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Date : 20180529


Dossier : T-735-17

T-1052-17

T-932-17

T-1330-17

Référence : 2018 CF 556

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2018

En présence de monsieur le juge S. Noël

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

S. ROBERT CHAD

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

I.  APERÇU

[1]  L’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC (1985), c C-5 (la LPC) constitue un mécanisme législatif en application duquel le procureur général peut demander une immunité d’intérêt public afin de retenir des éléments de preuve pertinents relativement à une procédure dans le but de protéger un intérêt public particulier. En l’espèce, le ministre du Revenu national (le ministre) demande l’immunité d’intérêt public à l’égard de renseignements caviardés figurant dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) déposé dans les dossiers (T-735-17 et T-1052-17) en application de l’article 318 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). Pour déterminer si les renseignements caviardés figurant dans le DCT devraient être divulgués ou protégés, la Cour doit tenir compte de l’intérêt public en cas de divulgation des renseignements et de l’intérêt public invoqué par le procureur général.

II.  FAITS ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

A.  Demandes de contrôle judiciaire

[2]  Le ministre procède actuellement à une vérification des déclarations de revenus des particuliers de 2011, 2012 et 2013 du défendeur, S. Robert Chad, ainsi que des déclarations de revenus et des déclarations de TPS/TVH de certaines entités apparentées et entités qui sont associées au défendeur par des relations économiques en application du programme Initiative relative aux entités apparentées (le Programme). Ce Programme a pour objectif de vérifier que les contribuables fortunés et leurs relations économiques observent les règles fiscales.

[3]  Le 4 mai 2017, le défendeur a reçu deux demandes péremptoires, datées toutes les deux du 20 avril 2017 et envoyées par Parmpal Sandhu, vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (ARC), dans lesquelles on exigeait qu’il produise des documents et des renseignements (les demandes péremptoires) aux termes des articles 231.1 et 231.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) (la LIR).

[4]  Le 18 mai 2017, le défendeur a présenté deux avis de demande de contrôle judiciaire pour que soit annulée, en application d’un bref de certiorari, la décision du ministre d’envoyer les demandes péremptoires. Le défendeur soutenait dans ces avis que les demandes péremptoires n’avaient pas été envoyées correctement et qu’elles étaient ultra vires, trop larges ou non conformes à la LIR.

B.  Demandes de divulgation

[5]  Conformément aux articles 317 et 318 des Règles, le défendeur a demandé tous les documents sur lesquels était fondé l’envoi des demandes péremptoires. Le ministre lui a fourni un DCT dans lequel certains renseignements avaient été caviardés (les renseignements caviardés).

[6]  Le procureur général a ensuite présenté deux demandes pour obtenir des ordonnances interdisant la divulgation des renseignements caviardés, en application de l’article 37 de la LPC. Les motifs relatifs à l’intérêt public invoqués pour expliquer l’opposition à la divulgation des renseignements caviardés ont été énoncés dans le certificat délivré par Sue Murray, directrice générale par intérim, Direction du secteur international et des grandes entreprises, Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes de l’ARC (le certificat), conformément au paragraphe 37(1) de la LPC.

[7]  Au début de la procédure relative à l’article 37, le défendeur a allégué que l’approche du demandeur à l’égard de la divulgation avait donné lieu à un manquement à l’équité procédurale. Il a donc demandé une ordonnance pour que le demandeur convoque Mme Murray à un contre-interrogatoire qui était, selon lui, nécessaire et utile pour mettre à l’épreuve les opinions et les conclusions figurant dans le certificat. Le demandeur s’est opposé au contre-interrogatoire de Mme Murray.

[8]  Le 21 septembre 2017, à titre de juge responsable de la gestion de l’instance, j’ai ordonné que les questions relatives aux dossiers T-1330-17 et T-932-17 (les demandes présentées en application de l’article 37) soient tranchées avant que toute mesure soit prise dans les dossiers T-735-17 et T-1052-17 (les demandes de contrôle judiciaire). J’ai également ordonné que le défendeur dépose une requête relative aux demandes présentées en application de l’article 37 pour obtenir l’autorisation de contre-interroger Mme Murray sur la question du certificat.

[9]  Le 6 décembre 2017, j’ai ordonné que la Couronne fournisse des observations écrites sur le fondement juridique et le processus proposé sur lesquels elle se fonderait dans les demandes présentées en application de l’article 37. J’ai aussi invité l’avocat du défendeur à présenter des observations sur cette question.

[10]  Le 20 mars 2018, j’ai exposé mes motifs dans la décision Canada (Procureur général) c. Chad, 2018 CF 319 (les motifs de mars), dans laquelle j’ai établi, aux paragraphes 11 et 12, le processus approprié en application de l’article 37 de la LPC pour la détermination de la validité des oppositions à la divulgation des renseignements. Je reviendrai sur ces étapes dans l’analyse ci-dessous.

[11]  Dans mes motifs de mars, j’ai aussi conclu que, dans le contexte des demandes présentées en application de l’article 37, un contre-interrogatoire de Mme Murray par l’avocat du défendeur constituerait un exercice inutile et inefficace qui prolongerait inutilement la procédure (se reporter aux paragraphes 23 à 35 de mes motifs).

[12]  Dans mes raisons de mars, j’ai aussi expliqué que pour affirmer adéquatement la portée du privilège, un certificat ne contenant que des affirmations généralisées sur le privilège ne serait pas suffisant pour que le demandeur s’acquitte de son fardeau. C’est pourquoi j’ai ordonné au demandeur de présenter des documents ou des affidavits pour appuyer adéquatement la validité du privilège allégué.

[13]  J’ai aussi conclu dans mes motifs de mars que le critère de la « cause apparente de divulgation » avait été respecté, étant donné que dans une demande de contrôle judiciaire, il est essentiel aux fins d’équité que les parties aient accès au DCT complet dans lequel figurent les « documents pertinents » à la demande (se reporter à l’article 317 des Règles). J’ai donc demandé que le demandeur présente à la Cour, de façon confidentielle, des copies non caviardées de tous les documents sur lesquels le ministre s’est fondé dans le DCT de façon qu’elle puisse (i) déterminer si la divulgation des renseignements caviardés allait empiéter sur un intérêt public particulier et (ii) déterminer si l’intérêt public dans la divulgation l’emporte sur l’intérêt public sur lequel on empiète.

[14]  Le 5 avril 2018, le demandeur a déposé la déclaration de Mme Sandhu, faite sous serment ce jour-là, et a fourni à la Cour une copie sous scellé du DCT non caviardé.

[15]  Le 24 avril 2018, à la suite d’une conférence de gestion de l’instance tenue la veille, j’ai ordonné qu’une audience ex parte ait lieu pour traiter les éléments de preuve et les observations ex parte, ainsi que pour interroger Mme Sandhu sur la déclaration sous serment qu’elle a faite le 5 avril 2018.

[16]  Comme je l’ai expliqué dans mes motifs de mars, pour garantir l’équité et la transparence, la Cour devrait tenir compte des préoccupations du défendeur à l’égard de la validité du certificat et du rôle sous-jacent que Mme Murray a joué dans la vérification et le caviardage :

[30]  [...] le juge qui préside l’audience doit adopter toutes les mesures raisonnables pour permettre au défendeur de comprendre dans toute la mesure du possible les questions en jeu lors de l’audience ex parte – à huis clos, sans aller jusqu’à divulguer les renseignements expurgés. La Cour doit être prudente, minutieuse, vigilante et exigeante dans les procédures ex parte afin de s’assurer que la revendication du privilège du demandeur est pleinement vérifiée. Les considérations d’équité doivent transparaître à toutes les étapes de la procédure prévue à l’article 37.

[17]  Par ailleurs, j’ai donné au défendeur la possibilité de présenter, de façon confidentielle, une liste de questions qu’il souhaitait que la Cour pose à Mme Sandhu pendant l’audience ex parte, en gardant en tête, toutefois, que le juge qui préside le procès a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le type de questions qu’il posera à un témoin pendant une audience ex parte.

[18]  Et enfin, pour garantir l’équité de l’audience ex parte, les parties se sont aussi vu offrir la possibilité de signifier et de déposer leurs observations écrites respectives sur le fondement des demandes présentées en application de l’article 37, à savoir si la divulgation des renseignements caviardés allait empiéter sur un intérêt public particulier et, le cas échéant, si l’examen d’intérêts publics opposés nécessite de déterminer si la divulgation doit être ordonnée.

[19]  Une audience ex parte à huis clos a été tenue le 15 mai 2018; Mme Sandhu a répondu à des questions sur sa déclaration du 5 avril 2018. Il convient de noter que j’ai posé la majorité des questions que m’avait fournies le défendeur. À la suite de l’audience, certains renseignements qui avaient été caviardés dans le DCT ont été rendus publics. Par ailleurs, à la suite de l’audience, certains des renseignements non caviardés ont été fournis au défendeur de façon confidentielle en raison de préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels; ces renseignements demeureront toutefois caviardés dans le dossier public.

