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Date : 20180607


Dossier : T-194-15

Référence : 2018 CF 595

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2018

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

DOMINIQUE MARTINEAU

demandeur

et

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  L’aperçu

[1]  Depuis plus de douze ans maintenant, le demandeur, M. Dominique Martineau, conteste des décisions prises à son égard par la défenderesse, l’Agence du Revenu du Canada [ARC], relativement à des cotisations fiscales qui lui sont réclamées pour l’année d’imposition 2003. La demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie dans le présent dossier constitue le plus récent épisode de cette longue saga.

[2]  Dans une décision rendue le 26 août 2014 [Décision], une représentante de l’ARC a refusé une demande d’allègement logée par M. Martineau en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [LIR] et qui visait à faire annuler une pénalité pour faux énoncés et des intérêts imposés à M. Martineau pour l’année 2003. Dans sa Décision, la représentante a conclu que M. Martineau ne pouvait pas utiliser les dispositions d’allègement pour les contribuables pour indirectement contester une cotisation fiscale, que M. Martineau n’avait fourni aucun nouvel élément de preuve relativement à l’année d’imposition 2003 visée par la cotisation, et que M. Martineau n’avait pas fait la preuve de difficultés financières le rendant incapable d’acquitter ses obligations fiscales.

[3]  M. Martineau s’adresse maintenant à la Cour afin d’obtenir le contrôle judiciaire de cette Décision. Il affirme que la Décision de l’ARC est déraisonnable, et demande à la Cour d’annuler la pénalité et les intérêts qui lui ont été imposés suite à l’avis de nouvelle cotisation émis en 2005 et qui se rapportait à des montants de revenus non déclarés pour l’année d’imposition 2003. L’ARC répond que la Décision est raisonnable à tous égards et qu’elle est bien ancrée dans la preuve dont disposaient les autorités fiscales.

[4]  La seule question soulevée par le recours de M. Martineau est de déterminer si la Décision est raisonnable. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande de contrôle judiciaire de M. Martineau doit échouer. Ayant examiné la Décision, la preuve devant l’ARC et le droit applicable, je ne suis pas convaincu que la Décision rendue par la représentante de l’ARC n’appartient pas aux issues possibles acceptables dans les circonstances, ou que des motifs existent pour justifier l’intervention de la Cour. Je comprends que M. Martineau aurait souhaité que l’ARC décide autrement ou que la représentante retienne son interprétation des circonstances entourant les transactions qui ont débouché sur la cotisation fiscale dont il se plaint toujours aujourd’hui. Mais, dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour ne siège pas en appel de l’avis de cotisation déjà émis par l’ARC et confirmé par la Cour canadienne de l’impôt [CCI], et je ne décèle aucune erreur dans la Décision de la représentante de l’ARC qui pourrait me permettre d’intervenir. Dans sa Décision, l’ARC a tenu compte de l’ensemble de la preuve et ses conclusions se justifient au regard des faits et du droit.

II.  Le contexte

A.  Les faits

[5]  Les faits à l’origine des contestations de M. Martineau remontent à octobre 2005. À cette date, l’ARC a émis un avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 et a appliqué à M. Martineau un impôt fédéral de 1 200,23 $, une pénalité de 600,11 $ pour faute lourde (soit de faux énoncés ou une omission dans une déclaration), et des intérêts sur arriérés de 189,64 $. L’ARC avait découvert que le compte « Dû à l’actionnaire » inscrit aux états financiers de la compagnie de M. Martineau, Eau Distilpur Inc., n’était pas justifié et qu’un avantage à l’actionnaire totalisant 16 734 $ n’avait pas été déclaré par M. Martineau dans ses revenus.

[6]  En désaccord avec l’ARC, M. Martineau s’est opposé à la nouvelle cotisation. En mars 2007, l’ARC a cependant maintenu la cotisation dans sa totalité. En février 2011, M. Martineau a fait une première demande d’allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR, mais celle-ci a été refusée par l’ARC en juin 2012 au motif que M. Martineau n’avait pas réussi à démontrer des difficultés financières ou une incapacité de payer. M. Martineau avait alors notamment omis de fournir les documents financiers que l’ARC lui avait demandés et de produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2010.

