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Date : 20180726


Dossier : T-28-18

Référence : 2018 CF 789

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 26 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

JASON JANE LIPSKAIA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire (la demande) déposée par le demandeur Jason Jane Lipskaia (M. Lipskaia) en application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7. Le demandeur conteste une décision rendue le 2 janvier 2018 (la décision), par laquelle un décideur (le décideur) de la Direction des enquêtes et de l’examen de l’admissibilité au passeport (la Direction des passeports) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a : a) révoqué un passeport délivré sous le nom de Lipskaia; et b) imposé une période de refus de prestation de services de sept ans. Pour les motifs ci-dessous, je rejette la demande.

II.  Contexte et thèse du demandeur

[2]  L’historique en l’espèce comprend l’affaire Lipskaia c Canada (Procureur général), 2016 CF 526 (Lipskaia), une demande également déposée par le demandeur. Dans le cadre de cette instance, le demandeur a contesté avec succès une décision du 28 avril 2015 dans laquelle il avait été établi : a) que la véritable identité du demandeur était Randall Robert Wiese (M. Wiese); b) qu’il avait obtenu, en présentant des renseignements faux ou trompeurs, un passeport sous la fausse identité de Lipskaia; et c) qu’il était accusé d’avoir commis un acte criminel. À la suite de la décision du 28 avril 2015, le passeport délivré sous le nom de Lipskaia avait été révoqué et une période de refus de prestation de services de passeport de cinq ans avait été imposée au demandeur.

[3]  Toutefois, dans le cadre du contrôle judiciaire, la juge Roussel a conclu dans l’affaire Lipskaia que le demandeur avait été privé de son droit à l’équité procédurale et a ordonné que la demande soit renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Lors du nouvel examen, le nouveau décideur a conclu encore une fois que, selon la prépondérance des probabilités, le véritable nom du demandeur était Wiese et qu’il avait obtenu un passeport sous le nom de Lipskaia en présentant des renseignements faux ou trompeurs. Par conséquent, conformément au Décret sur les passeports canadiens, SI/81-86, la décision a entraîné la révocation du passeport sous l’identité de Lipskaia et l’imposition au demandeur d’une période de refus de prestation de services de passeport de sept ans à compter de la date de la demande de passeport sous l’identité de Lipskaia. Toutefois, le décideur n’a pas fondé sa décision sur le fait que le demandeur avait été accusé d’avoir commis un acte criminel.

[4]  Le demandeur, qui se représente lui-même, affirme qu’il a légalement droit à l’identité de Lipskaia et soutient que la décision doit être annulée pour ce motif. Pour étayer sa position, le demandeur s’appuie principalement sur une ordonnance du juge Lee de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta datée du 7 août 2008, qui ordonnait au directeur du Bureau de l’état civil de l’Alberta d’accepter une demande d’enregistrement différé d’une naissance présentée sous l’identité de Lipskaia.

[5]  À l’inverse, le défendeur fait valoir que le décideur a raisonnablement conclu que l’identité de Lipskaia avait été frauduleusement utilisée par le demandeur, qui porte en fait le nom de Wiese, et que, par conséquent, la décision ne devrait pas être modifiée.

[6]  Bien que, dans son avis de demande, le demandeur demande à la Cour de lui permettre de [traduction] « poursuivre sa vie » sous le nom de Lipskaia, je ne suis pas ici pour déterminer l’identité du demandeur. Je réitère maintenant, comme je l’ai fait lors de l’audience, que le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite à évaluer si la décision était juste et raisonnable compte tenu des renseignements présentés à la Direction des passeports et du mandat qui lui est confié par la loi.

[7]  Je crois comprendre que le demandeur soulève trois arguments. Premièrement, il prétend qu’en adressant sa correspondance au nom de Wiese plutôt qu’à celui de Lipskaia, la Direction des passeports a enfreint son droit à l’équité procédurale. Deuxièmement, il soutient que le décideur a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve du dossier, notamment les éléments appuyant sa position selon laquelle il porte le nom de Lipskaia. Troisièmement, il affirme que la décision lui a causé un important préjudice personnel et financier. Au vu de ces arguments, le demandeur demande l’annulation de la décision et l’octroi d’une indemnité.

[8]  Après avoir examiné ces arguments du demandeur dans le contexte de l’imposant dossier certifié du tribunal (DCT), je conclus que le demandeur a bénéficié de l’équité procédurale et que la décision était raisonnable. Par ailleurs, rien ne justifie l’octroi d’une indemnité au demandeur.

III.  Question préliminaire

[9]  À la demande du défendeur et en l’absence d’objection du demandeur, l’intitulé de la cause en l’espèce sera modifié pour nommer le Procureur général du Canada à titre de défendeur légitime, conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

IV.  Analyse

A.  La décision a-t-elle été rendue à l’issue d’un processus équitable sur le plan procédural?

[10]  Les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Canadian Pacific Railway Company c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, aux paragraphes 33 à 56). Le demandeur soutient que son droit à l’équité procédurale a été enfreint puisque les lettres qui lui ont été envoyées par la Direction des passeports étaient adressées au nom de Wiese, et non de Lipskaia. Toutefois, comme il a été mentionné ci-haut, la juge Roussel a conclu dans Lipskaia que le demandeur avait été privé de son droit à l’équité procédurale en raison de la non-divulgation de renseignements importants. Toutefois, je n’ai pas été convaincu qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

1)  Résumé de la correspondance de l’enquête

[11]  Datée du 2 décembre 2016, la première lettre de la Direction des passeports a été envoyée à M. Wiese par messagerie prioritaire, mais retournée après avoir été déclarée « non réclamée ».

[12]  Par conséquent, le 31 janvier 2017, un enquêteur (l’enquêteur) de la Direction des passeports a rédigé, à l’intention de M. Wiese, un courriel envoyé à une adresse électronique au nom de « Lipskaia » pour solliciter la permission de communiquer avec le demandeur par courriel. L’enquêteur y indiquait que, si le demandeur souhaitait recevoir de la correspondance par courriel, il devait répondre comme suit : [traduction] « Je souhaite recevoir de la correspondance de la part de la Direction des passeports par courriel et je comprends que les renseignements contenus dans cette correspondance ne seront pas transmis par voie sécurisée ».

[13]  Le demandeur a envoyé la réponse suivante le jour même : [traduction] « Ce n’est pas mon nom. Je m’appelle Jason Lipskaia. » Il a ajouté : [traduction] « Deux juges fédéraux et un juge provincial semblent savoir comment s’adresser à moi. » Il a joint à sa réponse un certain nombre de documents, dont la décision de la juge Roussel dans l’affaire Lipskaia. Toutefois, peu après, il a répondu en utilisant la formule d’autorisation requise indiquée ci-dessus.