[20]  Le 23 mai 2018, une conférence de gestion de l’instance a été tenue; j’ai expliqué en détail au défendeur, sans toutefois divulguer des renseignements privilégiés potentiels, de quelle façon l’audience ex parte à huis clos s’était déroulée. Je l’ai aussi rassuré en lui disant que, compte tenu du caractère exceptionnel de la procédure, j’ai bien pris soin de tenir compte de ses préoccupations quand j’ai interrogé Mme Sandhu sur chacun des éléments de caviardage dans le CDT d’une manière franche et directe.

III.  ÉLÉMENTS DE PREUVE PUBLICS PRÉSENTÉS À LA COUR COMME FONDEMENT AU PRIVILÈGE REVENDIQUÉ

A.  Certificat de Mme Murray, conformément au paragraphe 37(1) de la LPC

[21]  Pendant la conférence de gestion de l’instance du 23 mai 2018, Me Margaret McCabe, avocate du demandeur, a confirmé à la Cour qu’elle avait servi d’intermédiaire entre Mme Murray, l’auteure du certificat, et Mme Sandhu. Me McCabe a aussi expliqué que Mme Murray avait lu tous les documents et renseignements pertinents avant d’autoriser, en vertu du pouvoir qui lui a été délégué, l’opposition à la divulgation.

[22]  Mme Murray, directrice générale par intérim, Direction du secteur international et des grandes entreprises, Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes de l’ARC, à Ottawa, a attesté que la divulgation des renseignements caviardés, qui comprenaient des discussions et des analyses entre les vérificateurs et les spécialistes de l’ARC dans le cadre d’une vérification en cours, serait préjudiciable à l’intérêt public. Par ailleurs, elle a attesté que l’intérêt public dans la prévention de la divulgation à cette étape l’emportait sur tout intérêt que le défendeur pourrait avoir à accéder aux renseignements caviardés à cette étape compte tenu de l’objectif des demandes péremptoires pendant la durée de la vérification.

[23]  L’intérêt public qui est revendiqué par le ministre correspond à l’administration et à l’exécution adéquate de la LIR, qui comprend ce qui suit :

  • - garantir le traitement et l’achèvement adéquats et en temps opportun des vérifications;

  • - veiller à ce que la prestation de services d’aide de la part des spécialistes soit faite d’une manière candide et ouverte avec liberté de discussion et d’analyse;

  • - veiller à ce que les vérificateurs puissent prendre des décisions stratégiques et déterminer de façon objective si les contribuables ont été francs ou s’ils doivent rechercher plus de renseignements;

  • - protéger les outils et les approches internes, ainsi que les conseils techniques des spécialistes pendant l’élaboration de la stratégie de vérification, l’évaluation des risques et de la détermination des inobservations potentielles des contribuables;

  • - empêcher la divulgation des conseils techniques et des analyses qui pourraient nuire aux activités de vérification en cours et entraver les discussions internes qui ont pour objectif la réalisation d’un examen et d’une vérification approfondis de la conformité d’un contribuable;

  • - éviter de donner aux contribuables l’occasion de structurer leurs réponses ou de fournir des documents aux questions de vérification qui pourraient dissimuler des renseignements ou être trompeurs.

[24]  Mme Murray a aussi expliqué ce qui suit :

  • - les contribuables peuvent obtenir des renseignements sur la vérification de leurs déclarations lors de l’établissement d’une nouvelle cotisation;

  • - certaines des méthodes et techniques de vérification qui figurent dans le DCT ne sont pas liées à la question soulevée dans la demande.

B.  Affidavit public connexe de Mme Sandhu

[25]  Le 15 mai 2018, Mme Sandhu, gestionnaire de l’instance pour l’Initiative relative aux entités apparentées de la Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes de l’ARC au Bureau des services fiscaux de la Vallée-du-Fraser-et-du-Nord, a participé à l’audience ex parte afin d’être interrogée par la Cour sur son affidavit du 5 avril 2018. L’affidavit, le DCT non caviardé et l’interrogatoire ex parte à huis clos subséquent de Mme Sandhu ont permis de remédier à l’insuffisance de preuve laissée par le certificat de Mme Murray.

[26]  L’affidavit public de Mme Sandhu souligne les oppositions suivantes à la divulgation des parties des consultations et des conseils techniques entre les spécialistes techniques et les vérificateurs :

  • - les conseils formulés par les spécialistes techniques à l’intention des vérificateurs aident ces derniers à orienter leurs demandes pour obtenir des renseignements pertinents, à analyser les renseignements fournis par les contribuables et à déterminer les étapes suivantes de la vérification;

  • - la LIR est complexe, et il faut différents niveaux de connaissances et de spécialisation pour comprendre et appliquer bon nombre de ses dispositions;

  • - la divulgation des consultations techniques internes pendant la réalisation d’une vérification nuira à celle-ci parce que les vérificateurs de l’ARC hésiteront à discuter ouvertement des questions figurant dans leurs dossiers avec les conseillers techniques et que les vérificateurs n’auront pas les outils requis pour évaluer correctement les répercussions fiscales de certaines structures fiscales;

  • - la divulgation de discussions internes particulières de l’ARC pendant la réalisation d’une vérification finira par retirer à l’ARC le contrôle de la réalisation de la vérification pour le donner au contribuable;

  • - la divulgation de renseignements concernant des faits propres à la vérification, comme les forces et les faiblesses des positions concernant les cotisations potentielles, pourrait pousser les contribuables possédant des entités à l’étranger ou des fiducies non résidentes à ajuster ou à modifier les renseignements fournis à l’ARC en cas de vérification;

  • - la divulgation révélerait les discussions internes, les processus de réflexion, ainsi que les forces et les faiblesses des positions concernant les cotisations potentielles relativement au défendeur et aux entités sélectionnées, ce qui pourrait leur donner une feuille de route pour structurer leurs réponses à l’ARC;

  • - la divulgation des discussions sur les fiducies non résidentes et les entités à l’étranger pourrait nuire à la capacité de l’ARC d’obtenir des renseignements connus du défendeur qui se trouve à l’extérieur du Canada.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

  • (1) La divulgation des renseignements caviardés allait-elle empiéter sur un intérêt public particulier?

  • (2) Le cas échéant, l’intérêt public envers la divulgation l’emporte-t-il sur l’intérêt public sur lequel on empiète?

  • (3) Si la divulgation des renseignements caviardés était ordonnée, quelles conditions devraient être imposées à l’égard de cette divulgation, le cas échéant?

V.  OBSERVATIONS DES PARTIES

[27]  À titre de remarque préliminaire, les observations du demandeur et du défendeur ont été déposées devant la Cour au même moment. Par conséquent, la Cour a pris en compte le fait que les parties n’ont pas eu l’occasion de répondre aux arguments de l’autre partie sur toutes les questions.

[28]  Le demandeur allègue que l’intérêt public dans la divulgation des renseignements caviardés est éclipsé par le préjudice immédiat et inutile causé à la capacité du Canada d’administrer et d’exécuter la LIR, et particulièrement de réaliser des vérifications fonctionnelles des contribuables.

[29]  D’autre part, le défendeur allègue que l’intérêt public invoqué par le demandeur porte sur l’acquittement des responsabilités courantes du gouvernement, dont certaines sont divulguées publiquement. En outre, il affirme que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’empiétement sur le privilège et que, par conséquent, la Cour n’a pas besoin de procéder à l’exercice de pondération.

A.  Le demandeur invoque-t-il un privilège générique?

[30]  Selon le défendeur, le demandeur prétend que les communications entre les vérificateurs et les spécialistes techniques de l’ARC bénéficient d’une immunité de divulgation. Le défendeur souligne que Mme Sandhu affirme que, nonobstant les différences [traduction] « d’une vérification à l’autre », la divulgation des communications entre les vérificateurs et les spécialistes techniques de l’ARC [traduction] « poussera les contribuables » à structurer les renseignements qu’ils fournissent à l’ARC s’ils font l’objet d’une vérification. L’argument central du défendeur est le suivant : le demandeur, qui se fonde sur ces déclarations, demande à la Cour de conclure qu’il existe un privilège pour protéger les communications qui sont faites à l’intérieur de cette relation, peu importe la nature des communications particulières. Dans ses observations, le demandeur ne tente pas explicitement d’établir un privilège générique.

B.  La divulgation des renseignements caviardés empiète-t-elle sur un intérêt public particulier?

[31]  Le demandeur a choisi de concentrer ses observations sur l’examen des intérêts concurrents en commençant son analyse à la dernière étape de l’exercice en application de l’article 37 (c.-à-d., déterminer si l’intérêt public revendiqué est éclipsé par l’intérêt public dans la divulgation). En commençant directement par l’exercice de pondération, le demandeur affirme implicitement qu’il y a un empiétement sur l’intérêt public en cas de divulgation des renseignements caviardés au public. Ce fait a d’ailleurs été confirmé lors de l’audience ex parte à huis clos.

