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Date : 20180820


Dossier : IMM-3541-17

Référence : 2018 CF 846

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 août 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MEHRDAD KARAMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’instance

[1]  Le demandeur, Mehrdad Karami, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 24 juillet 2017 par l’agente Jennifer Williams d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). L’agente a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, parce qu’elle a conclu que la demande était incomplète aux termes des articles 10 et 12.01 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR).

[2]  Le demandeur est âgé de 47 ans et est citoyen de l’Iran. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le 21 juillet 2016. Il devait être accompagné de son épouse et de son fils de 11 ans.

[3]  Le 21 juillet 2016, le consultant du demandeur, Gerd Damitz, a téléchargé une copie du passeport expiré du demandeur, avec sa demande de résidence permanente et des renseignements relatifs au passeport actuel du demandeur.

[4]  Le 24 juillet 2017, IRCC a envoyé une lettre au demandeur, par l’intermédiaire de MonCIC, l’informant que sa demande était rejetée parce qu’elle était incomplète. Plus précisément, la demande ne comprenait pas la copie d’un passeport valide ou des documents de voyage. La lettre indiquait que le demandeur devait être en possession d’un passeport régulier en cours de validité. Les notes du SMGC indiquent que le passeport était expiré.

[5]  La lettre informait également le demandeur que ses frais lui seraient remboursés et qu’il pourrait présenter une autre demande au moyen d’un nouveau profil « Entrée Express » par l’intermédiaire de son compte MonCIC.

[6]  Le demandeur a été informé du rejet de sa demande le 2 août 2017.

[7]  Le 16 août 2017, le consultant a fourni une copie du passeport actuel du demandeur.

II.  Les observations du demandeur

[8]  Le demandeur dit que les renseignements pertinents relatifs à son passeport actuel ont été soumis, mais qu’un passeport expiré a initialement été téléchargé. Lorsque le consultant a ultérieurement soumis le passeport récent, ce dernier a été rejeté puisque le dossier de demande était fermé.

[9]  Le demandeur affirme que l’agente avait en main tous les documents nécessaires, y compris le numéro de passeport, la date de délivrance et la date d’expiration. De plus, dans le dossier, à la page 265 du dossier certifié du tribunal, se trouve le formulaire d’information médicale qui contient la même information sur le passeport ainsi qu’une photo du demandeur.

[10]  Le demandeur soutient que le téléchargement d’une copie du passeport actuel n’aurait rien apporté de nouveau. L’agente avait déjà les renseignements au dossier. Il était donc déraisonnable que l’agente conclue que la demande était incomplète.

[11]  Le demandeur soutient également qu’il était inéquitable sur le plan procédural que l’agente ne lui donne pas l’occasion de concilier les éléments de preuve contradictoires concernant le passeport valide et le passeport expiré. Le demandeur se fonde sur la décision Ma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1283 [Ma] pour affirmer que l’agente n’a pas examiné tous les éléments de preuve pertinents et qu’elle aurait dû lui donner l’occasion d’aborder les éléments de preuve contradictoires concernant les renseignements relatifs au passeport et le passeport expiré. Il se fonde également sur cette décision pour dire que lorsque des éléments de preuve directement contradictoires ne sont pas abordés par le décideur, la Cour peut conclure que la décision est déraisonnable.

III.  Discussion

A.  Norme de contrôle

[12]  Les décisions portant sur les demandes de résidence permanente en application du RIPR soulèvent des questions mixtes de fait et de droit et sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Verma c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 488, au paragraphe 8.

[13]  En l’espèce, l’allégation du demandeur liée à l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : Gugliotti c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 71, au paragraphe 23 [Gugliotti].

[14]  La décision Ma n’aide pas la cause du demandeur. Dans cette dernière, le décideur était saisi d’une abondance d’éléments de preuve directement contradictoires qui n’ont pas été abordés. En l’espèce le demandeur n’a pas présenté le document essentiel, soit un passeport valide. Il ne devrait pas être nécessaire de dire qu’un passeport expiré, par sa nature même, n’est pas valide. Il ne peut pas être utilisé comme passeport.

[15]  La forme et le contenu des demandes sont régis par l’article 10 du RIPR. En l’espèce, la partie la plus pertinente de l’article 10 est l’alinéa 10(1)c) :

Forme et contenu de la demande

10 (1) Sous réserve des alinéas 28b) à d) et 139(1)b), toute demande au titre du présent règlement :

[. . .]

c) comporte les renseignements et documents exigés par le présent règlement et est accompagnée des autres pièces justificatives exigées par la Loi;

Form and content of application

10 (1) Subject to paragraphs 28(b) to (d) and 139(1)(b), an application under these Regulations shall

[. . .]

(c) include all information and documents required by these Regulations, as well as any other evidence required by the Act;

[16]  La preuve documentaire présentée par le demandeur à l’appui des données relatives à sa demande, soit son numéro de passeport, la date de délivrance et la date d’expiration, n’était simplement pas étayée par son passeport expiré qui contient des renseignements différents.

