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Date : 20180727


Dossier : IMM-5497-17

Référence : 2018 CF 795

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

EHSAN MOHSENI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), à l’encontre de la décision rendue par un agent des visas le 8 décembre 2017, qui a rejeté la demande de visa de résident temporaire du demandeur qui voulait poursuivre ses études à Montréal. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Les faits

[2]  Les faits présentés en l’espèce sont simples et ne sont pas contestés. Le demandeur est arrivé pour la première fois au Canada en février 2013, en provenance de l’Iran, pour faire un doctorat en génie chimique à l’École de technologie supérieure de Montréal. Le 29 septembre 2017, il a déposé une demande de visa de résident temporaire. Son dossier ne précise pas clairement les raisons justifiant la présentation d’une demande de visa à ce stade. À ce moment-là, le demandeur a déclaré qu’il avait présenté une demande de visa d’étudiant au Canada en 2012, ainsi qu’une demande de permis d’études au Canada en 2016. Il a également déclaré qu’il s’était rendu aux États-Unis en 2015 et qu’on lui avait déjà refusé un visa pour « l’espace Schengen ».

[3]  Le demandeur a toutefois omis de déclarer qu’il s’était déjà vu refuser un visa pour se rendre aux États-Unis, en 2016. Ayant été invité à présenter un article lors de la conférence annuelle de 2016 de l’American Society for Nondestructive Testing, du 24 au 27 octobre 2016, le demandeur a présenté une demande de visa de non-immigrant aux États-Unis le 26 juin 2016. Le 20 octobre 2016, il n’avait toujours pas reçu son visa pour les États-Unis et, ne sachant pas si sa demande serait acceptée, il a annulé sa participation à la Conférence. Le 18 avril 2017, il a été informé par courriel qu’il avait été déclaré interdit de territoire aux États-Unis et non admissible à l’obtention d’un visa de non-immigrant et, un mois plus tard, il recevait un deuxième courriel à ce sujet. Un refus net était donc inscrit à son dossier, et ce fait n’est pas nié.

[4]  L’agent des visas qui a traité sa demande pour venir au Canada a noté que le demandeur n’avait pas divulgué qu’un visa lui avait été refusé aux États-Unis et il a informé le demandeur qu’il disposait d’un certain délai pour fournir des renseignements supplémentaires concernant cette non-divulgation.

II.  La décision

[5]  La demande de visa de résident temporaire au Canada a été rejetée, parce que le demandeur n’a pas satisfait aux exigences de la LIPR et de son règlement. La lettre précise que le demandeur a été déclaré interdit de territoire au Canada pour avoir, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. L’alinéa 40(1)a) de la LIPR, qui s’applique, est ainsi libellé :

Fausses déclarations

Misrepresentation

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

Il s’ensuit de cette décision que le demandeur est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations, pour une période de cinq ans.

[6]  Les notes inscrites dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), qui font partie de la décision rendue, sont plus explicites quant aux motifs pour lesquels il a été conclu qu’il y avait eu fausses déclarations. L’agent des visas n’a pas accepté l’explication fournie par le demandeur qui a déclaré avoir oublié qu’un visa lui avait été refusé aux États-Unis à cause du temps qu’il avait fallu aux autorités américaines pour traiter sa demande. Le demandeur a aussi indiqué qu’il faisait à l’époque des études de doctorat et qu’il avait annulé son voyage aux États-Unis; c’est la seule explication qu’il a fournie et il n’a soulevé aucune autre question.

[7]  L’agent note toutefois que les courriels de refus envoyés par les autorités américaines étaient récents; le demandeur avait présenté sa demande de visa canadien en septembre 2017 et les autorités américaines lui avaient signifié leur refus seulement quelques mois auparavant, soit en avril et en mai 2017. Selon l’agent des visas, [traduction] « (l)a question est claire et le demandeur l’a comprise puisqu’il a mentionné le visa Schengen qui lui avait été précédemment refusé. Compte tenu de ce qui précède et du court laps de temps qui s’est écoulé entre le refus de la demande de visa aux États-Unis et la présentation de la demande de visa de résident temporaire au Canada, les explications fournies par le demandeur n’apaisent pas mes préoccupations ».

III.  Norme de contrôle et arguments des parties

[8]  Les parties conviennent que la norme de contrôle qui s’applique dans une affaire comme celle-ci est celle de la décision raisonnable. Une abondante jurisprudence appuie cette position (Li c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 87 [Li], Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 419 [Sidhu], Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425 [Goudarzi]).

