours collectif et, en avril 2013, ils ont publié une déclaration consolidée dans laquelle les causes d’action suivantes étaient énoncées : violation de contrat et de garantie; abus de confiance; intrusion dans l’intimité et négligence.

[8]  L’action a été autorisée comme recours collectif par notre Cour pour toutes les causes d’action formulées, exception faite des réclamations fondées sur la négligence et l’abus de confiance (Condon c. Canada, 2014 CF 250). La Cour d’appel fédérale a autorisé les demandeurs à en appeler de cette décision et a renvoyé l’affaire à notre Cour afin qu’elle inclue les réclamations fondées sur la négligence et l’abus de confiance (Condon c. Canada, 2015 CAF 159). L’ordonnance d’autorisation, datée du 20 juin 2016, décrit le groupe comme suit :

Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés sur un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences (maintenant appelé Emploi et Développement social Canada) ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous-ministres de Ressources humaines et Développement des compétences.

[9]  Le 5 décembre 2017, les parties ont signé une entente de règlement au titre de laquelle la défenderesse s’engageait à verser aux membres du groupe un montant de 17,5 millions de dollars [le fonds d’indemnisation fixe] en guise d’indemnisation pour le temps perdu et les inconvénients subis pour remédier à la perte des données. Le fonds d’indemnisation fixe sera distribué aux membres du groupe qui auront rempli un formulaire de réclamation, à raison de versements fixes de 60 $ par personne [les versements] après déduction des honoraires, des taxes, débours et frais d’administration.

[10]  La défenderesse financera également les dépens afférents à un mécanisme d’arbitrage mis en place pour permettre aux membres du groupe de recouvrer leurs pertes réelles (telles qu’elles sont décrites ci-après) en sus de l’indemnité versée pour les pertes de temps et les inconvénients subis [le fonds d’indemnisation des pertes réelles]. Le fonds d’indemnisation des pertes réelles n’est pas plafonné et il est illimité.

[11]  Pour présenter une réclamation au titre du fonds d’indemnisation fixe, les membres du groupe ne seront pas tenus de fournir la preuve du temps réellement consacré à remédier à la perte de données. Il leur sera plutôt demandé de soumettre un bref formulaire de réclamation dans lequel ils pourront s’identifier à titre de membres du groupe pour toucher un versement de 60 $.

[12]  Eu égard au fonds d’indemnisation des pertes réelles, les « pertes réelles » représentent les pertes avérées subies par un membre du groupe par suite de la perte de données, exception faite des dommages-intérêts exemplaires et punitifs, telles qu’elles auront été déterminées par un arbitre et pour lesquelles aucune autre indemnisation n’a été versée.

[13]  Les avocats du groupe demandent des honoraires conditionnels équivalant à 30 % du fonds d’indemnisation fixe de 17,5 millions de dollars. Ils ne demandent pas d’honoraires prélevés sur une quelconque réparation éventuellement accordée au titre du fonds d’indemnisation des pertes réelles.

[14]  Les avocats du groupe ont conclu des conventions relatives aux honoraires conditionnels [les conventions d’honoraires] avec chacun des trois représentants demandeurs, lesquelles prévoient le versement d’honoraires conditionnels de 30 % à compter du début des interrogatoires préalables.

II.  Questions en litige

[15]  La présente requête soulève les questions suivantes :

  1. L’entente de règlement est-elle juste, raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe, et la Cour doit-elle l’approuver?

  2. Les conventions d’honoraires doivent-elles être approuvées, et les honoraires et dépens proposés par les avocats du groupe sont-ils raisonnables?

  3. Approbation par la Cour d’une rétribution de 5 000 $ pour chacun des représentants demandeurs

III.  Analyse

A.  L’entente de règlement est-elle juste, raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe, et la Cour doit-elle l’approuver?

(1)  Règles de droit applicables à l’approbation d’une entente

[16]  En vertu de l’article 334.29 des Règles des Cours fédérales, le règlement d’un recours collectif prend effet seulement s’il est approuvé par un juge.

[17]  Le critère applicable à l’approbation du règlement d’un recours collectif consiste à déterminer si, dans les circonstances, le règlement est juste, raisonnable et dans l’intérêt de l’ensemble du groupe, compte tenu des réclamations et des moyens de défense invoqués dans le cadre du litige, ainsi que des oppositions au règlement formulées par les membres du groupe. Ce critère ne vise toutefois pas à établir si le règlement satisfait aux demandes d’un membre du groupe en particulier.

[18]  Il n’est pas requis que le règlement soit parfait (Châteauneuf c. Canada, 2006 CF 286, au paragraphe 7). Il suffit qu’il [traduction] « se situe dans une fourchette ou un éventail d’issues jugées raisonnables » (Ontario New Home Warranty Program v. Chevron Chemical Company [1999], 46 OR (3d) 130 [C. sup. j. Ont.], au paragraphe 89).

[19]  Pour établir s’il convient d’approuver un règlement, la Cour doit tenir compte notamment des facteurs suivants :

  1. la probabilité de recouvrement ou de réussite;

  2. l’ampleur et la nature des éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, des témoignages ou de l’enquête, et la nature de ceux-ci;

  3. les modalités et conditions du règlement proposé;

  4. les dépens ultérieurs et la durée probable du litige;

  5. les recommandations des parties neutres;

  6. le nombre d’opposants et la nature des oppositions;

  7. la conduite de négociations sans lien de dépendance et l’absence de collusion;

  8. les renseignements éclairant la Cour quant à la dynamique des négociations et aux positions prises par les parties;

  9. l’importance et la nature des communications des avocats et des représentants demandeurs avec les membres du groupe pendant le litige;

  10. Les recommandations et l’expérience des avocats.

(Voir Ford v. F Hoffmann-La Roche Ltd [2005], 74 OR 3d 758 [C. sup. j. Ont.] [QL], au paragraphe 117.)

[20]  Les facteurs susmentionnés donnent des lignes directrices, sans plus. Dépendant de la nature d’une affaire, le poids donné aux critères peut varier, et ils ne seront pas forcément remplis ou pertinents (Parsons v. Canadian Red Cross Society, [1999] OJ No 3572 [C. sup. j. Ont.] [QL], au paragraphe 73 [Parsons 1999]).

(2)  Facteurs applicables à la présente requête en approbation de règlement

(a)  La probabilité de recouvrement ou de réussite et la justification du règlement

[21]  Cinq années se sont écoulées depuis la perte du disque dur. À ce jour, les avocats du groupe n’ont pas réussi à établir de manière concluante que des renseignements personnels enregistrés sur le disque dur ont été compromis de quelque façon. On ne sait pas avec certitude si le disque en question a été volé ou s’il a été simplement perdu ou détruit, et il n’existe aucune preuve qu’un tiers a eu accès aux renseignements personnels, et encore moins que ceux-ci ont été utilisés à des fins illicites ou inappropriées.

