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Date : 20180925


Dossier : IMM-229-18

Référence : 2018 CF 948

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2018

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

KONG QIU NI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Kong Qiu Nu, sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 22 décembre 2017, de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SPR a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  Pour les motifs énoncés ci-après, j’estime que l’examen de la preuve mené par la SPR et sa conclusion selon laquelle le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution en Chine étaient raisonnables. Par conséquent, la demande sera rejetée.

I.  Énoncé des faits

[3]  Le demandeur est citoyen de la Chine. Sa nationalité ou son identité ne soulèvent aucun problème. Le demandeur est arrivé au Canada le 11 avril 2012 en provenance de Hong Kong et a présenté une demande d’asile. Le demandeur affirme qu’il était recherché par les autorités chinoises en raison de sa participation à une manifestation contre l’expropriation prévue d’un certain nombre de propriétés de sa ville par le gouvernement.

[4]  Le demandeur et d’autres propriétaires ont été informés de l’expropriation de leurs propriétés. Le demandeur ne contestait pas l’expropriation elle-même. Le demandeur et les autres propriétaires en avaient contre le montant d’indemnisation offert pour leurs propriétés. Ils ont communiqué avec un certain nombre d’organismes gouvernementaux pour demander que les montants offerts soient augmentés, mais sans succès. À l’audience devant la SPR, le demandeur a parlé d’une rencontre avec les autorités chinoises tenue le 6 janvier 2012, au cours de laquelle la question de l’indemnisation a été abordée. Le demandeur affirme avoir pris le leadership de la discussion et avoir crié aux fonctionnaires dans la salle qu’ils étaient corrompus.

[5]  Le 7 avril 2012, le gouvernement a tenté de démolir les maisons en question et il y a eu un affrontement auquel le demandeur et d’autres propriétaires ont participé. Le demandeur a affirmé qu’il avait également assumé un leadership durant cet affrontement, était grimpé sur un bouteur et avait crié des slogans antigouvernementaux. La police est arrivée, mais le demandeur a échappé à son arrestation.

[6]  Le demandeur a affirmé être parti se cacher dans la maison de sa tante. Pendant qu’il était chez elle, il a appris qu’il était recherché par le Bureau de la sécurité publique (BSP) et qu’une sommation avait été remise à sa mère, chez lui. Pour cette raison, le demandeur a trouvé un passeur avec l’aide de sa famille et a quitté la Chine.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[7]  La SPR a instruit la demande d’asile du demandeur le 27 novembre 2017, et a rendu sa décision de vive voix ce même jour, rejetant sa demande. La version écrite de la décision de la SPR (la décision) est datée du 22 décembre 2017.

[8]  La SPR a soulevé deux questions concernant la demande d’asile du demandeur. La première question était de savoir si le demandeur était recherché par le BSP. Le cas échéant, la deuxième question était de savoir si le risque auquel il était exposé en Chine était un risque de poursuite plutôt qu’un risque de persécution.

[9]  Le tribunal a d’abord examiné la sommation ou chuanpiao laissée au domicile du demandeur. Le demandeur a déposé le chuanpiao à titre d’élément de preuve montrant l’intention du BSP de l’arrêter. Toutefois, le demandeur a reconnu qu’un mandat d’arrestation n’avait pas été délivré à son endroit. La SPR a estimé que le chuanpiao était comparable à une assignation à témoigner ou subpœna et non à une sommation. Il s’agissait d’un document demandant à la personne désignée de se présenter à la cour à titre de témoin. La SPR a fait référence à la documentation sur le pays pour la Chine, qui indiquait qu’il existait d’autres documents ordonnés par les tribunaux en usage, notamment une forme de sommation utilisée pour obliger les personnes accusées de crimes à comparaître en cour. La SPR a également établi une distinction entre le chuanpiao et les autres types de sommation utilisés par le BSP pour obliger une personne à comparaître pour interrogatoire et enquête.

