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Date : 20180906


Dossier : 18-T-49

Référence : 2018 CF 892

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 6 septembre 2018

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

DUN-RITE PLASTICS & CUSTOM FABRICATION INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La demanderesse demande une ordonnance de prorogation du délai d’introduction d’une requête en révision judiciaire de la décision du ministre du Revenu national de lui refuser un allègement des intérêts et des pénalités. La requête devait être introduite dans les 30 jours suivant la communication de la décision à la demanderesse.

[2]  La décision faisant l’objet de la requête en révision judiciaire a été prise le 21 novembre 2016 et communiquée à la demanderesse peu après. La demanderesse atteste que, dans les 30 jours suivant la réception de la décision, elle a tenté d’introduire une requête en révision judiciaire de cette décision, sans succès toutefois, car la requête n’était pas complète et n’était donc pas valide. La demanderesse a pris connaissance de ce fait en avril 2017, lorsque son comptable l’en a avisée.

[3]  La demanderesse a introduit une requête en révision judiciaire le 30 mai 2017, mais la Cour l’a informée le lendemain qu’elle devait d’abord introduire une requête en ordonnance de prorogation du délai d’introduction de la requête en révision judiciaire. Dans ses observations en réplique, la demanderesse décrit qu’elle a [traduction« promptement retenu les services du cabinet d’avocats LoPresti Law pour introduite la requête » après avoir été informée de ce fait. La requête a été introduite par ce cabinet devant notre Cour le 27 août 2018, soit une quinzaine de mois plus tard.

[4]  L’affidavit d’un employé de LoPresti Law atteste que [traduction« le cabinet LoPresti Law a introduit tardivement la présente requête en raison d’échéances serrées et d’autres dossiers à traiter. »

[5]  Les parties conviennent que toute ordonnance du genre de celle qui est demandée est discrétionnaire et, comme l’indique la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, [1999] ACF no 846, au paragraphe 3 :

Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré :

1. une intention constante de poursuivre sa demande;

2. que la demande est bien-fondé;

3. que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

4. qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

[6]  La demanderesse soutient que, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, au paragraphe 62, la Cour d’appel fédérale a indiqué que ces quatre critères orientent la Cour « et l'aident à déterminer si l'octroi d'une prorogation de délai est dans l'intérêt de la justice ». Il est également indiqué dans l’arrêt que la Cour d’appel a fait observer qu’« il n'est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant ».

[7]  À la lumière des faits dont la Cour est saisie, je suis convaincu que la demanderesse a démontré qu’elle avait l’intention de poursuivre sa demande.

[8]  Aucune preuve directe du bien-fondé de la requête proposée n’a été fournie par la demanderesse ou son seul actionnaire et administrateur; au contraire, la demanderesse a fourni un affidavit d’un employé de son cabinet d’avocats et, sur la foi de cette preuve, elle soutient ce qui suit :

[traduction] La lettre de décision indiquait à tort qu’on avait autorisé un solde à s’accumuler; toutefois, M. Williams, l’unique actionnaire et administrateur de la Société, n’a pris connaissance de la présence d’arriérés qu’en 2013. M. Williams a agi rapidement pour le compte de la Société pour rembourser les arriérés. La demanderesse allègue en outre que l’on n’a pas tenu compte comme il se doit de l’état de santé de Mme Williams et que cette absence de considération constitue une entrave au pouvoir discrétionnaire.

[9]  Le défendeur s’appuie sur la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Virdi c. Ministre du Revenu national, 2006 CAF 38, aux paragraphes 2 et 3, où la Cour d’appel a déclaré ce qui suit :

Il incombait à l'appelant, puisqu'il est le requérant, de prouver les éléments nécessaires pour obtenir la prorogation de délai. En règle générale, cela se fait au moyen d'une déposition par affidavit signée par le requérant lui-même, pouvant faire l'objet d'un contre-interrogatoire. Dans la présente affaire, l'appelant n'a pas cru bon de signer son propre affidavit. Il a plutôt demandé à la Cour de conclure qu'il avait une explication raisonnable justifiant son retard, une intention constante de poursuivre le contrôle judiciaire ainsi qu'une cause défendable, et ce, sur l'unique fondement d'un affidavit signé par la secrétaire de son avocat. Cette omission de fournir sa propre déposition à la Cour a, en l'espèce, porté un coup fatal à sa requête.

[10]  Bien qu’un tribunal soit disposé à accorder un poids à un affidavit assermenté par un employé d’un cabinet d’avocats dans une requête comme dans la présente affaire, lorsque le retard est léger et que le bien-fondé de la requête est plus ou moins apparent, je suis d’avis que lorsqu’il est question d’un important retard et que le bien-fondé de la requête est douteux au vu du dossier, la demanderesse ou un cadre supérieur de la demanderesse doit assermenter l’affidavit à l’appui de façon à ce que la preuve puisse faire l’objet d’un contre-interrogatoire. Comme dans l’arrêt Virdi, le défaut de déposer un affidavit en l’espèce empêche la Cour de déterminer si la requête proposée est fondée. Par conséquent, le deuxième élément du critère ne milite pas en faveur de l’obtention de la prorogation de délai.

[11]  Le demandeur ne s’étant pas objecté, pour cause de préjudice subi, à la présente requête, je suis donc disposé à admettre que celui-ci n’en subira pas si la prorogation est accordée.

[12]  Le délai exceptionnel qu’a pris l’avocat de la demanderesse pour introduire la présente requête pose un réel problème. Dans son mémoire de réplique, la demanderesse et son avocat [traduction« reconnaissent que la charge de travail et les problèmes d’ordonnancement ne constituent pas une explication convaincante du retard ». À mon avis, on ne peut pas dire que l’explication fournie pour un retard de cette ampleur soit raisonnable.

[13]  Par conséquent, je conclus que la demanderesse n’a pas satisfait à au moins deux des quatre critères et, par conséquent, je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire pour rendre une ordonnance de prorogation du délai d’inscription de la requête en révision judiciaire proposée.

[14]  Comme le ministre n’a pas demandé les dépens dans son mémoire, je n’en accorde pas.


ORDONNANCE dans l’affaire 18-T-49

LA COUR ORDONNE que la requête en prorogation du délai d’inscription d’une requête en révision judiciaire soit rejetée, sans dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

18-T-49

 

INTITULÉ :

DUN-RITE PLASTICS & CUSTOM FABRICATION INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

affaire examinée à Toronto (Ontario), conformément à l'article 369 des Règles

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

LE 6 SEPTEMBRE 2018

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Brandon Rooney

POUR LA DEMANDERESSE

Hasan Junaid

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brandon Rooney

LoPresti Law

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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