[22]  Si l’affaire débouche sur un procès, il appartiendrait aux demandeurs de faire la preuve qu’il y a effectivement eu atteinte à leur vie privée. Au vu du dossier de preuve constitué depuis les cinq années que dure le litige, qui comporte notamment des rapports d’enquête et d’experts, il est certain que les demandeurs devraient surmonter des obstacles considérables pour s’acquitter du fardeau d’établir que les renseignements personnels qui étaient enregistrés sur le disque perdu ont été compromis ou communiqués illicitement de quelque façon.

[23]  Je conviens avec les demandeurs que si un procès a lieu, il aura probablement pour objet d’établir le montant de dommages-intérêts symboliques pour violation de contrat, compte tenu du temps perdu et des inconvénients subis. Le fonds d’indemnisation fixe de 17,5 millions de dollars vise à indemniser les membres du groupe pour une moyenne de 4 heures perdues et les inconvénients subis pour remédier à la perte de données, suivant un taux horaire de salaire industriel moyen, déduction faite des honoraires d’avocat.

[24]  Dans les motifs du jugement que j’ai prononcé eu égard à la requête en autorisation (2014 CF 250), je parlais de la difficulté qu’auraient les demandeurs à obtenir gain de cause si jamais l’affaire aboutissait à un procès, et notamment celle de prouver les préjudices subis :

[68]  En outre, un examen sommaire des éléments de preuve produits par les deux parties amène la Cour à conclure que les demandeurs n’ont pas subi de dommages-intérêts indemnisables. Ceux-ci n’ont pas été victimes de fraude ou de vol d’identité, ils ont passé tout au plus quatre heures au téléphone à tenter d’obtenir des rapports de situation du ministre, ils n’ont pas profité des services de surveillance du crédit offerts par les agences d’évaluation du crédit et n’ont pas profité non plus du service d’avertissement relatif au crédit offert par la défenderesse

[69]  Les éléments de preuve produits n’étayent pas non plus une allégation de risque accru de vol d’identité dans l’avenir. Depuis la perte des données, Equifax a produit des rapports relatifs aux dossiers de crédit des 88 548 personnes qui se sont prévalues du service d’avertissement relatif au crédit. Selon ces rapports, il n’y a eu aucune hausse dans les indices pertinents qui cadrerait avec une hausse des activités criminelles touchant les renseignements personnels de ces personnes. Le taux d’activités criminelles enregistré n’a pas dépassé les 3 p. 100 de la population généralement victime de vol d’identité. Par ailleurs, les demandeurs ont présenté un article de CBC News concernant un membre du groupe qui avait été victime d’un vol d’identité, mais cet article n’établissait aucun lien de causalité entre la perte de données et ce vol.

[25]  Le droit n’est pas catégorique quant à la question de savoir si un juge présidant un procès adjugerait des dommages-intérêts symboliques globaux dans le cadre d’un recours collectif. La jurisprudence en la matière est très rare, voire inexistante. Dernièrement, dans l’arrêt Tucci v. Peoples Trust Co, 2017 BCSC 1525 [QL], la Cour suprême de la Colombie-Britannique a tranché que la perte de temps pour remédier à une atteinte à la vie privée pourrait former un fondement justifiant l’adjudication de dommages-intérêts symboliques globaux (paragraphes 247 et 257).

[26]  Même si je devais admettre que des dommages-intérêts globaux pourraient être adjugés en réparation des préjudices symboliques subis, le montant accordé à chaque membre du groupe constituerait un autre facteur incertain. Le vocable symboliques peut certes s’appliquer à des dommages-intérêts versés à une seule personne qui a intenté une action individuelle, mais il perd rapidement son sens dès lors qu’il faut additionner les sommes dues à un groupe de 583 000 personnes.

[27]  J’ai autorisé les demandeurs à réclamer des dommages-intérêts symboliques, mais uniquement en raison de leur caractère de nouveauté dans le contexte d’un recours collectif. J’ai également souligné que la défenderesse avait soulevé un « argument intéressant et solide » comme quoi des dommages-intérêts symboliques ne devraient pas être octroyés dans le cadre d’un recours collectif (au paragraphe 51).

[28]  Pour ce qui concerne le délit d’intrusion dans l’intimité, il est associé à une présomption de préjudice qui entraîne automatiquement l’adjudication de dommages-intérêts symboliques en l’absence de preuve d’un préjudice réel (Jones v. Tsige, 2012 ONCA 32 [QL], au paragraphe 60). Cependant, avant que des dommages-intérêts leur soient adjugés, les demandeurs doivent établir de manière concluante qu’une intrusion a vraiment eu lieu.

[29]  À l’été 2017, les demandeurs ont chargé Cytelligence Inc. [Cytelligence], une société spécialisée en cybersécurité et informatique légale, de mener une enquête approfondie visant à établir si les renseignements personnels avaient été divulgués ou vendus sur le Web invisible. Selon la conclusion de l’enquête, [traduction] « [v]u l’ancienneté des données et comme Cytelligence n’a pas été en mesure de recueillir des éléments de preuve à cet égard, il est peu probable que le contenu [du disque dur perdu] circule sur le Web invisible ».

[30]  Enfin, les avocats du groupe n’ont rien découvert dans l’abondante preuve documentaire produite par la défenderesse qui laisse présumer que les renseignements personnels enregistrés sur le disque perdu ont été consultés de manière illégitime ou divulgués généralement de quelque façon.

[31]  En somme, dans la présente affaire, il n’existe aucun élément de preuve qui permet d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements personnels ont été compromis. Par conséquent, il n’existe pas de preuve d’atteinte à la vie privée des membres du groupe.

[32]  Quand l’action a été introduite, il y avait lieu de s’interroger sur ses chances de réussite étant donné l’état du droit en matière d’atteinte à la vie privée. La plupart des facteurs invoqués restent pertinents.

[33]  On compte environ une demi-douzaine de recours collectifs intentés au Canada pour des affaires d’atteinte à la vie privée qui ont donné lieu à la création d’un fonds d’indemnisation pour le temps perdu, les pertes réelles ou les inconvénients subis par les membres du groupe. La plupart ont débouché sur un règlement prévoyant la constitution d’un fonds d’indemnisation pour les deux chefs de préjudices, et ce fonds était plafonné. Dans chaque cas, les membres du groupe devaient fournir des preuves documentées à l’appui de leurs réclamations, y compris des preuves du temps perdu ou des inconvénients subis (Lozanski v. The Home Depot Inc, 2016 ONSC 5447, aux paragraphes 45 et 51; Drew v. Walmart Canada Inc, 2017 ONSC 3308, au paragraphe 10b]).