[10]  La SPR a affirmé que la nature non coercitive du chuanpiao et l’absence d’un mandat d’arrestation ne cadraient pas avec les prétentions du demandeur, selon lesquelles le BSP souhaitait l’arrêter. Le tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’un mandat d’arrestation aurait été délivré à l’endroit du demandeur s’il n’avait pas répondu au chuanpiao, surtout compte tenu des affirmations du demandeur, selon lesquelles le BSP s’est rendu à la maison de sa mère à de nombreuses reprises dans le but de l’arrêter. La SPR a conclu que le fait qu’un mandat d’arrestation en bonne et due forme n’ait pas été délivré soulevait un doute important quant aux prétentions du demandeur selon lesquelles il était recherché par le BSP.

[11]  En ce qui a trait à la question d’un risque de poursuite, par opposition à un risque de persécution, la SPR a conclu que si le demandeur était arrêté par le BSP, il ferait face à des poursuites en raison de sa résistance à l’expropriation de sa maison. Il ne serait pas persécuté. Le tribunal a indiqué que le fait que le demandeur ait prétendu avoir crié des slogans antigouvernementaux et avoir traité le gouvernement de gouvernement corrompu durant la manifestation d’avril 2012 ne montre pas une opposition politique à la politique d’expropriation du gouvernement. La résistance du demandeur était fondée sur des facteurs pécuniaires et non sur des facteurs politiques.

[12]  La SPR a qualifié la loi chinoise sur l’expropriation de loi d’application générale, qui devrait être présumée valide et neutre. Il revenait au demandeur de prouver que la loi avait un caractère de persécution et le tribunal a estimé qu’il n’avait pas réussi à le faire. Dans le meilleur des cas, le demandeur a établi qu’il serait poursuivi pour obstruction au travail des fonctionnaires du gouvernement et non en raison de son opinion politique.

III.  Questions en litige

[13]  Voici les questions soulevées par le demandeur dans la présente instance :

  1. Est-ce que la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la question de savoir si le demandeur était recherché par le BSP, en particulier dans son examen du chuanpiao?

  2. Est-ce que la SPR a commis une erreur en concluant que le demandeur était exposé à un risque de poursuite et non à un risque de persécution à la suite de sa participation à la rencontre de janvier 2012 et à la manifestation d’avril 2012?

IV.  Norme de contrôle

[14]  Les questions soulevées par le demandeur concernent l’évaluation faite par la SPR de la preuve au dossier et de la crédibilité du demandeur. Elles sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Qassim c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 226, au paragraphe 27; Chehade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 282, au paragraphe 13). Il convient de faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des conclusions de fait de la SPR et de son évaluation de la crédibilité des témoins. La Cour n’intervient que si la décision faisant l’objet du contrôle manque de justification, de transparence ou de clarté et qu’elle n’entre pas dans la gamme des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits de l’espèce et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

V.  Analyse

1.  Est-ce que la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la question de savoir si le demandeur était recherché par le BSP, en particulier dans son examen du chuanpiao?

[15]  Le demandeur affirme que le fait que la SPR se soit fiée à l’absence d’un mandat d’arrestation pour remettre en doute son allégation selon laquelle il était poursuivi par le BSP n’était pas raisonnable. Il soutient qu’il n’y a rien d’incohérent entre son allégation selon laquelle il était recherché par le BSP et la délivrance d’une sommation pour témoigner en cour. Le demandeur soutient également que la délivrance d’un mandat d’arrestation n’était pas obligatoire dans tous les cas, et que la SPR a commis une erreur dans son examen de la preuve à cet égard.

[16]  Le défendeur affirme que la conclusion de la SPR selon laquelle demandeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était recherché en Chine par le BSP était raisonnable. Il soutient que la conclusion reposait sur trois éléments : le témoignage incohérent du demandeur concernant son rôle relativement à l’opposition au plan d’indemnisation proposé pour les expropriations; la délivrance à son endroit d’une sommation non coercitive; l’absence d’un mandat d’arrestation. Comme ces facteurs ont miné la crédibilité du demandeur, dont l’évaluation constitue l’une des fonctions principales de la SPR, il convient de faire preuve d’une retenue considérable concernant la conclusion du tribunal.