[9]  Il s’ensuit que, pour avoir gain de cause, le demandeur doit démontrer que la décision ne respecte pas les critères de justification, de transparence et d’intelligibilité ou qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[10]  Le demandeur n’invoque qu’un seul argument, à savoir le fait qu’il a oublié de mentionner le refus de sa demande de visa aux États-Unis. D’entrée de jeu dans son mémoire des faits et du droit, au premier paragraphe de la rubrique intitulée « Overview » [aperçu], le demandeur parle d’un simple oubli qui constitue une erreur de bonne foi et qui rendrait de ce fait déraisonnable la décision de l’agent des visas. Le demandeur mentionne également les conséquences qui découlent de son interdiction de territoire et laisse entendre que l’agent des visas aurait dû en tenir compte. Il soutient qu’il a cessé de faire le suivi de sa demande de visa aux États-Unis dès le moment où il a retiré son article de la conférence, étant plutôt préoccupé par sa lourde charge de travail. Voici ce qui est mentionné à ce sujet : [traduction] « (e)n raison du long délai de traitement de sa demande de visa aux États-Unis et du stress associé à ses études, le demandeur a tout simplement oublié de mentionner la demande de visa aux États-Unis sur ses formulaires de demande » (Mémoire des faits et du droit du 16 février 2018, au paragraphe 17).

[11]  Le demandeur fait valoir qu’il doit y avoir présentation erronée sur un fait important qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR pour que l’article 40 de la LIPR s’applique. Invoquant apparemment Karunaratna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 421, le demandeur soutient qu’une erreur raisonnable commise de bonne foi ou un malentendu peut échapper à l’application de l’article 40 de la LIPR. L’agent aurait donc dû tenir compte du fait que le demandeur a commis une erreur de bonne foi et que cela constituait un facteur pertinent. Le demandeur estime que l’explication qu’il a fournie concernant l’omission du visa qui lui avait été refusé aux États-Unis était suffisante et, donc, que la décision de l’agent des visas était déraisonnable. Ayant divulgué le refus d’un visa Schengen, le demandeur ajoute qu’il n’avait aucune raison de ne pas divulguer le refus du visa américain, ce qui viendrait confirmer qu’il s’agit d’une erreur commise de bonne foi.

[12]  Le demandeur a aussi mentionné que l’interdiction de territoire pendant cinq ans l’empêchera de poursuivre des études postdoctorales au Canada, de présenter une demande de permis de travail postdiplôme et de présenter une demande de résidence permanente au Canada à titre d’immigrant de la composante économique. Il estime que la peine prévue par la loi aurait dû être prise en compte dans la décision concluant à la production de fausses déclarations.

[13]  Le défendeur fait essentiellement valoir que le demandeur ne fait que contester la décision, sans présenter quelque élément permettant d’en établir le caractère déraisonnable. Or, la grande déférence que commandent les décisions prises par le décideur relativement aux demandes de visa exige qu’il soit démontré que la décision est déraisonnable. Cependant, aucune démonstration de la sorte n’a été faite en l’espèce. Invoquant une jurisprudence récente (Li, Sidhu et Goudarzi), le défendeur soutient qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que la fausse déclaration était intentionnelle ou qu’elle soit le résultat d’une négligence. L’omission du refus d’un visa aux États-Unis constitue une fausse déclaration sur un fait important. Il était donc raisonnable de conclure que le défaut du demandeur de divulguer ce refus très récent aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la loi.

[14]  Le défendeur souligne par ailleurs que le demandeur est une personne très instruite et qu’il a été informé quelques mois seulement avant la présentation de sa demande de visa au Canada que sa demande de visa aux États-Unis avait été refusée, et cela est important. L’agent n’a pas omis d’examiner l’explication fournie par le demandeur. Il l’a examinée, puis l’a rejetée. Rien n’obligeait l’agent à accepter une explication simplement parce qu’elle a été avancée. Le rôle de l’agent des visas était d’évaluer l’explication, puis de rendre une décision. Aucun élément n’a été présenté pour démontrer que la décision prise était déraisonnable.

[15]  Dans un mémoire complémentaire des faits et du droit, le défendeur renvoie la Cour à la décision rendue dans Alalami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 328, au paragraphe 16 :

[16]  J’accepte toutes ces propositions en droit. La difficulté pour M. Alalami de faire valoir sa position découle du fait que l’agent n’a pas accepté son explication selon laquelle l’omission du refus de visa des États-Unis était un oubli involontaire. Si cette explication avait été acceptée, il aurait peut-être incombé à l’agent d’examiner l’exception d’erreur innocente pour évaluer la question de savoir si la croyance de M. Alalami selon laquelle il ne dissimulait pas de l’information importante était non seulement honnête mais raisonnable, compte tenu du libellé la question pertinente dans le formulaire de demande. Cependant, l’exception n’a aucune application potentielle en l’absence d’une conclusion que l’erreur était effectivement innocente. Je ne peux conclure que l’agent a commis une erreur en omettant d’examiner expressément l’application de l’exception lorsqu’il a conclu que M. Alalami avait intentionnellement omis de divulguer le refus de visa des États-Unis.