[32]  Le défendeur allègue que le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’il existait un effet néfaste particulier ou que les renseignements caviardés allaient compromettre ou risquer d’une quelconque façon « l’intégrité » ou le « processus adéquat » des vérifications, nuire à l’administration ou à l’exécution générale de la LIR, ou donner lieu à des changements importants dans le contexte organisationnel élargi de l’ARC. Le défendeur soutient aussi que les préoccupations particulières du demandeur reposent sur des hypothèses farfelues selon lesquelles il utiliserait les renseignements caviardés pour commettre une infraction à la LIR. Il allègue donc que le demandeur se fonde sur des affirmations trop générales de privilège, lesquelles sont considérées comme insuffisantes pour invoquer un privilège adéquat.

C.  L’intérêt public dans la divulgation l’emporte-t-il sur l’intérêt public sur lequel on empiète?

[33]  Le défendeur maintient qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour aller de l’avant avec la deuxième étape de l’analyse. Ainsi, il a consacré une grande partie de sa plaidoirie à l’analyse de l’empiétement plutôt que de présenter des arguments sur l’examen adéquat des intérêts conflictuels.

[34]  Selon le demandeur, les facteurs suivants devraient être pris en considération lors de l’exercice de pondération :

  1. l’objet du litige;
  2. la force probante des éléments de preuve, surtout dans cette affaire en particulier, et la mesure dans laquelle ils seront nécessaires pour trancher les questions de manière adéquate;
  3. l’effet de la non-divulgation sur la perception du public à l’égard de l’administration de la justice;
  4. le nécessité de déterminer si la demande ou la défense comprend des allégations d’actes fautifs de la part du gouvernement;
  5. l’ordre de gouvernement duquel les renseignements émanent;
  1. la sensibilité du contenu des renseignements (y compris la mesure dans laquelle les renseignements ont été rendus publics précédemment).

(Bryant, Lederman et Fuerst, The Law of Evidence in Canada, paragraphe 15.44)

[35]  Selon le défendeur, l’approche adéquate à adopter consiste à respecter la décision Wang c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 493 [décision Wang], dans laquelle la juge Mactavish a énuméré les facteurs qui doivent être pris en considération lors de l’exercice de pondération :

1.  La nature de l’intérêt public que l’on tente de protéger par le secret [...].

2.  La question de savoir si « un fait crucial pour la défense sera probablement ainsi établi » [...].

3.  La gravité de l’accusation ou des questions concernées [...].

4.  L’admissibilité des documents et leur utilité [...].

5.  La question de savoir si les requérants ont établi qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables d’obtenir les renseignements [...].

6.  La question de savoir si les demandes de divulgation de renseignements visent la communication de certains documents ou constituent des interrogatoires à l’aveuglette.

(décision Wang, au paragraphe 37, citant la décision Khan c. Canada, [1996] 2 CF 316, au paragraphe 25)

[36]  Le demandeur soutient que les éléments suivants jouent en faveur de la confirmation de l’opposition à la divulgation :

  • - l’objet du litige concerne les principes du droit administratif qui nécessitent une déférence à l’égard de la décision du ministre;

  • - les renseignements caviardés ne sont pas nécessaires pour la détermination de la conformité du ministre à la LIR, et la pertinence des consultations caviardées entre les experts et les vérificateurs de l’ARC est au mieux insignifiante, et elle ne concerne que la question du caractère raisonnable des demandes péremptoires;

  • - l’effet de la non-divulgation ne nuira pas à la perception du public à l’égard de l’administration de la justice puisque les contribuables pourront être certains que tous les contribuables assument en parts égales les obligations imposées par la LIR;

  • - l’effet de la non-divulgation ne nuira pas à la perception du public à l’égard de l’administration de la justice puisque le défendeur ne fait pas face à des accusations criminelles et qu’il n’est pas impliqué dans une instance en matière d’immigration dans le cadre de laquelle ses droits à la liberté et à la sécurité sont en jeu;

  • - il n’y a aucune allégation selon laquelle la vérificatrice a agi de façon à causer intentionnellement un préjudice au défendeur, et il n’y a aucun élément de preuve à l’appui d’allégations d’actes fautifs de la part de l’ARC pendant la durée de la vérification;

  • - le fait que les demandes péremptoires font partie d’un processus de vérification en cours, et non d’un processus définitif, joue en faveur de la confirmation de l’opposition à la divulgation;

  • - la divulgation des renseignements caviardés pendant la réalisation de la vérification permettrait au défendeur et aux autres contribuables qui se retrouvent dans des circonstances similaires de contrôler efficacement la réalisation de la vérification en structurant leurs réponses, ce qui nuirait à l’administration et à l’exécution de la LIR.

[37]  Le défendeur allègue que l’application en l’espèce des facteurs énoncés dans la décision Wang susmentionnée joue fortement en faveur d’une divulgation :

  • - la protection de l’intérêt public fournie par l’article 37 de la LPC est moindre que celle fournie par les articles 38 et 39 de la LPC. L’intérêt public particulier ne s’applique pas aux questions de politique nationale et ne constitue pas un risque de préjudice au public. Ainsi, l’achèvement adéquat et en temps opportun des vérifications des contribuables se situerait tout au bas de l’échelle du spectre des activités qui exigent le secret;

  • - la protection du fonctionnement adéquat du gouvernement est une justification inadéquate du secret gouvernemental;

  • - les demandes sous-jacentes de contrôle judiciaire soulèvent de graves questions selon le défendeur, comme des sanctions pénales, notamment l’emprisonnement;

  • - les renseignements caviardés semblent provenir de discussions internes sur la façon dont les vérificateurs ont approché la vérification du défendeur et pourraient être très pertinents pour les questions fondamentales des demandes de contrôle judiciaires, comme les questions de procédure et de fond qui ont donné lieu à l’envoi des demandes péremptoires, et le caractère raisonnable de ces demandes;

  • - compte tenu des hypothèses mal fondées d’actes irréguliers potentiels figurant dans l’affidavit de Mme Sandhu, le défendeur a un motif raisonnable de se demander si l’envoi des demandes péremptoires a été fait de façon équitable;

  • - la demande de divulgation du défendeur vise un petit nombre de documents bien précis; ainsi, on ne peut pas parler de recherche à l’aveuglette.

VI.  Analyse

[38]  L’immunité ou le privilège d’intérêt public est une obligation de la Couronne afin de protéger les renseignements dans l’intérêt du public (Bryant, Lederman et Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 3e édition, [LexisNexis Canada Inc, 2009], aux paragraphes 15.2 et 15.3). L’article 37 de la LPC fournit un mécanisme législatif en application duquel le procureur général peut demander une immunité d’intérêt public afin de retenir des éléments de preuve pertinents relativement à une procédure dans le but de protéger un intérêt public particulier.

[39]  Dans mes motifs de mars, j’ai déterminé le processus approprié en application de l’article 37 de la LPC pour la détermination de la validité des oppositions à la divulgation des renseignements :

[11]  L’opposition en vertu de l’article 37 est fondée sur le contexte factuel et législatif d’une demande de contrôle judiciaire contestant une demande de renseignements présentée par le ministre au défendeur, dans le cadre d’une vérification continue du défendeur en application de la LIR, aux fins de cette vérification. De plus, la Cour doit tenir compte du contexte législatif lié à la LIR. Le régime fiscal canadien est fondé sur l’autodéclaration, de sorte que, pour s’acquitter de ses obligations légales, le ministre s’est vu accorder de vastes pouvoirs d’inspection et de vérification des renseignements et des documents des contribuables faisant l’objet de vérification, et d’examen de toute question relative au contribuable afin de s’assurer que les contribuables paient le bon montant d’impôt; ceci est dans l’intérêt public (voir eBay Canada Ltd c. MNR, 2008 CAF 141 (CanLII) au paragraphe 39; AGT Ltd c. Canada (AG), [1996] 3 PC 505 (TD), au paragraphe 54). Cela dit, la Cour doit être consciente des considérations d’équité dans les demandes de contrôle judiciaire, afin de s’assurer que le dossier du tribunal contient tous les éléments possibles qui ne sont pas couverts par le privilège dont le décideur était saisi lorsque la décision qui fait l’objet du contrôle a été prise.

[12]  La Cour a déterminé que, dans la présente instance, les procédures suivantes devraient être suivies :

  1.  La Cour doit déterminer si la Couronne a établi l’intérêt public comme demandé;

  2.  Si cette décision ne peut pas être prise uniquement en fonction du certificat, d’autres observations, comme un affidavit secret et des documents non expurgés, doivent être déposées pour appuyer le privilège revendiqué, qui sera traitée de façon ex parte;

  3.  La Cour doit déterminer si le défendeur a établi une [traduction] « apparence de droit » pour la divulgation des renseignements expurgés (Khan c. R., 1996 CanLII 4032 (CF), [1996] 2 CF 316 aux paragraphes 24 et 25);

  4.  Une fois qu’une cause apparente de divulgation a été établie, la Cour doit examiner les renseignements expurgés (Khan c. R., 1996 CanLII 4032 (CF), [1996] 2 CF 316, au paragraphe 25);

  5.  Si la Cour conclut que la divulgation des renseignements expurgés empiéterait sur l’intérêt public précisé, elle doit établir une pondération des intérêts. Les intérêts à pondérer sont l’intérêt public de la divulgation et l’intérêt public précisé par le demandeur. La Cour peut examiner la forme originale des renseignements expurgés à cette étape (Wang c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 493 (CanLII) aux paragraphes 36 à 37);

  6.  Déterminer si les renseignements expurgés doivent être divulgués.

[40]  Les présents motifs porteront sur les étapes cinq et six des étapes susmentionnées dans le but de (i) déterminer si la divulgation des renseignements caviardés allait empiéter sur un intérêt public particulier et, le cas échéant, de (ii) déterminer si l’intérêt public dans la divulgation l’emporte sur l’intérêt public sur lequel on empiète, ainsi que de (iii) déterminer les conditions qui devraient être imposées à l’égard de cette divulgation, le cas échéant, si la divulgation des renseignements caviardés est ordonnée.