[34]  Le règlement du recours collectif Rowlands v. Durham Region Health et al., intenté à la suite de la perte d’un disque dur contenant des renseignements sur la santé pour lesquels il n’existait aucune preuve d’atteinte, obligeait chacun des 83 524 membres du groupe à produire une preuve des préjudices personnels subis (Rowlands c. Durham Region Health, et al., 2011 ONSC 719; Rowlands c. Durham Region Health et al., 2012 ONSC 3948). Les membres du groupe devaient produire une preuve des pertes réelles subies pour toucher une indemnisation.

[35]  Dans la décision Lozanski, la Cour a approuvé le règlement d’un recours collectif par suite du piratage par un tiers d’un système de paiement par carte de crédit. Un fonds d’indemnisation de 250 000 $ a été constitué pour les quelque 500 000 membres du groupe. Chaque membre, sur présentation d’une preuve documentaire des pertes subies, y compris le temps perdu pour remédier aux difficultés attribuables à la violation des données, pouvait réclamer une réparation allant jusqu’à 5 000 $, pour les motifs suivants :

[traduction]

[45]  La réclamation pour le temps perdu à remédier aux préjudices s’établit comme suit : a) une indemnisation équivalant à 5 heures au maximum, à raison de 15 $ l’heure, ou b) sur production par le membre du groupe partie au règlement d’une preuve documentaire raisonnable des pertes effectives subies ou des dépenses non remboursées, mais qui ne peut fournir une preuve distincte du temps perdu à remédier aux préjudices, une indemnisation auto-autorisée équivalant à 2 heures au maximum, à raison de 15 $ l’heure.

[36]  Dans la décision Drew, la Cour a approuvé un règlement similaire prévoyant un fonds de 400 000 $ pour indemniser quelque 640 000 personnes à la suite du piratage par un tiers de renseignements de compte sous le contrôle d’un centre de photographie (précité, au paragraphe 10). Seuls les membres du groupe ayant fourni une preuve documentaire de leurs pertes réelles ont été admissibles à une indemnisation équivalant à 2 heures de temps perdu à raison de 15 $ l’heure, sans obligation de fournir une preuve. Dans tous les autres cas, les réclamations pour temps perdu devaient être étayées par une preuve documentaire. En comptant les pertes réelles, chaque membre du groupe pouvait réclamer une indemnisation de 5 000 $ au maximum.

[37]  À l’inverse, le fonds d’indemnisation des pertes réelles constitué en l’espèce n’est pas plafonné, de sorte que les membres du groupe qui produisent une perte de pertes réelles peuvent recouvrer la totalité de celles-ci en sus de l’indemnité pour le temps perdu et les inconvénients subis.

(b)  L’ampleur et la nature des éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, des témoignages ou de l’enquête

[38]  J’estime avoir à ma disposition suffisamment d’éléments de preuve pour être en mesure de faire une évaluation objective, impartiale et indépendante de la justesse de l’entente de règlement proposée (Dabbs v. Sun Life Assurance Co of Canada, [1998] OJ No 1598 [C. sup. j. Ont.] [QL], au paragraphe 15).

[39]  Je suis de plus convaincue qu’au cours des cinq années écoulées depuis le début de l’action, les parties ont fait tout ce qui était raisonnable pour se renseigner sur les faits pertinents liés aux pertes et aux préjudices subis, y compris en prenant connaissance des rapports des nombreuses enquêtes menées sur la perte du disque dur.

[40]  Parmi ces enquêtes, deux revêtent une importance particulière. L’Unité des enquêtes spéciales de RHDCC a mené une enquête interne qui comportait notamment des entrevues avec les nombreux employés qui avaient travaillé dans l’entourage de la dernière personne ayant eu le disque dur en sa possession, ainsi qu’une analyse technique criminalistique. Si l’enquête n’a rien révélé de la cause de la perte des données, elle a toutefois exclu la probabilité que [traduction« quelqu’un se soit emparé du disque dur dans l’intention de voler les renseignements qu’il contenait ».

[41]  Comme je l’ai mentionné précédemment, Cytelligence a mené une autre enquête. Voici les conclusions de celle-ci : [traduction]

a.  Rien n’indique que les renseignements personnels enregistrés sur le disque perdu ont été divulgués ou vendus à des tiers.

b.  Rien n’indique que les renseignements personnels enregistrés sur le disque dur ont été rendus accessibles ou vendus sur le Web invisible, c’est-à-dire la partie du Web où se trouvent des sites qui ne sont pas indexés par les outils de recherche traditionnels (et où se font souvent des opérations illégales telles que la vente de renseignements personnels en ligne).

[42]  Les avocats du groupe ont déclaré également qu’en sus des nombreux volumes de preuves documentaires qui accompagnaient la requête en autorisation, ils ont examiné et analysé quelque 68 377 documents produits par la défenderesse.

[43]  Étant donné l’ampleur des renseignements à la disposition des avocats du groupe, ils se trouvaient en bonne position pour négocier et éventuellement accepter, sous réserve de l’approbation de la Cour, le règlement de la présente action dans l’intérêt des membres du groupe.

(c)  Les modalités et conditions du règlement proposé

[44]  Lorsqu’elle est appelée à examiner un règlement, il n’est pas demandé à la Cour de le rouvrir ou d’entamer des négociations avec les parties au litige dans l’espoir d’en améliorer les modalités et conditions. Il est demandé à la Cour de faire connaître aux parties ses réserves concernant certains points et de leur offrir la possibilité d’y réagir en proposant des modifications au règlement. La Cour peut approuver ou rejeter un règlement qui est le fruit de négociations entre les parties, mais elle n’a aucun pouvoir d’en modifier les modalités et les conditions (Dabbs, précitée, au paragraphe 10).

[45]  Dans le règlement proposé, il est prévu de créer deux fonds distincts pour indemniser les membres du groupe : un fonds fixe et un fonds illimité pour les pertes réelles.

[46]  Le fonds d’indemnisation fixe, d’une valeur de 17,5 millions de dollars, sera distribué comme suit :

  1. des indemnités seront versées aux membres du groupe pour compenser le temps perdu et les inconvénients subis par suite de la perte de données; ils pourront réclamer une indemnisation en remplissant un court formulaire, sans être tenus de fournir une preuve du temps perdu;

  2. La rétribution proposée des représentants demandeurs;

  3. les horaires et les débours des avocats du groupe, ainsi que les taxes applicables;

  4. les frais d’administration du règlement, y compris les frais de notification d’un avis sur le règlement proposé, conformément à mon ordonnance du 20 décembre 2017.

