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Date : 20180720


Dossier : T-1379-17

Référence : 2018 CF 765

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE

ALLAN J. HARRIS

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une requête présentée par la défenderesse en vue d’obtenir une ordonnance de radiation de la déclaration modifiée du demandeur, c.-à-d. son action, laquelle pourrait également entraîner la radiation d’environ 200 actions semblables faisant l’objet d’une gestion d’instance. Ces actions sont pour la plupart identiques et ont été copiées d’un site Web sur Internet.

[2]  La requête est présentée au motif qu’il est évident et manifeste que la réclamation ne révèle aucune cause d’action valable. En outre, il est allégué que l’action du demandeur est frivole et vexatoire. Enfin, à l’égard de ce que je considère comme des allégations de « temps subtilisé », la défenderesse fait valoir que la présente question a un caractère théorique en raison d’un changement réglementaire ou de politique. Puisque je ne peux conclure que la défenderesse a établi sa cause, la requête en radiation doit être rejetée. L’argument selon lequel les actes de procédure sont frivoles et vexatoires est sans fondement. La Cour doit également rejeter l’argument de la défenderesse selon lequel l’allégation de temps subtilisé a un caractère théorique; même si pour certains il pourrait être théorique, ce n’est pas le cas pour le demandeur en l’instance.

[3]  La requête de la défenderesse est présentée en application de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). L’article 221 des Règles permet à la Cour de radier une réclamation pour certains motifs :

221(1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

221(1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

Preuve

Evidence

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)(a).

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a)

[4]  Essentiellement, le demandeur, dans l’action qu’il cherche à rejeter, réclame des dommages-intérêts en vertu de la Charte pour des retards inconsidérés qu’il allègue relativement au temps de traitement entre le dépôt d’une demande et l’obtention d’un permis permettant de cultiver de la marihuana à des fins médicales. Le demandeur allègue également des retards dans le temps de traitement entre le dépôt d’une demande de renouvellement d’un tel permis et le moment où il est obtenu.

[5]  Les permis demandés sont délivrés en application du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, DORS/2016-230 (le RACFM), lequel a été adopté conformément au paragraphe 55(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19.

[6]  En guise de contexte, les drogues et autres substances contrôlées sont régies par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27 et les règlements connexes. Actuellement, le cannabis (marihuana) est une substance contrôlée figurant aux annexes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et du Règlement sur les stupéfiants, CRC, c 1041.

[7]  En outre, le RACFM permet à un demandeur de cultiver et de conserver de la marihuana à des fins médicales ou à une autre personne de le faire pour un demandeur.

[8]  Des permis sont délivrés aux termes du RACFM aux personnes qui démontrent leur besoin de marihuana pour traiter un problème médical. Les demandes de permis doivent être appuyées par un document médical établi par un professionnel de la santé agréé – essentiellement, une ordonnance.

[9]  Il faut également savoir que les permis, lorsqu’ils ont été délivrés, ont une date d’expiration établie conformément au RACFM; ces permis peuvent être renouvelés à leur expiration au moyen d’une nouvelle ordonnance.

[10]  Aux fins de la présente requête, le RACFM a pour effet d’autoriser la possession et la culture de marihuana dans les cas où la possession et la culture sont toutes deux illégales selon la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le Règlement sur les stupéfiants sans un tel permis. La possession ou la culture de marihuana non autorisée expose une personne, comme le demandeur, à l’imposition éventuelle d’amendes et d’une peine d’emprisonnement.

II.  Historique et fondement du droit à la marihuana médicale

[11]  Le droit de posséder et de cultiver de la marihuana à des fins médicales fait l’objet de litiges au Canada depuis près de deux décennies. Le juge Phelan donne un aperçu de cet historique dans la décision Allard c Canada, 2016 CF 236, de laquelle je tire les passages qui suivent :

1  Je suis saisi d’une contestation fondée sur la Charte présentée par quatre personnes relativement au régime concernant la marihuana à des fins médicales actuel qui est prévu par le Règlement sur la marihuana à des fins médicales, DORS/2013‑119 (le RMFM). Il est important de se rappeler ce sur quoi la présente affaire porte de même que ce sur quoi elle ne porte pas.

