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Date : 20180719


Dossiers : IMM-4017-17

IMM-3914-17

Référence : 2018 CF 753

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

WARDLEY WALTON BURTON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire présentées en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La première, dont la référence est IMM-4017-17, porte sur la décision d’un délégué du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le délégué) de faire subir une enquête au demandeur sur l’interdiction de territoire, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR. La deuxième, dont la référence est IMM-3914-17, porte sur la décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Section de l’immigration) de mettre en place une mesure de renvoi, conformément à l’alinéa 45d) de la LIPR.

II.  Énoncé des faits

[2]  Le demandeur est un résident jamaïcain de 50 ans qui est un résident permanent du Canada depuis 1987. Presque tous les membres de sa famille, y compris sa mère, deux frères et sœurs, son fils et ses petits-enfants, habitent au Canada.

[3]  Le demandeur allègue qu’il a des antécédents de problèmes cognitifs et de santé mentale. Il a eu des difficultés à l’école en Jamaïque et a décroché après la neuvième année. À partir de 1991, il a commencé à avoir des problèmes de santé mentale, y compris des hallucinations auditives, en raison du stress. Au milieu des années 1990, il a brièvement été confié aux soins d’un psychiatre, et il a passé 20 jours au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto. Il n’a pas reçu de soins pour ses symptômes depuis qu’il a cessé de prendre ses médicaments dans les années 1990.

[4]  En mai 2015, il a été déclaré coupable d’agression armée et a été condamné à six mois d’emprisonnement. Selon le demandeur, il a vu une personne conduire ce qu’il a cru être son vélo. Il a essayé de récupérer le vélo et une bagarre a éclaté. Son téléphone est tombé et la personne l’a saisi avant de s’enfuir dans une épicerie. Il est allé jusqu’à son camion, a saisi une hachette pour se protéger et est entré dans l’épicerie. Il a tenté de récupérer son téléphone, mais la personne n’a pas voulu le lui rendre. Le demandeur a balancé la hachette vers la personne, et celle-ci a quitté le magasin. Il a été arrêté et a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement. Le rapport de police comprend un récit semblable, mais les explications du demandeur pour ses actes n’y figurent pas.

[5]  En février 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a avisé le demandeur qu’elle avait des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire pour grande criminalité, conformément à l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Elle lui a demandé de présenter des observations écrites expliquant les raisons pour lesquelles une mesure de renvoi ne devrait pas être demandée. Le demandeur a demandé à son cousin d’écrire une lettre de réponse pour lui parce qu’il trouvait que la situation était stressante et difficile à comprendre. Dans la lettre, le cousin a expliqué que toute la famille du demandeur habitait au Canada, qu’il n’avait rien en Jamaïque, qu’il regrettait ses gestes et qu’il avait suivi un cours sur la gestion de la colère. Le demandeur allègue maintenant qu’il n’avait pas compris la gravité de la situation et que, s’il l’avait fait, il aurait demandé à un avocat plutôt qu’à son cousin de l’aider.

[6]  À la réception des observations du demandeur, un agent de l’ASFC a préparé un rapport d’interdiction du territoire en application du paragraphe 44(1). Le délégué a ensuite examiné le rapport et a décidé de faire subir une enquête sur l’interdiction de territoire au demandeur, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR. L’enquête a eu lieu le 28 août 2017. La Section de l’immigration a conclu que le demandeur était interdit de territoire en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR et a rendu une mesure de renvoi contre lui en application de l’alinéa 45d) de la LIPR. Comme le demandeur a été condamné à six mois d’emprisonnement pour son crime, le paragraphe 64(2) de la LIPR l’empêchait d’interjeter appel de la décision relative à l’interdiction de territoire devant la Section d’appel de l’immigration.

[7]  Le 5 septembre 2017, le demandeur a retenu les services d’un avocat. Peu après, il a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du délégué de lui faire subir une enquête sur l’interdiction de territoire, ainsi que de la décision de la Section de l’immigration de prendre une mesure de renvoi.

