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Date : 20180914


Dossiers : T-1594-06

T-699-07

Référence : 2018 CF 919

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2018

En présence de monsieur le juge Roy

Dossier : T-1594-06

Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu ET DANS L’AFFAIRE DE COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU,

CONTRE :

MARIO LAQUERRE,

1392, 4e avenue

Québec (Québec) G1J 3B6

débiteur judiciaire

et

9011-1345 QUÉBEC INC.

1392, 4e avenue

Québec (Québec) G1J 3B6

BRESSE SYNDIC INC.

5350, boul. Henri-Bourassa

Bureau 220

Québec (Québec) G1H 6Y8

GAÉTAN LAQUERRE

743, rue des Mélèzes

Québec (Québec) G1C 3C8

mis en cause

Dossier : T-699-07

DANS L’AFFAIRE DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU ET DANS L’AFFAIRE DE COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

CONTRE

MARIO LAQUERRE

1392, 4e avenue

Québec (Québec) G1J 3B6

débiteur judiciaire

et

9011-1345 QUÉBEC INC.

1392, 4e avenue

Québec (Québec) G1J 3B6

BRESSE SYNDIC INC.

5350, boul. Henri-Bourassa

Bureau 220

Québec (Québec) G1H 6Y8

GAÉTAN LAQUERRE

743, rue des Mélèzes

Québec (Québec) G1C 3C8

mis en cause

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Dans ce qui est devenu une saga judiciaire, Mario Laquerre, le débiteur judiciaire, et 9011-1345 Québec inc. [9011], la propriétaire d’un immeuble qui est au centre de la dispute apportée devant la Cour, demande à ce que cette Cour annule l’ordonnance prononcée par mon collègue le juge Bell le 8 mars dernier, de même que l’ordonnance de mon autre collègue le juge Martineau du 9 avril 2008. La requête est faite en vertu du paragraphe 399(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles] qui se lit ainsi :

Annulation

Setting aside or variance

399(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

399(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.

(b) where the order was obtained by fraud.

[2]  En l’espèce, 9011 et Mario Laquerre se réclament de l’alinéa 2)a). Le voile corporatif entre le débiteur judiciaire et 9011 a en effet été levé aux fins fiscales par cette Cour depuis déjà onze ans et j’ai donc considéré qu’ils étaient tous deux directement intéressés par la requête, au même titre d’ailleurs que l’affiant; j’ai conclu que les demandeurs n’ont pas satisfait au fardeau qui était le leur et la requête doit donc être rejetée.

[3]  Mario Laquerre a des démêlés avec Revenu Canada depuis plusieurs années. Il est à la tête d’une série de compagnies dont plusieurs sont impliquées dans les difficultés fiscales rencontrées par Mario Laquerre. 9011 n’est pas l’une de celles-ci, même si elle est associée à Mario Laquerre comme d’autres entités. Il s’agit de la compagnie qui est ostensiblement propriétaire d’un immeuble sis au 1095, chemin de la Canardière, à Québec, dont on cherche à éviter la vente judiciaire décrétée par cette Cour. Après des péripéties qu’il n’est pas nécessaire de relater en détail aux fins de la présente requête, la Couronne cherche à vendre cet immeuble de gré à gré pour en maximiser la valeur en paiement de la dette fiscale du débiteur judiciaire, Mario Laquerre.

[4]  Grâce à une des nombreuses manœuvres pour contrecarrer l’action de la Couronne, les demandeurs présentaient la requête en l’instance in extremis puisque, apprend-on, l’huissier instrumentant aurait deux acheteurs intéressés à la propriété du chemin de la Canardière. La présente requête, reçue par la Cour le 6 septembre, a fait l’objet de l’ordonnance de la juge Mactavish, de cette Cour, cette même journée où elle ordonnait qu’aucune vente sous contrôle de justice n’ait lieu tant que la requête n’avait pas été entendue et décidée. Évidemment, si la requête est rejetée, l’ordonnance de madame la juge Mactavish deviendra caduque et le chemin sera libre pour procéder à la vente sous contrôle judiciaire. L’audition de la requête était fixée à la séance générale du 11 septembre, à Montréal, puisque la prochaine séance générale à Québec n’est prévue que pour le 4 octobre prochain et que les demandeurs invoquent urgence.