2  La présente affaire ne porte pas sur la légalisation générale de la marihuana ou sur la libéralisation de sa consommation à des fins récréatives ou de sa consommation en tant que mode de vie. Elle ne porte pas non plus sur la commercialisation de la marihuana à de telles fins.

3   Il est question de l’accès à la marihuana à des fins médicales par des personnes qui sont malades, notamment celles qui souffrent de douleurs aiguës ou qui souffrent de troubles neurologiques parfois mortels, ainsi que les personnes qui sont sur le point de mourir.

4  Nous avons affaire en l’espèce à une décision s’inscrivant dans un courant jurisprudentiel qui a commencé par l’arrêt R c Parker, (2000) 49 OR (3d) 481, 188 DLR (4th) 385 (Cour d’appel de l’Ontario) (Parker), et abouti à l’arrêt R c Smith, 2015 CSC 34, [2015] 2 RCS 602 (Smith), où l’on a examiné, souvent d’un œil critique, les efforts faits par le gouvernement en vue de réglementer la consommation de la marihuana à des fins médicales ainsi que les divers obstacles empêchant l’accès à cette drogue dont certains ont besoin.

5  Comme d’autres affaires, cette dernière tentative de restriction d’accès se heurte aux écueils de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 (la Charte), particulièrement l’article 7, et n’est pas sauvegardée par l’article premier.

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

6  La Cour a conclu que la liberté des demandeurs et la sécurité de leur personne sont visées par les restrictions en matière d’accès imposées par le RMFM et qu’il n’a pas été établi que les restrictions en matière d’accès sont conformes aux principes de justice fondamentale.

[12]  Je me contenterai de dire que le droit d’utiliser la marihuana et le cannabis à des fins médicales est garanti par la Charte, une question juridique sur laquelle ne plane aucun doute, car elle a été tranchée par notre Cour, la Cour suprême du Canada et les cours supérieures des provinces. De plus, le droit d’utiliser la marihuana et d’autres produits du cannabis à des fins médicales est un droit conféré aux individus sur demande, par le gouverneur en conseil dans une législation subordonnée, c.-à-d. un règlement adopté conformément à la législation pertinente.

III.  Droit applicable à une requête en radiation

[13]  Le droit relatif aux requêtes en radiation est décrit ci-dessous.

[14]  La juge Heneghan énonce ce qui suit dans la décision Lee c Canada, 2018 CF 504, au paragraphe 7, à l’égard du critère applicable aux requêtes en radiation :

Le critère applicable à une requête en radiation d’un acte de procédure, à savoir s’il est évident et manifeste qu’un acte de procédure ne révèle aucune cause d’action raisonnable, a été établi dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959. Il est par ailleurs précisé au paragraphe 24 de la décision Bérubé c. Canada, 2009 CF 43, que pour qu’une déclaration comprenne une cause d’action raisonnable, elle doit comporter les trois éléments suivants :

i.  alléguer des faits susceptibles de donner lieu à une cause d’action;

ii.  indiquer la nature de l’action qui doit se fonder sur ces faits;

iii.  préciser le redressement sollicité qui doit pouvoir découler de l’action et que la Cour doit être compétente pour accorder.

[15]  Il incombe à la partie qui présente la requête de satisfaire au critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959 [Hunt], selon le juge Roy, dans la décision Al Omani c Canada, 2017 CF 786, aux paragraphes 12 à 16 :

[12]  Le critère applicable à la radiation d’une allégation en vertu de l’article 221 des Règles place très haut la barre. En premier lieu, on présume que les faits énoncés dans la déclaration peuvent être prouvés. La Cour doit conclure qu’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action raisonnable : R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45, au paragraphe 17; Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959 [Hunt], à la p. 980. Il incombe à la défenderesse de remplir ce critère : Sivak c Canada, 2012 CF 272, 406 FTR 115 [Sivak], au paragraphe 25.

[13]  Dans l’affaire Hunt, la Cour suprême a penché en faveur de la formulation de la règle en Angleterre, au motif que « si le demandeur a une chance de réussir, il ne devrait pas alors être [traduction] « privé d’un jugement » » (p. 980), ce qui, à vrai dire, place haut la barre pour avoir gain de cause dans une requête en radiation. La chance suffira ou, comme l’a affirmé le juge Estey dans l’affaire Procureur général du Canada c Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735 : « Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l’action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu’il est convaincu qu’il s’agit d’un cas « au-delà de tout doute » » (p. 740).