[8]  Le 14 octobre 2017, le demandeur a rencontré un psychologue pour subir une évaluation psychologique. Le psychologue a conclu que les aptitudes aux études du demandeur étaient de niveau primaire et que sur le plan cognitif, 99 % des personnes de son groupe d’âge le dépassaient. Le psychologue a également conclu que la capacité du demandeur à comprendre et à traiter les procédures d’immigration qui le visaient, et à y répondre adéquatement, était affaiblie par son fonctionnement cognitif.

III.  Question en litige

[9]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision du délégué de faire subir une enquête au demandeur était-elle déraisonnable pour les raisons énumérées ci-dessous?
    1. Les motifs du délégué n’expliquent pas quel est le bien-fondé de l’affaire et ne permettent pas à la Cour de comprendre la raison pour laquelle la décision a été rendue.
    2. Le délégué a entravé son pouvoir discrétionnaire étant donné qu’il n’a pas tenu compte de la situation personnelle du demandeur.
  2. En ce qui concerne la décision de faire subir au demandeur une enquête sur l’interdiction de territoire et de prendre une mesure de renvoi, le droit du demandeur à l’équité procédurale a été enfreint compte tenu de son faible niveau de fonctionnement cognitif et de son incapacité à comprendre l’importance des procédures.

IV.  Norme de contrôle

[10]  La question de l’équité procédurale est examinée en fonction de la norme de la décision correcte, alors que la décision du délégué est examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable : Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319 (arrêt Sharma), au paragraphe 15.

V.  Analyse

A.  La décision du délégué de faire subir une enquête au demandeur était-elle déraisonnable?

[11]  Le demandeur affirme que les motifs du délégué pour lui faire subir une enquête, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR, ne tiennent pas compte de l’analyse de sa situation personnelle particulière. Ainsi, la décision est déraisonnable parce que les motifs ne permettent pas à la Cour de comprendre pourquoi elle a été prise. En outre, elle démontre que le délégué a entravé son pouvoir discrétionnaire étant donné qu’il n’a pas tenu compte de la situation personnelle particulière du demandeur.

[12]  Le défendeur affirme que le délégué avait un très faible pouvoir discrétionnaire pour ce qui était de ne pas faire subir une enquête au demandeur. Une décision rendue en application du paragraphe 44(2) de la LIPR ne constitue pas un examen approfondi des motifs d’ordre humanitaire; elle est plutôt axée sur les faits sous-jacents à l’interdiction de territoire alléguée. Quoi qu’il en soit, le délégué a tenu compte du fait que le demandeur n’avait pas le droit d’interjeter appel de sa décision, ainsi que des motifs d’ordre humanitaire et des facteurs de réhabilitation, et il a conclu qu’ils ne l’emportaient pas sur la gravité de sa condamnation.

[13]  Le dossier indique que le délégué a tenu compte de la situation personnelle particulière du demandeur avant de décider de lui faire subir une enquête. Ses motifs écrits, conjointement avec le rapport de l’agent de l’ASFC produit en application du paragraphe 44(1), étaient suffisants pour permettre au demandeur et à la Cour de comprendre les raisons pour lesquelles la décision a été rendue.

[14]  Tant l’agent de l’ASFC qui a préparé le rapport sur l’interdiction de territoire que le délégué qui a pris la décision de lui faire subir une enquête ont tenu compte des circonstances particulières du demandeur : arrêt Sharma, aux paragraphes 47 et 48, et Abdi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 950, au paragraphe 16.

[15]  Les motifs écrits du délégué démontrent qu’il connaissait les circonstances atténuantes du demandeur, mais qu’il a conclu qu’elles ne l’emportaient pas sur la gravité du crime :

[traduction]

J’ai examiné le dossier, et je suis d’accord avec l’évaluation de l’agent et avec sa recommandation de faire subir une enquête au demandeur. Après avoir pris en compte le fait que le demandeur n’a pas le droit d’interjeter appel de la décision, ainsi que les motifs d’ordre humanitaire et les facteurs de réhabilitation, je conclus qu’ils ne l’emportent pas sur la gravité de sa condamnation. Il a non seulement volé le vélo de la victime, mais s’est aussi rendu jusqu’à son véhicule pour trouver une hache et a entrepris de retrouver la victime pour l’attaquer avec l’arme, et ce, sans avoir été provoqué.