[7]  En juillet 2012, M. Martineau a de nouveau sollicité l’ARC pour un examen de sa demande d’allègement, invoquant qu’il ne devait pas le montant d’impôt de 1 200,23 $ pour l’année d’imposition 2003 parce que le vérificateur de l’ARC aurait omis de prendre en compte un document indiquant qu’un dénommé Gilles St-Pierre avait investi 15 000 $ dans la compagnie, et qu’il était incapable de payer la somme due. Au soutien de sa deuxième demande d’allègement, M. Martineau a fourni à l’ARC les documents suivants : un relevé bancaire d’avril 1999; une preuve d’assurance-prêt datant de 1999; un contrat de prêt de 30 000 $ daté de l’année 1999; un relevé d’opérations bancaires de mars 1999; une preuve de changement de statut d’un compte de caisse conjoint en 2001; un sommaire de ses déclarations provinciale et fédérale pour 2010; un relevé de revenus provenant de la Société d’assurance-automobile du Québec [SAAQ]; et un avis de cotisation 2011. En août 2014, l’ARC a rendu la Décision rejetant la deuxième demande d’allègement de M. Martineau. C’est cette Décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[8]  Parallèlement à sa demande de contrôle judiciaire devant cette Cour, M. Martineau a aussi porté la Décision en appel devant la CCI pour contester la cotisation relative à l’année d’imposition 2003. Dans un jugement rendu en mars 2016, le juge Favreau de la CCI a rejeté l’appel au motif que M. Martineau n’avait pas intenté son recours dans le délai prescrit au paragraphe 169(1) de la LIR et n’avait pas demandé une prorogation de ce délai.

[9]  Dans le cadre du recours intenté par M. Martineau devant cette Cour, l’ARC a déposé une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire de M. Martineau, alléguant que la demande n’avait aucune chance de succès. Dans une ordonnance rendue en juin 2015, le juge Bell a statué que la Cour n’avait pas compétence pour « annuler la cotisation » comme le demande M. Martineau dans son avis de contrôle judiciaire, car une cotisation fiscale ne peut être contestée que devant la CCI en vertu de l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T-2. Le juge Bell a donc accueilli en partie la requête en radiation de l’ARC mais a tout de même permis à M. Martineau de poursuivre son recours sur la question de sa demande d’allègement relative à la pénalité et aux intérêts que l’ARC lui réclame.

[10]  Avec le passage du temps, les intérêts ont continué de s’accumuler si bien que la dette fiscale de M. Martineau pour l’année d’imposition 2003 avoisine aujourd’hui les 3 500 $.

B.  La Décision

[11]  Dans la Décision qui rejetait la demande d’allègement de M. Martineau, la représentante de l’ARC a invoqué les raisons suivantes pour refuser l’accommodement recherché par M. Martineau : 1) une demande d’allègement ne peut être utilisée pour contester une nouvelle cotisation; 2) les nouveaux documents fournis par M. Martineau se rapportent tous à l’année financière 1999 qui n’était pas incluse dans la vérification à laquelle M. Martineau s’est opposé, et aucun nouvel élément de preuve n’a été soumis concernant l’année d’imposition 2003; et 3) la preuve ne démontre pas que M. Martineau éprouve des difficultés financières l’empêchant d’acquitter ses obligations fiscales, les revenus et dépenses de M. Martineau révélant plutôt un surplus budgétaire mensuel.

[12]  La représentante de l’ARC a fondé sa Décision sur le rapport détaillé effectué par une agente réviseure de l’ARC [Agente], qui a interagi au téléphone avec M. Martineau et analysé tous les documents fournis dans le but d’évaluer son dossier et de dresser un portrait de l’état de ses actifs et passifs. En l’occurrence, l’Agente a constaté : 1) que M. Martineau avait omis de déclarer un revenu pour l’année d’imposition 2003 et qu’une pénalité pour faux énoncés avait été appliquée; 2) qu’aucun des documents fournis par M. Martineau dans le cadre de ce deuxième examen ne concernait l’année 2003 ni ne permettait de démontrer une erreur de la part du vérificateur de l’ARC; et 3) que M. Martineau n’avait pas de difficultés financières, ayant plutôt un surplus mensuel selon le formulaire Résultats et relevé de la valeur nette du demandeur et les admissions de M. Martineau eu égard à son revenu mensuel provenant de la SAAQ et à ses dépenses.