[41]  D’abord, je dois rapidement aborder la question du privilège générique, qui a été soulevée par le défendeur, mais que le demandeur n’a pas défendue. Deux principales catégories de privilèges ont été élaborées dans la common law. D’abord, il y a les privilèges fondés sur les circonstances de chaque cas, qui nécessitent, pour des motifs de politique, l’exclusion d’éléments de preuve autrement pertinents après un exercice de pondération contextuel. Ensuite, il y a les privilèges génériques, qui sont absolus, en ce sens que les renseignements qu’ils protègent sont, à première vue, inadmissibles. De tels privilèges couvrent des types de communications ou de relations, comme le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le privilège de l’indicateur (R. c. Basi, 2009 CSC 52, aux paragraphes 22 à 37; R. c. McClure, 2001 CSC 14, aux paragraphes 26 à 30; R. c. Gruenke, [1991] 3 RCS 263, aux paragraphes 289 à 291).

[42]  Le défendeur soutient que le demandeur revendique essentiellement un privilège générique à l’égard des communications qui ont lieu entre les vérificateurs et les spécialistes techniques de l’ARC, peu importe la nature des communications particulières. Je ne pense pas que le demandeur tente d’établir un tel privilège générique.

[43]  Dans son affidavit, Mme Sandhu n’affirme pas que chaque conversation entre les vérificateurs et les spécialistes de l’ARC doit être automatiquement protégée en fonction seulement de la relation qui existe entre les vérificateurs et les spécialistes. Elle affirme plutôt que le contenu particulier des renseignements caviardés en l’espèce pourrait pousser le défendeur et les contribuables qui se retrouvent dans une situation similaire à structurer leurs réponses à leur avantage. Ainsi, comme Mme Sandhu n’affirme pas que chaque conversation est privilégiée en fonction d’une certaine catégorie, le contenu des conversations particulières doit être évalué au cas par cas en fonction du préjudice qu’il peut causer à l’intérêt public.

[44]  Même si le demandeur affirmait un tel privilège, je ne pense pas, sous réserve d’un dossier plus complet, qu’il existe un fondement permettant de conclure que toutes les communications entre les vérificateurs et les spécialistes de l’ARC doivent être traitées comme un privilège absolu ou générique. Un courant jurisprudentiel clair a démontré qu’il est « presque impossible » de reconnaître un nouveau privilège générique dans des situations beaucoup plus dangereuses pour l’intérêt public que celle en l’espèce [Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, au paragraphe 87; R. c. National Post, 2010 CSC 16, au paragraphe 42]. En outre, la procédure à suivre pour établir l’immunité d’intérêt public en application de l’article 37 nécessite l’examen des intérêts concurrents en fonction du contexte de chaque cas. La procédure et les résultats d’un tel exercice doivent toujours être pris en considération dans le contexte du litige en l’espèce.

[45]  Ainsi, maintenant que j’ai abordé la question du privilège générique, je vais me pencher sur les composantes essentielles d’une demande en application de l’article 37 de façon que les demandes de contrôle judiciaire puissent finalement être menées à terme.

A.  La divulgation des renseignements caviardés allait-elle empiéter sur un intérêt public particulier?

[46]  Pour déterminer si les renseignements caviardés empiètent sur un intérêt public, la Cour ne peut pas se fonder sur des « allégations générales d’entrave éventuelle »; il incombe plutôt au demandeur de démontrer que la divulgation des documents en litige « aurait un effet préjudiciable concret » sur l’intérêt public (décision Wang, au paragraphe 35).

[47]  Le défendeur allègue que la Cour peut mettre fin à son analyse à cette étape et ordonner la divulgation puisque le demandeur, qui n’a pas démontré l’effet préjudiciable particulier que la divulgation aurait sur « l’intégrité » des vérifications et sur l’administration générale de la LIR, n’a pas démontré de quelle façon on empiète sur l’intérêt public. Par ailleurs, le défendeur allègue que le demandeur n’a pas démontré comment la divulgation donnerait lieu à des changements importants dans le contexte organisationnel élargi de l’ARC.

[48]  Je ne peux pas être d’accord avec l’affirmation du défendeur selon laquelle le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau. Le demandeur a amplement démontré que la divulgation des renseignements aurait un « effet préjudiciable concret » sur l’intérêt public. Le dossier présenté à la Cour démontre qu’il y a un intérêt public dans l’administration adéquate et l’exécution de la LIR, ce qui comprend de veiller au traitement et à l’achèvement adéquats et en temps opportun des vérifications des contribuables. Les vérifications nécessitent de s’assurer que la recherche et la prestation de services d’orientation de la part des spécialistes soient faites d’une manière candide et ouverte avec liberté de discussion et d’analyse entre les spécialistes et les vérificateurs de l’ARC. Dans le cadre d’une vérification en cours, la divulgation des consultations avec les spécialistes techniques internes, où, entre autres, les forces et les faiblesses des positions concernant les cotisations potentielles sont analysées, pourrait pousser le défendeur ou les contribuables qui se retrouvent dans des situations similaires à ajuster ou à modifier les renseignements fournis à l’ARC. À mon avis, cela serait préjudiciable à l’administration adéquate de la LIR, ainsi qu’au traitement et à l’achèvement adéquats des vérifications des contribuables.

[49]  Le défendeur soutient aussi que les préoccupations particulières du demandeur reposent sur des hypothèses farfelues et trop générales selon lesquelles il utiliserait les renseignements caviardés pour commettre une infraction à la LIR. Je suis d’accord avec l’affirmation du demandeur selon laquelle il est bien établi que, même si les contribuables peuvent organiser leurs affaires de façon à réduire au minimum leur fardeau fiscal, certains d’entre eux utilisent des plans élaborés et des transactions complexes pour réduire au minimum leur dette fiscale ou pour éviter de s’en acquitter (Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 RCS 622, aux paragraphes 44 et 48; Faraggi c. R, 2008 CAF 398, aux paragraphes 56 et 57, autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée).

[50]  Par ailleurs, le législateur a clairement donné au ministre le pouvoir de demander des renseignements à un contribuable dans le cadre d’une vérification en cours, reconnaissant ainsi la réalité de ce qui suit :

Il serait cependant naïf de croire que nul ne cherche à tirer profit du régime d’auto-déclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi. C’est à cause de cette réalité que le Parlement a édicté plusieurs dispositions, dont le par. 231(3), qui accordent au ministre du Revenu national le pouvoir d’enquêter sur les contribuables et de faire la vérification de leurs impôts.

(R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627, au paragraphe 18)

[51]  En outre, le fait que ces affirmations donneraient lieu à des changements importants dans le contexte organisationnel élargi de l’ARC n’est pas pertinent pour déterminer s’il y a un empiétement sur l’intérêt public dans la présente vérification. L’administration de la LIR est fondée sur la bonne foi entre le contribuable et l’ARC. En l’espèce, le dossier démontre, entre autres, que la divulgation des discussions techniques internes de l’ARC, ainsi que des discussions stratégiques sur les forces et les faiblesses des positions concernant les cotisations potentielles pourrait mettre en péril la vérification réussie et en temps opportun du dossier du défendeur. Le fait que seule la vérification du défendeur pourrait être touchée, sans prendre en compte l’effet potentiel sur la structure organisationnelle élargie de l’ARC, ne rend pas la revendication du privilège trop générale ou non préjudiciable. Je suis d’avis que l’exécution de la LIR dans l’affaire du défendeur uniquement est suffisante pour que la Cour reconnaisse qu’il existe un empiétement sur l’intérêt général revendiqué sans qu’elle ait à prendre en compte les répercussions élargies sur l’ARC.

B.  L’intérêt public dans la divulgation l’emporte-t-il sur l’intérêt public sur lequel on empiète?

[52]  Je pense qu’il est pertinent de commencer par les commentaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carey c. Ontario, [1986] 2 RCS 637 [arrêt Carey] :

Il est manifestement nécessaire à la bonne administration de la justice que les justiciables puissent obtenir tous les éléments de preuve susceptibles de favoriser le règlement équitable des questions soulevées dans un litige. Toutefois, il est clair aussi que certains renseignements relatifs aux activités gouvernementales devraient dans l’intérêt public ne pas être divulgués.

