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Date : 20180619


Dossier : IMM-4695-17

Référence : 2018 CF 629

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

RUI MA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Rui Ma est né en Chine, et il est devenu un résident permanent du Canada en 2010. En 2015, M. Ma a présenté une demande de renouvellement de sa carte de résidence permanente, mais il a voyagé en Chine avant de la recevoir. Pour pouvoir revenir au Canada sans sa carte de résident permanent, M. Ma a dû obtenir un titre de voyage pour résident permanent (TVRP) auprès de l’ambassade du Canada à Beijing. Le personnel de l’ambassade a constaté que certaines des estampilles dans le passeport de M. Ma ne semblaient pas être authentiques. Néanmoins, un agent des visas a conclu que les fausses estampilles n’étaient pas importantes puisque M. Ma avait accumulé la période de résidence requise. M. Ma s’est vu accorder son TVRP.

[2]  Lorsque M. Ma est retourné au Canada au début de 2017, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a saisi son passeport et lui a dit qu’une enquête était en cours concernant une possible fausse déclaration.

[3]  En réponse, M. Ma a prétendu que la question de fausse déclaration était functus officio puisque l’agent des visas à Beijing avait déjà conclu que toute fausse déclaration était non importante. Néanmoins, l’agent de l’ASFC a découvert que l’agent des visas à Beijing ne cherchait pas à déterminer s’il y avait une fausse déclaration dans la demande de résidence permanente de 2015 de M. Ma; à la place, l’agent des visas a jugé que la fausse déclaration n’était pas importante aux fins de la demande de TVRP déposée en 2016.

[4]  En 2017, après avoir reçu un rapport d’interdiction de territoire de la part d’un agent de l’ASFC, un délégué du ministre a renvoyé le dossier de M. Ma pour une audience d’interdiction de territoire.

[5]  M. Ma cherche à annuler la décision de renvoi du délégué du ministre au motif du functus officio. Cependant, je ne peux trouver aucun motif d’infirmer la décision du délégué; je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]  La seule question en litige est de savoir si la question de la fausse déclaration était functus officio compte tenu de la décision rendue en 2016 par l’agent des visas à Beijing.

II.  La question de la fausse déclaration est-elle functus officio?

[7]  M. Ma affirme que la question de la fausse déclaration a été établie définitivement lorsque l’agent des visas à Beijing a conclu que la fausse déclaration n’était pas importante, étant donné que M. Ma avait satisfait l’exigence en matière de résidence permanente indépendamment des fausses estampilles figurant dans son passeport.

[8]  Je ne suis pas d’accord.

[9]  En règle générale, la doctrine du functus officio signifie que le décideur ou le tribunal ne peut réexaminer une décision finale (Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 RCS 848, au paragraphe 681). Cependant, pour deux raisons, la doctrine n’aide pas M. Ma.

[10]  D’abord, l’agent des visas à Beijing n’a pas infirmé, réexaminé ou modifié sa décision. Il a accordé un TVRP à M. Ma en se fondant sur les éléments de preuve dont il disposait, y compris les fausses estampilles figurant dans le passeport. Il a déterminé que la fausse déclaration n’était pas importante pour « le traitement du dossier », c’est-à-dire le dossier que devait traiter l’agent, qui était la demande de TVRP de M. Ma. Aucun autre agent n’a examiné la question. L’agent des visas est functus concernant la décision relative au TVRP, mais c’est tout.

[11]  Ensuite, le renvoi pour une audience d’interdiction de territoire concerne une fausse déclaration alléguée dans la demande de résidence permanente que M. Ma a déposée en 2015, une question qui n’a pas été portée à l’attention de l’agent des visas à Beijing. De plus, aucune décision finale n’a été rendue au sujet du caractère substantiel de toute fausse déclaration de la part de M. Ma à l’égard de la résidence permanente. Cette question sera confiée à la Division de l’immigration.

[12]  Parfois, les arguments de M. Ma semblent ne pas être basés sur la doctrine du functus officio, mais plutôt sur celle du res judicata; autrement dit, que la question du caractère substantiel avait déjà établie définitivement avant que le délégué du ministre ne renvoie la question pour une audience d’interdiction de territoire. Cette autre doctrine n’aide pas M. Ma non plus.

[13]  Il existe deux types principaux de res judicata : la préclusion fondée sur la cause d’action et la préclusion pour même question en litige. La première empêche la réouverture d’une question que les mêmes parties ont déjà portée devant une cour ou un autre décideur pour qu’une décision soit rendue. Elle ne s’applique pas ici puisque les parties concernées par la décision antérieure de l’agent des visas étaient M. Ma et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Dans l’affaire de l’interdiction de territoire potentielle, comme le montre l’intitulé de la cause ci-dessus, les parties sont M. Ma et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Les deux questions sont différentes.

[14]  La préclusion pour même question en litige s’applique lorsque la question identique a déjà fait l’objet d’une décision. Elle ne s’applique pas ici puisque la question présentée à l’agent des visas de Beijing consistait à déterminer si la fausse déclaration était importante pour la demande de TVRP de M. Ma, tandis que celle portée devant le délégué du ministre consistait à déterminer si la fausse déclaration pourrait être importante à l’égard de la demande de résidence permanente de M. Ma. Les deux questions sont différentes.

[15]  Par conséquent, je ne peux pas être d’accord avec l’argument de M. Ma qu’il y avait un obstacle juridique empêchant le délégué du ministre de renvoyer le dossier de M. Ma pour une audience d’interdiction de territoire.

III.  Conclusion et disposition

[16]  Il n’y avait pas d’obstacle juridique empêchant de renvoyer le dossier de M. Ma pour une audience d’interdiction de territoire, qu’on se fie à la doctrine du functus officio ou à celle du res judicata. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4695-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4695-17

 

INTITULÉ :

RUI MA c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JUIN 2018

 

COMPARUTIONS :

Steven Meurrens

Pour le demandeur

 

Edward Burnet

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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