[14]  Le 1er février 2017, l’enquêteur a envoyé à M. Lipskaia un courriel auquel il a joint la lettre du 2 décembre 2016. Rédigée par un enquêteur principal (l’enquêteur principal), cette lettre avisait le demandeur qu’une nouvelle enquête avait été entreprise sur sa communication supposée de renseignements faux ou trompeurs pour obtenir un passeport sous la fausse identité de Lipskaia. L’enquêteur principal a écrit que les renseignements accessibles indiquaient que le demandeur portait en fait le nom de Wiese et qu’il allait par conséquent être connu sous ce nom à la Direction des passeports jusqu’à ce qu’il fournisse des preuves suffisantes pour démontrer le contraire.

[15]  L’enquêteur principal a ensuite décrit les renseignements que l’enquête avait révélés jusqu’alors :

  • - un passeport a été délivré en mai 1991 au nom de Randall Wiese à la suite d’une demande de passeport dans laquelle une personne portant le nom de « John C. Wiese » était nommée à titre de personne à joindre en cas d’urgence et de père du demandeur;

  • - un autre passeport a été délivré en avril 1997 au nom de Randall Wiese, et « John C. Wiese » était encore une fois nommé à titre de personne à joindre en cas d’urgence et de père du demandeur;

  • - en novembre 2008, un passeport a été délivré au nom de Lipskaia à la suite d’une demande de passeport fondée sur un certificat de naissance de l’Alberta (émis en septembre 2008) et une carte d’assurance-maladie de l’Alberta à ce nom. « John Charles Weise » a signé à titre de répondant et M. Wiese a été nommé comme référence et employeur;

  • - en novembre 2010, la Direction des passeports a reçu de Service Canada des renseignements selon lesquels le demandeur avait usurpé l’identité de M. Lipskaia. Une enquête a donc été lancée par la Direction des passeports en vue de confirmer la véritable identité du demandeur;

  • - en octobre 2011, on a communiqué avec le Bureau de l’état civil de l’Alberta pour vérifier l’enregistrement de la naissance de M. Lipskaia et, selon la réponse reçue, [traduction] « l’identité de Jason Jane Lipskaia est frauduleuse et aucune pièce d’identité ne doit être émise à ce nom »;

  • - l’enquête de la Direction des passeports a été suspendue temporairement à peu près au même moment, après plusieurs tentatives infructueuses de communiquer par la poste avec le demandeur;

  • - en octobre 2013, un deuxième passeport a été délivré au nom de Lipskaia à la suite d’une demande de renouvellement simplifié de passeport;

  • - en novembre 2010, Service Alberta a avisé la Direction des passeports que le domicile du demandeur avait été perquisitionné en application d’un mandat de perquisition et que des documents d’identité frauduleux au nom de Lipskaia avaient été trouvés;

  • - à ce moment, Service Alberta a également fourni à la Direction des passeports une photographie provenant d’une carte d’identité de l’Alberta émise au nom de Lipskaia, en indiquant qu’il s’agissait d’un pseudonyme utilisé par M. Wiese;

  • - la Direction des passeports a alors téléchargé la photographie reçue de Service Alberta dans un logiciel de reconnaissance faciale, qui a révélé que les photographies des passeports délivrés à M. Lipskaia correspondaient à celles fournies par Service Alberta. Les photographies des passeports délivrés à M. Wiese n’ont pas pu être téléchargées dans le logiciel de reconnaissance faciale en raison de l’ancienneté des dossiers de passeport;

  • - en décembre 2013, le passeport de M. Lipskaia a été invalidé, avant d’être saisi en août 2014 à l’aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau;

  • - en janvier 2015, Service Alberta a avisé la Direction des passeports que : a) le demandeur avait été accusé de 57 infractions criminelles diverses, y compris une infraction aux termes du paragraphe 57(2) du Code criminel, LRC, 1985, c C-46, pour avoir présenté une demande de passeport sous la fausse identité de Lipskaia; et b) dans le cadre de cette instance, le demandeur avait plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration selon laquelle il était né sous le nom de Lipskaia;

  • - Service Alberta a également indiqué : a) qu’un certificat original de naissance vivante confirmait la naissance de M. Wiese le 22 mai 1968; b) qu’il n’existait aucun dossier de changement de nom pour M. Wiese; et c) qu’il existait un dossier d’enregistrement différé d’une naissance sous le nom de Lipskaia;

  • - Service Alberta a également indiqué qu’à l’appui de la demande d’enregistrement différé d’une naissance sous l’identité de Lipskaia, M. Wiese avait émis une déclaration solennelle en son propre nom ainsi qu’un affidavit frauduleux assermenté sous le nom de Lipskaia;

  • - en septembre 2016, la Direction des passeports a reçu du Bureau de l’état civil de l’Alberta deux lettres remontant à novembre 2011 et indiquant que : a) la preuve déposée pour créer l’enregistrement différé d’une naissance sous l’identité de Lipskaia était frauduleuse; et b) l’enregistrement différé de la naissance allait être annulé et recevoir le statut « supprimé » pour s’assurer qu’aucun document ou certificat ne soit émis ultérieurement. Le Bureau de l’état civil de l’Alberta a également demandé que le certificat de naissance émis au nom de Lipskaia soit retourné aux fins d’annulation;

  • - la Direction des passeports a ensuite reçu de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) des renseignements selon lesquels, en avril 2010, un individu arrêté en Alberta pour conduite avec facultés affaiblies avait présenté un permis de conduire de la Saskatchewan au nom de Lipskaia. Toutefois, des empreintes digitales et des photographies du demandeur ont été prises relativement à ces accusations et les empreintes digitales ont permis de confirmer qu’il s’agissait de M. Wiese;

  • - la Direction des passeports a alors téléchargé la photographie issue de l’incident de conduite avec facultés affaiblies d’avril 2010 dans son logiciel de reconnaissance faciale, qui a établi une correspondance avec les photos des passeports délivrés au nom de Lipskaia;

  • - en septembre 2016, le Service de police de la Ville de Montréal a avisé la Direction des passeports que des mandats d’arrestation portant le nom de Wiese avaient été émis au Québec pour les motifs suivants : a) omission de comparaître en cour relativement à une accusation antérieure aux termes de l’alinéa 129(a)d) du Code criminel; et b) infractions aux termes des alinéas 56.1(4)a) et 402.2(1)(5)a) du Code criminel relativement à la possession de renseignements identificateurs sur une autre personne et à la possession de renseignements en vue de commettre une fraude.

[16]  Le demandeur a été invité à soumettre des renseignements qui [traduction« contrediraient ou invalideraient » les renseignements détenus par la Direction des passeports. Le demandeur a réagi en envoyant de multiples réponses par courriel entre le 1er et le 7 février 2017. Même si un grand nombre de ces courriels indiquaient que le demandeur n’accepterait pas la correspondance de la Direction des passeports, il a tout de même répondu à l’essence de la lettre par l’intermédiaire de cette série de courriels. Plus précisément, le demandeur a déclaré : a) qu’il croyait honnêtement être né sous le nom de Lipskaia; b) que la lettre de la Direction des passeports l’avait [traduction] « avisé » de [traduction« problèmes » qu’il croyait déjà résolus; c) qu’il n’avait jamais plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration; d) que le [traduction] « juge Anderson » lui avait dit en audience publique qu’il était légalement « Jason » et qu’il possédait une transcription de cette déclaration; et e) que l’ordonnance émise par le juge Lee en 2008 était [traduction] « encore en vigueur ». En outre, le demandeur a envoyé à la Direction des passeports un [traduction« engagement remis à un juge » de la Saskatchewan au nom de Lipskaia ainsi que des copies de cartes d’identité au nom de Lipskaia en indiquant ce qui suit dans le corps de son courriel [traduction] : « je n’ai observé aucune mention de ces éléments dans votre lettre ».

