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Date : 20180919

Dossier : IMM-5255-17

Référence : 2018 CF 931

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 19 septembre 2018

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

BEATRIZ INANGCOB COLMO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse demande l’asile à l’encontre d’un renvoi aux Philippines à titre de militante autochtone pour les droits de la personne, en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[2]  Aux termes d’une décision rendue le 7 février 2017, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande de la demanderesse au motif qu’elle n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État parce qu’elle n’a pas cherché à obtenir la protection de l’État. La demanderesse a interjeté appel de la décision auprès de la Section d’appel des réfugiés (SAR).

[3]  Aux termes d’une décision rendue le 17 novembre 2017, la SAR a conclu qu’il était déraisonnable de la part de la SPR d’imposer à la demanderesse de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection alors qu’elle a affirmé que l’État est l’agent de persécution. La SAR a cependant maintenu la décision de la SPR, en application de l’alinéa 111(1)a) de la LIPR, pour des motifs différents de ceux de la SPR.

[4]  Je conclus que la question déterminante dans la présente demande concerne le traitement des éléments de preuve par la SAR sur les conditions dans le pays relativement à la question de savoir si la demanderesse avait une crainte bien fondée de persécution dans le cas où elle retournerait aux Philippines.

[5]  La SAR a reconnu que la demanderesse était une activiste autochtone pour les droits de la personne aux Philippines. La SAR a énoncé dans sa décision qu’elle prendra en compte [traduction] « les répercussions du renvoi [de la demanderesse] aux Philippines et le risque encouru si elle y retournait et continuait de prendre part à des activités de groupes d’activistes de la population autochtone » (décision, paragraphe 36). Toutefois, comme je l’explique ci-dessous, je conclus que la SAR n’a pas pris en compte ces facteurs.

[6]  Dans ses observations à la SAR, l’avocat de la demanderesse a mis en évidence des documents du Cartable national de documentation (CND) et a présenté de nombreux éléments de preuve sur les conditions dans le pays. Ces documents énonçaient que les activistes autochtones pour les droits de la personne étaient les victimes d’exécutions extrajudiciaires et de violence exercées par l’État et les forces paramilitaires aux Philippines, et révélaient un manque de responsabilité à l’égard de ces actes. Voici quelques extraits pertinents des documents traitant des conditions du pays sur lesquels la demanderesse a attiré l’attention dans ses observations à la SAR : [traduction]

Selon les données recueillies par les groupes de militants autochtones, des assaillants souvent associés à des groupes militaires ou paramilitaires ont exécuté au moins 13 chefs de tribus et membres de la communauté tribale au cours des huit premiers mois de 2015 [...]

Rapport de Human Rights Watch Report, CND, article 2.3

[L]e Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies s’est dit préoccupé par le harcèlement continu, les disparitions forcées et les exécutions de défendeurs des droits de la personne, par le bas niveau des enquêtes connexes et des poursuites et condamnations pour ces crimes.

Amnistie internationale, Rapport annuel de 2016-2017 (CND, article 2. 3)

Ce manque de responsabilisation a eu l’effet d’accorder aux agents gouvernementaux la permission de facto de torturer, d’exécuter extrajudiciairement et de faire disparaître de force les victimes. Cette tendance se poursuit cette année – les auteurs ont ciblé les activistes politiques et défendeurs des droits de la personne, mais aussi les gens ordinaires, y compris les personnes qui ne participent à aucune activité politique. Ce phénomène montre de quelle façon le manque de responsabilisation et l’absence de punition des auteurs influent sur la société dans son ensemble.

Rapport de l’Asie de 2014, CND, article 2.6

[7]  Je conclus que la SAR a omis de traiter ces problèmes et d’autres éléments de preuve pertinents sur les conditions dans le pays quant aux risques auxquels font face les personnes dont la situation est similaire aux Philippines (voir : Bozik c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 920), notamment les militants autochtones pour les droits de la personne. Je conclus donc que la décision faisant l’objet du contrôle est déraisonnable.

JUGEMENT dans le dossier IMM-5255-17

LA COUR infirme la décision visée par le présent contrôle et renvoie l’affaire pour réexamen par un autre décideur.

Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5255-18

 

INTITULÉ :

BEATRIZ INANGCOB COLMO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 septembre 2018

 

COMPARUTIONS :

Jean Marie Vecina

 

Pour la demanderesse

 

Veronica Cham

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean Marie Vecina

Avocat

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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