[5]  La requête sous étude est simple. L’avis de requête annonce que Mario Laquerre et 9011 possèdent le même patrimoine, étant considérés comme étant une seule et même personne aux fins du recouvrement des dettes fiscales de Mario Laquerre. Or, l’avis de requête invoque des faits nouveaux découverts après l’ordonnance du juge Bell du 8 mars 2018 et celle du 9 avril 2008 de monsieur le juge Martineau (2008 CF 460) qui ordonnait la constitution définitive de charges en vertu de la règle 459 des Règles. Cela donnerait ouverture à l’annulation de l’ordonnance pour délaissement forcé et vente sous contrôle de justice de l’immeuble dont il est question ici et ordonné par le juge Bell en mars dernier.

[6]  Contre toute attente, le seul affidavit à l’appui de la requête est celui de Gaétan Laquerre, le frère de Mario Laquerre. Et cet affidavit ne dit rien, ou bien peu de choses. On y indique qu’il est le président de 9011 et il déclare que tous les faits allégués à la requête sont vrais à sa connaissance personnelle. Mais quels faits?

[7]  On ne trouve aucun autre affidavit ou fait à la requête. Le seul autre document est un mémoire des faits et du droit qui compte une page et demie. C’est là qu’on indique que Gaétan Laquerre a appris de son frère, Mario Laquerre, l’existence d’un document signé par l’enquêteur de Revenu Canada qui aurait été produit dans un dossier de la Cour supérieure. Gaétan Laquerre aurait appris le tout le 1er septembre dernier. Mais personne n’atteste de ces faits, pas plus d’ailleurs que la provenance de ce document. La requête aurait peut-être pu être rejetée sur cette seule base comme ne remplissant pas les exigences des Règles, mais la Cour a préféré examiner l’affaire au mérite.

[8]  On trouverait dans le dossier de la Cour supérieure, annonce le mémoire, une mention qui constituerait un fait nouveau. Cette mention se trouverait à l’alinéa 46 G) d’un document comptant 78 pages et portant le titre « Motifs raisonnables au soutien de la demande ». Le seul paragraphe qui semble intéresser le demandeur est le paragraphe 46 G) puisque c’est sur ce seul document qu’il fonde ultimement son argument. Je reproduis le paragraphe introductif qui met en contexte 46 G) :

46)  Par suite de son enquête, le dénonciateur avait des motifs raisonnables de croire que les éléments décrits à l’annexe A intitulée « CHOSES À SAISIR » de Fiducie ML, Fiducie Mario Laquerre ainsi que des sociétés 9015-7769 Québec inc., 9075-3153 Québec inc. et 9029-0065 Québec inc. pouvaient se trouver à la maison de commerce de la société 9075-3146 Québec inc. « In Memoriam, Résidence Funéraire inc. » située au 5350, 3e Avenue Ouest, Charlesbourg, province de Québec, et/ou au 1095, Canardière, Québec, province de Québec, plutôt qu’au 1392, 4e Avenue, Québec, province de Québec, tel qu’indiqué aux déclarations de revenus des deux (2) fiducies et des diverses sociétés tel que mentionné aux paragraphes 3) et 4) ci-dessus, pour les raisons suivantes :

Comme on le voit, l’édifice sis chemin de la Canardière s’y trouve mais aucune mention n’est faite de 9011. Quant à l’alinéa 46 G) sur lequel tablent 9011 et Mario Laquerre, il se lit ainsi :

G)  Dans le cours de son enquête et suite à l’examen de divers contrats ainsi que les inscriptions au système CIDREQ du Registraire des entreprises, le dénonciateur a retracé que l’immeuble situé au 1095, Canardière, Québec, appartient à la société 9011-1345 Québec inc. dont les actionnaires sont Fiducie ML et Gaétan Laquerre, frère de Mario Laquerre qui en est également le président. Mario Laquerre en est le vice-président;

[9]  Le mémoire prétend aussi que, dans ce même document qui ne peut qu’être le dossier de la Cour supérieure selon les demandeurs, on trouve cette même « distinction », faite à l’alinéa 8 A) ii), à la page 7 de 23. Est alors produit au dossier de requête le second document intitulé « Motifs raisonnables au soutien de la présente dénonciation ». À vrai dire, comme je l’indiquais plus tôt, il n’y a pas de preuve au dossier de requête de ce en quoi consiste ce second document. La Cour avait demandé à l’avocat des demandeurs, lors d’une conférence téléphonique avec les parties le 7 septembre, de mettre un certain ordre dans ce qui était présenté en vrac au dossier de requête. La même demande était faite lors de l’audience du 11 septembre. La provenance précise de ces deux documents, l’un de 23 pages et l’autre de 78 pages, n’a pas été établie par 9011 et le débiteur fiscal. Ils sont seulement lancés, sans explication ou preuve. De fait, d’autres documents étaient produits au dossier de requête, mais ils n’ont jamais été évoqués même, et donc encore moins utilisés. Cet alinéa 8 A) ii) se lit :