[47]  Une fois payés les dépens décrits aux alinéas c) et d) ci-dessus, le solde servira à payer la rétribution proposée des représentants demandeurs (je reviendrai sur ce point plus loin) et l’indemnité de 60 $ à chaque membre du groupe pour le temps perdu et les inconvénients subis. Si les fonds sont insuffisants, l’indemnisation de chaque membre du groupe se fera au pro rata. S’il reste un excédent dans le fonds d’indemnisation fixe après que tous les membres du groupe auront été indemnisés, il servira à payer les pertes réelles. Ensuite, s’il reste de l’argent dans le fonds d’indemnisation fixe après réparation des pertes réelles, les parties demanderont les directives de la Cour avant de distribuer l’excédent.

[48]  Notre Cour devrait tenir compte du taux de participation pour établir si un règlement est juste, raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe, surtout si un fonds d’indemnisation fixe est créé (Smith v. Vancouver City Savings Credit Union, 2012 BCSC 990 [QL], aux paragraphes 21 à -26).

[49]  Selon les avocats du groupe, il serait raisonnable de présumer que 30 % environ des membres du groupe soumettront une réclamation au titre du fonds d’indemnisation fixe. La valeur du de 17,5 millions de dollars du fonds d’indemnisation fixe découle d’une estimation des avocats du groupe selon laquelle 30 % environ des membres du groupe devraient participer au processus de réclamation.

[50]  Dans l’arrêt Smith, qui porte sur le taux d’intérêt des frais de découvert, la juge Gray de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a tranché qu’un fonds de 2,5 millions de dollars était juste, raisonnable et dans l’intérêt du groupe, notamment parce que ceux des membres qui avaient participé au processus de règlement seraient entièrement dédommagés :

[traduction]

[24]  Compte tenu des frais d’administration et de la faible probabilité de « participation » des requérants, il semble vraisemblable que le règlement proposé permettra à tous ceux qui présentent une réclamation d’être entièrement dédommagés, et qu’il restera de l’argent qui pourra être versé à la VanCity Community Foundation.

[51]  La juge Gray fonde sa conclusion sur le faible taux de participation à d’autres recours collectifs similaires (de 16 à 30 %) et sur la présomption qu’il serait même inférieur dans le recours en cause puisque les événements à l’origine des réclamations des membres du groupe remontaient à plusieurs années. C’est pourquoi la juge Gray a conclu que la valeur du fonds d’indemnisation fixe suffirait probablement pour dédommager les membres du groupe qui soumettraient une réclamation (Smith, précité, au paragraphe 24).

[52]  En l’espèce, je conviens avec les avocats du groupe qu’il est raisonnable de penser que 30 % des membres du groupe soumettront une réclamation au fonds d’indemnisation fixe. Les avocats du groupe ont fondé leur estimation du taux de participation sur plusieurs facteurs :

  1. Le groupe compte un nombre estimé de 585 236 membres après soustraction des exclusions (564 au total).

  2. Seulement 91 351 membres ont demandé et reçu des services de protection du crédit financés par la défenderesse (soit 15,61 % environ du groupe), malgré l’offre que celle-ci leur a transmise directement par courrier.

  3. Seulement 58 000 membres environ se sont inscrits par l’intermédiaire du système en ligne créé par les avocats du groupe dans le cadre du présent recours collectif (soit 9,91 % environ des membres).

  4. Cinq années se sont écoulées depuis l’annonce publique de la perte du disque dur.

  5. Certains renseignements personnels enregistrés sur le disque perdu remontent à l’année 2000 – ils ont donc presque 20 ans.

  6. Un montant maximal de 60 $ peut être réclamé au fonds d’indemnisation fixe.

[53]  Malgré la difficulté de prédire le taux de participation, les avocats du groupe ont affirmé qu’au Canada, les taux de participation à la plupart des recours collectifs se situent sous les 50 %, et souvent bien en deçà, surtout si le montant à recouvrer est négligeable.

[54]  À l’inverse, le fonds d’indemnisation des pertes réelles est illimité et non plafonné, et il est mis à la disposition de tous les membres du groupe qui s’inscrivent à un processus d’arbitrage, sans égard au taux de participation. Les membres du groupe qui soutiennent avoir subi des pertes réelles doivent soumettre un formulaire de demande d’arbitrage.

[55]  Ivan Whitehall et Reva Devins sont les arbitres proposés, et leurs dépens seront payés entièrement par la défenderesse.

[56]  La Cour a établi le protocole d’arbitrage. Le processus proposé est convivial, ne requiert pas l’aide d’un avocat, et donne à l’arbitre le pouvoir d’établir, selon la prépondérance des probabilités, si le membre du groupe en cause a subi des pertes réelles.

[57]  La défenderesse paiera les frais d’envoi de l’avis de règlement par courrier direct, soit un montant estimé à 600 000 $ environ. Il s’agit d’un montant distinct et en sus du fonds d’indemnisation fixe et du fonds d’indemnisation des pertes réelles.

(d)  Les dépens futurs et la durée probable du litige

[58]  Les tribunaux ont reconnu que l’indemnisation rapide des membres du groupe constitue un facteur à l’appui d’un règlement. Si les parties ne concluent pas un règlement maintenant, leurs avocats estiment que le litige pourrait durer au moins trois ans encore moins si l’on compte le procès et un éventuel appel.

[59]  Ayant pris en compte cette possibilité de trois autres années de litige, y compris un procès qui pourrait durer jusqu’à huit semaines parce qu’il faudrait entendre les nombreux témoins experts que chacune des parties ne manquerait pas d’appeler, auxquels s’ajouteraient les facteurs susmentionnés, je conclus que le règlement proposé est juste et raisonnable, et qu’il est dans l’intérêt du groupe.

(e)  Le nombre d’opposants et la nature de celles-ci

[60]  À l’échéance ordonnée par la Cour, c’est-à-dire le 12 février 2018, à 17 h HNE, 294 opposants au règlement s’étaient manifestés. Les opposants comptent pour 0,00050188 % du groupe environ (1/20 de 1 %).

[61]  Parmi les 294 opposants, 4 ont participé à l’audience concernant le règlement proposé par vidéoconférence (depuis Fredericton, Toronto et Winnipeg) et ont pu exprimer la raison de leur opposition à la Cour. Une cinquième opposante se trouvant à Halifax avait demandé à participer à ladite audience par vidéoconférence. Toutefois, sa participation n’a pas été possible parce que l’avis de transmission par vidéoconférence au bureau de Halifax a été notifié peu de temps avant la tenue de l’audience. Néanmoins, son opposition écrite a été dûment prise en considération, au même titre que toutes les autres oppositions transmises par écrit.