(au paragraphe 38)

[53]  Bien que ces commentaires portent sur le privilège du Cabinet en application de la common law, ils sont aussi pertinents pour la compréhension des intérêts publics concurrents qui doivent être examinés en l’espèce : l’intérêt public dans la divulgation et l’intérêt public menacé par la divulgation potentielle.

[54]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les parties ont présenté deux listes différentes de facteurs qui ne sont, selon moi, ni mutuellement exclusifs ni incompatibles. J’ai donc combiné les facteurs dans la liste suivante de facteurs à prendre en considération pour aider la Cour dans l’exercice de pondération :

  1. l’objet du litige/la gravité de l’accusation ou des questions concernées;
  2. la force probante des éléments de preuve, surtout dans cette affaire en particulier, et la mesure dans laquelle ils seront nécessaires pour trancher les questions de manière adéquate/la question de savoir si un fait crucial pour la défense sera probablement établi;
  3. la nature de l’intérêt public que l’on tente de protéger par le secret;
  4. l’effet de la non-divulgation sur la perception du public à l’égard de l’administration de la justice;
  5. le nécessité de déterminer si la demande ou la défense comprend des allégations d’actes fautifs de la part du gouvernement;
  6. l’ordre de gouvernement duquel les renseignements émanent;
  7. la sensibilité du contenu des renseignements (y compris la mesure dans laquelle les renseignements ont été rendus publics précédemment);
  8. la question de savoir s’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables d’obtenir les renseignements;
  9. la question de savoir si la divulgation demandée visait la communication de certains documents ou constituait un interrogatoire à l’aveuglette.

(1)  Quel est l’objet du litige ou la gravité de l’accusation ou des questions concernées?

[55]  D’abord, il est important de mentionner que les vérifications et les enquêtes criminelles sont deux mécanismes juridiques complètement différents. La réussite du système fiscal d’autodéclaration dépend de l’honnêteté et de l’intégrité des contribuables, ainsi que de leur collaboration avec l’ARC. Les pouvoirs de vérification accordés à l’ARC par la LIR prévoient des pénalités dans les cas où les déclarations de revenus sont inexactes. Si un contribuable souhaite contester une demande de vérification, il peut le faire par l’intermédiaire d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, comme c’est le cas en l’espèce. Une vérification n’est pas un processus criminel, mais un processus administratif. En revanche, l’ARC dispose de fonctions d’enquête qui sont complètement distinctes de ses fonctions de vérification. L’objectif de ces fonctions d’enquête est d’enquêter sur des affaires importantes pour l’ARC qui pourraient permettre de mettre au jour des stratagèmes d’évasion fiscale soupçonnée de nature criminelle, lesquels constituent des infractions criminelles. Lors de l’exercice des fonctions d’enquête, l’ARC et le contribuable entretiennent une « relation de nature contradictoire » qui met en jeu les protections constitutionnelles [Stanfield c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 1010, aux paragraphes 35 et 36].

[56]  L’affaire en l’espèce relève du droit administratif, et non du droit criminel. Bien que le défendeur affirme à juste titre qu’il pourrait être incarcéré s’il choisissait de ne pas fournir les renseignements demandés dans les demandes péremptoires, je suis d’accord avec son affirmation selon laquelle une telle pénalité pourrait uniquement être imposée par la Cour après qu’une demande d’ordonnance d’exécution présentée par le ministre en application de la LIR a été accueillie.

[57]  Comme l’a judicieusement indiqué le demandeur, les décideurs exercent les pouvoirs que leur confèrent les lois; le ministère est tenu d’examiner les déclarations de revenus des contribuables et de déterminer si leurs autocotisations sont exactes [paragraphes 220(1), 220(2) et 220(2.01) de la LIR; articles 5 et 6 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, LC 1999, c 17]. Pour pouvoir administrer et exécuter adéquatement la LIR, le ministre peut demander des documents ou des renseignements sélectionnés aux contribuables dans le cadre d’une vérification en cours (article 231.1 de la LIR). Ainsi, l’exercice des vastes pouvoirs discrétionnaires conférés par la loi, comme les pouvoirs d’inspection, de vérification et d’examen des renseignements et des documents des contribuables, est dans l’intérêt public parce qu’il permet de s’assurer que les contribuables payent le bon montant d’impôt [eBay Canada Limited c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 141, au paragraphe 39; AGT Ltd. c. Canada (Procureur général), (1996) 3 CF 505, au paragraphe 54, conf. par [1997] 2 FC 878 (CA), autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée [1997] 3 CSCR no 314).

[58]  Le demandeur affirme que l’objet du litige favorise la confirmation de l’opposition à la divulgation parce qu’il concerne des principes du droit administratif qui nécessitent que la Cour respecte le pouvoir discrétionnaire du ministre d’envoyer des demandes péremptoires.

[59]  Par conséquent, peu importe la façon dont nous envisageons le facteur, la vérification réalisée en application de la LIR est une procédure administrative. Les questions en litige, même si elles sont importantes pour le défendeur, ne sont pas importantes au point de faire pencher la balance en faveur de la divulgation des renseignements confidentiels.

(2)  Quelle est la force probante des éléments de preuve, surtout dans cette affaire en particulier, et dans quelle mesure seraient-ils nécessaires pour trancher les questions de manière adéquate?

[60]  Comme je l’ai mentionné dans mes motifs de mars, les articles 317 et 318 des Règles démontrent qu’un demandeur qui demande un contrôle judiciaire peut demander qu’un décideur administratif atteste que tous les documents pertinents qui sont associés à la décision administrative doivent être divulgués. Dans le contexte particulier des demandes de contrôle judiciaire, il est essentiel et nécessaire que les demandeurs reçoivent la totalité du DCT pour préparer leur demande.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Federal Courts Rules, SOR/98-106

Obtention de documents en la possession d’un office fédéral

Material in the Possession of a Tribunal

Matériel en la possession de l’office fédéral

Material from tribunal

317(1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

317(1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

(…)

(…)

Documents à transmettre

Material to be transmitted

318(1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet:

318(1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

(…)

(…)

[61]  La Cour d’appel fédérale a établi le rôle de la Cour fédérale dans le cadre de l’examen des demandes péremptoires envoyées aux termes de l’article 231.6 de la LIR de la façon suivante :

[34]  La question que doit trancher la cour de révision n’est pas le caractère raisonnable de l’intention de l’Agence d’entreprendre une vérification, mais le caractère raisonnable de la mise en demeure, compte tenu de la décision de l’Agence quant à la nécessité d’une vérification. [...] En l’absence de quelque preuve de mauvaise foi ou d’un autre motif répréhensible, le caractère approprié d’une vérification se situe en dehors du mandat confié à la Cour par le paragraphe 231.6(5).

[Saipem Luxembourg S.V. c. Canada (Douanes et Revenu), 2005 CAF 218, au paragraphe 34]

[62]  Mon collègue, le juge Russell, a abordé la question de la norme de contrôle associée à l’envoi de demandes péremptoires après l’arrêt Dunsmuir dans la décision Soft-Moc Inc c Canada (Revenu national), 2013 CF 291, confirmée par 2014 CAF 10, et il a conclu que la norme de la décision raisonnable avait été bien établie par la jurisprudence sur cette question [Saipem Luxembourg S.A. c. Canada (Douanes et Revenu), 2005 CAF 218 (arrêt Saipem Luxembourg), dans la décision Fidelity Investments Canada Ltd. c. Canada (Agence du revenu), au paragraphe 27]. Citant l’arrêt Saipem Luxembourg, le juge Russell a souligné ce qui suit :

17  La demanderesse souligne que, dans le contexte de l’article 231.6, la mise en demeure peut être jugée déraisonnable même si tous les renseignements demandés sont pertinents pour l’application de la LIR. La Cour d’appel fédérale a effectivement déclaré, au paragraphe 27 de l’arrêt Saipem :

L’élément que l’on retrouve à l’article 231.6(1), mais non à l’article 231.2, est la possibilité de contrôle judiciaire à l’encontre de la mise en demeure au motif qu’elle n’est pas raisonnable. Un tel contrôle n’a aucun effet concret si la mise en demeure est raisonnable uniquement parce que les renseignements demandés sont, ou peuvent être, pertinents à l’application et à l’exécution de la Loi. Étant donné que le Parlement a pris la peine de prévoir un contrôle fondé sur le caractère raisonnable, je conclus que l’intention du législateur était qu’une mise en demeure concernant des documents étrangers doit non seulement avoir trait à un document qui est pertinent pour l’application et l’exécution de la Loi, mais qui ne doit également pas être déraisonnable.