[14]  Pour démontrer qu’il a une cause d’action raisonnable, le demandeur doit soulever dans sa déclaration les faits substantiels qui satisfont à tous les éléments constitutifs des causes d’action alléguées : Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227, 476 N.R. 219 [Mancuso], au paragraphe 19; Benaissa c Canada (Procureur général), 2005 CF 1220 [Benaissa], au paragraphe 15. Le demandeur doit expliquer au défendeur « par qui, quand, où, comment et de quelle façon » sa responsabilité a été engagée (Mancuso, paragraphe 19; Baird c Canada, 2006 CF 205, aux paragraphes 9 à 11, affaire confirmée dans 2007 CAF 48).

[15]  Par conséquent, il semble y avoir un équilibre. D’un côté, la chance de réussir suffit pour que l’affaire soit instruite. De l’autre côté, les faits substantiels doivent être démontrés avec suffisamment de précision pour qu’il y ait une cause d’action. Les actes de procédure ont pour but d’aviser la partie adverse et de définir les questions en litige de manière à lui permettre de comprendre comment les faits étayent les diverses causes d’action. Comme la Cour d’appel l’a formulé dans l’affaire Mancuso : « L’instruction d’un procès requiert du demandeur qu’il allègue des faits matériels suffisamment précis à l’appui de la déclaration et de la mesure sollicitée » (paragraphe 16). Les demandeurs soulignent qu’il peut être donné suite aux actes de procédure même s’ils sont « loin d’être des modèles de clarté juridique » (Manuge c Canada, 2010 CSC 67, [2010] 3 RCS 672, au paragraphe 23). Mais il demeure que les demandeurs doivent faire valoir des faits substantiels suffisants. Les parties ne peuvent pas faire des allégations générales dans leur déclaration, dans l’espoir d’entamer ensuite des « recherches à l’aveuglette » pour découvrir les faits : Kastner c Painblanc (1994), 176 N.R. 68, 51 A.C.W.S. (3d) 428 (CAF), à la p. 2.

[16]  Dans les requêtes en radiation, aucun élément de preuve ne doit être examiné en dehors des actes de procédure (sauf dans des cas limités qui ne s’appliquent pas en l’espèce). Le paragraphe 221(2) l’énonce expressément et la jurisprudence le confirme, selon le juge Leblanc, dans la décision Pelletier c Canada, 2016 CF 1356 [Pelletier], au paragraphe 6 :

[6]  Il a également été bien établi qu’aucun élément de preuve non présenté dans les actes de procédure ne peut être pris en considération dans le cadre de telles requêtes et bien que les allégations qu’il est possible de prouver doivent être considérées comme véridiques, le même concept ne s’applique pas aux actes de procédure qui sont fondées sur des hypothèses et des spéculations et à ceux qui ne sont pas en mesure de déposer une preuve (Imperial Tobacco, au paragraphe 22; Operation Dismantle c La Reine, [1985] 1 RCS 441, at p. 455 [Operation Dismantle]; AstraZeneca Canada Inc. c Novopharm Ltd., 2009 CF 1209, aux paragraphes 10 à 12).

[17]  Dans la décision Pelletier, le juge Leblanc a également affirmé que, même si la déclaration doit être lue autant que possible en vue de tenir compte de toute lacune attribuable à des faiblesses au niveau de la rédaction, le demandeur doit clairement présenter les faits sur lesquels repose sa demande et n’a pas le droit de compter sur la possibilité que de nouveaux faits apparaissent au fur et à mesure que l’instruction avance :

[7]  À cet égard, même si la déclaration doit être lue autant que possible en vue de tenir compte de toute lacune attribuable à des faiblesses au niveau de la rédaction (Operation Dismantle, à la page 451), le demandeur est tenu de présenter clairement les faits sur lesquels repose sa demande :