[17]  L’enquêteur principal a répondu, dans une lettre datée du 11 mai 2017 : a) qu’il avait été confirmé auprès de Service Alberta que le demandeur avait effectivement plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration selon laquelle il portait le nom de Lipskaia le 10 avril 2008 ou vers cette date; et b) que, selon des renseignements reçus de la GRC, un engagement de caution avait été émis au nom de Wiese relativement à des accusations déposées à Westlock, en Alberta, le 5 avril 2017, engagement qui comprend la condition de rester en Alberta (accusations de Westlock).

[18]  Par conséquent, l’enquêteur principal a indiqué que l’alinéa 9(1)d) et le paragraphe 10(1) du Décret sur les passeports canadiens, selon lesquels le ministre peut révoquer le passeport d’une personne frappée d’une interdiction de quitter le Canada ou le ressort d’un tribunal canadien, pourraient s’appliquer au cas du demandeur. On a encore une fois donné au demandeur l’occasion de répondre.

[19]  Dans une série de courriels envoyés entre le 11 mai et le 8 juillet 2017, le demandeur a réitéré qu’il n’accepterait pas de lettres qui ne sont pas adressées au nom de Lipskaia. Toutefois, il a de nouveau répondu aux renseignements contenus dans la lettre de l’enquêteur principal. Par exemple, en ce qui concerne l’engagement de caution mentionné par l’enquêteur principal, le demandeur a déclaré qu’il possédait des [traduction] « documents certifiés par la cour » montrant que les accusations de conduite avec facultés affaiblies déposées contre M. Lipskaia à Regina avaient été rejetées en février 2017. Le demandeur a de nouveau fait valoir que son plaidoyer de culpabilité concernait le méfait, et non la production de toute déclaration fausse ou trompeuse, et a renvoyé la Direction des passeports au paragraphe 24 du jugement de la juge Roussel dans l’affaire Lipskaia.

[20]  L’enquêteur principal a répondu au demandeur le 2 août 2017, résumant les faits et les renseignements reçus du demandeur entre le 11 mai et le 8 juillet 2017. L’enquêteur principal a également divulgué des renseignements supplémentaires détenus par la Direction des passeports :

  • - On a de nouveau communiqué avec Service Alberta, qui, cette fois, a confirmé que le demandeur n’avait pas plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration selon laquelle il portait le nom de Lipskaia, le 10 avril 2008 ou vers cette date. Des précisions ont par conséquent été apportées au dossier du demandeur auprès de la Direction des passeports;

  • - En juillet 2017, Service Alberta a fourni à la Direction des passeports des documents émis par la Cour provinciale de l’Alberta le 23 juin 2009, selon lesquels le demandeur avait été appréhendé par la police en juin 2008 pour conduite dangereuse et avait présenté à la police un permis de conduire au nom de Lipskaia. Dans cette affaire, le représentant du demandeur avait présenté un plaidoyer de culpabilité pour le compte du demandeur pour avoir entravé le travail d’un agent de la paix en fournissant un faux nom aux termes de l’article 129 du Code criminel;

  • - Service Alberta a également avisé la Direction des passeports qu’une personne avait communiqué avec un enquêteur de l’unité de la conformité des programmes et des enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Technologie pour demander le remplacement du nom Wiese par Lipskaia sur ses dossiers scolaires en raison d’un changement de nom. Toutefois, cette personne a refusé de fournir à l’enquêteur une copie des documents du prétendu changement de nom. L’enquêteur avait également en sa possession des dossiers d’emploi dans le cadre desquels un employé avait présenté une demande d’emploi sous le nom de Wiese, mais demandé à être rémunéré sous le nom de Lipskaia;

  • - Service Alberta a déterminé que des permis de conduire existaient aux noms de Wiese et de Lipskaia, avec des dates de naissance différentes, et que les photos liées aux deux identités semblaient montrer la même personne. Le permis au nom de Wiese a été suspendu entre 2005 et 2007, puis indéfiniment en 2010. La première demande de permis au nom de Lipskaia a été présentée en 2006, année où le permis émis au nom de Wiese a été suspendu;

  • - La Direction des passeports a reçu de la part de la GRC des renseignements selon lesquels le demandeur utilisait également le pseudonyme « Jason Sgfusion » et, lors d’une perquisition de la résidence du demandeur en 2013, plusieurs pièces d’identité au nom de « Jason Lipskaia » avaient été saisies;

  • - On avait communiqué avec la GRC relativement à l’engagement de caution émis le 5 avril 2017, et elle a confirmé que la condition de rester en Alberta était encore en vigueur.

[21]  L’enquêteur principal a reconnu que le demandeur avait fourni des documents de procédure de la Saskatchewan comportant le nom de Lipskaia, mais a déclaré que ces documents ne prouvaient pas la véritable identité du demandeur et ne démontraient pas non plus que l’identité de Lipskaia n’était pas usurpée. Encore une fois, le demandeur a eu l’occasion de répondre aux renseignements contenus dans la lettre de l’enquêteur principal.

[22]  Le demandeur a répondu dans une autre série de courriels envoyés entre le 2 août et le 9 novembre 2017, déclarant notamment : a) que le deuxième passeport au nom de Lipskaia avait été émis après que le juge Anderson lui a dit qu’il avait légalement le droit de porter le nom Lipskaia; b) que l’Alberta n’était [traduction] « pas un bon endroit » pour lui compte tenu des chefs d’accusation [traduction] « bizarres » dont il y faisait l’objet; c) que le problème de [traduction] « Westlock » n’existait plus (en faisant référence à l’engagement de caution en Alberta) et que le [traduction] « problème de Québec » allait bientôt être résolu; et d) qu’il [traduction] « avait payé cher » et qu’il n’avait pas pu conduire pendant plusieurs années. Le demandeur a également envoyé à la Direction des passeports une copie de l’engagement de caution en Alberta et des documents relatifs aux accusations de conduite avec facultés affaiblies déposées contre lui en Saskatchewan.