[17]  Je suis d’accord avec les observations du défendeur sur la question et j’estime que la conclusion de la SPR, selon laquelle il existait un doute important quant à la question de savoir si le demandeur était recherché par le BSP, était raisonnable. La SPR a justifié cette conclusion dans ses motifs, en faisant référence au témoignage du demandeur et en s’appuyant sur la documentation relative au pays dont elle disposait.

[18]  Dans sa décision, la SPR indique clairement que son principal doute concernait l’absence d’un mandat d’arrestation. Le tribunal a comparé le chuanpiao à une sommation à témoigner et a établi une distinction entre le chuanpiao et le mandat d’arrestation. Le tribunal a également examiné les autres types de sommations/mandats utilisés par le BSP pour interroger et accuser des personnes. Le demandeur ne conteste pas la conclusion de la SPR, selon laquelle le chuanpiao est une assignation à témoigner et non un mandat d’arrestation.

[19]  La SPR a conclu qu’un mandat d’arrestation aurait probablement été délivré à l’endroit du demandeur au moment où il a omis de répondre au chuanpiao. La SPR a aussi souligné le témoignage du demandeur, selon lequel le BSP s’était rendu à la maison de sa mère en Chine à de nombreuses occasions pour tenter de le retrouver. Le tribunal a conclu qu’après de multiples tentatives par le BSP pour retrouver le demandeur, un mandat aurait été émis en vue de son arrestation. Le demandeur affirme que le BSP ne délivre pas toujours de mandat lorsqu’il poursuit quelqu’un pour l’arrêter. La SPR en est venue à la même conclusion, mais a estimé qu’un mandat aurait probablement été émis compte tenu des faits décrits par le demandeur. Le juge Kane a traité de cette même question dans la décision Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 790, au paragraphe 47 (Cao) :

[47] En ce qui concerne sa conclusion selon laquelle on se serait attendu à ce que les agents du BSP produisent un mandat d’arrêt s’ils s’étaient présentés de nombreuses fois au domicile familial du demandeur, à la recherche de celui-ci, la Commission a bel et bien reconnu que la preuve comportait des éléments divergents et qu’on ne décerne pas toujours un tel mandat. Elle a néanmoins fait observer que, en l’espèce, on se serait attendu à la délivrance d’un mandat d’arrêt, étant donné les déclarations du demandeur comme quoi le BSP était revenu de nombreuses fois chez lui dans l’espoir de le trouver, y compris après son départ et jusqu’au Nouvel An chinois de 2014. La conclusion défavorable sur la crédibilité que la Commission a tirée de l’absence de mandat d’arrêt est raisonnable compte tenu du contexte général de la preuve du demandeur et compte tenu de la reconnaissance par elle de l’ambiguïté de la preuve objective.

[20]  La SPR s’est demandé si les gestes du demandeur eux-mêmes étaient suffisants pour qualifier son opposition au plan d’indemnisation proposé pour les expropriations d’opinion antigouvernementale. Les conclusions de fait de la SPR concernant la participation du demandeur à la rencontre de janvier 2012 et à la manifestation d’avril 2012 concordent avec le témoignage du demandeur à l’audience. Le tribunal a exprimé un doute quant au rôle du demandeur dans ces deux événements. Le demandeur a affirmé qu’il avait assumé un leadership dans les deux événements, mais son témoignage ne consistait qu’en des généralités : il s’est exprimé, il a protesté contre le plan d’indemnisation proposé et les mesures prises par les fonctionnaires, il a grimpé sur le bouteur. Dans le contexte des deux événements où la colère et les sentiments exacerbés des autres propriétaires ont dominé, les gestes du demandeur, en général, tels qu’ils sont décrits, peuvent être considérés comme étant semblables à ceux de n’importe quel autre participant et ne dénotent pas nécessairement un leadership. L’évaluation faite par la SPR de ces éléments de preuve et de la question de savoir si les gestes du demandeur faisaient de lui un leader et une cible pour avoir exprimé une opinion politique antigouvernementale était raisonnable.