IV.  Discussion

[16]  L’argument invoqué par le demandeur en l’espèce n’atteint pas le seuil requis pour conclure que la décision de l’agent des visas n’était pas raisonnable. L’agent des visas n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve. Il a pris acte de l’explication que lui a fournie le demandeur après avoir reçu la « lettre relative à l’équité procédurale », mais il ne l’a pas acceptée. Les motifs établissent la justification, la transparence et l’intelligibilité qui rendent une décision raisonnable. Le demandeur a reçu les avis des autorités américaines à peine quatre mois avant de présenter sa demande de visa au Canada et il comprenait parfaitement la question qui, par ailleurs, ne laissait planer aucun doute. De plus, le demandeur est une personne très instruite qui avait déjà présenté des demandes de visa par le passé.

[17]  Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur mentionne qu’il était loisible au défendeur d’accepter son explication. C’est peut-être vrai. Malheureusement, il ne s’agit pas du critère à remplir pour accueillir une demande de contrôle judiciaire. Même s’il est vrai qu’il était peut-être loisible à l’agent d’accepter l’explication fournie – une question sur laquelle je ne me prononcerai pas – il lui était tout aussi loisible d’évaluer l’explication et de refuser le visa. Le demandeur devait démontrer que la décision n’était pas raisonnable, ce qu’il n’a pas fait. Il n’a pas démontré l’absence de justification de la décision, ni l’absence de transparence et d’intelligibilité du processus décisionnel, et il reconnaît implicitement que l’une des issues possibles acceptables était que l’agent n’a pas cru à son explication.

[18]  Il est très difficile de savoir ce que le demandeur espère obtenir en mentionnant qu’il sera interdit de territoire au Canada pour les cinq prochaines années. Il ne s’agit pas d’une peine discrétionnaire imposée par l’agent, mais simplement d’une peine qui découle de l’application de la loi (paragraphe 40(2) de la LIPR) lorsqu’il est établi qu’il y a eu fausses déclarations et que celles-ci risquent d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Le demandeur n’a pas satisfait au critère à remplir, car il n’a présenté aucun élément démontrant que le rejet de son explication était déraisonnable.

[19]  Cela permet de statuer sur l’affaire telle qu’exposée dans le mémoire des faits et du droit présenté par le demandeur. Lors de l’audience, toutefois, le demandeur a soulevé un argument différent, dont ni le défendeur ni la Cour n’avaient été informés; le défendeur ne pouvait donc pas y répondre. Je suis d’avis que le demandeur a reformulé l’affaire afin d’inclure de nouveaux éléments.

V.  Nouveaux arguments

[20]  À la suite de la présentation de nouveaux arguments lors de l’audience, les parties ont eu la possibilité de soumettre des observations sur la possibilité, pour la Cour, d’exercer un pouvoir discrétionnaire et de considérer durant l’audience des arguments dépassant la portée de la demande de contrôle judiciaire autorisée et, le cas échéant, sur la manière dont la Cour devrait exercer ce pouvoir discrétionnaire.

A.  S’agit-il d’un argument nouveau?

[21]  Le demandeur a fait valoir que les arguments avancés durant l’audience n’étaient pas nouveaux, mais qu’ils constituaient plutôt une version plus étoffée et étendue des arguments présentés par écrit dans la demande d’autorisation et la réponse. Il soutient qu’il s’agit pour la Cour de déterminer si la décision rendue par l’agent des visas au sujet des fausses déclarations était raisonnable et ajoute que le paragraphe 40(1) de la LIPR ouvre la voie à une argumentation beaucoup plus large puisque cette disposition exige que la fausse déclaration concerne un fait important. Il est allégué que le renvoi aux deux affaires citées aux paragraphes 37 et 38 du mémoire des faits et du droit appuie la prétention que le « nouvel argument » a déjà été examiné et que la présentation d’une version plus étoffée trouve appui dans ces deux paragraphes.

[22]  Le « nouvel argument », ainsi qu’il a été avancé, consiste à prétendre que l’omission ne constitue pas un fait important parce que l’agent des visas savait, en septembre 2017, que le permis d’études du demandeur, et non son visa de résident temporaire, avait été renouvelé. Or, comme il n’y avait eu aucun problème lors du renouvellement du permis d’études, il n’aurait raisonnablement pas dû y en avoir lorsque le demandeur a présenté une demande de visa de résident temporaire.