8)  Au cours de son enquête, le dénonciateur a examiné les documents et données informatiques suivants en la possession du bureau des services fiscaux de Québec, ci-après désigné « BSF de Québec », de l’ARC :

A)  Les déclarations de revenus des sociétés (T2) de 9011-1345 Québec inc. produites pour les années d’imposition 1999 à 2002, incluant les annexes et documents rattachés auxdites déclarations, les données informatiques tenues par l’ARC, ainsi que les inscriptions au système CIDREQ du Registraire des entreprises anciennement connu sous le nom de l’Inspecteur général des institutions financières, pour les années 1998 à 2004, concernant ladite société et suite à cet examen, le dénonciateur sait que celles-ci indiquent :

ii)  Fiducie ML et Gaétan Laquerre comme actionnaires à 50% chacun, pour les années d’imposition 1999 et 2000 et Mario Laquerre à 50% pour les années d’imposition 2001 et 2002 sans autre indication pour le 50% restant, et ce, aux déclarations de revenus, alors que selon les renseignements obtenus du Registraire des entreprises, les actionnaires pour les années d’imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 sont Fiducie ML et Gaétan Laquerre, à 50% chacun.

[10]  Ce sont là les faits nouveaux que plaident 9011 et le débiteur fiscal.

[11]  L’argument tiré de ces alinéas est qu’ils constituent des « aveux extrajudiciaires » parce qu’un enquêteur de l’Agence du revenu du Canada y « fait une distinction entre la personne physique, soit Mario Laquerre, et la personne morale, la société 9011-1345 Québec inc. (para 3 du mémoire des faits et du droit) ». Ainsi, la dette fiscale de Mario Laquerre est supportée par 9011 alors qu’elle serait une personne morale distincte.

[12]  Tant l’avis de requête que le mémoire concluent que les ordonnances des juges Bell et Martineau devraient être annulées sur la foi de la « nouvelle preuve », celle de faits nouveaux.

[13]  D’abord, l’ordonnance du juge Martineau. Celui-ci a rendu, le 9 avril 2008, trois ordonnances répertoriées sous les citations neutres 2008 CF 458, 2008 CF 459 et 2008 CF 460. Les décisions 458 et 459 portaient sur des requêtes en annulation de deux ordonnances de recouvrement compromis. L’ordonnance 2008 CF 460 traite plutôt de la constitution de charge définitive. C’est de cette dernière ordonnance dont il est particulièrement question ici. Il suffit pour nos fins de noter que 9011 y est présentée comme mise en cause pour les fins de la requête en constitution de charge. Une charge provisoire sur l’immeuble du chemin de la Canardière avait été imposée dès le 11 octobre 2007 par la juge Gauthier, alors de cette Cour. Cette charge provisoire peut devenir définitive sur décision de cette Cour aux termes de la règle 459. Le juge Martineau traitait alors de 6 immeubles, mais seulement la charge sur l’immeuble du chemin de la Canardière nous intéresse. L’effet de cette charge est de grever l’immeuble de l’équivalent de l’hypothèque judiciaire (R c Mullin, [1985] 2 CTC 128).

[14]  Pour ce faire, la Cour devait conclure, comme l’avait fait la juge Gauthier quelques mois plus tôt au stade de la charge à titre provisoire, qu’il y avait lieu de lever le voile corporatif des compagnies visées, dont 9011. Cela était nécessaire puisque les actifs étaient abrités dans une structure corporative. On apprend qu’en 2008, l’équité de l’actif détenu par 9011, l’immeuble du chemin de la Canardière, était estimé à 320 000 $. Ainsi, la juge Gauthier levait expressément le voile corporatif à l’égard de 9011 en ces termes :

CONSIDÉRANT que du moins prima facie et sous réserve de preuve contraire, il y a lieu de lever le voile corporatif et de considérer le patrimoine de 9067-6388 Québec Inc. et de 9011-1345 Québec Inc. comme faisant partie du patrimoine des débiteurs judiciaires suivants : Mario Laquerre, 9122-9831 Québec Inc., 9075-3153 Québec Inc., 9015-7769 Québec Inc. et 9029-0065 Québec Inc. Il y a donc lieu de constituer une charge provisoirement, soit jusqu’à ce qu’il soit adjugé s’il y a lieu d’émettre une ordonnance définitive à cet égard, et ce seulement pour les fins de permettre des mesures de recouvrement de la requérante pour les dettes fiscales de ces débiteurs judiciaires.