[23]  Dans une lettre de réponse datée du 23 novembre 2017, l’enquêteur principal a de nouveau résumé les renseignements et les faits communiqués par le demandeur entre le 2 août et le 9 novembre 2017. L’enquêteur principal a indiqué que la Direction des passeports avait confirmé que les accusations de Westlock avaient été résolues et que, par conséquent, l’alinéa 9(1)d) ne s’appliquait plus au cas du demandeur. En outre, on a communiqué avec la police de Montréal, qui a confirmé que le mandat d’arrestation émis aux termes des alinéas 56.1(4)a) et 402.2(1)(5)a) du Code criminel n’était plus valide, mais que celui émis aux termes de l’alinéa 129a)d) le demeurait.

[24]  L’enquêteur principal a conclu que le demandeur n’avait pas fourni de renseignements contredisant ou invalidant les conclusions de l’enquête et que le dossier du demandeur allait par conséquent être transmis aux fins de décision.

2)  Analyse des questions d’équité procédurale

a)  Le fait d’adresser les lettres à M. Wiese constituait-il un manquement à l’équité procédurale?

[25]  Comme le montre le DCT, la Direction des passeports a entamé une nouvelle enquête quant au cas du demandeur après le jugement de la juge Roussel dans l’affaire Lipskaia. Les lettres envoyées subséquemment au demandeur étaient adressées à M. Wiese. Ces lettres, transmises sous forme de pièces jointes à un courriel, ont été envoyées à une adresse électronique au nom de Lipskaia. Toutefois, dans le corps d’un grand nombre de courriels qu’elle a envoyés, la Direction des passeports s’adressait au demandeur en tant que « M. Lipskaia ».

[26]  Dans ses courriels de réponse, le demandeur a indiqué à plusieurs reprises à la Direction des passeports qu’il n’accepterait pas de correspondance adressée à M. Wiese. Par exemple, il a écrit ce qui suit dans un courriel daté du 7 juillet 2017 : [traduction] « Selon ma compréhension du jugement de madame la juge Roussel, en refusant d’accepter l’ordonnance du juge Lee et en ne vous adressant pas correctement à moi, vous avez commis un manquement à l’équité procédurale en faisant fi d’une ordonnance de la cour. »

[27]  Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation étroite du demandeur quant à la décision rendue par la juge Roussel dans Lipskaia. La juge Roussel a plutôt conclu que le demandeur n’avait pas bénéficié de l’équité procédurale parce que des renseignements importants que possédait la Direction des passeports ne lui avaient pas été divulgués. De plus, je renvoie le demandeur aux commentaires de la juge Roussel sur son identité :

[28]  Je reconnais que l’on pourrait être tenté de conclure que Randall Robert Wiese et Jason Jane Lipskaia sont, en fait, la même personne sur la foi des renseignements figurant dans le DCT, en plus des déclarations faites par le demandeur lors de l’audience quant à savoir s’il connaissait Randall Robert Wiese et pourquoi il a été mentionné comme une référence sur la demande de passeport de 2008. Toutefois, le demandeur avait droit à l’équité procédurale et il n’est pas loisible à la Cour de lui refuser ce droit. Il ne lui est également pas loisible de spéculer sur ce que le résultat aurait été si le demandeur avait été informé de l’information dont disposait le Programme de passeport.

[28]  Pour revenir à la question présentée par le demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire, c’est-à-dire le fait que toute la correspondance aurait dû être adressée à M. Lipskaia, je conclus qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

[29]  Encore une fois, même si le demandeur a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas de correspondance adressée à M. Wiese, il a répondu substantiellement aux lettres de l’enquêteur principal en fournissant des arguments et des documents. Il a également autorisé expressément l’envoi de correspondance à son adresse électronique. Pour ces raisons, je suis convaincu que le demandeur a reçu les lettres de l’enquêteur principal et qu’il était au courant de leur contenu. En effet, il n’a rien déclaré qui porte à croire le contraire dans sa demande. Son argument d’équité procédurale est fondé sur la forme, et non sur la substance.

[30]  Il convient de noter que le décideur a expressément abordé la question de la position du demandeur selon laquelle ce dernier n’accepterait pas de correspondance adressée au nom de Wiese, et a examiné la question de savoir si un manquement avait eu lieu concernant le droit à l’équité procédurale du demandeur. Le décideur a fait remarquer que, même si le demandeur avait refusé recevoir des lettres adressées au nom de Wiese, il avait néanmoins répondu aux lettres de l’enquêteur principal à plusieurs occasions. Pour ces raisons, le décideur a conclu que le demandeur avait effectivement lu les lettres, qu’il était au courant des renseignements qu’elles contenaient et que, par conséquent, les exigences relatives à l’équité procédurale avaient été respectées. Je suis d’accord.

[31]  En somme, étant donné : a) que les fais importants découverts pendant l’enquête ont été divulgués au demandeur (y compris les justifications de l’enquêteur principal pour s’adresser à lui sous le nom de Wiese); b) qu’il a eu amplement l’occasion de répondre; et c) qu’il a effectivement répondu malgré l’objection qu’il a soulevé de le faire; je conclus que le demandeur a bénéficié de l’équité procédurale (voir Abdi c Canada (Procureur général), 2012 CF 642, au paragraphe 21).

b)  A-t-on remédié aux préoccupations relatives à l’équité procédurale relevées par la juge Roussel?

[32]  Étant donné que cette question a été soulevée uniquement à l’audience, je vais y répondre brièvement par souci d’exhaustivité.

[33]  Dans Lipskaia, la juge Roussel a conclu que la Direction des passeports avait commis une erreur en omettant de divulguer : a) les résultats de son analyse de reconnaissance faciale; b) un courriel de la GRC daté du 13 janvier 2015 dans lequel il est mentionné que plusieurs pièces d’identité au nom de Lipskaia avaient été saisies à la résidence de M. Wiese en 2013 et que l’on savait également qu’il utilisait le pseudonyme « Jason Sgfusion »; c) un rapport d’enquête d’une autre agence contenant des renseignements selon lesquels un individu avait tenté de faire remplacer le nom Wiese par Lipskaia sur ses dossiers scolaires, mais avait refusé de fournir une preuve de changement de nom; et d) un échange de courriels concernant le plaidoyer de culpabilité du demandeur pour l’utilisation frauduleuse de l’identité de Lipskaia, qui va à l’encontre d’autres documents figurant au dossier.

[34]  Tous ces renseignements ont été divulgués au demandeur au cours de la présente instance faisant l’objet d’un contrôle judiciaire et figurent dans le DCT. Le demandeur n’a pas déclaré que d’autres renseignements importants que possède la Direction des passeports ne lui avaient pas été divulgués, et je n’ai trouvé aucune raison de tirer une telle conclusion. En outre, l’enquêteur principal a résumé et pris en compte les réponses et les documents du demandeur. Le demandeur a eu l’occasion de répondre chaque fois que de nouveaux renseignements ont été présentés.

[35]  Par conséquent, je conclus que la Direction des passeports a suivi un processus équitable.

