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Date : 20180706


Dossier : IMM-4951-17

Référence : 2018 CF 700

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

JAGSEER SING SEKHON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par un agent des visas du Consulat général du Canada à New York, aux États-Unis (l’agent), le 2 octobre 2017, qui a refusé la demande de permis de travail et de visa de résident temporaire du demandeur (la décision).

[2]  Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la demande est rejetée, car j’ai conclu que l’agent n’a pas fait abstraction de preuve substantielle ni n’a fondé sa décision sur un raisonnement abusif ou arbitraire, comme l’alléguait le demandeur, ce qui aurait rendu la décision déraisonnable.

II.  Énoncé des faits

[3]  Le demandeur, Jagseer Sing Sekhon, est un citoyen de l’Inde qui vit actuellement au Canada aux termes d’un permis de séjour temporaire. M. Sekhon est un chauffeur de poids lourd professionnel qui s’est vu offrir un emploi de conducteur de grand routier au Canada par une société de transport canadienne qui, ayant obtenu une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) favorable du gouvernement canadien, était autorisée à embaucher un certain nombre de camionneurs étrangers. M. Sekhon a fait une demande de visa de résident temporaire et de permis de travail en vue d’occuper cet emploi.

[4]  M. Sekhon a vécu aux Émirats arabes unis de 2008 à 2017 mais, au moment de sa demande, il était au Canada au titre d’un permis de séjour temporaire qui lui avait été délivré pour rendre visite à sa sœur malade.

[5]  Le 2 octobre 2017, l’agent a envoyé une lettre à M. Sekhon l’informant que sa demande de permis de travail avait été rejetée au motif qu’il n’était pas convaincu que M. Sekhon quitterait le Canada à la fin de son séjour. À l’appui de sa décision, l’agent a mentionné le statut d’immigration de M. Sekhon et ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence. Le dossier certifié du tribunal déposé à l’appui de la présente demande contrôle judiciaire comprend également les notes de l’agent, datées du 2 octobre 2017, qui indiquent ce qui suit :

[traduction]

Le sujet demande un permis de travail pour travailler comme conducteur de grand routier, en application de l’EIMT 8215378, pour l’entreprise Shergill Transport Ltd. Le sujet est au Canada depuis mai 2017. Il est entré au Canada grâce à un permis de séjour temporaire pour rendre visite à sa sœur qui est malade. Le sujet s’est vu refuser des permis de voyage à plusieurs reprises auparavant. Avant de venir au Canada, le sujet travaillait aux Émirats arabes unis depuis 2008. Le dernier emploi qu’il a occupé était celui de chauffeur de poids lourd, de 2013 à 2017. Une lettre de référence d’emploi figure au dossier. Le sujet n’est pas marié et il n’a pas d’enfants. Ses parents vivent en Inde et son unique sœur vit au Canada. Il a des liens étroits avec le Canada. Il n’a présenté aucun élément de preuve attestant de ses liens aux Émirats arabes unis, ni de liens étroits avec son pays d’origine. Après avoir examiné le dossier dans son intégralité, je ne suis pas convaincu que le sujet sera un résident temporaire de bonne foi qui sera obligé de quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé. Demande refusée.

[6]  M. Sekhon sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision défavorable.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[7]  La seule question soulevée par le demandeur, et que doit examiner la Cour, est de savoir si la décision de l’agent est déraisonnable. Comme l’indique l’énoncé de la question, les parties conviennent, et je suis d’accord, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

IV.  Discussion

[8]  M. Sekhon soutient que la décision est déraisonnable à plusieurs égards. Il allègue ainsi que l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve et a omis de tenir compte de son excellent dossier concernant le respect des conditions d’immigration. Il souligne qu’il a vécu pendant de nombreuses années aux Émirats arabes unis, à titre de résident temporaire, et qu’il réside actuellement au Canada depuis plusieurs mois, et qu’il n’a jamais enfreint les lois applicables en matière d’immigration. De même, M. Sekhon soutient que l’agent n’a pas tenu compte du fait qu’il présente un casier judiciaire et un dossier civil sans tache, lorsqu’il a conclu que M. Sekhon était susceptible d’enfreindre les lois canadiennes sur l’immigration en omettant de quitter le Canada à la fin de séjour autorisé.