[16]  En outre, l’analyse de l’agent de l’ASFC sous-jacente au rapport produit en application du paragraphe 44(1) est considérée comme partie prenante du raisonnement du délégué : Huang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 28, au paragraphe 88. L’agent de l’ASFC a fourni une analyse détaillée de la situation personnelle du demandeur. Il a fait remarquer que le demandeur n’avait pas le droit d’interjeter appel de la décision, que celui-ci regrettait ses gestes, qu’il a reçu des services de consultation sur la gestion de la colère, qu’il n’avait rien en Jamaïque et que la plus grande partie des membres de sa famille habitait au Canada, dépendaient les uns des autres et seraient touchés par son renvoi. Cependant, il a aussi déterminé que le demandeur était un récidiviste et avait des antécédents de non-conformité, qu’il représentait un risque pour la sécurité du public en général, qu’il ne reconnaissait pas sa culpabilité, qu’il avait suivi un cours de gestion de la colère seulement dans le cadre de ses conditions de probation, qu’il n’avait pas fourni de preuve de sa réhabilitation ni aucune observation écrite de la part de sa famille pour illustrer de quelle façon son renvoi la toucherait, et qu’il avait des connaissances dans son pays natal. L’agent de l’ASFC a conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la gravité de sa condamnation.

[17]  Par conséquent, tant le délégué que l’agent de l’ASFC connaissaient les circonstances atténuantes du demandeur, mais ont conclu qu’elles ne l’emportaient pas sur la gravité du crime. Ensemble, les motifs de l’agent de l’ASFC pour recommander de faire subir une enquête au demandeur et l’acceptation par le délégué des motifs et de la décision de faire subir cette enquête sont suffisants pour permettre au demandeur et à la Cour de comprendre les raisons pour lesquelles la décision a été rendue.

B.  En ce qui concerne la décision de faire subir au demandeur une enquête sur l’interdiction de territoire et de prendre une mesure de renvoi, le droit du demandeur à l’équité procédurale a été enfreint compte tenu de son faible niveau de fonctionnement cognitif et de son incapacité à comprendre l’importance des procédures.

[18]  Le demandeur allègue que son droit à l’équité procédurale a été enfreint dans les deux procédures, c’est-à-dire la décision du délégué de lui faire subir une enquête ainsi que la décision de la Section de l’immigration de prendre une mesure de renvoi, parce qu’il était incapable de comprendre la nature des procédures. Il affirme dans ses affidavits qu’il était confus et stressé et qu’il ne comprenait pas bien ce qui se passait dans le cadre de ces procédures. Par ailleurs, le rapport du psychologue indique que les faibles capacités cognitives du demandeur devraient affaiblir sa capacité à comprendre adéquatement les procédures et à y répondre efficacement.

[19]  Le défendeur répond que le demandeur a démontré qu’il pouvait comprendre et apprécier les procédures, comme il est exigé. Dans sa réponse à la lettre de l’ASFC, il a fourni des réponses détaillées aux questions sur son renvoi et sur les personnes qui seraient touchées. En outre, lors de l’audience devant la Section de l’immigration, on lui a demandé tout au long de la procédure s’il comprenait, et il a répondu que c’était le cas. Il a aussi indiqué qu’il n’avait pas besoin d’un avocat. Quoi qu’il en soit, l’objectif de l’audience de la Section de l’immigration était de confirmer la condamnation du demandeur, ce qui nécessitait une simple réponse « oui » ou « non ».