[22]  […] Il incombe au demandeur de plaider clairement les faits sur lesquels il fonde sa demande. Un demandeur ne peut compter sur la possibilité que de nouveaux faits apparaissent au fur et à mesure que l’instruction progresse. Il peut arriver que le demandeur ne soit pas en mesure de prouver les faits plaidés au moment de la requête. Il peut seulement espérer qu’il sera en mesure de les prouver. Il doit cependant les plaider. Les faits allégués sont le fondement solide en fonction duquel doit être évaluée la possibilité que la demande soit accueillie. S’ils ne sont pas allégués, l’exercice ne peut pas être exécuté adéquatement (Imperial Tobacco) (C’est moi qui le souligne)

[18]  Dans l’arrêt Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les demandeurs doivent plaider des faits matériels suffisamment précis à l’appui de la déclaration et de la mesure sollicitée :

[16]  L’instruction d’un procès requiert du demandeur qu’il allègue des faits matériels (substantiels) suffisamment précis à l’appui de la déclaration et de la mesure sollicitée. Comme le juge l’a relevé, les « actes de procédure jouent un rôle important pour aviser les intéressés et définir les questions à trancher, et la Cour et les parties adverses n’ont pas à émettre des hypothèses sur la façon dont les faits pourraient être organisés différemment pour appuyer diverses causes d’action ».

IV.  La déclaration modifiée du demandeur

[19]   La déclaration modifiée du demandeur est relativement simple. Les allégations factuelles, comme je l’ai souligné, sont tenues pour avérées. Elles commencent par la sollicitation d’une déclaration selon laquelle la longue période de traitement des permis de culture et des renouvellements aux termes du RACFM (le demandeur appelle le document d’approbation une [traduction] « inscription » (registration), ce dont il s’agit sur le plan technique, mais je préfère utiliser le mot « permis »), contrevient au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne garanti par l’article 7 de la Charte.et  Le demandeur sollicite en outre une mesure de réparation sous forme de dommages-intérêts aux termes de l’article 24 de la Charte, selon la valeur de son ordonnance pendant tout retard que la Cour établira comme inapproprié à l’égard d’une période de traitement raisonnable.

[20]  Le demandeur sollicite aussi une déclaration selon laquelle le fait d’antidater la période d’inscription et de renouvellement de la date d’entrée en vigueur de l’inscription ou de la date d’expiration des renouvellements jusqu’à la date où le médecin a signé l’ordonnance aux termes du RACFM, contrevient aux droits conférés par l’article 7 de la Charte; il demande également réparation pour la durée totale de l’ordonnance afin qu’elle prenne effet à la date d’entrée en vigueur de l’inscription et à la date d’expiration d’une inscription renouvelée.

[21]  Il fait valoir, et ceci est tenu pour avéré, qu’il possède un document médical signé par un professionnel de la santé agréé lui permettant de faire usage de cannabis à des fins médicales en application du RACFM. Dans sa réclamation à l’égard de la défenderesse, il allègue que le ministre de la Santé est responsable de Santé Canada et de certains aspects de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, y compris le Règlement sur les stupéfiants et le RACFM. Bien qu’il s’agisse de questions juridiques, elles ne sont pas contestées.

[22]  Il affirme, et je dois le tenir pour avéré, avoir présenté une demande aux termes du RACFM le 11 juin 2017 pour obtenir un permis de cultiver de la marihuana à des fins médicales. En outre, il a reçu un permis de culture de la marihuana à des fins médicales dont la date d’entrée en vigueur est le 11 octobre 2017 et dont la date d’expiration est le 23 mars 2018.

[23]  Il affirme qu’aux termes du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales (RAMFM), un prédécesseur au RACFM, le temps de traitement d’une demande de production de marihuana, comme l’a affirmé devant la Cour un agent désigné de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, est une [traduction] « affaire de moins de 4 semaines. Les renouvellements prennent encore moins de temps ». Il ajoute [traduction] « On a signalé 2 semaines! » Une fois de plus, ces faits sont tenus pour avérés.