C.  La norme de contrôle

[13]  Le recours intenté par M. Martineau est une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la Décision, qui est une décision discrétionnaire rendue par l’ARC en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR. Lorsque la Cour est appelée à contrôler la légalité d’une telle décision, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Agence du revenu) c Telfer, 2009 CAF 23 [Telfer] aux para 24-28; Herrington c Canada (Agence du revenu), 2016 CF 953 au para 15). Dans un contexte où la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, la Cour doit faire preuve de retenue et se garder de substituer sa propre opinion à celle de l’ARC, pourvu que la décision en cause soit justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartienne « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] au para 47; Canada (Agence du revenu) c Slau Limited, 2009 CAF 270 au para 27). Les motifs d’une décision seront considérés raisonnables « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16). De plus, les conclusions de nature factuelle commandent un degré élevé de déférence judiciaire, compte tenu du rôle de juge des faits d’un tribunal administratif comme l’ARC (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59).

III.  L’analyse

[14]  M. Martineau fait valoir que la Décision de l’ARC est manifestement déraisonnable vu les erreurs commises par la représentante dans l’appréciation de la preuve, le refus de l’ARC de fermer son dossier, l’imposition d’un fardeau de preuve plus lourd contre lui, le défaut de prendre en compte les éléments de preuves qu’il considère comme étant non contredits, et le caractère irrationnel de la Décision eu égard à la preuve soumise en 2005. En somme, M. Martineau prétend que, même si les autorités fiscales avaient toute la preuve nécessaire devant elles, l’ARC n’a pas compris ses soumissions, que le juge de la CCI et la représentante de l’ARC ont tous deux fait des erreurs dans l’appréciation de son dossier, et que l’ARC a ainsi commis un abus de pouvoir. De surcroît, M. Martineau est d’avis qu’ « en raison des principes qui s’appliquent en l’instance », la Cour est « doublement justifiée d’intervenir pour annuler » la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003.

[15]  M. Martineau fait aussi valoir qu’il aurait parlé à différentes personnes au sein de l’ARC, envoyé plusieurs lettres et donné de nombreux coups de fil à l’ARC, sans toutefois obtenir de réponses. M. Martineau soutient qu’en matière de documents et de preuves, il a tout remis à l’ARC pour que cette dernière soit en mesure de déterminer qu’il ne devait effectivement aucun montant d’impôt quant à l’année d’imposition 2003, mais que l’ARC a mal considéré son dossier.

[16]  Malgré la profonde conviction que M. Martineau a fait valoir et démontré dans ses procédures et à l’audience quant à ce qu’il estime être le bien-fondé de son dossier, je ne partage pas son point de vue quant au caractère déraisonnable de la Décision rendue par l’ARC.

[17]  D’abord, comme l’avocat de l’ARC l’a bien exposé, seule la CCI peut annuler une cotisation fiscale, et cette Cour n’a pas compétence pour évaluer la validité d’une cotisation ou d’une autocotisation. La CCI est en effet la seule cour habilitée pour traiter de ces questions d’impôt sur le revenu (Canada c Addison & Leyen Ltd, 2007 CSC 33 au para 11; Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc, 2013 CAF 250 aux para 24, 27; Cybernius Medical Ltd c Canada (Procureur général), 2017 CF 226 au para 24). Aussi, je ne peux pas considérer les arguments de M. Martineau recherchant l’annulation de l’avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003. D’ailleurs, l’ordonnance du juge Bell de juin 2015 avait radié les mots « la cotisation » de l’avis de demande de M. Martineau. Ainsi, la seule question qui reste à trancher est le caractère raisonnable de la Décision de l’ARC refusant d’annuler la pénalité pour faux énoncés et les intérêts accumulés suite à la nouvelle cotisation.

[18]  Or, comme je l’ai mentionné lors de l’audience, la norme de contrôle de la décision raisonnable repose sur la déférence que les cours de révision doivent adopter à l’endroit des décisions des décideurs administratifs qui, comme c’est le cas pour l’ARC, sont investis de pouvoirs qui leur sont délégués par le législateur. Ce principe de déférence reconnaît que ces décideurs administratifs possèdent une plus grande expertise que les cours de justice à l’égard des questions qui relèvent de leur compétence, que les cours de justice ne doivent pas substituer leur vision des choses à celle retenue par les décideurs administratifs, et que ces derniers sont mieux équipés pour choisir parmi toutes les issues raisonnables possibles. Dans le cas de l’ARC, le législateur a confié à ce tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives en matière de cotisations fiscales et de demandes d’allègement. Son expertise découle de la spécialisation de ses fonctions et de sa familiarité avec ces questions de nature fiscale. Dans la mesure où la décision de l’ARC appartient aux « issues possibles acceptables » pouvant se justifier au regard de la preuve et du droit, et qu’elle possède les attributs de justification, de transparence et d’intelligibilité, la Cour doit se garder d’intervenir (Dunsmuir au para 47; Newfoundland Nurses au para 16).