[62]  En tout, 72 opposants ont présenté des lettres types apparemment identiques. Ces 72 opposants, et beaucoup d’autres en fait, ont demandé que le règlement prévoie l’annulation ou l’actualisation du solde du prêt d’études des membres du groupe. Le membre du groupe qui a participé à l’audience relative au règlement proposé depuis Fredericton a exprimé une opposition de la même nature. Toutefois, la proposition est indéfendable en droit, et particulièrement maintenant que la Cour suprême du Canada a « donné le coup de grâce » au principe de l’inexécution fondamentale en droit canadien des contrats (Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique [Transports et Voirie], 2010 CSC 4). Les parties n’ont pas négocié, et n’auraient pas pu négocier, une entente de règlement en alléguant que l’annulation de leur dette pourrait faire partie de l’indemnisation des membres du groupe.

[63]  Bon nombre d’opposants ont mentionné des pertes financières supérieures à 60 $ prétendument attribuables à la perte de données, y compris celui qui a participé à l’audience relative au règlement proposé par vidéoconférence depuis Toronto. Ces oppositions témoignent d’une méprise quant à la structure de l’entente de règlement, puisque ces pertes peuvent être réclamées au fonds d’indemnisation des pertes réelles.

[64]  Beaucoup d’oppositions concernaient les sommes payées pour se procurer des services de surveillance du crédit, malgré l’offre du gouvernement de payer à tous les membres du groupe un abonnement de six ans pour de tels services auprès de TransUnion et Equifax. Les deux opposants qui ont participé à l’audience relative au règlement proposé depuis Winnipeg ont exprimé une opposition de cette nature et réclamé une protection de crédit à vie. À mon avis, cette réclamation de protection à vie était déraisonnable.

[65]  L’un de ces deux opposants a également réclamé un nouveau numéro d’assurance sociale. Les éléments de preuve indiquent toutefois que le remplacement d’un numéro d’assurance sociale recèle son lot de difficultés, à la fois pour le citoyen et pour le gouvernement. Qui plus est, le gouvernement assure une surveillance active des numéros d’assurance sociale des membres du groupe, et continuera de le faire jusqu’en 2023.

[66]  Enfin, de nombreuses oppositions avaient trait au montant des honoraires réclamés par les avocats du groupe. C’est notamment la nature de l’opposition de l’un des opposants qui a participé à l’audience relative au règlement proposé par téléconférence depuis Winnipeg. Or, il était précisé dans l’avis d’autorisation publié que les avocats du groupe réclameraient des honoraires équivalant au plus au tiers de toute réparation obtenue à l’issue de l’action, et que les membres du groupe pouvaient s’en exclure s’ils s’opposaient à l’une quelconque des modalités et conditions proposées.

[67]  Quant à la membre du groupe qui a demandé à participer à l’audience par vidéoconférence depuis Halifax, elle a fait valoir que sa situation était unique puisqu’elle est transgenre et que sa transition a eu lieu après la perte du disque dur. Elle réclame des dommages-intérêts de 40 000 $.

[68]  Premièrement, si elle estime que sa réclamation se distingue de celles des autres membres du groupe, elle aurait pu s’exclure du recours collectif et engager son propre avocat pour intenter sa propre action à l’encontre de la défenderesse. Deuxièmement, si elle a véritablement subi d’autres préjudices indemnisables que la perte de temps ou les inconvénients, elle peut soumettre une réclamation au fonds d’indemnisation des pertes réelles.

[69]  Ayant examiné toutes les oppositions exprimées, je suis d’avis que le règlement doit être approuvé. Même si un règlement est loin d’être idéal pour un membre du groupe en particulier, cela ne justifie pas de ne pas l’approuver pour l’ensemble du groupe (Parsons 1999, précitée, au paragraphe 79).

[70]  En l’occurrence, je me range à l’avis du juge dans la décision Manuge c. Canada, 2013 CF 341, savoir qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la grande majorité des membres du groupe qui ne se sont pas opposés au règlement de renvoyer les parties à la table des négociations pour qu’elles traitent des réserves d’une « poignée » de personnes qui s’y opposent (au paragraphe 25).

(f)  La conduite de négociations sans lien de dépendance

[71]  Les négociations ayant mené à un règlement entre les parties étaient sans lien de dépendance et de nature contradictoire, et elles ont duré plusieurs mois.

(g)  L’importance et la nature des communications avec les membres du groupe

[72]  Vu la taille du groupe, les avocats ont créé et tenu à jour un site Web (www.studentloansclassaction.com [site Web]), offert une ligne téléphonique sans frais chez Strosberg Sasso Sutts LLP, et fourni une page Facebook tenue à jour par Buckingham Law.

[73]  Le site Web héberge un système d’inscription électronique sécurisé et interactif tenu par les avocats du groupe. Le système d’inscription est entré en fonction peu de temps après le début de l’action et, dès ce moment et par la suite, les membres du groupe ont été invités à s’y inscrire. À ce jour, quelque 58 000 membres du groupe se sont inscrits et ont communiqué leurs coordonnées aux avocats du groupe.

[74]  L’avis de notification du règlement proposé a été transmis par courriel à tous les membres du groupe qui se sont inscrits auprès des avocats et fourni une adresse de courriel valide. Les avocats ont également publié l’avis de notification du règlement proposé et de l’entente de règlement pour que les membres du groupe en prennent connaissance, et ils ont organisé une campagne de marketing en ligne.

[75]  Pendant les procédures, les avocats du groupe ont apporté 14 mises à jour au site Web après le 22 janvier 2013, et ils y ont publié tous les documents importants. Au cours de la dernière année seulement, le site Web a été consulté par plus de 50 000 visiteurs uniques. De plus, les avocats du groupe ont reçu plus de 5 000 appels téléphoniques sur les lignes sans frais.

(h)  Les recommandations d’avocats chevronnés

[76]  Les avocats du groupe estiment que le règlement proposé est juste, raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe. Il s’agit de plaideurs ayant une vaste expérience dans le domaine des recours collectifs, et ils ont communiqué leurs stratégies, leurs analyses et leurs démarches à la Cour. J’estime que leur décision de régler le recours collectif est le fruit d’un exercice judicieux de leur jugement. Les recommandations des avocats du groupe sont importantes et méritent d’être dûment considérées dans le processus d’approbation.

(i)  Les recommandations des représentants demandeurs

[77]  Selon les éléments de preuve mis à ma disposition, les représentants demandeurs ont été régulièrement informés de la progression du litige depuis cinq ans. Ils ont pris part aux décisions importantes. Notamment, ils ont enjoint aux avocats du groupe de signer l’entente de règlement et ont recommandé à l’unanimité à la Cour d’approuver le règlement.

(j)  Conclusion

[78]  Il peut exister un éventail de règlements acceptables. Ce principe participe de la reconnaissance des zones grises du droit et des faits, peu importe la cause, et des risques et dépens concomitants qui font partie intégrante de toute démarche de règlement d’un litige.

[79]  En l’espèce, les avocats du groupe ont mené l’action de manière habile, et ils ont dûment pris en considération les risques inhérents au litige et aux questions de pertes et de dommages. La Cour statue que l’entente de règlement étant juste, raisonnable et dans l’intérêt du groupe, il convient de l’approuver, y compris pour ce qui a trait à la nomination de l’administrateur et des arbitres.