[24]  Il affirme, et il faut le tenir pour avéré, qu’aux termes du RACFM, cela peut maintenant prendre 30 semaines pour traiter seulement dix champs de données :

  • - Nom

  • - Date de naissance

  • - Quantité quotidienne

  • - Limite de possession

  • - Nom du professionnel de la santé

  • - Aire de production (extérieure)

  • - Adresse du site de production

  • - Nombre maximal de plantes à l’extérieur

  • - Quantité maximale conservée

  • - Adresse de conservation

[25]  Il affirme que les permis aux termes du RAMFM entraient en vigueur à la date d’effet de leur délivrance et étaient renouvelés à la même date chaque année. En revanche, il déclare que les permis et les renouvellements conformément au RACFM sont antidatés à la date où le médecin a signé le document médical, ce qui réduit la durée de l’inscription et du renouvellement par rapport au délai de traitement de la demande. J’observe qu’en l’espèce, son permis n’a duré qu’environ cinq mois. Nous ne savons pas à quelle date son document médical a été signé. Mais nous savons que la durée possible du permis a été écourtée de quatre mois, si on le peut dire ainsi, en raison du traitement de sa demande.

[26]  Le demandeur affirme que non seulement un délai de plus de 6 mois pour saisir les données est déraisonnable, mais encore qu’en transformant la durée totale de l’inscription aux termes du RAMFM en une inscription ayant la moitié de la durée aux termes du RACFM, les demandeurs ou les personnes qui renouvellent leur permis obtiennent toujours moins que la durée totale de l’ordonnance en raison du délai de traitement déraisonnable.

[27]  Le demandeur déclare que les deux ordonnances d’une durée d’un an devraient équivaloir à 24 mois d’inscription et il demande à la Cour de remettre le temps subtilisé des permis et des renouvellements des patients pour éviter que du temps soit à nouveau subtilisé.

[28]  Le demandeur affirme que le fait de devoir consulter le médecin plus souvent lui coûte plus d’argent et que le fait de devoir attendre la poste pour savoir si l’inscription a été renouvelée avant sa date d’expiration, moment où tout aurait à être détruit, lui cause plus de stress.

V.  Analyse

[29]  Après avoir pris du recul et examiné l’action du demandeur « autant que possible en vue de tenir compte de toute lacune attribuable à des faiblesses au niveau de la rédaction », comme j’y suis tenu à l’égard de ce qui a été observé au paragraphe 7 de la décision Pelletier, la réclamation du demandeur se résume à ce qui suit. Il a un problème médical et une ordonnance pour traiter ce problème. En d’autres termes, il a l’ordonnance nécessaire et il a besoin de marihuana à des fins médicales. Il souhaite avoir un permis pour produire lui-même de la marihuana. Il a par conséquent fait une demande de permis auprès de Santé Canada le 11 juillet 2017. Il a obtenu le permis quatre mois plus tard, le 11 octobre 2017. Il affirme que Santé Canada a pris un temps déraisonnablement long à lui envoyer son permis. Il affirme qu’aux termes d’un précédent régime réglementaire semblable, les approbations étaient accordées en moins de quatre semaines, et apparemment en deux semaines dans certains cas. Maintenant, il affirme que l’obtention d’une approbation pourrait prendre trente semaines. Toutefois, compte tenu des faits allégués, l’obtention de son permis lui a pris un peu plus de 17 semaines. Il fait valoir le droit d’obtenir son permis dans un délai raisonnable. Il réclame ce qui semble être des dommages-intérêts liquidés au motif d’un retard déraisonnable – à savoir la valeur de son ordonnance – pendant tout retard de traitement que la Cour jugera déraisonnable. Il réclame de plus des dommages-intérêts généraux pour le stress subi pendant l’attente. Il allègue que les droits conférés par l’article 7 de la Charte ont été violés.

[30]  Il fait également valoir qu’il a été lésé du fait que le retard de traitement a entraîné une période de validité écourtée du permis une fois délivré. Au lieu d’une durée d’un an à partir de la délivrance, s’il s’agit bien de ce qu’a prescrit le médecin, le permis qu’il a obtenu avait une durée d’un an à partir de la date du document médical à l’appui. Par conséquent, si l’on tient pour avéré un retard de 17 semaines, son permis n’est valide que pour 35 semaines et non 52.

[31]  Finalement, il déclare, bien que brièvement, et il faut le tenir pour avéré, avoir subi du stress en attendant un renouvellement parce que tout aurait à être détruit au moment de l’expiration du permis original afin de respecter la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le Règlement sur les stupéfiants. Voilà à tout le moins ce que je comprends de son acte de procédure, autant que possible.

A.  L’action doit-elle être rejetée au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable aux termes de l’alinéa 221(1)a) des Règles?