B.  La décision était-elle raisonnable?

[36]  Les autres arguments du demandeur portent principalement sur le traitement de la preuve que possédait la Direction des passeports par le décideur et l’enquêteur principal. En particulier, il déclare que : a) la décision s’appuyait sur un plaidoyer de culpabilité [traduction« inexistant »; b) la décision n’a pas évalué de façon raisonnable les documents qui, de l’avis du demandeur, établissent qu’il porte le nom de Lipskaia; et c) la décision s’appuyait de façon déraisonnable sur les accusations de Westlock, qui étaient elles-mêmes sans fondement.

[37]  À cet égard, la décision doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable (Gomravi c Procureur général, 2015 CF 431, au paragraphe 24; Villamil c Canada (Procureur général), 2013 CF 686, au paragraphe 30). Autrement dit, la décision doit être justifiable, transparente et intelligible, et elle doit appartenir aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

1)  Résumé de la décision

[38]  Dans la décision du 2 janvier 2018, le décideur a décrit la question centrale comme étant celle de savoir si le demandeur avait fourni suffisamment de renseignements à la Direction des passeports pour justifier son utilisation du nom Lipskaia. En concluant que, selon la prépondérance des probabilités, le véritable nom du demandeur était Wiese, le décideur a noté que ce renseignement avait été pris en compte par les sources suivantes :

  • - les analyses de reconnaissance faciale de la Direction des passeports, qui s’appuyaient sur des photographies fournies par Service Alberta et la GRC;

  • - la GRC, qui a déclaré que même si le demandeur s’était identifié comme portant le nom Lipskaia, ses empreintes digitales étaient celles de M. Wiese;

  • - Service Alberta, qui a déclaré : a) que le demandeur avait demandé de remplacer le nom Wiese par Lipskaia sur ses dossiers scolaires et qu’un employé ayant présenté une demande d’emploi sous le nom de Wiese avait demandé d’être rémunéré sous le nom de Lipskaia; b) que l’enregistrement différé d’une naissance sous l’identité de Lipskaia était fondé sur une preuve d’identité frauduleuse, ce qui a entraîné son rappel et l’interdiction d’émission d’autres pièces d’identité à ce nom; et c) qu’en 2009, l’avocat du demandeur a admis en son nom qu’il portait le nom de Wiese, bien qu’il se soit présenté aux policiers sous le nom de Lipskaia;

  • - le Bureau de l’état civil de l’Alberta, qui n’a enregistré aucun changement de nom légal pour M. Wiese.

[39]  Le décideur a alors conclu qu’il y avait des motifs de révoquer le passeport au nom de Lipskaia compte tenu des considérations suivantes : a) le passeport au nom de Lipskaia était le renouvellement d’un passeport émis antérieurement sous l’identité de Lipskaia; b) la demande de passeport antérieure était fondée sur un certificat de naissance de l’Alberta qui, selon Service Alberta, a été obtenu de manière frauduleuse; c) le demandeur n’a pas déclaré « Wiese » comme ancien nom ou nom à la naissance; et d) le demandeur n’a pas réfuté les renseignements détenus par la Direction des passeports autrement qu’en soutenant que la décision précédente de la cour avait reconnu son droit à l’identité de Lipskaia.

[40]  Par conséquent, le décideur a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le passeport au nom de Lipskaia avait été obtenu au moyen de renseignements faux ou trompeurs et qu’il serait ainsi révoqué aux termes de l’alinéa 10(2)d) du Décret sur les passeports canadiens, qui est ainsi rédigé :

Refus de délivrance et révocation

Refusal of Passports and Revocation

[...]

[...]

10 (1) Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut révoquer un passeport pour les mêmes motifs que ceux qu’il invoque pour refuser d’en délivrer un.

10 (1) Without limiting the generality of subsections 4(3) and (4) and for the greater certainty, the Minister may revoke a passport on the same grounds on which he or she may refuse to issue a passport.

(2) Il peut en outre révoquer le passeport de la personne :

(2) In addition, the Minister may revoke the passport of a person who

[...]

[...]

d) qui a obtenu le passeport au moyen de renseignements faux ou trompeurs...

(d) has obtained the passport by means of false or misleading information...

[41]  En outre, le paragraphe 10.2(1) du Décret sur les passeports canadiens permet de refuser de fournir des services de passeport pendant une période d’au plus dix ans quand un passeport a été révoqué :

10.2 (1) Dans le cas où le ministre refuse de délivrer un passeport ou en révoque un pour un motif autre que celui visé à l’alinéa 9(1)g), il peut refuser, pour le même motif, de fournir des services de passeport pendant une période d’au plus dix ans.

 

10.2 (1) If the Minister refuses to issue or revokes a passport, on any grounds other than the one set out in paragraph 9(1)(g), he or she may refuse on those same grounds to deliver passport services for a maximum period of 10 years.

[42]  En l’espèce, le décideur a déterminé qu’un refus de services de sept ans était justifié compte tenu du manque de collaboration du demandeur pendant le processus d’enquête et du fait que la fraude d’identité inquiète particulièrement la Direction des passeports, et à la lumière du mandat de la Direction des passeports de préserver l’intégrité du processus de délivrance des passeports et la réputation internationale des documents de voyage canadiens. En refusant ainsi au demandeur l’accès à des services de passeport jusqu’au 10 octobre 2020, le décideur a soupesé les difficultés pour le demandeur par rapport aux obligations de la Direction des passeports.

2)  Analyse du caractère raisonnable de la décision

a)  La décision était-elle fondée sur un plaidoyer de culpabilité [traduction] « inexistant »?

[43]  Dans son avis de demande, le demandeur soutient que la Direction des passeports a fait preuve de malhonnêteté et qu’elle a fondé sa décision sur des mensonges. Le demandeur soutient également que les lettres de l’enquêteur principal indiquent qu’il a plaidé coupable d’avoir fait de [traduction] « fausses déclarations », ce qu’il nie. Il mentionne en particulier la lettre de l’enquêteur principal datée du 11 mai 2017, dans laquelle il est indiqué que Service Alberta a confirmé que le demandeur a [traduction] « plaidé coupable d’avoir fait une fausse déclaration le 10 avril 2008 ou vers cette date », déclaration selon laquelle il portait le nom de Lipskaia à la naissance.

[44]  Le demandeur s’appuie sur le paragraphe 24 de la décision Lipskaia, dans lequel la juge Roussel conclut que le DCT semble contenir des renseignements contradictoires quant à savoir si quiconque portant le nom de Wiese a présenté un plaidoyer de culpabilité relativement à l’utilisation de l’identité de Lipskaia :

Le DCT comprend également un échange de courriels entre la GRC, Service Alberta et le Programme de passeport, entre le 13 et le 20 janvier 2015, faisant état que Randall Robert Wiese a plaidé coupable en cour provinciale à Edmonton d’avoir utilisé l’identité de Jason Jane Lipskaia (DCT, page 80). Cette allégation particulière est incompatible avec d’autres renseignements figurant dans le DCT, qui indiquent que l’inculpation pour laquelle on dit que Randall Robert Wiese avait plaidé coupable est l’un des méfaits relatifs à la destruction ou à l’endommagement de biens aux termes de l’alinéa 430(1)a) du Code criminel (DCT, page 96).