[23]  Cette prétention pose plusieurs problèmes. Premièrement, si ce point a été soulevé aux paragraphes 37 et 38 du mémoire des faits et du droit, il l’a été d’une manière très vague. On n’y trouve en effet pas même un semblant d’allusion à un permis d’études qui aurait quelque pertinence dans l’examen la question en litige. Le demandeur n’a formulé qu’un seul argument : je n’ai pas mentionné le refus du visa parce que j’ai oublié. C’était une erreur commise de bonne foi. Deuxièmement, les deux paragraphes en question se trouvent sous la rubrique « Application to Case at Bar » (application à l’affaire en instance), qui cherche à établir que l’article 40 ne s’applique pas si l’erreur a été commise de bonne foi.

[24]  Troisièmement, prétendre que la question se résume à déterminer si la décision de l’agent des visas était raisonnable n’est qu’une invitation à invoquer n’importe quel argument permettant d’établir le caractère raisonnable. Comme la grande majorité des questions soulevées dans le cadre d’un contrôle judiciaire doivent être examinées en regard de la norme de la décision raisonnable, cette prétention conduit inexorablement à une politique de la porte ouverte, selon laquelle de nouvelles questions peuvent être soulevées à tout moment lorsqu’on débat du caractère raisonnable d’une décision. Il ne faut pas confondre la norme de contrôle qui s’applique à une question et la question proprement dite. La question en l’espèce était plutôt de savoir si le demandeur a commis une erreur de bonne foi, une question qui doit être examinée par une cour supérieure en regard d’une norme de la décision raisonnable qui commande la déférence.

[25]  Quatrièmement, à peu près les mêmes observations peuvent être formulées au sujet de la question de l’importance des faits. En l’espèce, le demandeur fait maintenant valoir que la fausse déclaration (c.-à-d. l’omission du refus du visa aux États-Unis) n’est pas importante, car il était déjà titulaire d’un visa d’études au Canada. Cela constitue une nouvelle question. Il ne s’agit plus de déterminer si le demandeur a commis une erreur de bonne foi, car celui-ci soulève maintenant un nouvel argument concernant l’importance de la non-divulgation. Sans la moindre indication fournie par le demandeur pour préciser que le renouvellement de son permis d’études était un autre argument en faveur de sa contestation, il est impossible de répondre à cet argument qui est en fait totalement nouveau. En l’absence d’un minimum d’argument, on ne peut prétendre qu’il s’agit tout simplement d’une version plus détaillée. On ne peut expliquer plus en détail un point qui n’a pas encore été soulevé.

[26]  Cinquièmement, le dossier présenté à l’appui du contrôle judiciaire n’ouvre pas la voie à l’argument voulant que le renouvellement du permis d’études soit un élément à prendre en compte. Cela laisse croire que cet argument n’a pas été examiné, car la validité d’un argument dépend des renseignements qui ont été communiquées lors du renouvellement. En d’autres termes, le refus du visa aux États-Unis faisait-il partie des renseignements communiqués lors du renouvellement du permis d’études? La demande de renouvellement ne figurait ni dans le dossier certifié du tribunal ni dans le dossier du demandeur, comme il est devenu péniblement évident durant l’audience. Cet élément manquant, par ailleurs essentiel, laisse croire que le nouvel argument a été avancé bien après les faits. De fait, il serait étonnant que le demandeur ait divulgué le refus lors du renouvellement de son permis d’études et qu’il ait oublié de le mentionner dans sa demande de visa de résident.

[27]  Par conséquent, la Cour doit conclure que le demandeur a cherché à porter devant la Cour de nouveaux arguments qu’il n’a pas invoqués en réponse à la « lettre relative à l’équité procédurale », dans son mémoire des faits et du droit présenté à l’appui de sa demande d’autorisation, ou dans sa réponse au mémoire de la Couronne.

B.  L’argument devrait-il être examiné?

[28]  La question est donc de savoir si la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire et prendre en compte de nouveaux arguments qui sont présentés pour la première fois lors de l’audition d’une affaire.

[29]  Le défendeur fait valoir qu’il existe une grande série d’affaires qui, pour reprendre les mots de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Coomaraswamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 153; 213 DLR (4th) 285; [2002] 4 RCF 501, ont conclu que, « (c)omme cette question ne figurait pas dans le mémoire des appelants, l’avocat du ministre n’a pas eu l’occasion d’y répondre. Il ne serait donc pas approprié pour la Cour de la trancher » (paragraphe 39). Dans Kazi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 733, notre Cour est encore plus directe :

[12]  Il n’est pas loisible au demandeur de remanier ses arguments à l’audience. Lorsque l’exposé du demandeur ne soulève pas une question, l’avocat du défendeur n’a pas l’occasion d’y répondre et il ne convient pas que la Cour la tranche; se reporter à cet égard à Coomaraswamy et al. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 153; 2002 A.C.F. n° 603. On n’examinera pas, par conséquent, l’argument selon lequel le demandeur devrait être informé de son droit de retenir les services d’un interprète.