[19]  La question que je dois décider n’est donc pas de savoir si l’interprétation alternative des faits présentée par M. Martineau pourrait elle aussi constituer une issue acceptable possible dans les circonstances; je dois plutôt déterminer si l’interprétation retenue par la représentante de l’ARC dans la Décision d’août 2014 tombait elle-même dans l’éventail des issues possibles et acceptables. Je suis d’avis que c’est le cas.

[20]  Je reconnais que M. Martineau a habilement passé au peigne fin les éléments de preuve entourant l’avis de cotisation pour l’année 2003 et les motifs retenus par l’ARC, signalant des extraits de documents qui auraient pu jouer en sa faveur et soulignant les preuves que l’ARC aurait mal interprétées selon lui. Toutefois, M. Martineau invite simplement la Cour à apprécier de nouveau la preuve présentée à l’ARC et à se substituer au décideur administratif. Malheureusement pour M. Martineau, le recours intenté devant cette Cour n’est pas un appel de la Décision de l’ARC, mais un contrôle judiciaire. Lorsqu’elle effectue un examen des conclusions de faits d’un décideur selon la norme de la décision raisonnable, la Cour n’a pas pour mission de refaire le travail effectué par le décideur et de réévaluer l’importance relative accordée par le décideur aux différents facteurs et aux éléments de preuve dont il disposait. La Cour doit se contenter de déterminer si la décision tombe dans le champ des issues possibles et acceptables en regard des faits et du droit. Il est d’ailleurs bien établi par la jurisprudence que l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR doit bénéficier d’une déférence importante de la part des cours de justice, vu l’expertise pointue que détient l’ARC dans ce domaine (Telfer aux para 24-26).

[21]  Il est utile de rappeler l’état du droit et les paramètres encadrant l’application du paragraphe 220(3.1) de la LIR portant sur les demandes d’allègement ouvertes aux contribuables. En vertu de cette disposition, l’ARC a le pouvoir discrétionnaire de renoncer à tout ou à une partie d’un montant de pénalité ou d’intérêt payable par le contribuable ou une société. Selon la circulaire d’information émise par l’ARC, Dispositions d’allègement pour les contribuables, IC07-1R1, datée du 18 août 2017 [Circulaire] (voir aussi Northview Apartments Ltd c Canada (Procureur général), 2009 CF 74 aux para 5-8), l’ARC peut exercer son pouvoir d’allègement si l’une ou l’autre des situations suivantes démontre l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale : 1) des circonstances exceptionnelles; 2) une action imputable à l’ARC; et 3) une incapacité de payer ou des difficultés financières. Dans sa demande d’allègement, M. Martineau invoquait les deux derniers volets, à savoir une erreur commise par le vérificateur de l’ARC et des difficultés financières le rendant incapable de payer sa dette fiscale.

[22]  En ce qui a trait aux actions imputables à l’ARC qui peuvent ouvrir la porte à une annulation des intérêts et pénalités, la Circulaire mentionne : 1) les retards de traitement ou des erreurs de traitement; 2) les erreurs dans la documentation mise à la disposition du public; 3) des renseignements inexacts ou fournis en retard au contribuable; ou encore 4) des retards excessifs pour régler une opposition ou un appel ou pour faire une vérification (Circulaire au para 26). Il est manifeste qu’aucun de ces cas de figure n’existait dans le dossier de M. Martineau. L’erreur de l’ARC dont se plaignait M. Martineau était plutôt une erreur dans l’appréciation et l’évaluation de son dossier; toutefois, la preuve révèle que M. Martineau n’avait soumis aucun document relatif à l’année d’imposition 2003 avec sa demande d’allègement, tous les documents déposés et analysés par l’ARC étant relatifs à l’année 1999.

[23]  Je ne peux donc pas conclure que la Décision d’août 2014 de l’ARC était déraisonnable en ce qui a trait à la demande d’allègement de M. Martineau fondée sur une erreur alléguée de l’ARC. Bien au contraire, la Décision de la représentante de l’ARC reposait sur une preuve solide et non contredite eu égard à l’année d’imposition 2003 qui ne révélait aucune erreur, et il n’appartient pas à la Cour de s’immiscer dans de telles conclusions de fait rendues par l’ARC dans le cadre de son expertise.