[45]  Des renseignements supplémentaires seront nécessaires pour comprendre cette question. Premièrement, le DCT de la décision Lipskaia est contenu dans le DCT en l’espèce. Par conséquent, j’ai examiné le courriel daté du 20 janvier 2015 mentionné par la juge Roussel, qui indique que M. Wiese a [traduction] « plaidé coupable au premier chef d’accusation, modifié, de méfait à la suite de l’utilisation de l’identité de Jason/Jane LIPSKIA » [sic]. Dans ce courriel, le « premier chef d’accusation » renvoie de toute évidence à une assermentation du 16 novembre 2011 contenant 57 chefs d’accusation à l’endroit de « Randall/Robert WIESE » et dans laquelle le premier chef d’accusation est le suivant :

[traduction]
Le 10 avril 2008 ou vers cette date, dans la ville d’Edmonton, en Alberta, où il est expressément permis par la loi de déposer une déclaration par affidavit, le demandeur a fait, dans un affidavit déposé à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, dans le district judiciaire d’Edmonton, une fausse déclaration selon laquelle il est né sous le nom de Jason/Jane LIPSKAIA le 12 mai 1968. En sachant que cette déclaration était fausse et en contravention du paragraphe 13(1) du Code criminel du Canada.

[46]  Toutefois, comme le montre l’arrêt du juge Anderson de la Cour provinciale de l’Alberta daté du 4 juillet 2013, M. Wiese a plaidé [traduction] « non coupable au premier chef d’accusation », mais [traduction] « coupable à l’autre infraction » de méfait en contravention à l’alinéa 430(1)a) du Code criminel, qui porte sur la destruction de biens. Les chefs d’accusation 2 à 57 ont été retirés à la demande de la Couronne. Ainsi, le demandeur a raison de faire remarquer que la lettre du 11 mai 2017 de l’enquêteur principal, qui est postérieure au jugement de la juge Roussel, reflétait de nouveau une mauvaise compréhension du plaidoyer de culpabilité présenté par le demandeur le 4 juillet 2013, qui ne portait pas sur la production de fausses déclarations.

[47]  Toutefois, après la lettre du 11 mai 2017, le demandeur a fait valoir auprès de la Direction des passeports qu’il n’avait pas plaidé coupable d’avoir fait une quelconque fausse déclaration. Par conséquent, la Direction des passeports a examiné la question de manière approfondie. Les notes d’enquête figurant dans le DCT indiquent ce qui suit :

[traduction]
L’enquêteur de Service Alberta... a été joint à [RENSEIGNEMENT CAVIARDÉ] le 5 juillet 2017. J’ai expliqué ce dont il était question concernant le chef d’accusation de méfait et il a convenu que le plaidoyer portait sur le méfait, et non sur la production d’une fausse déclaration.

[48]  Dans sa lettre du 2 août 2017 envoyée au demandeur, l’enquêteur principal a indiqué qu’il avait été confirmé auprès de Service Alberta que le plaidoyer de culpabilité du 4 juillet 2013 du demandeur ne portait pas sur la production d’une fausse déclaration et que des précisions avaient par conséquent été apportées à son dossier. En outre, la décision en elle-même ne fait aucune référence au plaidoyer de culpabilité de 2013.

[49]  Ainsi, même si le demandeur soutient en l’espèce que la Direction des passeports s’est appuyée sur un plaidoyer de culpabilité [traduction] « inexistant » pour révoquer le passeport au nom de Lipskaia, je conclus que la décision n’était fondée, ni expressément ni implicitement, sur aucune conclusion erronée concernant le plaidoyer de culpabilité présenté par le demandeur le 4 juillet 2013.

[50]  En fait, comme il est indiqué dans la lettre de l’enquêteur principal datée du 2 août 2017, Service Alberta a fourni à la Direction des passeports des documents émis par la Cour provinciale de l’Alberta le 23 juin 2009 et révélant qu’à ce moment, l’avocat du demandeur avait admis en son nom qu’il avait donné le faux nom de « Jason Lipskaia » à un agent de police. Ce sont ces renseignements qui ont été répétés et utilisés dans la décision datée du 2 janvier 2018.

[51]  Le DCT contient une transcription officielle de l’instance du 23 juin 2009, dans laquelle M. Wiese est nommé à titre d’accusé et représenté par l’avocat R. J. Gregory, le procureur T. W. Buglas représentant quant à lui la Couronne. La transcription est rédigée ainsi :

[traduction]
M. GREGORY :   Votre honneur (responsable du dossier), j’ai reçu les directives de déposer un plaidoyer de culpabilité au troisième chef d’accusation, c’est-à-dire conduite dangereuse, et également au cinquième chef d’accusation, un chef modifié en contravention à l’article 129 du Code criminel, c’est-à-dire entrave au travail d’un agent de la paix en donnant un faux nom, et je crois que la Couronne consent à ces directives.

[...]

M. BUGLAS :    Monsieur, aux premières heures du 18 juillet, pardon, du 18 juin 2008, vers 2 h 15, un véhicule à moteur était conduit, sur l’autoroute un, de façon à attirer l’attention de la police. Le véhicule zigzaguait entre les voies et surtout, il circulait dans la mauvaise direction.

M. GREGORY :   C’était –

M. BUGLAS :    – dans – sur l’autoroute un. Le véhicule se dirigeait vers le sud, pardon, vers l’ouest, sur la voie vers l’est de l’autoroute un. Une interruption de la circulation a été amorcée par les policiers et il a été constaté que le conducteur avait consommé de l’alcool. Ainsi, l’individu conduisait mal, dans le mauvais sens sur l’autoroute un, et il avait consommé de l’alcool.

LA COUR :  Admettez-vous les faits?

M. GREGORY :  Oui.

LA COUR :  Le plaidoyer de culpabilité est accepté.

M. BUGLAS :    Ensuite, monsieur, quand il a été arrêté en bordure de route, il a fourni un permis de conduire au nom de Jason Lipscaya (phonétique) ainsi qu’une date de naissance et s’est présenté comme étant cette personne. Plus tard au cours de l’enquête, il a été établi que son nom était Randall Robert Wiese, le nom sous lequel il comparaît devant la cour ici, aujourd’hui.

M. GREGORY :  Ces faits sont admis.

LA COUR :  Le plaidoyer portant sur le cinquième chef d’accusation en contravention à l’article 129 du Code criminel est accepté aux termes de l’article 606.

[52]  Par conséquent, je conclus que la décision s’appuyait raisonnablement sur des faits admis par le demandeur lors de l’instance du 23 juin 2009 et non de manière erronée sur le plaidoyer de culpabilité du 4 juillet 2013.

b)  Le décideur a-t-il examiné raisonnablement les documents corroborant l’identité du demandeur?