Le même argument a été avancé dans Dave c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 510 :

[5]  Un certain nombre d’arguments avancés dans le cadre des observations écrites ont été abandonnés lors de l’audience. Cependant, l’avocat du demandeur a tenté de soulever oralement de nouveaux arguments qui ne l’avaient pas été dans son mémoire des faits et du droit, sa réplique ou ses autres mémoires. Le défendeur s’y est opposé au motif qu’il n’est pas approprié que la Cour examine des arguments ne figurant pas dans le mémoire lorsque l’avocat de la partie adverse n’en a pas reçu avis et n’a pas eu la possibilité de répondre. Voir Coomaraswamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 501 (C.A.). Je suis en accord avec le défendeur et je n’ai pas autorisé le demandeur à soumettre ces arguments. J’ai en outre rejeté sa demande d’ajournement qui visait à lui permettre de modifier son mémoire. Les arguments soulevés par M. Dave étaient les suivants :

a)  la SAI a commis une erreur en omettant d’examiner les notes de service sur les opérations OP03-19 (OP 2/OP 03-19/23 juin 2003) (la politique), et

b)  l’alinéa 117(9)d) est contraire à l’article 7 de la Charte.

Plus récemment, la question a été résolue de la même manière dans Abdulkadir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 318 [Abdulkadir], au paragraphe 81 et dans Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754. Le paragraphe 81 de la décision Abdulkadir résume bien la question :

[81]  Lors de l’audience relative à cette demande, la demanderesse a soulevé une question relativement à la conclusion de la SPR selon laquelle ses parents et elle, appartiennent à la « catégorie secondaire », conformément à la directive 2004 du gouvernement éthiopien à laquelle fait référence la décision. L’avocat du défendeur a souligné avec raison que cette question n’avait pas été soulevée dans les observations écrites, qu’il était ainsi incapable d’en traiter et que la Cour ne devrait pas la prendre en considération à ce stade. En réponse, l’avocat de la demanderesse ne s’est pas opposé à la position du défendeur. La jurisprudence de la Cour laisse entendre qu’à moins d’une situation exceptionnelle, de nouveaux arguments non présentés dans le mémoire des faits et du droit d’une partie ne doivent pas être considérés, puisque cela porterait préjudice à la partie opposée, et pourrait faire en sorte que la Cour ne puisse pas évaluer convenablement les mérites de ce nouvel argument. Voir Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754 au paragraphe 12 à 14 [Del Mundo]; Mishak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 173 FTR 144 (1re inst.). Dans le cas qui nous concerne, la demanderesse a soulevé plusieurs arguments quant au caractère raisonnable des conclusions de la SPR à propos des cartes d’identité des parents de la demanderesse, à l’interprétation des rapports du Dr Campbell et à l’application des Directives du président. L’argument selon lequel ses parents et elle, n’appartiennent pas à la « catégorie secondaire » selon la directive 2004 n’est pas simplement une version plus étoffée de ces arguments et ne justifie pas l’exception permise dans Del Mundo. Le défendeur subirait un préjudice si la Cour tenait compte du nouvel argument de la demanderesse à ce stade avancé; ainsi, la Cour décide de ne pas considérer cet argument.

[30]  Le demandeur fait valoir que la Cour a un pouvoir discrétionnaire qui devrait être exercé en sa faveur. Il invoque à l’appui Al Mansuri c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 22 [Al Mansuri].

[31]  Dans Al Mansuri, la Cour devait décider si elle devait ou non prendre en compte de nouveaux arguments invoqués dans un mémoire complémentaire des faits et du droit présenté après que la demande d’autorisation avait été accueillie. La Cour a conclu qu’elle ne devrait pas user de son pouvoir discrétionnaire pour permettre l’examen des questions. C’est dans ce contexte de la présentation de nouveaux arguments avancés pour la première fois dans un mémoire complémentaire des faits et du droit que la Cour a cherché à définir un cadre qui pourrait servir de guide, en précisant que chaque affaire devait être examinée au cas par cas et que la liste des facteurs définis dans le cadre n’était pas exhaustive. Comme l’a souligné la Cour dans Lebedeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1165 :

[27]  Il ne faut pas oublier que, dans la décision Al Mansuri, ces facteurs étaient énoncés à propos d’un nouvel argument avancé dans l’exposé complémentaire des faits et du droit du demandeur. Lorsque le nouvel argument est avancé pour la première fois au cours de l’audience, le défendeur n’ayant dès lors pas la possibilité de réagir au nouveau point soulevé, la Cour doit être encore plus circonspecte dans l’application de ces facteurs.