[32]  À cet égard, aucune preuve n’est admissible. L’acte de procédure doit être tenu pour avéré. Il incombe à la défenderesse d’établir sa cause.

[33]  Je commence par la proposition selon laquelle le demandeur a le droit d’obtenir un permis de culture de la marihuana à des fins médicales s’il satisfait au critère d’un régime de permis conforme à la Charte établi en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et du Règlement sur les stupéfiants. Ce droit a été confirmé par la Cour suprême du Canada ainsi que par la Cour fédérale et diverses cours supérieures. Pour autant que je le sache, le RACFM est conforme à la Charte. Personne ne plaide le contraire. Le droit du demandeur d’obtenir un permis de culture de la marihuana à des fins médicales est également consacré dans le RACFM, à condition qu’il remplisse les conditions. Nous devons également tenir pour avéré que c’était le cas : les employés de la défenderesse lui ont après tout délivré un permis.

[34]  Il s’agit d’une question de retard. Le demandeur allègue que le retard contrevient aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne conférés par l’article 7 de la Charte. Il ne fait aucun doute qu’il possède ces droits, y compris le droit d’obtenir un permis de production de marihuana à des fins médicales.

[35]  Dans une situation comme celle-ci, je tiens pour acquis que, lorsque les tribunaux et le législateur (le gouverneur en conseil en l’espèce) établissent des droits et créent des mécanismes administratifs pour les transmettre, ces droits ne doivent pas être niés en raison d’un retard déraisonnable. Il s’agit plutôt de l’inverse; le pouvoir exécutif, en l’espèce le ministre de la Santé, a le devoir d’agir dans les meilleurs délais, en l’absence d’explications contraires, lorsque des droits ont été consacrés par les tribunaux, plus particulièrement des droits protégés par la Charte. Prétendre le contraire pourrait entraîner une application moins que respectueuse du droit, y compris, bien entendu, le respect des droits protégés par la Charte.

[36]  Il me semble que le ministre de la Santé est d’avis que les droits protégés par la Charte peuvent être retardés de façon déraisonnable sans conséquences juridiques; bien que ce ne soit pas exprimé, cela semble sous-tendre l’argument avancé par la défenderesse. Je ne rends pas jugement à cet égard, mais je ne peux conclure que le demandeur n’a aucune chance de démontrer que cet argument est indéfendable.

[37]  Je ne peux conclure qu’il est évident et manifeste que l’acte de procédure du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable à l’égard des faits tenus pour avérés en l’espèce. Autrement dit, j’ai conclu que le demandeur a une chance d’obtenir gain de cause à l’égard de sa réclamation.

[38]  Je comprends qu’il y a un grand nombre de demandes liées à cette action qui font l’objet d’une gestion d’instance; je suis le juge chargé de la gestion de l’instance, j’ai examiné chacune d’elles et j’ai rendu un grand nombre d’ordonnances portant sur des mesures de réparation provisoires et autres. Même si j’ai suspendu toutes les procédures interlocutoires provisoires dans les causes liées à la présente, j’ai levé la suspension dans le cas où une requête allègue un retard de plus de 60 jours dans la délivrance d’un permis, et j’ai invité la Couronne à répondre. Cela dit, l’argument selon lequel il existe beaucoup de demandes liées à la présente n’aide pas la défenderesse; au contraire, cela souligne l’importance du devoir qui incombe au ministre de la Santé d’établir des mécanismes administratifs qui respectent les droits protégés par la Charte et déterminés non seulement par le gouverneur en conseil – dans le RACFM – mais aussi par la Cour suprême du Canada.

[39]  À cet égard, la Cour garde à l’esprit que le demandeur a un problème médical et une prescription de marihuana pour traiter ce problème. Il pourrait être conclu que le ministre de la Santé ne peut pas retarder de façon déraisonnable la délivrance de permis au demandeur dans sa situation, s’il s’agit de ce qu’il allègue. Le demandeur souhaite cultiver sa propre marihuana et en possédant un permis, il a le droit de le faire. Mais il ne peut le faire tant qu’il n’a pas le permis ou que celui-ci n’a pas été renouvelé.