[15]  Lorsque le juge Martineau a rendu définitif ce qui avait été déclaré provisoire par la juge Gauthier, il a conclu qu’il n’y avait pas lieu de modifier la décision sur la levée du voile corporatif en ces termes :

[22]  En conclusion, les arguments des intimés pour obtenir le rejet de la requête du créancier judiciaire pour obtenir la levée du voile corporatif ne sont pas convaincants. Vu la preuve concluante présentée par la requérante dans les dossiers T-1574-06 et T-699-07. Je suis d’avis qu’il est dans l’intérêt de la justice que les débiteurs judiciaires soient considérés comme une seule et même personne possédant un seul patrimoine pour l’ensemble des mesures de recouvrement des dettes fiscales des débiteurs judiciaires.

[16]  Le débiteur judiciaire et 9011 plaident donc que les faits nouveaux, qui seraient maintenant vieux de plus de 10 ans, auraient soudainement été révélés par Mario Laquerre à son frère le 1er septembre dernier, de telle manière que la décision du juge Martineau de lever le voile corporatif devrait maintenant être annulée.

[17]  Maintenant, la décision du juge Bell du 8 mars 2018. Il s’agit d’une décision relative à l’obtention d’une ordonnance pour le délaissement forcé et la vente sous contrôle judiciaire de l’immeuble du chemin de la Canardière. Deux jugements ont été déposés le 8 mars 2018. L’un fournissait les motifs d’une décision rendue du banc dès le 18 décembre 2017. L’autre fournit un résumé des procédures ayant mené à la vente en justice de l’immeuble du chemin de la Canardière, dont la levée du voile corporatif.

[18]  Dans cette décision, la Cour, par la voix du juge Bell, note les nombreuses tentatives faites pour faire annuler le levée du voile corporatif, dont celle de 2015 (2015 CF 440), qui comme les autres aura été infructueuse, et qui a été maintenue par une longue décision motivée de la Cour d’appel fédérale (2016 CAF 62). La Cour accueille donc la requête en délaissement forcé de l’immeuble du chemin de la Canardière et de sa vente sous contrôle judiciaire. Je note que le juge Bell impose des modalités relatives à la charge de l’huissier pour la vente à être faite.

[19]  Comme je l’indiquais d’entrée de jeu, alors que l’huissier s’apprête à conclure la vente de l’immeuble, le débiteur judiciaire et 9011 cherchent à empêcher le tout en alléguant des faits nouveaux qui, disent-ils, donnent ouverture à la règle 399(2)a).

[20]  Les conditions d’exercice de ce recours sont établies en jurisprudence depuis longtemps. Il ne s’agit pas là d’un appel déguisé ou une façon de réexaminer un jugement défavorable. La certitude du droit et le caractère définitif des jugements commandent qu’il y ait « des motifs exceptionnellement sérieux et convaincants (Collins c Canada, 2011 CAF 171, au para 12 et Rostamiam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 129 NR 394, au para 5) ». Ces conditions sont :

-  Encore faut-il qu’il y ait des « faits nouveaux » et que ces « faits nouveaux » aient été découverts depuis peu;

-  L’intéressé aurait-il pu découvrir ces faits en faisant preuve de diligence raisonnable?

-  Les « faits nouveaux » doivent être tels qu’ils auraient pu exercer une influence déterminante sur la décision dont on demande l’annulation.

[21]  À mon sens, cette troisième condition est celle qui est la plus importante; elle correspond bien aux prononcés de la Cour d’appel voulant que le caractère définitif des jugements soit une valeur à protéger; cela est d’intérêt public. Si les « faits nouveaux » n’ont pas d’incidence déterminante, les ordonnances ne doivent pas être touchées. En l’espèce, la requête ne rencontre aucune des conditions.