[53]  Dans ses documents écrits et ses observations orales, le demandeur affirme que son identité légale est Lipskaia et que cette identité : a) lui a été [traduction] « attribuée » dans l’ordonnance du juge Lee datée du 7 août 2008, par laquelle il a été ordonné au Bureau de l’état civil de l’Alberta, il y a une décennie, d’accepter la demande d’enregistrement différé d’une naissance sous l’identité de Lipskaia; b) a été confirmée le 23 octobre 2015 par une assermentation selon laquelle il existait des motifs raisonnables de croire que M. Lipskaia avait conduit un véhicule avec les facultés affaiblies à Regina (accusations de Regina), un autre document de procédure de la Saskatchewan daté 23 février 2017 qui, selon le demandeur, montre que les accusations de Regina ont été rejetées, et un engagement daté du 26 octobre 2015 à Regina, en Saskatchewan, indiquant qu’à sa remise en liberté, M. Lipskaia éviterait d’occuper le siège du conducteur de tout véhicule à moteur, entre autres conditions. Le demandeur soutient, dans ses documents écrits, que les documents portant sur les accusations de Regina, qui figurent dans le DCT, montrent qu’il ne tente pas de dissimuler son identité et qu’il n’existe [traduction] « aucun problème dans le système d’application de la loi ou des tribunaux » relativement à son identité.

[54]  Dans le cas présent, le décideur a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la véritable identité du demandeur était Wiese. Le DCT et la correspondance de l’enquêteur principal indiquent clairement que les documents concernant les accusations de Regina ne sont pas suffisants pour prouver que l’identité légitime du demandeur est Lipskaia. Je conclus que ces documents ont été traités raisonnablement, à la lumière du volume des éléments de preuve allant à l’encontre de la position du demandeur.

[55]  En ce qui concerne l’ordonnance du juge Lee datée du 7 août 2008, je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il dit que cette ordonnance lui a [traduction] « attribué » l’identité de Lipskaia. L’ordonnance a plutôt été rendue à la suite d’une demande non contestée appuyée par ce qui était apparemment un dossier papier dont on a subséquemment établi le caractère frauduleux. Par conséquent, je conclus qu’il était raisonnable de la part du décideur de privilégier les renseignements plus récents des organismes du gouvernement de l’Alberta selon lesquels l’enregistrement différé d’une naissance en application de l’ordonnance du juge Lee n’était plus valide.

c)  La décision s’est-elle appuyée sur des chefs d’accusation criminels non fondés?

[56]  Le 5 avril 2017, un engagement de caution a été émis relativement aux accusations selon lesquelles M. Wiese avait, le 1er avril 2017, conduit un véhicule à moteur à Westlock, en Alberta, malgré la suspension de son permis de conduire. Si je comprends bien, le demandeur soutient que les accusations de Westlock découlent de l’engagement pris par Lipskaia relativement aux accusations de Regina, même si ces accusations ont été rejetées en février 2017. Le demandeur affirme maintenant que ces renseignements ont été utilisés de manière inappropriée pour révoquer le passeport au nom de Lipskaia en mentionnant la lettre du 11 mai 2017, qui est rédigée ainsi :

[traduction]
... la Gendarmerie royale du Canada a transmis des renseignements selon lesquels vous avez été remis en liberté en application d’un engagement de caution émis au nom de Randall Wiese dans la ville d’Edmonton, le 5 avril 2017, par la Cour provinciale de l’Alberta sous le numéro de dossier 170366546P1-01-001, engagement qui contient la condition de rester dans la province de l’Alberta.

[57]  Dans son courriel de réponse daté du 14 mai 2017, le demandeur a déclaré ce qui suit [traduction] : « Je possède des documents certifiés par la cour de Regina montrant que les accusations de conduite avec facultés affaiblies déposées contre Jason Lipskaia le 23 février 2017 à Regina ont été rejetées. Les raisons pour lesquelles une personne pourrait avoir été accusée de manquement à une condition inexistante demeurent un mystère et ressemblent davantage à des absurdités ». Plus tard cette journée-là, le demandeur a écrit ce qui suit [traduction] : « [...] Ensuite, vous accusez un certain Randall d’avoir violé les conditions imposées à Jason et établies à Regina après le fait, mais alors s’il était Jason, il a été accusé d’entrave pour avoir présenté sa propre pièce d’identité? Comment ça fonctionne? Tout le monde sait qui je suis? »

[58]  Voici comment l’enquêteur principal aborde cette question dans une lettre datée du 2 août 2017 :

[traduction]
Finalement, bien que vous ayez indiqué que les documents de procédure de Regina montrent que les accusations de conduite avec facultés affaiblies du 23 juin 2017 déposées à l’endroit de Jason Lipskaia ont été rejetées et que, puisque les accusations ont été rejetées, vous ne comprenez pas comment vous avez pu être accusé de « manquement à une condition inexistante », le 28 juillet 2017, la Direction des enquêtes et de l’examen de l’admissibilité au passeport a communiqué avec la GRC, qui a confirmé que les chefs d’accusation étaient maintenus et que l’engagement de caution émis à votre nom le 5 avril 2017 et portant le numéro de dossier 170366546P1—01-001 est encore en vigueur; de même que la condition de rester en Alberta.

[59]  Ensuite, dans un courriel daté du 7 août 2018, le demandeur a écrit ce qui suit :

[traduction]
Je constate que les accusations de Westlock sont mentionnées. Vous vous souvenez de la résolution de Regina datée du 23 février 2017? Eh bien devinez quoi : le 1er avril 2017, j’ai été accusé à cinq reprises de manquement à un engagement inexistant, c’est-à-dire les conditions liées aux accusations de conduite avec facultés affaiblies de Regina, des mois après leur résolution, et la police est parfaitement au courant (et je suis presque certain qu’elle l’était avant même le dépôt des accusations). [...]

[60]  Une note inscrite au DCT le 10 octobre 2017 indique ce qui suit :

[traduction]
Le sujet a répondu à notre deuxième proposition par courriel le 4 octobre 2017. Le sujet déclare que les accusations déposées par la GRC à Westlock ont été résolues et soumet des documents qu’il a déjà soumis par le passé. Une vérification effectuée auprès du CIPC confirme que les accusations déposées par la GRC à Westlock ont effectivement été retirées. J’ai également téléphoné à la GRC à Westlock et obtenu la confirmation que les accusations ont été abandonnées et que l’engagement n’est plus en vigueur. Cela dit, l’alinéa 9(1)d) sera retiré des sections qui s’appliquent en ce qui concerne le demandeur.

[61]  Ainsi, dans une lettre datée du 23 novembre 2017, l’enquêteur principal a ainsi modifié la position de la Direction des passeports :

[traduction]
Veuillez noter qu’après réception de vos courriels, la Direction des enquêtes et de l’examen de l’admissibilité au passeport a effectué une vérification et a confirmé que les accusations déposées par la GRC à Westlock, en Alberta, avaient été résolues. Cela dit, comme il a été mentionné dans notre lettre datée du 11 mai 2017, l’alinéa 9(1)d) ne s’applique plus à la présente enquête.