B.  Les conventions d’honoraires doivent-elles être approuvées, et les honoraires et dépens proposés par les avocats du groupe sont-ils raisonnables?

(1)  Règles de droit applicables à l’approbation des honoraires des avocats du groupe

[80]  Selon l’article 334.4 des Règles des Cours fédérales, tout paiement à un avocat qui est prélevé sur les sommes recouvrées à l’issue d’un recours collectif doit être approuvé par un juge. En conséquence, les avocats du groupe demandent à la Cour d’approuver les conventions d’honoraires, leurs honoraires ainsi que leurs débours, avec les taxes applicables.

(a)  Caractère juste et raisonnable des honoraires des avocats

[81]  Pour établir et approuver les honoraires des avocats du groupe, il faut se demander s’ils sont « justes et raisonnables » dans les circonstances (Manuge, précitée, au paragraphe 28; Parsons v. Canadian Red Cross Society, (2000), 49 OR (3d) 281 [C. sup. j. Ont.], aux paragraphes 13 et 56 [Parsons 2000]).

[82]  Dans la décision Manuge, notre Cour explique que pour déterminer ce qui est juste et raisonnable, elle doit examiner un certain nombre de facteurs, y compris les résultats obtenus par les avocats du groupe; l’étendue du risque assumé par ceux-ci, la quantité d’heures de travail effectivement consacrées au litige, le lien de causalité entre les efforts déployés et le résultat obtenu, la qualité de la représentation, la complexité des questions soulevées par le litige, la nature et l’importance du litige, la probabilité que les réclamations individuelles aient été soumises aux tribunaux de toute façon, les opinions exprimées par les membres du groupe, l’existence d’une convention d’honoraires et les honoraires approuvés dans des affaires comparables (Manuge, précitée, au paragraphe 28; Merlo c. Sa Majesté La Reine, 2017 CF 533 [QL], aux paragraphes 77 à 98).

[83]  Les tribunaux se sont particulièrement arrêtés à deux facteurs importants pour apprécier le caractère juste et raisonnable d’une demande d’honoraires : 1) le risque assumé par les avocats du groupe pour mener l’action à bien; 2) le degré de réussite ou le résultat obtenu (Parsons 2000, précitée, au paragraphe 13; Sayers v. Shaw Cablesystems Limited, 2011 ONSC 962, au paragraphe 35). Dans ce contexte, l’évaluation du risque doit se faire à partir du début de l’action (Gagne v. Silcorp Ltd., [1998], 49 OR [3d] 417 (C.A. Ont.), au paragraphe 16). Les facteurs de risque englobent l’ensemble des risques assumés par les avocats du groupe, et notamment ceux qui sont liés à la responsabilité, au recouvrement et à la possibilité que le recours collectif ne soit pas autorisé (Gagne, précitée, au paragraphe 17; Endean v. Canadian Red Cross Society, 2000 BCSC 971 [QL], aux paragraphes 28 et 35).

(b)  Avantage de la formule des honoraires d’avocat déterminés selon un pourcentage par rapport à d’autres formules comme l’application d’un coefficient multiplicateur aux heures travaillées

[84]  Au fil du temps, les tribunaux ont exprimé leur préférence pour la formule des honoraires déterminés selon un pourcentage dans le cadre des recours collectifs (Mancinelli v. Royal Bank of Canada, 2017 ONSC 2324, au paragraphe 52). Les honoraires déterminés selon le pourcentage devraient être fonction des sommes recouvrées, et le taux autorisé devrait être suffisant pour encourager et rétribuer adéquatement les avocats d’un groupe.

[85]  Les honoraires déterminés selon un pourcentage qui sont indiqués dans une convention d’avance d’honoraires conditionnels [traduction] « devraient être refusés seulement dans des cas manifestement étayés par des raisons de principe » (Cannon v. Funds for Canada Foundation, 2013 ONSC 7686, au paragraphe 8). Voici des exemples de cas dans lesquels un tribunal pourrait réfuter la présomption selon laquelle la formule des honoraires déterminés selon un pourcentage est juste :

  1. un demandeur représentant comprend mal ou n’accepte pas vraiment la formule;

  2. les honoraires conditionnels convenus sont excessifs;

  3. les honoraires conditionnels présomptivement valides se traduiraient par le versement d’honoraires si élevés qu’ils en seraient inconvenants.

(Cannon, précitée, au paragraphe 9.)

[86]  La principale formule de rechange aux honoraires déterminés en fonction d’un pourcentage serait d’appliquer un coefficient multiplicateur aux heures de travail des avocats du groupe. L’emploi d’un coefficient a été critiqué, notamment parce qu’il incite à l’inefficience et au dédoublement des efforts, et ne favorise pas un règlement rapide (Cassano v. Toronto-Dominion Bank [2009], 98 OR [3d] 543 [C. sup. j. Ont.] [QL], au paragraphe 60). Les tribunaux ont décrété que [traduction] « l’emploi d’un coefficient multiplicateur est beaucoup trop subjectif, voire complètement arbitraire » (Fulawka v. Bank of Nova Scotia, 2014 ONSC 4743, au paragraphe 22).

[87]  Au contraire, le calcul des honoraires selon un pourcentage encourage les avocats à se concentrer sur les résultats. Comme le souligne la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans son arrêt Endean, la formule des honoraires déterminés en fonction d’un pourcentage est courante dans le cadre des recours collectifs. Les avocats sont ainsi rémunérés pour leur efficacité, pas seulement pour la quantité de temps consacrée à obtenir gain de cause (précité, aux paragraphes 74 et 75).

[88]  Dans la décision Baker (Estate) c. Sony BMG Music (Canada) Inc, 2011 ONSC 7105, le juge Strathy explique que la rémunération des avocats en fonction d’un pourcentage de la somme recouvrée est [traduction] « généralement considérée comme une façon de partager équitablement le risque et la rétribution, à l’avantage à la fois de l’avocat et du client » (au paragraphe 64). Le calcul des honoraires en fonction d’un pourcentage incite l’avocat à travailler de manière efficiente pour que son client obtienne la meilleure réparation possible. Le client y gagne au change puisque la rémunération est tributaire du succès (Baker, précitée, au paragraphe 64).

(c)  Honoraires déterminés en fonction d’un pourcentage : une formule qui offre aux avocats les incitatifs nécessaires à la viabilité du régime de recours collectif

[89]  Il serait impossible d’assurer l’efficacité des recours collectifs sans une formule d’honoraires conditionnels selon laquelle les avocats sont rémunérés au pourcentage.