[22]  Les deux alinéas relevés par le débiteur judiciaire et 9011 non seulement ne pouvaient avoir aucune influence sur la décision du juge Martineau, mais ils ne constituent pas des faits nouveaux. L’avocat des demandeurs a convenu dans sa réplique à l’audience que l’alinéa 8 A) ii) (reproduit au paragraphe 8 des présentes) ne peut être rien d’autre que les constatations faites par le dénonciateur. La seule lecture de l’alinéa convainc. L’avocat a par ailleurs tenté de plaider que l’alinéa 46 G) (reproduit au paragraphe 7 des présentes) était d’un autre acabit. On ne peut pas voir pourquoi. Les deux alinéas sont au même effet.

[23]  Lorsqu’on lit l’alinéa G) avec son contexte, c’est-à-dire l’introduction au début du paragraphe, ce que d’aucuns identifient comme le « chapeau », on voit bien que le dénonciateur ne fait qu’exposer la croyance que les choses à saisir pourraient se trouver, entre autres, au chemin de la Canardière. Ce qui suit à ce document sont les motifs que le dénonciateur a de croire que ces choses sont là où il croit. De là l’alinéa G) qui n’est rien d’autre que de déclarer que ledit édifice du chemin de la Canardière est la propriété de 9011 dont les actionnaires incluent Mario Laquerre. La prétention que le dénonciateur avait pris une « position » contraire à la décision de lever le voile corporatif est à sa face même intenable.

[24]  D’abord, il ne s’agit pas d’une position. Un dénonciateur sur mandat de perquisition, si tel est bien le cas, ne prend aucune position. Il doit donner les faits, en toute candeur, qui sont à sa connaissance qui justifient l’émission d’un mandat (art. 487 du Code criminel). De fait, si des faits connus jouaient en la défaveur du dénonciateur, ils doivent être fournis quand même. Il n’y a pas de position à prendre. C’eut été malvenu de prendre une position. Mais, qui plus est, il n’y a rien dans l’alinéa G) qui puisse même suggérer qu’il ne s’agit pas de faits venant d’une enquête qui révèle la propriété de l’immeuble par une compagnie à numéro dont les officiers et actionnaires sont des personnes identifiées. Ce sont là les faits. Ils précèdent une décision judiciaire qui seule peut avoir l’effet de lever le voile corporatif.

[25]  Ces faits quant à l’actionnariat de 9011 et l’identité de ses dirigeants étaient évidemment devant le juge Martineau puisqu’il a levé le voile corporatif : il savait l’existence de la compagnie et de son actionnariat. Il a levé le voile entre l’un et l’autre. Comment déclarer, bien avant la décision d’avril 2008, que l’information factuelle fournie par un affiant sur l’information existante sur la compagnie pourrait avoir quelque influence, et encore moins une influence déterminante, sur la décision de lever ce même voile. Dit autrement, l’alinéa 46 G) dit ce qui est à ce moment, c’est-à-dire que 9011 a un immeuble, qui sont ses actionnaires et les dirigeants de celle-ci; la décision d’avril 2008 change ce qui est en levant le voile corporatif, sachant fort bien quel est l’état de la situation entre 9011 et ses actionnaires. Ces faits présentés dans une dénonciation étaient conformes à la réalité juridique d’alors; ils sont révélés à l’alinéa 46 G), comme il se devait, et ne pouvaient avoir aucune influence sur la décision prise de lever le voile corporatif. Ils étaient devant le juge Martineau.

[26]  En plus, il ne s’agit pas de faits nouveaux. Non seulement l’état de la situation entre 9011 et son actionnariat n’a rien de neuf, mais ce qui aurait pu être nouveau aurait été si, par exemple, une réelle position avait été adoptée, position qui aurait peut-être dû être divulguée. Mais il n’y a rien de tel. Aucune position n’est prise. La situation corporative était bien connue et elle n’est que factuelle, comme ce devait d’ailleurs être présenté par un dénonciateur.