[62]  Il faut se rappeler que, selon mon résumé de la correspondance envoyée au demandeur pendant l’enquête, l’alinéa 9(1)d) du Décret sur les passeports canadiens, conjointement avec le paragraphe 10(1), permet au ministère de révoquer un passeport lorsqu’une personne est frappée d’une interdiction de quitter le Canada ou le ressort d’un tribunal canadien. C’est le sens de l’engagement de caution d’avril 2017, qui exigeait que le demandeur reste en Alberta.

[63]  Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le demandeur quand il affirme que les accusations de Westlock ou les conditions imposées par l’engagement de caution ont servi de fondement à la décision, que ce soit expressément ou implicitement. Au contraire, la Direction des passeports a fait le suivi des renseignements fournis par le demandeur et modifié sa position en conséquence. Elle a aussi expressément avisé le demandeur que l’enquête n’était pas menée aux termes de l’alinéa 9(1)d) du Décret sur les passeports canadiens.

[64]  Le rôle de la Cour n’est pas de dire si les accusations de Westlock étaient justifiées ou non, ce qui semble être la principale plainte du demandeur. Lorsque le traitement de la preuve par un décideur fait l’objet d’une contestation lors d’un contrôle judiciaire, le rôle de la Cour se limite à déterminer le caractère raisonnable de ce traitement et des motifs accompagnant la décision. En l’espèce, pour les raisons ci-dessus, je conclus que l’enquêteur principal a soigneusement examiné les éléments de preuve relativement aux accusations de Westlock et qu’ils ne constituent pas le fondement de la décision définitive.

C.  La décision reflète-t-elle une conciliation proportionnée du paragraphe 6(1) de la Charte et des objectifs du Décret sur les passeports canadiens?

[65]  À titre de pièces jointes à son affidavit déposé à l’appui de la présente demande, le demandeur a fourni des documents relativement à son emploi, notamment un certificat du Bureau canadien de soudage au nom de Lipskaia et des courriels concernant l’emploi du demandeur à titre de contrôleur de soudures. À l’audience, le demandeur a expliqué que ces documents contribuaient à montrer le préjudice personnel et financier qu’il a subi à la suite de la décision. Dans son affidavit, le demandeur déclare que ses pertes personnelles dépassent un million de dollars.

[66]  Le demandeur n’a pas mentionné expressément la Charte canadienne des droits et libertés dans ses observations orales ou écrites. Toutefois, comme je l’ai mentionné lors de l’audience relative à cette demande, les allégations de préjudice du demandeur concernent son droit à la liberté de circulation aux termes du paragraphe 6(1) de la Charte. En effet, il a été reconnu que le refus de prestation de services de passeport porte atteinte au droit d’entrer au Canada ou d’en sortir établi par la loi (Kamel c Canada (Procureur général), 2009 CAF 21, aux paragraphes 15 et 68 [Kamel]; Thelwell c Canada (Procureur général), 2017 CF 872, au paragraphe 23 [Thelwell]).

[67]  Dans l’affaire Trinity Western University c Barreau du Haut‑Canada, 2018 CSC 33 [Trinity Western], la Cour suprême du Canada a récemment confirmé l’approche établie dans la décision Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12 [Doré] pour le contrôle judiciaire d’une décision administrative qui fait intervenir la Charte. Une telle décision sera raisonnable si elle « est le fruit d’une mise en balance proportionnée de la protection conférée par la Charte et du mandat confié par la loi » et donne effet autant que possible aux protections en cause conférées par la Charte compte tenu du mandat législatif particulier en cause, ou, énoncé sous forme négative, une décision qui a une incidence disproportionnée sur des droits garantis par la Charte n’est pas raisonnable (Trinity Western, au paragraphe 35). En fin de compte, il s’agit de déterminer si le décideur s’est acquitté du mandat qui lui était confié par la loi d’une manière qui est proportionnée à la restriction au droit garanti au demandeur par la Charte qui s’en est suivie (Trinity Western, au paragraphe 36).

[68]  En l’espèce, je conclus que le décideur a tenu compte de la situation personnelle du demandeur pour parvenir à la décision et que les observations et documents présentés par le demandeur au cours du processus d’enquête ont été adéquatement pris en compte (voir Thelwell, au paragraphe 50; voir également Shamir c Canada (Procureur général), 2018 CF 769, au paragraphe 35). En outre, je conclus que le décideur a soupesé de manière raisonnable à la fois la gravité de la fraude d’identité et le manque de collaboration du demandeur à l’enquête, en guise de facteurs pour établir une période de refus de sept ans.

[69]  Bien que les commentaires suivants de la juge Gleason (tel était alors son titre) dans la décision Slaeman c Canada (Procureur général), 2012 CF 641 n’aient pas été émis dans le contexte d’une analyse selon Doré, je conclus néanmoins qu’ils sont pertinents :

[49]  [...] L’imposition d’une pénalité est un élément hautement discrétionnaire de la décision [...].

[50]  Comme l’arbitre l’a signalé avec raison dans sa décision, les usages à mauvais escient des services de passeport sont des [traduction] « questions sérieuses ». Le Canada est tenu de veiller à ce qu’on n’utilise pas ses passeports à mauvais escient, s’il veut faire obstacle à la migration illégale et répondre aux attentes des gouvernements étrangers quant à la fiabilité des documents de voyage canadiens. Ne pas le faire aurait de graves conséquences, dont la facilitation des entrées et des départs illégaux de pays par des individus non identifiés et, par voie de conséquence, les risques pour la sécurité et les atteintes à la capacité des voyageurs canadiens légitimes de se rendre dans d’autres pays sans obstacle excessif. [...]

[70]  En l’espèce, je conclus que les objectifs du Décret sur les passeports canadiens, considérés dans la perspective de la conduite du demandeur déterminée par le décideur, ont été pris en considération de façon raisonnable par rapport à la violation des droits prévus au paragraphe 6(1) de la Charte. La décision était donc raisonnable dans le cadre établi par les décisions Doré et de Trinity Western.

D.  Le demandeur a-t-il droit à une indemnité?

[71]  Le demandeur sollicite une indemnité dans son avis de demande. Cependant, sous réserve de quelques exceptions rares et restrictives, on ne peut demander de dommages-intérêts dans un contrôle judiciaire (voir Canada (Procureur général) c Oshkosh Defense Canada Inc, 2018 CAF 102, au paragraphe 33). Aucune exception ne s’applique en l’espèce. Par conséquent, la demande d’indemnité du demandeur est rejetée.

V.  Dépens

[72]  Compte tenu des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, et en particulier de la situation personnelle décrite par le demandeur en l’espèce, j’ordonnerai que chacune des parties assume ses propres dépens.

VI.  Conclusion

[73]  La demande est rejetée sans dépens.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-28-18

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié de façon à y substituer le « procureur général du Canada » à titre de défendeur, et cette modification prend effet immédiatement.

  3. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Alan S. Diner »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-28-18

 

INTITULÉ :

JASON JANE LIPSKAIA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 juillet 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Jason Jane Lipskaia

 

Pour le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Robert Drummond

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

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