[17]  L’article 12.01 du RIPR aborde l’incidence et les exigences relatives à une demande présentée au moyen du système électronique. Lorsque le consultant du demandeur a par la suite présenté le passeport valide, il était trop tard. Ce passeport devait être soumis au moment de la présentation de la demande, comme l’exige l’alinéa 12.01(3)a) :

Demande électronique — exigences

(3) Lorsque la demande visée au paragraphe (1) est présentée au moyen du système électronique :

a) les renseignements, documents et autres pièces justificatives visés à l’alinéa 10(1)c) doivent être soumis au moyen de ce système au moment de la présentation de la demande;

(Non souligné dans l’original.)

Electronic application — requirements

(3) When an application referred to in subsection (1) is made by means of the electronic system

(a) the information, documents and evidence referred to in paragraph 10(1)(c) must be submitted by means of that electronic system at the time the application is made;

(my emphasis)

[18]  Le demandeur soutient également, pour l’essentiel, que l’agente est tenue d’accepter sa feuille d’information eMédical comme preuve de son passeport. Cette feuille contient sa photo et des renseignements relatifs au passeport expiré. Elle indique que le passeport original était la source des renseignements.

[19]  Si une feuille d’information eMédical pouvait remplacer un passeport valide, les instructions relatives à la liste de contrôle des documents incluraient cette feuille en tant qu’autre document pouvant être fourni à cette fin. Les instructions n’en font pas mention.

[20]  Sur la question de savoir si la demande devrait être rejetée parce que les renseignements étaient incomplets, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une demande incomplète n’existe pas en raison de l’article 12 du RIPR qui dispose que « si les exigences prévues aux articles 10 et 11 ne sont pas remplies, la demande et tous les documents fournis à l’appui de celle-ci sont retournés au demandeur » : Gennai v Canada (Citizenship and Immigration), 2017 FCA 29 [Gennai], autorisation d’interjeter appel rejetée le 13 juillet 2017.

[21]  L’article 12 du RIPR invoqué dans l’arrêt Gennai dispose que :

Renvoi de la demande

12 Sous réserve de l’article 140.4, si les exigences prévues aux articles 10 et 11 ne sont pas remplies, la demande et tous les documents fournis à l’appui de celle-ci sont retournés au demandeur.

Return of application

12 Subject to section 140.4, if the requirements of sections 10 and 11 are not met, the application and all documents submitted in support of it shall be returned to the applicant.

[22]  Alors que la décision Gennai portait sur l’absence de paiement des droits applicables, le facteur crucial était qu’un élément exigé par l’article 10 du RIPR n’avait pas été présenté avec la demande. L’arrêt Gennai établit que le non-respect de l’article 10 du RIPR fait entrer en jeu l’article 12, ce qui signifie que la demande est incomplète. Pour ce motif, il était certainement raisonnable que l’agente conclue que la demande présentée par le demandeur était incomplète puisqu’un passeport non expiré n’avait pas été fourni.

[23]  Le demandeur répond que la décision Gennai se distingue de l’espèce du fait qu’il a été établi que sa demande était incomplète suivant l’alinéa 12.04(4)f) du RIPR. Cependant, cette disposition ne s’applique pas. Elle ne s’applique qu’à une demande d’autorisation de voyage, et non à une demande de résidence permanente présentée par voie électronique.

[24]  Subsidiairement, le demandeur déclare également que si l’agente avait des préoccupations au sujet des données concernant son passeport, elle aurait dû lui demander de dissiper ces doutes. Le demandeur soutient que l’agente disposait de tous les renseignements pertinents et que la conclusion selon laquelle le passeport n’était pas valide est déraisonnable, puisque tous les renseignements étaient versés au dossier.

[25]  Dans la décision Gugliotti, le juge Brown a récemment confirmé qu’un agent n’est pas tenu d’informer un demandeur d’une exigence pour laquelle il avait déjà reçu un avis (paragraphe 31). Dans la décision Gugliotti, l’exigence avait été communiquée sous la forme d’un énoncé indiqué dans une zone de texte du formulaire en ligne utilisé par la demanderesse.

[26]  Dans le cas du demandeur, les exigences lui ont été communiquées au moyen des instructions relatives à la liste de contrôle des documents contenues dans l’invitation à présenter une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (page 23 du dossier du demandeur). Dans la liste des documents, il est clairement énoncé que la plupart des gens doivent inclure un [TRADUCTION« passeport valide (nous n’acceptons pas de passeports expirés ou d’autres documents de voyage) ».

IV.  Conclusion

[27]  Pour les motifs qui précèdent, la décision selon laquelle la demande incomplète devait être rejetée n’est ni déraisonnable ni injuste. Il s’agit d’une décision correcte fondée sur la législation et la jurisprudence.

[28]  La demande est rejetée pour les motifs susmentionnés.

[29]  Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3541-17

LA COUR rejette la demande. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3541-17

 

INTITULÉ :

MEHRDAD KARAMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 FÉVRIER 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 AOÛT 2018

 

COMPARUTIONS :

Max Chaudhary

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Chaudhary

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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