[27]  Enfin, je ne puis voir où se situerait la diligence raisonnable en l’espèce. Par un artifice plutôt grossier, on présente le frère du débiteur fiscal comme étant celui qui a découvert très récemment les deux alinéas constituant des « faits nouveaux ». Or, le mémoire des faits et du droit déclare qu’il en a été prévenu par le débiteur fiscal qui lui est au fait de l’affaire depuis belle lurette selon la preuve abondante soumise par la Couronne. Le débiteur fiscal et 9011 poussent l’outrecuidance jusqu’à tenter d’utiliser le frère alors même qu’est mise en preuve une contre-lettre de décembre 1994 où, entre autres, on y voit que « malgré la convention de vente (d’actions) intervenue le 4 novembre 1994, Mario Laquerre demeure propriétaire absolu » de 9011. Cette contre-lettre est entre Gaétan et Mario Laquerre; elle confirme que « Mario Laquerre n’a l’intention ou n’a eu l’intention de vendre à qui que ce soit les intérêts qu’il détient dans la compagnie 9011-1345 Québec Inc. », si bien que la vente d’actions intervenue le 4 novembre 1994 est une « vente fictive ».

[28]  L’ordonnance du juge Bell de vendre l’immeuble sur chemin de la Canardière s’appuie en fait sur la levée du voile corporatif faisant en sorte, comme en conviennent le débiteur judiciaire et 9011, qu’ils ne font qu’un aux fins des dettes fiscales de M. Laquerre. Il coule de source que si les faits nouveaux n’ont aucune influence sur la décision du juge Martineau, ils n’en ont aucune sur l’ordonnance du juge Bell.

[29]  En conséquence, la requête du 5 septembre 2018 pour annuler l’ordonnance du 8 mars 2018 pour délaissement forcé et la vente sous contrôle judiciaire de l’immeuble sis au 1095, chemin de la Canardière à Québec, est rejetée. De la même manière, la requête du 5 septembre 2018 pour annuler l’ordonnance du 9 avril 2008 (2008 CF 460) rendant définitive la charge contre six immeubles, dont l’immeuble sis au 1095, chemin de la Canardière, et continuant la levée du voile corporatif relatif à la compagnie 9011-1345 Québec inc., est rejetée.

[30]  Le Procureur général du Canada a demandé ses dépens. L’imposition de dépens est un exercice largement discrétionnaire (règle 400). L’un des facteurs à prendre en considération est le caractère inapproprié, vexatoire ou inutile de la procédure (règle 400(3)k)(i)). Cette requête a toutes les allures d’une procédure dilatoire. Le Procureur général du Canada soumet qu’une somme de « 3 000 $ serait probablement approprié ». Je note que le juge Bell, dans sa décision du 8 mars 2018 dont on a cherché à obtenir l’annulation, avait fixé les dépens à 1 500 $ à être payés par Mario Laquerre. Il est clair que Mario Laquerre est le maître d’œuvre. Gaétan Laquerre s’est porté affiant et 9011 se porte requérante en l’espèce. En fin de compte, toutes les personnes sont intimement liées et le voile corporatif ne tient plus depuis longtemps. La Cour se rend à la suggestion du Procureur général du Canada d’imposer des dépens de 3 000 $ à Mario Laquerre et 9011-1345 Québec inc., ceux-ci étant solidairement responsables du paiement des dépens.


ORDONNANCE aux dossiers T-1594-06 et T-699-07

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête du 5 septembre 2018 visant :

  • a) L’annulation de l’ordonnance du 8 mars 2018 pour délaissement forcé et la vente sous contrôle judiciaire de l’immeuble sis au 1095, chemin de la Canardière, à Québec; et

  • b) L’annulation de l’ordonnance du 9 avril 2008 (2008) CF 460) rendant définitive la charge contre six immeubles, dont l’immeuble sis au 1095, chemin de la Canardière, et continuant la levée du voile corporatif relatif à la compagnie 9011-1345 Québec inc.;

est rejetée.

  1. Des dépens fixés au montant de 3 000 $ sont à être payés au Procureur général du Canada par Mario Laquerre et 9011-1345 Québec inc., ceux-ci étant solidairement responsables du paiement des dépens.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-1594-06; T-699-07

 

INTITULÉ :

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU ET DANS L’AFFAIRE DE COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU c MARIO LAQUERRE et 9011-1345 QUÉBEC INC., BRESSE SYNDIC INC. et GAÉTAN LAQUERRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 septembre 2018

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 septembre 2018

 

COMPARUTIONS :

Stéphane Harvey

Pour 9011-1345 QUÉBEC INC.

MARIO LAQUERRE

GAÉTAN LAQUERRE

 

Isabelle Mathieu-Millaire

Martin Lamoureux

Pour l’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harvey, Jean Avocats

Québec (Québec)

 

POUR 9011-1345 QUÉBEC INC.

MARIO LAQUERRE

GAÉTAN LAQUERRE

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

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