[32]  Par conséquent, les facteurs qui pourraient être pris en compte, en tenant dûment compte des circonstances de l’espèce, sont énoncés au paragraphe 12 de la décision Al Mansuri :

[12]  Pour ces motifs donc, je suis d’avis qu’il appartient dans tous les cas à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en permettant ou non que des arguments soient invoqués pour la première fois dans l’exposé complémentaire des faits et du droit présenté par une partie. Les facteurs à prendre en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire comprennent à mon avis les suivants :

(i)  Les faits et éléments intéressant les nouveaux arguments étaient‑ils tous connus (ou raisonnablement accessibles) à l’époque où la demande d’autorisation fut déposée et/ou mise en état?

(ii)  Est‑il possible que la partie adverse subisse un préjudice si les nouveaux arguments sont étudiés?

(iii)  Le dossier révèle‑t‑il tous les faits à l’origine des nouveaux arguments?

(iv)  Les nouveaux arguments sont‑ils apparentés à ceux au regard desquels fut accordée l’autorisation?

(v)  Quelle est la force apparente des nouveaux arguments?

(vi)  Le fait de permettre que les nouveaux arguments soient invoqués retardera‑t‑il indûment l’audition de la demande?

[33]  À mon avis, il ne fait guère de doute qu’un examen fondé sur les facteurs énoncés dans Al Mansuri favorise le défendeur. Pour invoquer quelque argument relatif au renouvellement d’un permis d’études en septembre 2017, il faut tout au moins établir quels renseignements ont été fournis à l’appui de ce renouvellement. Or, ces renseignements, pourtant connus au moment où la demande d’autorisation a été présentée, ne figurent pas au dossier. Il s’agit certes d’un fait important et pertinent pour l’examen de la question que le demandeur souhaite maintenant soulever.

[34]  Cela cause un préjudice au défendeur, car les éléments de preuve requis sont absents et que la question maintenant soulevée n’avait pas été invoquée jusque-là. L’équité exige que les questions soulevées lors d’un contrôle judiciaire soient énoncées de manière précise. Le demandeur ne peut se retrancher derrière l’argument qu’il conteste le caractère raisonnable de la décision et s’intéresse à l’importance de la fausse déclaration. Je conviens avec le défendeur que le demandeur a remanié ses arguments lors de l’audience et qu’il a largement dépassé les questions pour lesquelles l’autorisation avait été accordée. Dans l’affaire initiale, le demandeur faisait valoir que l’agent, en refusant d’accepter que l’omission était une erreur commise de bonne foi, avait rendu une décision déraisonnable, compte tenu des conséquences importantes en découlant; il avance maintenant un nouvel argument qui porte sur l’importance de la fausse déclaration et qui s’appuie sur le renouvellement d’un permis d’études à propos duquel aucun renseignement ne figure au dossier, si ce n’est d’une mention indiquant qu’un permis d’études a été renouvelé.

[35]  En l’espèce, les faits et éléments intéressant la nouvelle question étaient connus au moment où la demande d’autorisation a été présentée. Le dossier ne fait pas mention des faits nécessaires à l’examen de cette nouvelle question, parce que cette nouvelle question n’est pas liée à celles au regard desquelles l’autorisation a été accordée, et cela cause un grave préjudice au défendeur.

[36]  Après avoir examiné les observations, j’en arrive à la conclusion qu’il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’exercer le pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur. Cela serait fondamentalement injuste envers le défendeur, du fait que l’affaire a été plaidée en invoquant un argument et que, devant la Cour, de nouveaux arguments ont été avancés, privant ainsi le défendeur de la possibilité de se préparer et d’assister la Cour.

[37]  On nuirait également à l’administration de la justice si l’on autorisait un demandeur à s’écarter de l’affaire pour laquelle l’autorisation d’introduire une instance devant la Cour a été accordée. Une telle approche constituerait une incitation à prendre l’autre partie par surprise afin d’obtenir un avantage tactique ou de forcer la Cour à accorder un ajournement. De fait, la LIPR précise un délai à respecter, l’article 74 voulant que l’audition ne puisse être tenue à plus de 90 jours de la date à laquelle la demande d’autorisation est accueillie. Je suis d’avis qu’à moins de circonstances vraiment extraordinaires la Cour ne devrait pas accepter que de nouveaux arguments soient examinés le jour de l’audience et qu’ils puissent ainsi faire dérailler l’affaire.

