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Date : 20180906


Dossier : IMM-3534-17

Référence : 2018 CF 893

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 6 septembre 2018

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

REEM JAMAL NABHANI

RAKAN RAEF SALMAN ALARJAME

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Reem Jamal Nabhani (la « demanderesse principale ») et son enfant mineur Rakan Raef Salman Alarjame (collectivement les « demandeurs ») demandent le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « SAR ») le 19 juillet 2017. Dans cette décision, la SAR a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27 (la « Loi »).

[2]  La SAR a fondé sa décision sur des conclusions défavorables quant à la crédibilité et sur sa conclusion que les demandeurs n’ont pas démontré que la demanderesse principale n’avait pas acquis la citoyenneté jordanienne.

[3]  La demanderesse principale se présente comme une Palestinienne apatride de Jordanie; son enfant mineur est citoyen de la Jordanie.

[4]  Les demandeurs soutiennent maintenant que la SAR a commis une erreur en concluant que la demanderesse principale avait acquis la citoyenneté jordanienne. Ils soutiennent que cette conclusion est une conjecture et que la SAR aurait dû vérifier l’acquisition de la citoyenneté auprès des autorités jordaniennes.

[5]  Les demandeurs soutiennent en outre que la SAR a violé le principe de justice naturelle en s’appuyant sur de nouveaux arguments sans leur donner la possibilité de répondre. Plus précisément, ils soutiennent que la SAR a soulevé des questions au sujet des « visites » effectuées par les demandeurs en Syrie plutôt que d’y résider. Les demandeurs soutiennent également que la SAR a soulevé une question au sujet de leur omission de demander qu’un déposant soit appelé à témoigner devant la SPR.

[6]  De plus, ils soutiennent que la décision ne remplit pas la norme de la décision raisonnable et que la SAR a commis une erreur en écartant arbitrairement des éléments de preuve pertinents.

[7]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur ») soutient que la SAR a raisonnablement conclu que la demanderesse principale avait acquis la citoyenneté jordanienne. Par ailleurs, il soutient qu’il n’y a pas eu manquement à la justice naturelle et que la décision est conforme à la norme de la décision raisonnable.

[8]  La norme de contrôle appropriée à appliquer par la Cour lors du contrôle d’une décision de la SAR est la norme de la décision raisonnable; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Huruglica (2016), 396 D.L.R. (4e) 527 (CAF) au paragraphe 35. Par conséquent, la Cour ne devrait pas intervenir si la décision de la SAR est intelligible, transparente, justifiable et appartient aux issues possibles et acceptables à l’égard des faits et du droit; voir la décision dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au paragraphe 47.

[9]  Ensuite, je renvoie à la norme de contrôle que la SAR doit appliquer dans le cadre d’un appel d’une décision de la SPR.

[10]  Dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de la SAR, l’instance révisionnelle doit examiner la norme de contrôle appliquée par la SAR à la décision de la SPR. La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Huruglica, précité, au paragraphe 77 :

[…] je ne trouve rien dans la LIPR qui justifie le recours à une norme du caractère raisonnable ou de l’erreur manifeste et dominante pour analyser les conclusions de fait, ou les conclusions mixtes de fait et de droit de la SAR.

[11]  Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, précité, il n’y a généralement que deux normes de contrôle, soit la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. Si la norme de la décision raisonnable ne s’applique pas, seule la norme de la décision correcte doit être appliquée par la SAR dans son examen de certaines questions dont est saisie la SPR.

[12]  Au paragraphe 103 de l’arrêt Huruglica, précité, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :

Au terme de mon analyse des dispositions législatives, je conclus que, concernant les conclusions de fait (ainsi que les conclusions mixtes de fait et de droit) comme celle dont il est question ici, laquelle ne soulève pas la question de la crédibilité des témoignages de vive voix, la SAR doit examiner les décisions de la SPR en appliquant la norme de la décision correcte. Ainsi, après examen attentif de la décision de la SPR, la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant. Après cette étape, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive, soit en confirmant la décision de la SPR, soit en cassant celle-ci et en y substituant sa propre décision sur le fond de la demande d’asile. […]

[13]  À mon avis, le paragraphe cité ci-dessus signifie que la SAR doit appliquer la norme de la décision correcte lorsqu’elle examine des décisions de la SPR qui ne soulèvent pas de questions relatives à la crédibilité des témoignages de vive voix.

[14]  La question de l’équité procédurale peut être examinée selon la norme de la décision correcte; voir la décision dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339.

[15]  La norme du caractère raisonnable, selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, exige qu’une décision soit transparente, justifiable et intelligible, et qu’elle appartienne aux issues possibles et acceptables à l’égard des faits et du droit.

[16]  Il n’est pas nécessaire que j’examine les observations des demandeurs au sujet du manquement à l’équité procédurale puisque je suis convaincu que la conclusion au sujet de l’acquisition de la citoyenneté jordanienne par la demanderesse principale n’est pas appuyée par la preuve présentée.

[17]  À mon avis, la conclusion de la SAR n’est pas raisonnable, et c’est la norme en vertu de laquelle la décision de la SAR est susceptible de contrôle.

[18]  Je suis d’accord avec les observations des demandeurs selon lesquelles la SAR n’a apparemment pas examiné tous les éléments de preuve dont elle disposait et que sa conclusion n’est pas solidement fondée sur ces éléments de preuve.

[19]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la SAR est annulée. L’affaire est renvoyée à un tribunal constitué différemment de la SAR aux fins de réexamen. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3534-17

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision de la Section d’appel des réfugiés soit annulée. L’affaire est renvoyée à un tribunal constitué différemment de la Section d’appel des réfugiés aux fins de réexamen. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-3534-17

 

Intitulé :

REEM JAMAL NABHANI, RAKAN RAEF SALMAN ALARJAME c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MARS 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE :

LE 6 SEPTEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Raoul Boulakia

POUR LES DEMANDEURS

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RAOUL BOULAKIA

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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