[21]  L’absence de mandat d’arrestation à l’endroit du demandeur, ajoutée au fait que le rôle de leader du demandeur lors de l’opposition aux expropriations n’a pas été prouvé, a mené la SPR à conclure qu’il existait un doute important quant aux prétentions du demandeur, selon lesquelles il était recherché par le BSP. Je ne trouve aucun motif pour modifier la conclusion de la SPR. Cette conclusion faisait suite à l’évaluation faite par la SPR de la crédibilité du témoignage du demandeur. Il est bien établi qu’il convient de faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité auxquelles en arrive la SPR, puisqu’elle est la mieux placée pour tirer de telles conclusions (Cao, aux paragraphes 39 et 40; Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 42 (Rahal)). La juge Gleason (tel était alors son titre) a affirmé dans la décision Rahal, au paragraphe 42 :

[42] Premièrement – et il s’agit probablement du point le plus important – il faut reconnaître, avant même de se pencher sur une conclusion relative à la crédibilité, que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve. Ajoutons à cela que, dans bien des cas, le tribunal possède une expertise reconnue dans le domaine qui fait défaut à la cour de révision. Le tribunal est donc bien mieux placé pour tirer des conclusions quant à la crédibilité, et notamment pour juger de la plausibilité de la preuve. En outre, le principe de l’administration efficace de la justice, sur lequel repose la notion de déférence, fait en sorte que l’examen de ce genre de questions doit demeurer l’exception plutôt que la règle. Dans l’arrêt Aguebor, il est écrit, au paragraphe 4 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu’est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d’un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d’un récit et de tirer les inférences qui s’imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire [...]

(voir également l’arrêt Singh, au paragraphe 3, et l’arrêt He c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 49 ACWS (3d) 562, [1994] ACF no 1107, au paragraphe 2).

2.  Est-ce que la SPR a commis une erreur en concluant que le demandeur était exposé à un risque de poursuite et non à un risque de persécution à la suite de sa participation à la rencontre de janvier 2012 et à la manifestation d’avril 2012?

[22]  Le demandeur affirme que la conclusion de la SPR, selon laquelle le demandeur serait exposé à un risque de poursuite plutôt qu’à un risque de persécution en Chine en raison de sa participation à l’opposition contre les expropriations en janvier et en avril 2012, est au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire. Le demandeur souligne que la SPR a reconnu que la manifestation d’avril 2012 avait bien eu lieu. Le demandeur affirme qu’il est grimpé sur un bouteur durant la manifestation et qu’il a crié son mécontentement en signe d’opposition au défaut du gouvernement d’offrir une indemnisation adéquate. Il affirme également que les fonctionnaires du gouvernement qui étaient présents ont pris note de son opposition. Il s’agissait pour le demandeur d’une seconde dénonciation publique à l’endroit du gouvernement. Le demandeur allègue que la documentation sur le pays dont disposait la Commission montrait comment le gouvernement chinois traitait sévèrement et persécutait les citoyens qui s’opposent à ses politiques d’expropriation.

[23]  Le demandeur s’appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] RCS 689, où la Cour a donné une définition élargie de l’opinion politique, laquelle englobe « toute opinion sur une question dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé ». Le demandeur soutient que ses critiques seraient perçues comme une opinion politique antigouvernementale. Il affirme que la SPR a appliqué incorrectement le droit applicable en affirmant que la loi chinoise sur l’expropriation est une loi d’application générale et qu’elle est présumée être neutre. La SPR a omis de prendre en considération le fait que la loi, même s’il s’agit d’une loi d’application générale, pourrait être appliquée et serait appliquée à l’encontre du demandeur d’une manière qui équivaut à de la persécution.

[24]  Comme le souligne le demandeur, la SPR a estimé que la loi chinoise sur l’expropriation est une loi d’application générale et qu’il incombait au demandeur d’établir qu’elle a un caractère de persécution (Zolfagharkhani c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 CF 540 (FCA) (Zolfagharkhani). Le tribunal a conclu que le demandeur n’y était pas parvenu et que dans le meilleur des cas, il serait poursuivi pour obstruction au travail des fonctionnaires du gouvernement et non en raison de son opinion politique. Le tribunal a affirmé que [traduction] « crier des slogans antigouvernementaux et traiter le gouvernement de gouvernement corrompu dans le feu de l’action lors d’une manifestation n’indique pas une opposition politique à la politique d’expropriation du gouvernement ».