[20]  Dans l’arrêt Sharma, la Cour d’appel fédérale a traité des exigences relatives à l’équité procédurale dans le contexte des procédures d’interdiction de territoire. Elle a déclaré que « l’obligation d’équité ne se situe manifestement pas à l’extrémité supérieure du continuum » et « qu’il est justifié d’accorder un degré relativement faible de droits de participation » (arrêt Sharma, aux paragraphes 29 et 34). Elle a tiré la conclusion suivante, au paragraphe 34 :

Dans la mesure où la personne est informée des faits qui ont déclenché le processus, a la possibilité de présenter des éléments de preuve et de faire des observations, obtient un entretien après qu’on lui a fait part de l’objet de cette mesure et des conséquences possibles, a la possibilité de demander l’assistance d’un avocat et reçoit un exemplaire du rapport avant la tenue de l’enquête, on satisfait aux exigences de l’obligation d’équité.

[21]  Le 28 février 2017, le demandeur a reçu une lettre de l’ASFC l’informant qu’elle avait des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire pour grande criminalité, conformément à l’alinéa 36(1)a) de la LIPR en raison de sa condamnation pour agression armée. Elle expliquait que la décision de lui permettre de rester au Canada ou de prendre une mesure de renvoi contre lui serait prise à court terme, que la prochaine étape du processus consistait à réaliser un examen exhaustif des circonstances entourant son affaire et qu’il avait le droit d’interjeter appel d’une mesure de renvoi en application des paragraphes 64(1) et 64(2) de la LIPR. Elle contenait également une liste des motifs d’ordre humanitaire qui seraient pris en compte et demandait que des observations pertinentes soient fournies en ce qui concerne ces motifs ou toute autre circonstance de son affaire.

[22]  Le demandeur a répondu à cette lettre par de longues observations écrites. Il a accepté la responsabilité de ses actes et a expliqué qu’il était déçu de lui-même et qu’il prenait des mesures pour éviter qu’un événement similaire se reproduise à l’avenir. Il a indiqué que sa mère, deux frères et sœurs, son fils et ses petits-enfants habitaient au Canada. Il prenait soin de sa mère, et la situation serait difficile pour elle s’il n’était pas là – toute sa famille souffrirait s’il était renvoyé. Par ailleurs, s’il était renvoyé du Canada, il pourrait se retrouver à la rue, sans éducation et sans emploi. Il n’y avait rien pour lui en Jamaïque. Il devait rester au Canada pour continuer son traitement, s’épanouir et être un membre productif de la société.

[23]  Il ressort clairement que ces observations ne contiennent aucun élément de preuve démontrant que le demandeur n’appréciait pas la nature des procédures.

[24]  Cependant, il ne ressort pas clairement de la transcription que le demandeur avait accepté d’aller de l’avant sans être représenté par un avocat. En outre, bien que des références aient été faites à des discussions qui ont eu lieu auparavant, on ne sait pas avec certitude ce qui s’est dit lors de ces discussions. Le demandeur a été avisé à tort qu’il pouvait interjeter appel de la décision. Il pensait à ce moment-là que le processus n’était pas terminé. Il a affirmé ce qui suit : [traduction] « J’aimerais parler à quelqu’un d’autre en ce qui concerne cette situation. » Rien ne permet de déterminer avec certitude s’il faisait référence au processus d’appel, à l’embauche d’un avocat ou aux deux.

[25]  La question du manque de compréhension dans le cadre d’une enquête sur une interdiction de territoire a récemment été abordée dans la décision Bisla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1059, dans laquelle le juge Diner a écrit ce qui suit aux paragraphes 16, 17, 19 et 21 :

16  En ce qui concerne l’absence de représentation juridique, cette procédure de la SI avait pour objet de confirmer la condamnation antérieure de M. Bisla. Cela n’exigeait qu’un simple « oui » ou « non »; à mon avis, M. Bisla était capable de comprendre la question et de donner l’une ou l’autre de ces réponses sans l’aide d’un avocat. Ensuite, ayant confirmé que le demandeur avait été reconnu coupable d’un acte criminel et a été condamné à plus de six mois d’emprisonnement, dans ces circonstances le commissaire de la SI n’avait d’autre choix que d’émettre une ordonnance d’expulsion (en application de l’alinéa 45d) de la Loi et de l’alinéa 229(1)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, (DORS/2002-227). Comme l’a affirmé le juge de Montigny dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Fox, 2009 CF 987, au paragraphe 39 :

Le rôle du tribunal à l’enquête consiste uniquement à tirer des conclusions de fait. Si le commissaire conclut que la personne est visée par l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, alors il doit, en application de l’alinéa 45d) de la LIPR et de l’alinéa 229(1)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, émettre une ordonnance d’expulsion de cette personne.