[40]  Et s’il a besoin de renouveler un permis de production et que la demande de renouvellement est retardée de façon déraisonnable, ayant pour conséquence l’expiration de son permis original, « tout aurait à être détruit », selon ce qu’il allègue; autrement, il serait passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pour la possession de plantes non utilisées et la marihuana conservée provenant d’une culture antérieure. En ce qui concerne le stress mentionné dans l’acte de procédure, ce point devra aussi être prouvé. Le demandeur aura ou n’aura pas gain de cause; cela devra être établi par la preuve. La défenderesse n’a pas établi qu’il est évident et manifeste que cette demande devrait être radiée.

[41]  Je me prononcerai sur la question du temps subtilisé plus loin dans les présents motifs; ces allégations seront toutefois radiées.

[42]  Rien de ce qui est susmentionné ne doit être considéré comme déterminant quant à savoir si le demandeur aura gain de cause ou non dans son action. Je ne tire aucune conclusion quant à la cause d’action à l’égard du retard déraisonnable ou, si c’est le cas, sur ce qui constitue un retard déraisonnable. Il se pourrait qu’un retard de quatre mois dans le traitement de la demande de permis du demandeur soit raisonnable; le but de la décision d’aujourd’hui est d’établir que le demandeur a une chance de succès à l’égard de sa demande. Toutefois, il se pourrait que le retard ait été raisonnable dans le cas du demandeur. Dans ce cas, la défenderesse aura gain de cause.

[43]  En ce qui a trait aux dommages-intérêts, je ne peux conclure qu’il est évident et manifeste que des dommages-intérêts ne seraient pas adjugés si le demandeur démontrait que ses droits protégés par la Charte ont été violés ou niés en contravention du paragraphe 24(1) de la Charte. Encore une fois, la Cour suprême du Canada a bien établi que des violations de la Charte peuvent être réparées en application du paragraphe 24(1) par l’adjudication de dommages pécuniaires : voir, par exemple, l’arrêt Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27.

[44]  À cet égard, la Cour remplit une fonction de gardienne. Il incombait à la défenderesse de satisfaire au critère, ce qu’elle a omis, à mon humble avis : il n’est ni évident ni manifeste que cet acte de procédure ne révèle aucune cause valable d’action.

B.  L’action est-elle frivole et vexatoire?

[45]  La Cour a conclu qu’il n’est ni évident ni manifeste que cette action ne révèle aucune cause d’action valable. L’essence de l’argument de la défenderesse, selon lequel l’action est frivole et vexatoire, est que les revendications du demandeur comportent tant de lacunes dans les faits substantiels, et sont tellement incompréhensibles, qu’elles sont frivoles et vexatoires. L’argument à cet égard est consigné dans un seul paragraphe du mémoire des faits et du droit de la défenderesse. La défenderesse affirme seulement que l’action devrait être radiée au motif qu’elle est frivole et vexatoire. À mon humble avis, cette affirmation est sans fondement et ne justifie pas un examen plus approfondi.

C.  L’allégation selon laquelle du temps a été subtilisé a-t-elle un caractère théorique à l’égard des changements subséquents?

[46]  Je mentionne tout d’abord que la défenderesse peut et a déposé une preuve par affidavit à l’appui de ses allégations à l’égard du caractère théorique, ce qui est permis pour cet argument.

[47]  Je suis d’accord avec la défenderesse que la Cour suprême du Canada a établi une analyse en deux temps permettant de décider si une action doit être rejetée au motif de son caractère théorique. L’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 fait jurisprudence à cet égard. Dans un premier temps, la Cour doit déterminer si la cause est théorique en ce sens que sa décision n’aura pas d’effet pratique sur les droits des parties. Si elle est théorique, la Cour doit alors examiner dans un deuxième temps s’il y a des raisons d’entendre l’affaire et de statuer sur le fond même si elle est théorique.

[48]  En ce qui concerne les faits plaidés à l’égard de la question du temps subtilisé, le demandeur sollicite une déclaration selon laquelle l’antidatation de la date des permis jusqu’à la date où le document médical a été signé pour qu’il corresponde à la période d’usage énoncée par son professionnel de la santé – l’« antidatation » du permis alléguée – contrevient aux droits conférés par l’article 7 de la Charte.