[90]  Les honoraires conditionnels favorisent l’accès à la justice dans la mesure où c’est l’avocat, et non le client, qui finance le litige. Les honoraires conditionnels favorisent également l’économie des ressources judiciaires et l’efficience des procédures, ils dissuadent les avocats d’un groupe de faire du travail inutile pour gonfler leur facture (les honoraires ne sont pas fixés en fonction des heures de travail), ils mettent à juste titre l’accent sur la qualité de la représentation et les résultats obtenus, ils ne pénalisent pas l’efficience des avocats, et ils tiennent compte des dépens et des risques considérables qu’ils doivent assumer (Osmun v. Cadbury Adams Canada Inc, 2010 ONSC 2752, au paragraphe 21).

[91]  Notre Cour et d’autres tribunaux du pays ont reconnu que la viabilité du régime des recours collectifs est tributaire du travail d’avocats à l’esprit d’entreprise qui acceptent de mener ces batailles, et dont la rémunération doit être à l’avenant (Manuge, précitée, au paragraphe 49; Helm v. Toronto Hydro-Electric System Limited, 2012 ONSC 2602, au paragraphe 26; Griffin v. Dell Canada Inc, 2011 ONSC 3292, au paragraphe 53). La rémunération doit être suffisante pour [traduction] « donner aux avocats un incitatif financier réel qui les convaincra d’intenter un recours collectif et de le mener à bien » (Sayers, précitée, au paragraphe 37).

(d)  Honoraires proposés de 30 % pour les avocats du groupe : l’équivalent des honoraires accordés dans le cadre de recours collectifs réglés

[92]  Dans la décision Baker, le juge Strathy faisait remarquer que des honoraires aux alentours de 30 % sont [traduction] « très courants » dans le cadre d’un recours collectif (précitée, au paragraphe 63). Le juge Belobaba a quant à lui approuvé des honoraires conditionnels de 33 % dans la décision Cannon (précitée, au paragraphe 3).

(2)  Facteurs à l’appui de la demande relative aux honoraires

[93]  Les avocats du groupe font valoir, et je suis d’accord avec eux, que les facteurs suivants valident le caractère juste et raisonnable des honoraires proposés :

(a)  Les risques engagés par les avocats du groupe

[94]  Dès le début, les avocats du groupe ont accepté d’intenter la présente action moyennant des honoraires conditionnels prévus aux conventions d’honoraires, d’assumer la responsabilité de tous les frais et dépens, et de demander à la Cour d’approuver les honoraires s’ils obtenaient gain de cause, conformément aux conventions d’honoraires.

[95]  Dans la décision Green v. Canadian Imperial Bank of Commerce, 2016 ONSC 3829, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a reconnu les risques assumés par les avocats d’un groupe qui engagent un recours collectif moyennant des honoraires conditionnels, et la nécessité de leur offrir des incitatifs pour qu’ils acceptent de prendre ces risques : [traduction] « En termes simples, ces avocats courent le risque de ne jamais être dédommagés pour le temps et les débours investis dans une cause » (au paragraphe 14).

[96]  Dans le cadre d’un recours collectif, le risque lié au litige que doivent assumer les avocats dépend des chances de réussite, de la complexité des procédures, ainsi que des ressources et du temps investis dans la poursuite du litige.

[97]  L’évaluation des risques inhérents à un recours collectif doit commencer dès le début du litige et se poursuivre jusqu’à la fin. Ces risques ne devraient pas être évalués de manière rétrospective (Ford, précitée, au paragraphe 71).

[98]  Dans la présente espèce, les avocats du groupe connaissaient les risques liés aux procédures et au litige inhérents aux réclamations, dans la mesure où la responsabilité était, comme c’est toujours le cas, difficile à prouver, et qu’une évaluation des préjudices individuels sera probablement nécessaire à l’issue d’un procès traitant des questions communes, si cette issue est favorable. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une cause complexe sur le plan de son objet, mais aussi en raison du nombre de membres du groupe et des préjudices allégués.

(b)  Les résultats obtenus

[99]  Comme il a été vu de manière détaillée ci-dessus, les avocats ont obtenu de bons résultats pour les membres du groupe.

[100]  Aux fins de l’appréciation des résultats obtenus par les avocats du groupe, la Cour doit également se demander dans quelle mesure le règlement proposé satisfait aux trois objectifs d’un recours collectif, c’est-à-dire l’accès à la justice, la modification d’un comportement et l’utilisation efficiente des ressources judiciaires (Bancroft-Snell v. Visa Canada Corporation, 2015 ONSC 7275, au paragraphe 49).

[101]  Le présent recours collectif a rendu la justice accessible aux centaines de milliers de membres du groupe, dans la mesure où l’importance modeste des réclamations individuelles n’aurait pas justifié une action en justice, même si au début du litige le délit allégué d’atteinte à la vie privée semblait assez grave.

[102]  Dans les Règles des Cours fédérales, le régime des recours collectifs a été conçu pour encourager l’introduction d’actions du genre de celle qui nous occupe – dans lesquelles les réclamations individuelles sont somme toute modestes –, dans la mesure où des avocats à l’esprit d’entreprise peuvent malgré tout tirer des honoraires globaux intéressants qui justifieront la prise de risques et le temps consacré à un recours collectif.

[103]  Le présent règlement servira de référence à de futurs recours collectifs mettant en cause des délits d’atteinte à la vie privée, en plus de faire comprendre aux organismes canadiens que le droit à la vie privée ne doit jamais être pris à la légère, et que toute atteinte à ce droit pourrait les exposer à de graves conséquences judiciaires.

[104]  Pour ce qui concerne la défenderesse, l’action a directement incité le gouvernement du Canada à prendre des mesures importantes pour améliorer la sécurité autour des renseignements personnels, dans l’intérêt des membres du groupe et de tous les Canadiens puisque l’État est le principal dépositaire de ces renseignements.

(c)  Conformité de la demande d’honoraires des avocats aux attentes raisonnables des représentants demandeurs et des autres membres du groupe

[105]  Au début des interrogatoires préalables, les représentants demandeurs ont signé des conventions d’honoraires qui prévoyaient une rémunération correspondant à 30 % des sommes recouvrées, plus les taxes applicables et les débours. Étant donné que les interrogatoires préalables étaient déjà avancés lorsque les négociations qui ont débouché sur la proposition d’un règlement ont été lancées, les avocats du groupe demandent à ce stade-ci que leurs honoraires soient fixés à 30 % des sommes recouvrées, conformément aux conventions d’honoraires.

[106]  Tous les représentants demandeurs appuient la demande d’honoraires des avocats du groupe. De plus, l’avis d’autorisation, publié et diffusé au milieu de 2016 énonçait explicitement que les avocats demanderaient des honoraires équivalant au plus au tiers des sommes recouvrées.