C.  Autres observations

[38]  J’aimerais malgré tout ajouter quelques observations au sujet de l’argument invoqué tardivement par le demandeur. Le demandeur fait essentiellement valoir que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie parce que la fausse déclaration n’est pas « importante » puisqu’un permis d’études lui a été délivré.

[39]  Il soutient que la fausse déclaration doit être importante. Cela peut donner l’impression que le critère à remplir pour déclarer une interdiction de territoire est relativement élevé. Cependant, cela n’est pas aussi précis qu’on le souhaiterait. La LIPR parle plutôt d’une réticence à divulguer un fait important quant à un objet pertinent qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. En l’espèce, le fait important qui n’a pas été communiqué concerne le refus d’un visa aux États-Unis, un élément qui constitue indubitablement un objet pertinent qui pourrait faire l’objet d’un examen plus poussé afin de connaître les motifs de ce refus lorsqu’une personne souhaite obtenir un visa canadien. La question ne fait aucun doute : Pourquoi cette personne s’est-elle vu refuser un visa seulement quelques mois auparavant? En retour, cela risque d’entraîner une erreur dans l’application de la loi. Cette omission ne donne pas à l’agent des visas la possibilité de faire enquête sur un fait qui est important.

[40]  Une simple lecture de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR montre clairement qu’il doit y avoir eu fausse déclaration de la part du demandeur. Il ne fait également aucun doute que ce n’est pas « l’importance de la fausse déclaration » dans son ensemble qui doit être examinée, mais plutôt le fait que, ce que la loi interdit, c’est la présentation erronée de faits importants quant à un objet pertinent qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la loi, et non une présentation erronée ayant déjà entraîné une telle erreur (Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931; [2009] 3 RCF 446, au paragraphe 20).

[41]  En l’espèce, le demandeur a présenté une demande de visa de résident temporaire. Le fait qu’un visa visant à lui permettre d’assister à une conférence en Californie, en octobre 2016, lui ait été refusé est directement pertinent à l’examen de sa demande de visa au Canada. Dans Haque c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315, la Cour a conclu que l’omission de renseignements a pu empêcher la tenue d’une enquête et que cela aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la loi. En l’espèce, le demandeur a indiqué dans sa demande qu’il s’était rendu à El Paso, au Texas, en décembre 2015 et janvier 2016, ce qui était certainement un élément en sa faveur, mais il a omis de mentionner la demande de visa qui lui a été refusée quelques mois plus tard pour se rendre en Californie. Il s’agit manifestement d’une fausse déclaration qui lui permet d’esquiver une question très pertinente visant à savoir pourquoi les États-Unis ont refusé de lui délivrer un visa, au moment où le gouvernement canadien doit décider s’il lui accordera un visa. Il ne fait aucun doute qu’une telle présentation erronée risque d’entraîner une erreur dans l’administration de la loi, en empêchant la tenue d’une enquête ou d’autres enquêtes. La nature même de l’omission, à savoir le rejet récent d’une demande de visa, est un fait important pour déterminer si la demande de visa de résident temporaire sera accordée. Le refus d’un visa est un fait important au sens de l’alinéa 40(1)a), car cela indiquerait aux autorités saisies d’une demande de visa qu’elles pourraient vouloir faire enquête ou mener quelques vérifications au sujet d’un fait important (Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153, aux paragraphes 38 et 39). Les trois éléments requis par la loi sont réunis : il y a un fait important (omission de divulguer le rejet d’une demande de visa), concernant un fait pertinent (la délivrance d’un visa), qui risque d’entraîner une erreur dans l’administration de la LIPR (en l’absence d’enquêtes plus poussées sur les motifs du refus).

[42]  Le demandeur invoque principalement Karunaratna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 421. En toute déférence, cette décision n’est d’aucune utilité pour le demandeur. Non seulement la nature et la gravité des fausses déclarations dans cette affaire étaient-elles différentes (paragraphes 19 et 20), mais l’agent des visas avait aussi facilement accès, dans le dossier, aux renseignements complets, et les explications fournies ne pouvaient pas être aussi facilement rejetées. Les circonstances en l’espèce sont totalement différentes. L’agent des visas a donné au demandeur la possibilité d’expliquer son omission, car celle-ci constituait un fait important. Aucune indication ne permettait de croire que le permis d’études constituait une explication complète, ni même partielle. Quoi qu’il en soit, je note que la Cour a adopté une vue différente dans Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, où la Cour n’a même pas accepté le fait que les antécédents en matière d’immigration étaient connus ou que des correctifs ont été apportés après coup (paragraphes 43 et 44).