[63]  Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada, lors du contrôle d’une décision en fonction de la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’en tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’« à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[64]  Des facteurs de base d’équité militent en faveur d’un dossier le plus complet possible de façon qu’un demandeur puisse comprendre les raisons pour lesquelles une décision administrative a été prise et préparer le fondement de sa demande de contrôle judiciaire. Comme l’a expliqué le juge Stratas dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 [arrêt Tsleil-Waututh Nation], il est essentiel d’avoir accès au dossier sur lequel s’est fondé le décideur pour que la cour de révision puisse s’acquitter de sa responsabilité de procéder à un véritable contrôle judiciaire de la décision. Bien que ses commentaires portent sur des situations où la cour de révision n’a pas accès au dossier complet et non sur une situation semblable à celle en l’espèce, je considère tout de même qu’ils sont pertinents pour la question et je les reproduis ici :

[71]  [L]e dossier de preuve soumis au décideur administratif est essentiel pour que la cour s’acquitte de sa responsabilité de procéder à un véritable contrôle judiciaire. Dans le cadre de la plupart des contrôles judiciaires, la cour de révision doit évaluer le fond selon la norme de la décision correcte ou le caractère acceptable et justifiable de la décision administrative. Elle doit être sensibilisée aux erreurs et aux vices qui peuvent conférer un caractère déraisonnable à la décision. Bien souvent, une erreur ou le caractère inacceptable ou injustifiable apparaît en comparant les motifs avec le résultat atteint à la lumière du régime législatif et – surtout, eu égard aux présents objectifs – avec le dossier de la preuve soumis au décideur administratif.

[72]  Par exemple, la décision du tribunal qui a tiré une conclusion importante nécessitant une preuve peut être jugée déraisonnable en l’absence d’élément probant à cet égard dans le dossier (Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56 (CanLII), par. 100; Delios, précité, par. 27). De la même façon, une conclusion totalement contraire au dossier de la preuve peut aussi donner le même résultat. Lorsqu’il s’agit d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, si une partie clé du dossier — par exemple, la preuve d’un élément essentiel — manque et que la cour saisie du contrôle ne peut, de ce fait, juger si la décision fait partie des issues acceptables et justifiables et, donc raisonnables, elle n’a parfois d’autre choix que d’annuler la décision administrative (voir, par exemple, Edw. Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227 (CanLII), [2014] 1 R.C.F. 766, par. 137; Canada c. Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143 (CanLII), par. 31 à 39).

[65]  Le juge Stratas explique par ailleurs que s’il manque dans le dossier présenté à la cour de révision un élément essentiel sur lequel le décideur administratif a fondé sa décision, celle-ci devrait être annulée :

[79]  [...] Il semble que le critère soit le suivant : si le dossier de preuve, malgré toute inférence autorisée et présomption de preuve, empêche la cour saisie du contrôle de déterminer si la décision est raisonnable suivant une méthodologie acceptable (comme celle envisagée dans des affaires telles que Delios, précitée, et Canada (Procureur général) c. Boogaard, 2015 CAF 150 (CanLII)), la décision doit être annulée.

[66]  Enfin, le juge Stratas affirme que dans un monde idéal, les cours de révision ne devraient pas aller de l’avant avec un contrôle judiciaire si elles ne disposent pas du dossier le plus complet possible, mais il reconnaît que cela n’est pas toujours possible en raison de l’obligation de s’assurer que les procédures sont menées de la façon la plus expéditive et économique possible (se reporter aux paragraphes 81 à 84). Le juge Stratas souligne que la cour de révision n’est pas celle qui tire des conclusions de fait et qu’elle doit uniquement être convaincue que la décision était raisonnable :

[85]  [...] les [...] cours de première instance [...] montent le dossier de preuve initial, tirent des conclusions de fait et se prononcent sur le bien-fondé. Toutefois, les cours de révision agissent différemment. Elles examinent les décisions des décideurs administratifs. Ces décideurs administratifs sont habilités par le législateur à trancher les questions, alors que les cours de révision ne possèdent pas ce pouvoir. Les décideurs administratifs jugent du fond, alors que les cours de révision sont limitées à examiner ces décisions fondées sur le mérite. Voir, par exemple, Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 (CanLII), par. 14 à 19; Bernard (2015), précité, par. 22 à 28.

[67]  Si le dossier caviardé comporte suffisamment de renseignements pour permettre à une cour de révision d’évaluer, conformément à l’arrêt Dunsmuir, « l’existence d’une justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel » et « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », la cour devrait aller de l’avant avec le contrôle judiciaire en fonction du dossier dont elle dispose. Après avoir procédé à un examen approfondi du DCT, je conclus que le défendeur est en mesure de déterminer de façon équitable si la décision d’envoyer les demandes péremptoires était raisonnable en fonction des renseignements divulgués dans le DCT caviardé.

[68]  Par ailleurs, comme l’a souligné le demandeur, lors de l’examen d’intérêts publics concurrents, il n’est pas suffisant pour le défendeur d’affirmer que les renseignements caviardés pourraient être pertinents pour une question ou un fait de l’affaire, comme le fait que dossier était à l’étape de la « cause apparente de divulgation ». À l’étape de l’examen, le critère de la pertinence consiste à déterminer si les renseignements demandés sont d’une [traduction] « importance cruciale » pour établir un fait (Goguen v Gibson, [1983] 1 FC 872, au paragraphe 77, conf. par [1983] 2 FC 463 [FCAD]).

[69]  Dans ses demandes de contrôle judiciaire, le défendeur allègue que l’ARC a envoyé les demandes péremptoires de façon inadéquate ou d’une manière qui n’était pas conforme à la LIR. Il allègue que les renseignements caviardés pourraient être très pertinents pour les questions fondamentales des demandes de contrôle judiciaires, comme les questions de procédure et de fond qui ont donné lieu à l’envoi des demandes péremptoires, et le caractère raisonnable de ces demandes. Le demandeur affirme que même si le défendeur peut penser que les renseignements caviardés sont pertinents pour déterminer si les demandes péremptoires ont été délivrées dans le but adéquat d’administrer et d’exécuter la LIR, l’examen par un juge de ces renseignements caviardés révélerait rapidement qu’ils n’aideront pas le défendeur à préparer ses arguments.

[70]  Je suis d’accord avec l’affirmation du demandeur selon laquelle la contestation par le défendeur du caractère raisonnable de la décision d’envoyer des demandes péremptoires ne sera pas facilitée s’il a accès aux renseignements caviardés. Je suis persuadé que le défendeur dispose, dans le DCT caviardé, de tous les renseignements pertinents dont il a besoin pour présenter ses arguments de façon équitable. Je suis aussi convaincu qu’aucun des renseignements caviardés n’est d’une « importance cruciale » telle qu’il pourrait aider le défendeur à établir sa cause – c’est-à-dire prouver que la décision du ministre était déraisonnable. Comme il a été déterminé ci-dessus, les renseignements caviardés ne sont pas directement pertinents par rapport à la question du caractère raisonnable et, à mon avis, ils ne pourraient pas changer le résultat des demandes de contrôle judiciaire. Ainsi, ce facteur ne milite pas en faveur de la divulgation des renseignements caviardés.

[71]   Cependant, il convient de noter que pour garantir l’équité, la transparence et une décision judiciaire adéquate, il est dans l’intérêt des parties et dans celui de la justice que le juge affecté aux demandes de contrôle judiciaire puisse avoir accès au DCT non caviardé. Pour que le juge de révision puisse s’acquitter adéquatement de ses responsabilités judiciaires, il devra recevoir le même DCT que celui dont disposait le décideur.

(3)  Quelle est la nature de l’intérêt public que l’on tente de protéger par le secret?

[72]  Le défendeur allègue que la protection de l’intérêt public fournie par l’article 37 est moindre que celle fournie par les articles 38 et 39 de la LPC. Il affirme que l’administration adéquate de la LIR ne s’applique pas aux questions de politique nationale générale et ne constitue pas un risque de préjudice direct au public.

[73]  Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation du défendeur selon laquelle l’exécution de la LIR ne s’applique pas aux questions de politique nationale générale. Dans une société démocratique comme celle du Canada, où la protection et la promotion du bien-être social et économique de la population sont des valeurs nationales fondamentales, il existe un intérêt public dans un robuste système de recouvrement de l’impôt et de redistribution des richesses. Les mesures légales prises pour exécuter la LIR doivent être efficaces, mais raisonnables pour faciliter le recouvrement de l’impôt, la résolution des allégations d’inobservation par les contribuables, la réalisation des vérifications et la collecte des renseignements sur les contribuables.

[74]  Le demandeur allègue que la divulgation des consultations avec les spécialistes techniques internes ou des outils et méthodes de vérification internes pendant la réalisation des vérifications permettra aux contribuables qui ont des entités à l’étranger ou des fiducies non résidentes d’adapter ou de modifier à leur avantage les renseignements qu’on leur demande de fournir pendant les vérifications. Le fait que la vérification du défendeur soit en cours de réalisation signifie que l’on peut faire une analogie avec le privilège d’enquête revendiqué pour éviter de compromettre les enquêtes en cours. Le privilège d’enquête n’est pas un privilège absolu, mais tant en application de la common law que de l’article 37 de la LPC, la Cour est tenue de pondérer l’intérêt public dans la protection des enquêtes efficaces, ainsi que dans celle des personnes qui sont impliquées dans ces enquêtes ou qui y contribuent, et l’intérêt public dans la divulgation complète (R v Trang, 2002 ABQB 19, au paragraphe 50; Toronto Star Newspapers Ltd v Canada, [2005] OJ No 5533, aux paragraphes 14 à 16; R v Anderson, 2011 SKQB 427, au paragraphe 33). Il y a d’importantes similitudes entre le privilège revendiqué en l’espèce en application de l’article 37 et le privilège d’enquête : pendant la réalisation d’une vérification, les documents sensibles qui pourraient nuire à une opération particulière ne devraient pas être divulgués.