[24]  D’autre part, la Circulaire explique aussi que l’ARC peut envisager une renonciation partielle ou totale aux pénalités et intérêts réclamés d’un contribuable lorsque, par exemple, le paiement des intérêts accumulés cause une incapacité prolongée à subvenir aux besoins essentiels de nourriture, de soins médicaux, de transport ou de logement du contribuable (Circulaire au para 27). De façon générale, on n’envisagera pas « l’annulation d’une pénalité en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières » à moins que des circonstances exceptionnelles, telle une catastrophe naturelle, aient empêché le respect des lois (Circulaire au para 28). Pour déterminer la capacité d’un contribuable d’honorer ses obligations fiscales, un examen détaillé de sa situation financière est alors effectué par l’ARC, prenant en compte les revenus et dépenses du contribuable, ses actifs et passifs, sa capacité d’emprunter des fonds ou de vendre des actifs, et sa conduite et ses efforts pour payer le solde dû (Circulaire au para 28.1).

[25]  C’est précisément l’exercice que l’ARC a entrepris avant de conclure qu’en août 2014, M. Martineau n’éprouvait pas de difficultés financières l’empêchant de régler la pénalité et les intérêts que les autorités fiscales lui réclamaient. M. Martineau avait fait valoir qu’il lui était impossible de payer la dette fiscale. Or, l’analyse globale de sa situation financière que l’Agente a menée à l’aide des documents et informations que M. Martineau avait lui-même fournis a indiqué qu’il bénéficiait alors d’un surplus budgétaire de plusieurs centaines de dollars tous les mois. Dans les circonstances, et bien qu’il puisse certes être long et exigeant pour M. Martineau d’acquitter la totalité de sa dette fiscale, il n’était pas déraisonnable pour l’Agente et la représentante de l’ARC de conclure que M. Martineau ne serait pas accablé par cette obligation au point de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins essentiels. La conclusion de l’ARC n’est sans doute pas l’issue à laquelle M. Martineau aurait voulu être assujetti, surtout considérant la frustration qu’il éprouve face à une cotisation qu’il considère totalement injustifiée, mais son désaccord avec l’appréciation de la preuve faite par l’ARC et avec le résultat de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire n’équivaut pas à une décision déraisonnable justifiant l’intervention de cette Cour. Encore une fois, la Décision d’août 2014 en ce qui a trait à la situation financière de M. Martineau trouve appui dans la preuve que la représentante de l’ARC avait devant elle, et il s’agit d’une décision raisonnable.

[26]  Par ailleurs, je ne peux pas non plus souscrire aux prétentions de M. Martineau voulant que son dossier ait traîné pendant des années en raison du manque de diligence des agents de l’ARC dans le traitement de celui-ci ou de leur défaut de donner suite à ses communications. La preuve au dossier démontre plutôt que l’ARC a essayé à plusieurs reprises de prendre contact avec M. Martineau, mais que ce dernier ne semblait pas avoir de domicile fixe. Il est regrettable que les agents de l’ARC et M. Martineau se soient parfois laissé mutuellement des messages vocaux enregistrés sans réussir à se parler de vive voix, mais je suis satisfait qu’en regard de la preuve au dossier, l’ARC a fait preuve de diligence pour tenter de rejoindre M. Martineau au fil des ans, même si la prise de contact avec lui s’est avérée difficile en raison des multiples changements d’adresse ou de numéros de téléphone auxquels M. Martineau pouvait être rejoint.

IV.  Conclusion

[27]  Pour les motifs exposés plus haut, la demande de contrôle judiciaire de M. Martineau est rejetée, car le refus de la demande d’allègement par l’ARC fait éminemment partie des issues possibles et acceptables que pouvait déterminer l’ARC dans les circonstances, à la lumière de la preuve devant elle et du droit applicable. Il n’y a pas de motifs qui justifient l’intervention de la Cour à l’encontre de la Décision d’août 2014.

[28]  Comme l’avocat de l’ARC l’a indiqué lors de l’audience, l’ARC ne demande pas de dépens dans le contexte du présent dossier, et la Cour n’en accorde donc aucun.

 


JUGEMENT au dossier T-194-15

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-194-15

 

INTITULÉ :

DOMINIQUE MARTINEAU c L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Dominique Martineau

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Louis Sébastien

 

Pour LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LA DÉFENDERESSE

 

 

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