[25]  J’estime que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de révision en tirant cette conclusion. Les motifs de la SPR étaient clairs, intelligibles et justifiables. La SPR a reconnu que le demandeur a crié des slogans antigouvernementaux et a traité le gouvernement de gouvernement corrompu, mais a conclu que de tels gestes ne l’exposaient pas à un risque de persécution. La conclusion du tribunal reposait sur les actions précises du demandeur : sa participation à l’opposition, parmi d’autres manifestants, son incapacité à prouver son rôle de leader et le fait que ses commentaires aient été faits dans le feu de l’action. Son témoignage n’a pas fait la preuve d’une opposition à la loi sur l’expropriation du gouvernement chinois et à sa politique en général. Son opposition se limitait à la seule question de l’indemnisation. En fonction de ces constatations, il était raisonnable pour le tribunal de conclure que même si le demandeur était arrêté en Chine, il ne ferait face qu’à un risque de poursuite pour ses actions. Il ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir que la loi chinoise sur l’expropriation était de façon inhérente invalide et non neutre, ou que la loi serait appliquée à son encontre d’une manière équivalant à de la persécution.

[26]  La Cour s’est déjà penchée sur des cas semblables à celui du demandeur. Dans la décision Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 486 (Jiang), les deux demandeurs de la Chine affirmaient qu’ils étaient recherchés par le BSP en raison de leur opposition à l’indemnisation qu’on leur offrait pour l’expropriation de leur propriété. La SPR avait soulevé des préoccupations relatives à la crédibilité entourant le fondement de leur demande. Toutefois, le juge Phelan a affirmé que la question déterminante dans la demande de contrôle judiciaire était que la demande d’asile des demandeurs n’était pas fondée sur un motif prévu à la Convention. Il s’est appuyé sur l’affaire Zolfagharkhani, comme l’a fait la SPR en l’espèce, pour proposer que la loi sur l’expropriation chinoise est présumée être valide et neutre. Il a affirmé ce qui suit (Jiang, aux paragraphes 13 et 14) :

[13] La Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de neutralité et de validité de la loi d’expropriation chinoise. En outre, la Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté d’éléments de preuve établissant que la loi serait utilisée contre eux en raison d’une dissidence politique perçue.

[14] Il ne fait aucun doute que le problème des demandeurs avec les autorités chinoises portait sur la somme de l’indemnité à laquelle ils avaient droit pour leur expropriation. Sans autres considérations, cette question pourrait difficilement cadrer dans celles qui font l’objet de la Convention. Cette conclusion est conforme à la décision You c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 100 :

[20] Le véritable différend avait trait à une question d’argent, et non à un motif prévu à la Convention. Le demandeur ne pouvait maquiller le différend financier en un différend politique, simplement parce que le différend en question se rapportait à une décision gouvernementale.

[21] Compte tenu de la nature du différend et des activités de protestation, il n’était pas déraisonnable de conclure à l’absence de lien avec les motifs prévus à la Convention.

[27]  La juge Kane s’est appuyée sur la décision Jiang pour rendre sa décision dans l’affaire Cao. Elle a conclu que si le demandeur était bien recherché par les autorités chinoises, c’était pour sa participation à une protestation réclamant une indemnisation équitable et non pour un motif prévu à la Convention. J’estime qu’aucune distinction ne peut être faite entre le présent cas et cette affaire. Même si la SPR a reconnu que le demandeur a fait des déclarations antigouvernementales durant la manifestation d’avril 2012, elle a conclu de façon raisonnable que ces déclarations à elles seules n’étaient pas suffisantes pour transformer sa crainte du BSP en une crainte de persécution. Son différend avec le gouvernement était de nature financière et non politique. La conclusion de la SPR était raisonnable compte tenu de la preuve au dossier et du témoignage entendu.

VI.  Conclusion

[28]  La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[29]  Aucune question à certifier n’a été soulevée par les parties, et aucune ne découle de l’affaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM-229-18

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-229-18

 

INTITULÉ :

KONG QIU NI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 août 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 septembre 2018

 

COMPARUTIONS :

Diane Courthard

 

Pour le demandeur

Nicholas Dodokin

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis and Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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