[75]  Dans la décision Wang, la Cour fédérale a récemment formulé des commentaires sur le privilège des enquêtes en cours dans le contexte de l’application de l’article 37. Le ministre a indiqué que la divulgation des documents et des vidéos en question pourrait compromettre une ou plusieurs enquêtes en cours menées par l’Agence des services frontaliers du Canada. On a allégué que la divulgation de la preuve pourrait mener à la destruction d’éléments de preuve ou à la fuite des personnes concernées. Comme l’a expliqué la juge Mactavish :

35  [L]a Cour doit éviter de se fonder sur des « [...] allégations générales d’entrave éventuelle à une enquête en cours » : R. c. Toronto Star Newspapers Ltd. (2005), 2005 CanLII 47737 (ON SC), 204 C.C.C. (3d) 397 au paragraphe 15, [2005] O.J. no 5533 (C.S.J.). Il incombe plutôt au ministre d’établir que la divulgation des renseignements en question aurait un effet préjudiciable concret sur l’enquête en cours.

36  Si la Cour conclut que la divulgation des éléments de preuve en litige est effectivement préjudiciable au regard des raisons d’intérêt public déterminées, elle doit ensuite déterminer si l’intérêt public en faveur de la divulgation l’emporte sur l’intérêt public à protéger une enquête en cours : paragraphe 37(5), R. c. Richards (1997), 1997 CanLII 3364 (ON CA), 34 O.R. (3d) 244 aux paragraphes 248 et 249, 100 O.A.C. 215 (C.A.). Si elle conclut que l’intérêt public en faveur de la divulgation l’emporte sur l’intérêt public à protéger une enquête en cours, la Cour peut ordonner la divulgation de l’intégralité, d’une partie ou de résumés des renseignements en litige et imposer toute condition relative à la divulgation que la Cour juge pertinente.

[76]  Dans la décision Wang, la Cour a conclu que la divulgation de certains documents compromettrait effectivement les enquêtes en cours et qu’il ne s’agissait pas d’une situation où les répercussions sur les enquêtes en cours pourraient être atténuées par la production de résumés ou de versions caviardées. Cependant, pour d’autres documents, la Cour a déterminé que la divulgation ne serait pas nuisible ou préjudiciable aux enquêtes en cours.

[77]  Revenons à l’affaire en l’espèce. La vérification est actuellement en cours et la divulgation de renseignements concernant des faits propres à la vérification, comme ceux liés aux discussions internes ou ceux liés aux forces et aux faiblesses de la vérification et de sa stratégie, pourrait avoir des répercussions sur la vérification ou la compromettre d’une quelconque façon. Je suis donc d’avis que ces facteurs militent lourdement en faveur de la position du demandeur. Avec tout le respect que je dois au défendeur et à sa moralité, il est évident que le législateur souhaitait que le ministre ait le pouvoir de demander des renseignements à un contribuable dans le cadre d’une vérification en cours. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, il serait naïf de croire que nul ne cherche à tirer profit du système d’autodéclaration. Une fois encore, ce facteur milite en faveur de la non-divulgation des renseignements.

(4)  Quel serait l’effet de la non-divulgation sur la perception du public à l’égard de l’administration de la justice?

[78]  Si la Couronne est l’une des parties du litige, sa revendication d’immunité d’intérêt public doit faire l’objet d’un examen rigoureux; ce n’est pas seulement une question de justice, mais aussi d’apparence de justice [PJ v Canada (Attorney General), 2000 BCSC 1780, au paragraphe 42]. Je suis d’accord avec l’argument du demandeur selon lequel la non-divulgation des renseignements caviardés pendant qu’une vérification est en cours n’aura pas d’effet négatif sur l’administration de la justice compte tenu de la nature administrative de la procédure. En fait, je suis d’avis que les contribuables pourront être certains que tous les contribuables assument en parts égales les obligations imposées par la LIR. En outre, comme je l’ai mentionné ci-dessus, le recouvrement de l’impôt est un objectif louable dans une société démocratique.

[79]  Je n’hésite pas à affirmer que la perception du public à l’égard de l’administration de la justice est renforcée par la non-divulgation des renseignements en l’espèce. La population canadienne croit en un système d’imposition dans lequel l’ARC peut mener des vérifications équitables et efficaces des contribuables. Les Canadiens seraient offensés de savoir que certains contribuables ont, par l’intermédiaire d’une procédure contentieuse, eu accès à des renseignements dans leur dossier de vérification qui pourraient leur donner un avantage indu ou être préjudiciables à la capacité de l’ARC de mener la vérification adéquatement. Ainsi, en l’espèce, c’est la divulgation des renseignements qui serait, à mon avis, préjudiciable à la perception du public à l’égard de l’administration de la justice.

[80]  Ce facteur milite donc en faveur de la non-divulgation à cette étape.

(5)  Y a-t-il des allégations d’actes fautifs de la part du gouvernement (c’est-à-dire que la vérification est menée à des fins inadéquates)?

[81]  Selon le demandeur, bien que le défendeur allègue que les demandes péremptoires sont trop larges, trop vagues et non conformes à la loi, il n’y a aucune allégation selon laquelle la vérificatrice a agi de façon à causer intentionnellement un préjudice au défendeur, et il n’y a aucun élément de preuve à l’appui d’allégations d’actes fautifs pendant la durée de la vérification.

[82]  La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit : [traduction] « ce n’est pas à la Cour ni à toute autre personne de prescrire quelle devrait être l’intensité de l’examen de la déclaration de revenus d’un contribuable. Cette question relève uniquement du ministre » (Western Minerals Ltd v Minister of National Revenue, [1962] SCR 592, aux paragraphes 12, 13 et 14). En l’espèce, rien ne prouve directement ou indirectement qu’il n’y a eu ne serait-ce qu’un seul acte fautif de la part du gouvernement. Il s’agit d’une vérification parmi les milliers que l’ARC réalise en application de la LIR.

[83]  Une fois encore, ce facteur joue en faveur de la non-divulgation des renseignements caviardés.

(6)  De quel ordre de gouvernement les renseignements émanent-ils?

[84]  Le demandeur allègue que le fait que les demandes péremptoires font partie d’un processus de vérification en cours, et non d’une décision définitive, joue en faveur de la confirmation de l’opposition à la divulgation.

[85]  L’importance du processus de vérification dans le contexte d’autocotisation et d’autodéclaration du système d’impôt sur le revenu est bien établie (R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, aux paragraphes 49 à 54). Cependant, comme l’a allégué le défendeur, la Cour suprême du Canada a déterminé que la protection du fonctionnement adéquat du gouvernement n’était pas une justification adéquate du secret gouvernemental (arrêt Carey, aux paragraphes 83 et 84). Les demandes péremptoires sont essentielles pour faciliter la réalisation adéquate des vérifications. Sans les renseignements fournis par les réponses à ces demandes, le processus de vérification est inutile. L’ARC demande des renseignements dont elle ne dispose pas déjà. En revanche, le contribuable possède les connaissances requises et dispose des éléments de preuve de sa situation financière. Ces connaissances peuvent être légitimement demandées par un vérificateur pour faciliter son travail.

[86]  Je ne suis pas d’accord avec le défendeur : la facilitation du recouvrement de l’impôt ne peut pas être décrite comme étant simplement [traduction] « le fonctionnement adéquat du gouvernement ». Le ministre n’essaie pas de protéger les discussions bureaucratiques internes, mais plutôt les renseignements essentiels qui pourraient nuire à une vérification en cours.

[87]  Par ailleurs, le fait que la vérification n’est pas achevée et qu’il n’y a pas eu de décision définitive joue en faveur de la non-divulgation. Les discussions internes avec les vérificateurs et les experts techniques permettent à l’ARC de mener ses vérifications à terme de façon efficace.

(7)  Quelle est la sensibilité des renseignements?

[88]  Le demandeur allègue que la divulgation des renseignements caviardés pendant la réalisation de la vérification équivaudrait à permettre au défendeur et aux contribuables qui se retrouvent dans des circonstances similaires de contrôler efficacement la tenue de la vérification en structurant avantageusement leurs réponses, ce qui nuirait à l’administration et à l’exécution de la LIR. Sur cette question, le défendeur affirme que ces allégations sont absurdes puisque l’ARC aura toujours le contrôle sur les vérifications qu’elle réalise. Il explique également qu’il demande la divulgation des renseignements caviardés dans le seul et unique but de protéger son intérêt juridique personnel. Comme il l’a déjà mentionné dans des observations antérieures, il ne s’oppose pas à une ordonnance de mise sous scellés ou à un engagement qui empêcherait la publication des renseignements caviardés au-delà des limites des demandes de contrôle judiciaire.