[43]  D’autre part, dans Diwalpitiye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 885, la Cour a conclu qu’il était raisonnable que le demandeur soit déclaré interdit de territoire, parce qu’il avait fait une fausse déclaration au sujet du refus d’une demande de visa de résident temporaire au Canada en cochant la case « non » à la question visant à savoir si on lui avait déjà refusé le statut d’immigrant au Canada, sur le formulaire de demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié. Une réponse fausse suffit pour constituer une fausse déclaration. Après avoir reçu une lettre relative à l’équité procédurale, le demandeur dans cette affaire a expliqué que l’omission concernait une demande de visa de résident temporaire qui avait été refusée, mais qu’il avait par la suite présenté une autre demande qui, elle, avait été approuvée. Au départ, l’agent dans cette affaire a jugé que la fausse déclaration n’était pas suffisamment grave pour justifier un refus pour fausses déclarations. Le décideur en est toutefois arrivé à une conclusion différente. La Cour a conclu, lors du contrôle judiciaire, que la fausse déclaration était importante, en précisant qu’elle était parvenue à cette conclusion « parce que la demande qui était examinée était basée sur l’expérience professionnelle au Canada et qu’ainsi, l’omission de l’historique d’immigration du demandeur a porté atteinte à l’analyse tant de la recevabilité que de l’admissibilité » (paragraphe 9). En d’autres mots, la Cour a jugé qu’il existait un lien suffisamment fort entre la fausse déclaration et la demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié.

[44]  Cette affaire illustre également clairement que la norme de la décision raisonnable commande une retenue envers les conclusions formulées par les autorités habilitées par le législateur à rendre des décisions concernant les fausses déclarations. Le rôle de la cour est de vérifier la légalité des décisions rendues, non d’y substituer ses propres conclusions sur le fond.

[45]  La Cour en est arrivée à la même conclusion dans Oloumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428 au sujet des résultats des tests linguistiques qui avaient été présentés dans le cadre d’une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Dans cette affaire, le faux test linguistique aurait pu entraîner une erreur, car il s’agissait d’un élément important. Il en va de même en l’espèce.

[46]  Enfin, une récente affaire de notre Cour confirme qu’il suffit d’établir que la fausse déclaration risque d’entraîner une erreur et qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a bel et bien eu erreur. Le commentaire formulé au paragraphe 37 de la décision Kazzi semble particulièrement à propos :

[37]  L’examen initial du libellé l’alinéa 40(1)a) permet d’observer qu’il use expressément de la séquence verbale « entraîne ou risque d’entraîner » une erreur dans l’application de la LIPR. ........... Ainsi, cette disposition se rapporte à un exercice de prise en considération des possibilités, et prévoit qu’au moment de l’évaluation, la demande en vertu de la LIPR est toujours en cours d’examen. La Cour a en effet indiqué dans Inocentes que le moment où la SI doit établir si une fausse déclaration pourrait entraîner une erreur dans l’application de la LIPR est le moment où est fait la représentation erronée, et non à une étape ultérieure de l’enquête. Je ne suis pas persuadé que l’application fructueuse ou infructueuse sous-jacente modifie l’interprétation qui doit être faite de l’alinéa 40(1)a) et que Inocentes puisse être considérée distinctement pour ce motif.

Je le répète. L’omission du refus d’un visa est un fait important, qui concerne un objet pertinent, en particulier lorsque la personne présente une demande de visa au Canada. Cette omission prive les autorités de renseignements qui pourraient justifier la tenue d’enquêtes ou de vérifications plus poussées. Il s’ensuit qu’elle risque d’entraîner une erreur dans l’administration de la LIPR.

[47]  Le lien est d’autant plus fort lorsque la fausse déclaration concerne le refus d’un visa et qu’il s’agit justement d’une demande de visa. L’agent des visas aurait certes pu être plus clair et précis. Il ne s’agit toutefois pas d’une erreur fatale (Trinity Western University c Barreau du Haut‑Canada, 2018 CSC 33, au paragraphe 29) :

[29]  L’examen du caractère raisonnable nécessite « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 48 (nous soulignons); voir également Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, par. 11). La cour de révision « peut [. . .], si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 52, citant Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, par. 15). À notre avis, les conseillers sont arrivés à une décision qui est le fruit d’une mise en balance proportionnée.

[48]  La décision de refuser de délivrer un visa de résident temporaire, en raison d’un fait important quant à un objet pertinent qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR, était raisonnable.

VI.  Conclusion

[49]  Le demandeur ne s’étant pas acquitté de son fardeau, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[50]  L’affaire ne soulève aucune question grave de portée générale à certifier selon l’alinéa 74d) de la LIPR. Les parties ont été consultées et aucune question n’a été proposée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5497-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5497-17

 

INTITULÉ :

EHSAN MOHSENI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 juillet 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Clarisa Waldman

Pour le demandeur

 

Leila Jawando

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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