[49]  En réponse, la défenderesse présente un élément de preuve selon lequel le ministre de la Santé a publié plusieurs exemptions catégorielles conformément à l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ces exemptions s’appliquent aux personnes dont le permis a été délivré à compter du 2 mars 2018. Conformément à ces exemptions, Santé Canada délivre maintenant des permis dont la période d’usage débute à la date où le permis est délivré plutôt qu’à la date où le document médical a été signé par le professionnel de la santé.

[50]  La défenderesse affirme qu’il s’agit de la mesure de réparation que le demandeur sollicite. Le ministre ayant accordé une mesure de réparation, la défenderesse affirme que la déclaration demandée est maintenant théorique. En toute déférence, je ne suis pas d’accord.

[51]  Je suis d’accord que la question soulevée par ce demandeur à l’égard du temps subtilisé est théorique pour les permis qui datent d’après le 2 mars 2018.

[52]  Toutefois, compte tenu des faits de la présente affaire, le permis du demandeur remonte à bien avant, c’est-à-dire au 11 octobre 2017. Si le changement de politique s’était appliqué au permis du demandeur, la défenderesse aurait raison parce que le permis du demandeur aurait été valide jusqu’au 10 octobre 2018; dans ce cas, sa demande serait théorique à cet égard.

[53]  Toutefois, le changement de politique ne s’appliquait qu’ultérieurement. À mon avis, le demandeur n’a pas bénéficié du changement de politique parce que son permis n’a pas été délivré à compter du 2 mars 2018. Par conséquent, l’argument du caractère théorique ne s’applique pas dans son cas.

[54]  Cela dit, j’ai conclu que l’argument du temps subtilisé devrait être radié parce que, bien que je comprenne que le demandeur n’obtient pas un permis qui dure toute une année et qu’il doit faire une nouvelle demande plus rapidement de ce fait, sa « perte » n’appuie pas une allégation selon laquelle les droits protégés par l’article 7 de la Charte ont été violés. Je ne vois pas la réduction qui en découle dans la durée du permis ou du document comme violant ou niant un droit garanti par la Charte. Il ne fait que vivre les aléas de devoir renouveler son permis plus tôt et de ne pas tirer profit de la durée totale autrement disponible. De tels retards ont couramment lieu lorsqu’une personne soumet une demande par la poste à l’égard d’un permis à durée limitée ou d’un document délivré par un gouvernement, par exemple, un passeport ou l’immatriculation d’un véhicule automobile. Même si un droit protégé par la Charte avait été violé par la réduction de la durée d’un permis, ce que je ne retiens pas, notre Cour a récemment jugé que « la Charte n’assure pas une protection contre les restrictions négligeables à l’égard des droits (Cunningham c Canada, [1993] 2 RCS 143, à la p. 151) » dans la décision Johnson c Canada (Procureur général), 2018 CF 582, au paragraphe 37, sous la plume du juge Diner. Une telle réduction serait selon moi frivole.

[55]  À cet égard, je reviens à cette partie de la requête en radiation fondée sur l’absence d’une cause d’action valable; je conclus qu’il est évident et manifeste que l’aspect concernant le temps subtilisé de la demande du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable. Je ne vois aucune nécessité d’autoriser une modification à cet égard, car aucune modification ne pourrait bonifier cet aspect de son acte de procédure. Quoi qu’il en soit, le demandeur a déjà été autorisé deux fois à modifier sa procédure, la première fois sur consentement, mais la deuxième fois dans le contexte d’une requête contestée. Par conséquent, le sous-paragraphe 1(b) et les paragraphes 8 et 9 de la déclaration modifiée doivent être radiés.

[56]  Dans les circonstances, la requête en radiation est rejetée sauf en ce qui concerne l’allégation de temps subtilisé.

[57]  Chaque partie assumera ses propres dépens, chacune d’elles ayant eu partiellement gain de cause.


ORDONNANCE dans le dossier T-1379-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête en radiation de la déclaration modifiée est rejetée en partie.

  2. Le sous-paragraphe 1(b) et les paragraphes 8 et 9 sont radiés de la déclaration modifiée, sans autorisation de les modifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1379-17

 

INTITULÉ :

ALLAN J. HARRIS c SA MAJESTÉ LA REINE

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) AUX TERMES DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 JUILLET 2018

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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