17  En outre, aucune preuve d’un médecin ou d’un psychologue confirmant le handicap mental de M. Bisla n’a été présentée au commissaire de la SI. Je reconnais avec l’avocat de M. Bisla pour le présent contrôle judiciaire que toute invalidité de M. Bisla aurait dû, en raison de sa qualité de résident permanent, être examinée au début de l’audience de la SI : Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, au paragraphe 41. Cela étant dit, m’appuyant sur les documents contextuels, je ne trouve aucune erreur de la Commission relativement à la procédure appliquée à l’audience d’inadmissibilité ou à son interaction avec le demandeur au cours de l’audience, tant avant l’arrivée de l’interprète qu’après celle-ci. Bref, l’obligation d’équité procédurale due au demandeur a été respectée.

19 Dans la présente instance, le commissaire n’était nullement tenu de commettre un représentant désigné pour se conformer aux règles 50 et 18. Conclure le contraire équivaudrait à imposer l’obligation positive à l’avocat de la partie adverse et au commissaire de la SI d’évaluer la capacité mentale du demandeur lorsque celui-ci confirme qu’il a compris la nature de la procédure et lorsque la Commission a cru le demandeur lorsqu’il a affirmé qu’il comprenait la nature de la procédure. Bref, le commissaire s’est acquitté de son obligation, à savoir confirmer la capacité du demandeur de comprendre la procédure, en s’appuyant sur les réponses du demandeur, sur ses échanges avec celui-ci et sur les documents présentés à la Commission.

21  Finalement, le Parlement a tracé une ligne rigoureuse lorsqu’il a rédigé l’alinéa 45d) et l’alinéa 129(1)c) de la Loi et de son règlement d’application respectivement. Cette loi et son règlement d’application indiquent clairement que, lorsque la SI reçoit un rapport d’interdiction de territoire pour grande criminalité en vertu de l’article 44 de la Loi, sa seule et unique fonction consiste à effectuer une enquête sur les faits. Lorsque les faits à l’origine de l’inadmissibilité pour cause de grande criminalité sont avérés, la SI n’a d’autre choix que d’émettre une ordonnance d’expulsion. Aux présentes, la SI est saisie d’un cas où le demandeur a été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement pour une infraction dont il s’est rendu coupable.

[26]  Selon moi, ce raisonnement s’applique en l’espèce. La seule fonction de la Section de l’immigration était de confirmer que les faits sous-jacents à l’interdiction de territoire pour grande criminalité étaient respectés. Le demandeur a clairement reconnu qu’il avait été condamné pour agression armée et qu’il n’avait pas interjeté appel de cette condamnation ni de la sentence de six mois imposée; par conséquent, les exigences de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR ont été satisfaites, et le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité.

[27]  Par conséquent, la difficulté apparente du demandeur de comprendre les procédures n’a pas rendu l’audience inéquitable sur le plan procédural. Même s’il avait été représenté par un avocat ou que la Section de l’immigration avait été informée de ses problèmes cognitifs, le résultat aurait été le même. En outre, au moment où le rapport a été produit en application du paragraphe 44(1) par l’agent de l’ASFC, puis où il a été examiné par le délégué, le demandeur avait produit des observations importantes sur les motifs d’ordre humanitaire pertinents pour son affaire. Le moment était adéquat pour produire ces observations, et celles-ci ont été adéquatement prises en compte par l’agent de l’ASFC et le délégué.

[28]  Je conclus que le demandeur a bénéficié de l’équité procédurale.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-3914-17 et IMM-4017-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-3914-17 et IMM-4017-17

INTITULÉ :

WARDLEY WALTON BURTON c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 juillet 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Joel Sandaluk

Pour le demandeur

Neeta Logsetty

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MAMANN, SANDALUK & KINGWELL LLP

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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