[9]  Enfin, M. Sekhon soutient que l’agent, en concluant qu’il avait des liens étroits au Canada mais qu’il n’avait pu démontrer l’existence de liens importants en Inde, a rendu une décision fondée sur un raisonnement abusif et arbitraire. Il fait valoir à ce sujet que le seul lien au Canada auquel l’agent fait référence est sa sœur, mais que ses parents, eux, vivent en Inde. Il prétend donc que la décision est déraisonnable, car l’agent n’a pas expliqué pourquoi la présence de sa sœur au Canada représente un lien étroit avec ce pays, alors que la présence de ses parents en Inde ne démontre pas de lien étroit avec son pays de citoyenneté.

[10]  J’examinerai d’abord ce dernier argument et je note, à ce sujet, que le défendeur renvoie à l’affaire Solopova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, au paragraphe 31, où le juge Gascon a invoqué l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, pour expliquer que les motifs d’un tribunal administratif doivent être considérés dans leur ensemble, conjointement avec le dossier dont a été saisi le tribunal, pour déterminer s’ils possèdent les attributs de la raisonnabilité, laquelle tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité. En l’espèce, les notes de l’agent précisent que M. Sekhon n’est pas marié et qu’il n’a pas d’enfants. L’agent reconnaît que les parents de M. Sekhon vivent en Inde; cependant, il mentionne également dans ses notes que le demandeur vit aux Émirats arabes unis depuis 2008. Sur la base de ce dossier, je ne peux conclure que la conclusion de l’agent, selon laquelle M. Sekhon n’a pas présenté d’éléments de preuve attestant de ses liens étroits avec l’Inde, n’appartient pas aux issues possibles acceptables.

[11]  En ce qui a trait au Canada, les notes de l’agent précisent que l’unique frère ou sœur de M. Sekhon vit au Canada et que M. Sekhon est actuellement en visite au Canada parce que sa sœur est malade; M. Sekhon allègue que cela ne suffit pas pour conclure qu’il a des liens étroits avec le Canada. Là encore, je ne peux conclure que cette conclusion de l’agent n’appartient pas aux issues possibles acceptables, en particulier lorsqu’on considère l’ensemble de la matrice factuelle indiquant la résidence temporaire prolongée de M. Sekhon dans un tiers pays (les Émirats arabes unis), sa présence récente au Canada où vit son unique sœur et la possibilité d’emploi qui lui a été offerte et qui fait l’objet de la demande sous-jacente.

[12]  Quant à l’argument selon lequel l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve, je reconnais que ni la décision ni les notes à l’appui ne font expressément référence au dossier d’immigration, au casier judiciaire ou au dossier civil sans tache de M. Sekhon. Je note également que M. Sekhon invoque la décision rendue dans Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 894, au paragraphe 24, où le juge en chef Crampton a conclu que l’agent des visas dans cette affaire avait omis de tenir compte du fait que le demandeur s’était conformé aux lois sur l’immigration. Cependant, le juge en chef a aussi expliqué que le défaut de prendre ce facteur en considération ne constituait pas, à lui seul, un motif pour conclure qu’une décision est déraisonnable. Eu égard aux faits propres à cette affaire, l’omission constituait plutôt une lacune qui, prise avec les autres, dans leur ensemble, rendait la décision déraisonnable. En l’espèce, je n’ai relevé aucune autre lacune dans l’analyse de l’agent et je ne peux conclure que l’absence de renvoi au dossier favorable de M. Sekhon en matière d’immigration constitue une erreur susceptible de révision.

[13]  De plus, il est acquis en matière jurisprudentielle qu’un décideur administratif est présumé avoir pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire (voir, par exemple, Rahman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016, CF 793, au paragraphe 17). L’agent des visas n’est pas tenu de faire référence à chaque élément de preuve bien que, plus un élément de preuve allant à l’encontre de la conclusion du décideur soit important, plus la cour pourrait être disposée à conclure que l’absence de référence à cette preuve dans la décision signifie que cet élément n’a pas été pris en compte (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, au paragraphe 16). Le dossier d’immigration, le casier judiciaire et le dossier civil sans tache de M. Sekhon ne constituent pas des éléments de preuve qui vont à l’encontre d’une conclusion de l’agent, et je ne peux conclure que cet élément de preuve est suffisamment important dans la décision de l’agent pour conclure que celui-ci n’en a pas tenu compte.

[14]  N’ayant trouvé aucune raison de conclure que la décision est déraisonnable, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4951-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4951-17

INTITULÉ :

JAGSEER SING SEKHON c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 juin 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Shepherd Moss

Pour le demandeur

Aman Owais

Mark E.W. East

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chand & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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