[107]  Les membres du groupe ont eu une occasion équitable de soupeser cette demande en même temps qu’ils ont eu à décider de s’exclure du recours collectif ou d’y participer.

(d)  Expérience des avocats du groupe

[108]  Selon la preuve produite, les avocats du groupe ont à leur actif de nombreuses années d’expérience dans le domaine des recours collectifs. Leur expérience des recours collectifs est vaste : collectivement, ils ont négocié des règlements dans le cadre de plus d’une centaine de telles procédures.

(e)  Temps et dépens engagés par les avocats du groupe

[109]  Les avocats du groupe ont fait un travail considérable ces 5 dernières années pour en arriver à une entente de règlement, y compris des plaidoiries pour obtenir une autorisation dans le cadre de 2 audiences, l’examen de près de 70 000 preuves documentaires et la conception d’une formule novatrice de règlement bipartite (le fonds d’indemnisation fixe et le fonds illimité d’indemnisation des pertes réelles) afin d’assurer une indemnisation optimale aux membres du groupe.

(f)  Tâches à accomplir advenant l’approbation du règlement

[110]  Si l’entente de règlement est approuvée, les avocats du groupe devront superviser la publication et la diffusion de l’avis d’approbation du règlement; poursuivre la mise en œuvre et superviser l’administration du recours collectif pendant au moins huit mois encore, jusqu’à ce que la distribution des indemnités soit terminée, et rester en lien avec des milliers de membres du groupe qui auront des questions au sujet du jugement. Bref, le travail des avocats du groupe se terminera seulement quand les fonctions d’administration du règlement seront terminées.

(g)  Conclusion

[111]  En somme, les honoraires réclamés par les avocats du groupe sont conformes aux conventions d’honoraires, et ils sont justes et raisonnables au vu des risques de nature procédurale et substantielle qu’ils doivent assumer. Les honoraires sont également justes et raisonnables si l’on tient compte de l’évolution du dossier de preuve cinq années après la perte des données.

(3)  Les avocats du groupe ont engagé d’importants débours.

[112]  La liste de ces débours a été présentée à la Cour lors de l’audience relative à la requête.

[113]  Les débours importants qui ont été payés ou engagés ont été financés entièrement par les avocats du groupe, y compris un montant de 250 292 $ plus taxes pour la mise sur pied d’un système d’inscription grâce auquel ils ont pu communiquer avec quelque 58 000 membres du groupe et leur transmettre des avis. Aucuns intérêts ne seront facturés pour les débours.

C.  Approbation par la Cour d’une rétribution de 5 000 $ pour chacun des représentants demandeurs

[114]  Les avocats du groupe demandent à la Cour d’approuver le versement aux représentants demandeurs d’une rétribution de 5 000 $ chacun en reconnaissance de leurs contributions respectives à l’action (soit un total de 15 000 $), montant qui serait prélevé sur le fonds d’indemnisation fixe.

[115]  La Cour a toute discrétion pour approuver une rétribution aux représentants demandeurs, et elle l’a fait à de nombreuses reprises auparavant. Cette rétribution ne vise pas à [traduction« dédommager les représentants demandeurs, mais plutôt à reconnaître leur contribution significative à l’atteinte de l’objectif d’assurer l’accès à la justice aux membres du groupe » (Johnston c. The Sheila Morrison Schools, 2013 ONSC 1528, au paragraphe 43).

[116]  Les affidavits déposés par chacun des représentants demandeurs indiquent qu’ils ont consacré un temps considérable à leur rôle. Ils n’étaient pas de simples figurants dans le litige – ils ont accompli un véritable travail et rempli de véritables fonctions :

  1. la préparation des affidavits pour les fins d’autorisation;

  2. la préparation des contre-interrogatoires sur les affidavits soumis à l’appui de l’autorisation, et la participation à ceux-ci;

  3. l’aide à la préparation de la liste des documents qui étaient sous leur contrôle et qui devaient être produits à l’étape des interrogatoires préalables et de l’action en justice;

  4. de temps à autre au fil des ans, l’établissement d’une stratégie avec les avocats du groupe;

  5. l’expression de leurs points de vue aux avocats du groupe relativement à l’entente de règlement proposée, et les recommandations à ceux-ci de la signer;

f.  l’aide à la préparation et à la production des affidavits à l’appui de la présente requête en approbation de règlement.

[117]  De plus, chacun des représentants demandeurs a vu son nom largement diffusé dans les médias.

[118]  Ils n’ont pas demandé à être rétribués et, à aucun moment, les avocats du groupe ne leur ont fait de promesse à cet effet. En fait, voici ce qui est prévu à chacune des conventions d’honoraires :

[traduction]

16. Le client reconnaît qu’il n’a droit à aucun paiement ni à aucuns honoraires prélevés sur les sommes recouvrées pour son rôle de représentant demandeur dans l’action, sauf si la Cour l’ordonne.

(Affidavit de Condon, au paragraphe 32; affidavit de Walker, aux paragraphes 13 et 33; affidavit de Piggot, aux paragraphes 13 et 33.)

[119]  Les tribunaux canadiens, y compris notre Cour, ont autorisé le versement de montants variés aux représentants demandeurs en guise de rétribution (Manuge, précitée, au paragraphe 53; Hislop v. Canada (Attorney General), 2004 CanLII 11203 [C. sup. j. Ont.], au paragraphe 22).

[120]  En l’espèce, les avocats du groupe ont proposé, et je suis d’accord, que le versement d’une rétribution de 5 000 $ à chacun des représentants demandeurs serait approprié.


ORDONNANCE dans le dossier T-132-13

LA COUR ORDONNE :

  1. que la requête des demandeurs soit accueillie;

  2. que l’accord de règlement soit approuvé;

  3. que les parties fournissent à la Cour, au plus tard sept jours ouvrables après la publication de l’ordonnance et de ses motifs, un projet d’ordonnance confirmant l’approbation de l’entente de règlement, la nomination d’un administrateur et d’arbitres, le montant des frais d’administration, de la rétribution versée aux représentants demandeurs, ainsi que les honoraires versés aux avocats du groupe, le tout conformément aux présents motifs;

  4. qu’aucuns dépens ne soient adjugés relativement à la présente requête.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-132-13

INTITULÉ :

GAELEN PATRICK CONDON ET AL. C. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L’AUDIENCE :

LE 22 FÉVRIER 2018 (EN PERSONNE ET PAR VIDÉOCONFÉRENCE)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE :

Le 18 mai 2018

COMPARUTIONS :

Chelsea D. Hermanson

Ted Charney

Tina Yang

Harvey Strosberg

Sharon Strosberg

Bob Buckingham

POUR LES DEMANDEURS

Catharine Moore

Travis Henderson

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Branch MacMaster LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les demandeurs

Charney Lawyers

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Strosberg Sasso Sutts LLP

Windsor (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Bob Buckingham Law

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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