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Date : 20180727


Dossier : IMM-4829-17

Référence : 2018 CF 786

Montréal (Québec), le 27 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

MASTAKI ATOME

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Cette demande de contrôle judiciaire est déposée à l’encontre d’une décision défavorable de la Section de la Protection des Réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada datée du 7 août 2017. Il s’agit d’une audience de novo d’une affaire qui avait été renvoyée à la SPR par cette Cour pour réévaluation suite à un consentement des parties.

[2]  Pour les raisons qui suivent, je conclus que cette deuxième décision doit aussi être rejetée.

II.  Faits

[3]  La demanderesse est une citoyenne de la République Démocratique du Congo (RDC) âgée de 19 ans. En novembre 2015, la demanderesse a quitté la RDC en direction d’Haïti pour rejoindre son père qui travaille pour les Nations Unies. Elle a obtenu un visa américain et a rejoint sa sœur au Canada le 3 avril 2016.

[4]  La demanderesse allègue avoir été arrêtée et violée à Kinshasa par le gouvernement congolais lors des manifestations violentes du 20 janvier 2015 contre l’amendement à la Constitution qui a permis au président Kabila d’obtenir un troisième mandat. Ces manifestations, qui ont fait les grands titres de l’actualité, avaient été organisées, en partie, par le parti de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (l’ECIDE), parti politique opposé au président Kabila auquel elle était sympathisante.

[5]  La demanderesse n’a jamais été officiellement membre du parti politique en raison de son jeune âge. Cependant, elle a été influencée par sa sœur qui avait fait l’objet d’enlèvement et d’agressions sexuelles pour son implication au sein de l’ECIDE. La sœur de la demanderesse avait réussi à fuir le pays et à obtenir son statut de réfugié au Canada en 2012.

[6]  La demanderesse allègue avoir été libérée de prison le 24 janvier 2015, après l’intervention d’un avocat embauché par ses parents. La répression du gouvernement aurait continué malgré sa libération, l’obligeant à quitter le pays après avoir fait l’objet d’une tentative d’enlèvement par les partisans de Kabila le 9 septembre 2015.

III.  Décision

[7]  La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse pour les raisons de crédibilité suivantes : (i) il y avait une incohérence majeure en ce qui concerne les circonstances entourant sa libération de prison suite à son arrestation lors des manifestations du 20 janvier 2015, (ii) il y avait une contradiction entre le témoignage de la demanderesse qu’elle avait gardé un profil bas après sa libération, et la déclaration dans son narratif écrit qu’elle a continué à participer à des réunions de l’ECIDE pendant ce temps, et (iii) la demanderesse aurait omis de mentionner dans son narratif écrit qu’une amie avait disparu après son arrestation au même moment que l’arrestation de la demanderesse.

[8]  La SPR avait à sa disposition les éléments de preuve suivants : les lettres de l’avocat congolais de la demanderesse, une attestation médicale d’un psychologue congolais, un rapport médical et un affidavit de la sœur de la demanderesse. La SPR a rejeté la demande d’asile sans accorder aucune valeur probante à cette preuve documentaire. La SPR a expliqué que lesdits documents relataient des faits qu’elle avait jugés non crédibles.

IV.  Analyse

[9]  La demanderesse argumente premièrement que les conclusions de non-crédibilité contre elle furent déraisonnables. La demanderesse argumente deuxièmement que la SPR n’avait pas le droit de conclure que certains éléments de preuve n’avaient aucune valeur probante simplement puisqu’ils relataient des faits qu’elle avait déjà jugés non crédibles.

[10]  Je suis capable de conclure que la décision de la SPR doit être rejetée sur la base du deuxième argument de la demanderesse. Il n’est donc pas nécessaire que j’analyse les aspects de son premier argument.

[11]  De façon préliminaire, le défendeur s’oppose à plusieurs paragraphes de l’affidavit de la demanderesse parce qu’ils contiennent des arguments et des opinions. Je n’ai pas considéré les paragraphes en question en arrivant à cette décision.

[12]  Les conclusions sur la crédibilité de la demanderesse devaient être faites après avoir considéré toute la preuve pertinente. La SPR devait considérer tous les éléments de preuve avant de conclure qu’ils manquent de valeur probante. La SPR ne peut tirer une conclusion relativement à la demande en se fondant sur certains éléments de preuve et rejeter le reste de la preuve parce qu’elle est incompatible avec cette conclusion : Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 311 au para 20.

[13]  La SPR a considéré les lettres de l’avocat congolais de la demanderesse, mais ne semble pas avoir considéré les autres éléments de preuve dont référence est faite au paragraphe [8] ci-dessus. Sa conclusion que les autres éléments de preuve manquaient de valeur probante puisqu’ils contredisaient les conclusions de la SPR étaient déraisonnable. Cette erreur par la SPR est suffisante pour rejeter sa décision.

[14]  Dans son mémoire, la demanderesse demande que je lui accorde le statut de réfugié au lieu de renvoyer sa demande d’asile à la SPR. À l’audition, la demanderesse demande plutôt que je rejette la décision de la SPR et que je demande qu’une nouvelle audition soit programmée le plus tôt possible.

[15]  Je suis en accord avec le défendeur que je ne devrais pas accorder le statut de réfugié. Je ne suis pas convaincu que les faits exceptionnels existent pour mériter une telle ordonnance.

[16]  En ce qui concerne la prochaine audition, je reconnais qu’il s’agit de la troisième fois pour la demanderesse. Elle attend, depuis son arrivée au Canada en avril 2016, une décision finale sur sa demande d’asile. Sans vouloir forcer la SPR ni déranger ses processus, je recommande que la demande d’asile de la demanderesse soit expédiée.

[17]  Les parties s’entendent qu’il n’y a pas de question grave de portée générale.


JUGEMENT au dossier IMM-4829-17

LA COUR STATUE que :

  • 1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  • 2. L’affaire est renvoyée à la Section de la Protection des Réfugiés pour être déterminée par un autre agent et la Cour recommande que la demande d’asile de la demanderesse soit expédiée;

  • 3. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier;

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4829-17

 

INTITULÉ :

MASTAKI ATOME c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 juillet 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Me Tshiombo Achille Kabongo

 

Pour la partie demanderesse

 

Me Gabrielle White

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Achille Kabongo Law Office

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

Pour la partie demanderesse

 

Procureur(e) général(e) du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour la partie défenderesse

 

 

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