[89]  Ainsi, je conclus une fois encore que la divulgation des conseils techniques et des analyses entre les spécialistes et l’équipe de vérificateurs de l’ARC nuirait aux activités de vérification qui ne sont pas achevées et entraverait les discussions internes qui ont pour objectif de mener un examen et une vérification approfondis de la conformité d’un contribuable à la législation fiscale.

[90]  Je note aussi dans ma décision que le demandeur soutient que le législateur peut autoriser le refus de la divulgation des renseignements si une telle divulgation peut être préjudiciable à l’exécution d’une loi au Canada, en application du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A-1 et du paragraphe 22(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC (1985), c P-21. Le législateur a également accordé aux ministères du gouvernement le pouvoir de refuser de divulguer les techniques de vérification et les renseignements opérationnels contenant les comptes rendus des consultations ou des délibérations des employés du gouvernement, aux termes du paragraphe 21(1) de la Loi sur l’accès à l’information.

[91]  Pour toutes ces raisons, ce facteur, quand il est adéquatement examiné, ne milite pas en faveur de la divulgation des renseignements caviardés.

(8)  Ces renseignements ont-ils déjà été publiés et, le cas échéant, dans quelle mesure?

[92]  Le défendeur affirme que le Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu de l’ARC, qui est accessible au public sur le site Web de l’Agence, soulève de sérieux doutes sur les attentes de confidentialité qu’un vérificateur de l’ARC peut raisonnablement avoir. Il allègue que la divulgation des méthodes et des techniques de vérification milite en faveur de la divulgation. Cette question a précisément été portée à l’attention du demandeur en octobre 2017. Cependant, le demandeur n’a déployé aucun effort pour aborder, dans ses observations, la publication du Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu, son contenu ou sa signification dans ce contexte.

[93]  Dans la décision Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), 2007 CF 766 [décision Arar], dans le cadre d’une demande en application de l’article 38 de la LPC, j’ai interdit la divulgation de certaines parties caviardées du dossier public produit par la Commission parce que la divulgation de ces renseignements aurait été préjudiciable aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. Cependant, dans mes motifs, j’ai cité la décision Attorney General v Observer Ltd et al, [1990] 1 AC 109 (HL) :

[traduction]La Couronne n’est fondée à restreindre la publicité d’informations et de renseignements que lorsque telle publicité serait contraire à l’intérêt public, comme elle le sera en général s’il n’y a pas eu jusque‑là divulgation. Mais, si l’information que l’on voudrait rendre publique n’est plus secrète, aucun préjudice ne sera probablement causé à l’intérêt public par la réimpression de ce que le monde entier a déjà eu l’occasion de lire.

(Non souligné dans l’original.)

[94]  Dans la décision Arar, j’ai aussi fait remarquer ce qui suit au paragraphe 56 :

[...] la règle selon laquelle les renseignements qui relèvent du domaine public ne sauraient être soustraits à la divulgation n’est pas une règle absolue. Maintes circonstances justifieraient la protection de renseignements qui relèvent du domaine public, par exemple les suivantes : une partie seulement des renseignements a été divulguée au public; les renseignements ne sont pas généralement connus ou accessibles; l’authenticité des renseignements n’est ni confirmée ni démentie; enfin, les renseignements ont été divulgués par inadvertance.

[95]  À mon avis, il y a une différence entre la description des différents types de méthodes de vérification utilisés par l’ARC et leur application dans un contexte factuel précis. Je suis sensible à l’argument du défendeur et je considère que si une certaine méthode ou un certain outil de vérification sans autre référence factuelle précise à l’affaire en l’espèce a déjà été divulgué dans le Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu ou sur le site Web de l’ARC, cette méthode ou cet outil devrait aussi être divulgué dans le DCT. Cependant, l’actualisation et l’application des méthodes ou des outils de vérification aux faits particuliers de la vérification du défendeur ne peuvent pas être considérées comme divulguées publiquement.

[96]  La divulgation des renseignements internes entre les spécialistes et les vérificateurs de l’ARC est extrêmement sensible à cette étape de la vérification. Elle rendrait tout simplement inutile la vérification des déclarations de revenus du défendeur. Elle donnerait au défendeur une connaissance du processus de vérification interne qui pourrait être utilisée uniquement pour servir ses propres intérêts, ce qui est contraire à l’objectif d’une vérification. Les vérificateurs doivent avoir le pouvoir de contrôler et de diriger les vérifications; la divulgation des renseignements caviardés à cette étape permettrait au défendeur de prendre le dessus. Cela est fondamentalement contraire aux intentions stratégiques derrière la LIR.

(9)  La divulgation demandée visait-elle la communication de certains documents ou constituait-elle un interrogatoire à l’aveuglette?

[97]  Je suis d’accord avec l’affirmation du défendeur selon laquelle sa demande de divulgation vise un petit nombre de documents bien précis. On ne peut donc pas parler de recherche à l’aveuglette. Il s’agit du seul facteur parmi tous ceux qui ont été abordés ci-dessus qui milite en faveur de la divulgation des renseignements caviardés.

C.  Conclusion sur la pondération

[98]  En l’espèce, pour les raisons énoncées ci-dessus, les facteurs penchent de façon disproportionnée en faveur de la confirmation de l’intérêt public dans la protection des renseignements associés à des vérifications en cours. J’ordonne donc que les renseignements caviardés ne soient pas divulgués.

[99]  Je n’ai pas besoin d’aborder le dernier point en litige; comme aucune divulgation n’a été ordonnée, aucune condition ne devrait être imposée.

VII.  Autres commentaires

[100]  Les demandes de contrôle judiciaire ont été retardées de plus d’un an par les demandes présentées en application de l’article 37. Je remarque que les deux parties ont contribué à ce retard. Cependant, je souhaite souligner le fardeau de présentation qui incombe au procureur général dans de telles demandes. Compte tenu de l’inexistence d’un privilège générique, le procureur général devrait faciliter l’établissement des revendications d’intérêt public en fournissant rapidement la preuve par affidavit et les documents justificatifs, y compris un DCT non caviardé, pour aider la Cour à procéder à l’examen de ces procédures extraordinaires le plus tôt possible après qu’une demande a été présentée et signifiée en application de l’article 37.

[101]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les cours de révision ne sont pas des cours de première instance; elles ne montent pas le dossier de preuve en se fondant sur des conclusions de fait. Dans des situations comme celle en l’espèce, où les demandes de contrôle judiciaire font qu’il est essentiel pour le demandeur de recevoir le dossier le plus complet possible pour préparer sa demande, le procureur général devrait, dans l’intérêt des procédures expéditives, présumer qu’il y a une « cause apparente de divulgation », sauf s’il y a des indications claires de mauvaise foi de la part du demandeur. Ainsi, dans ces situations, le procureur général devrait, après avoir présenté et signifié les demandes en application de l’article 37, présenter directement à la Cour, de façon confidentielle, tous les documents requis, les affidavits et un DCT non caviardé pour lui permettre d’établir le privilège, de mener l’analyse sur l’empiétement et, enfin, d’examiner tous les facteurs pertinents.

[102]  Les demandes de contrôle judiciaire de décisions ministérielles simples, comme celle d’envoyer une demande péremptoire dans le cadre d’une vérification en cours, ne peuvent pas être mises de côté en raison d’interminables procédures de divulgation.

VIII.  DÉPENS

[103]  Les demandes présentées en application de l’article 37 découlent de circonstances exceptionnelles qui ne sont imputables à aucune des parties en cause. De telles demandes sont exigées par la loi et l’intérêt public quand, comme c’est le cas en l’espèce, les faits les justifient.

[104]  Par conséquent, chaque partie doit prendre en charge ses propres dépens.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. Les demandes présentées en application de l’article 37 sont accueillies, et les renseignements caviardés figurant dans le DCT doivent demeurer confidentiels et protégés.
  2. Chaque partie doit prendre en charge ses propres dépens.
  3. Comme la décision sur les demandes présentées en application de l’article 37 a été rendue, les dossiers T-735-17 et T-1052-17 seront réactivés; à cette fin, les parties devront présenter à la Cour un échéancier commun qui établira les procédures à suivre dans chaque dossier dans les quinze (15) jours suivant le présent jugement. Si les parties ne s’entendent pas, elles proposeront chacune leur propre échéancier. Une conférence de gestion de l’instance sera organisée pour achever l’échéancier.

« Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :

T-735-17, T-1052-17, T-932-17 ET T-1330-17

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. S. ROBERT CHAD

LIEU DES AUDIENCES :

OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L’AUDIENCE :

LE 15 MAI 2018 ET

LE 23 MAI 2018

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :

Le 29 mai 2018

COMPARUTIONS :

Margaret McCabe

POUR LE DEMANDEUR

Emmett Scrimshaw

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

Peacock Linder Halt & Mack LLP

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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