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Date : 20181101


Dossier : IMM‑3314‑18

Référence : 2018 CF 1100

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2018

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

CHAUDHRY MUHAMMAD AZEEM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Monsieur Azeem est censé être renvoyé au Pakistan le 6 novembre 2018. La présente requête, qui vise à surseoir à l’exécution de cette mesure, a été déposée à bref délai et entendue par voie de conférence téléphonique.

[2]  La décision qui sous‑tend la présente requête est une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR] qui a été rejetée par une décision datée du 6 juin 2018. Par une ordonnance datée du 10 octobre 2018, la Cour a fait droit à cette demande et a fixé l’audience au 8 janvier 2019, à Winnipeg (Manitoba).

[3]  M. Azeem a de longs antécédents en matière d’immigration. Il est entré au Canada le 31 juillet 2009. Sa demande d’asile a été rejetée le 20 août 2012, et sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire l’a été aussi le 29 janvier 2013. La demande de résidence permanente qu’il a présentée par la suite, depuis le Canada, a été refusée le 13 novembre 2015. À la suite de cela, il a présenté une demande d’ERAR, qui a été rejetée le 25 février 2016. Une demande ultérieure de résidence permanente, présentée depuis le Canada, a elle aussi été refusée le 23 juin 2017.

[4]  Le renvoi de M. Azeem du Canada a été tout d’abord fixé au 6 juillet 2017, mais on lui a accordé un report administratif pour des raisons d’ordre médical liées à une intervention chirurgicale au cœur.

[5]  En mai 2018, M. Azeem a déposé une seconde demande d’ERAR. Celle‑ci a été rejetée le 6 juin 2018, et il a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant cette décision, qui lui a été accordée. Un avis de renvoi fixé au 21 août 2018 lui a été signifié.

[6]  Une fois de plus, un report administratif de la mesure de renvoi a été demandé pour des raisons d’ordre médical. Après qu’un médecin eut examiné les renseignements médicaux fournis, le report a été refusé. M. Azeem ne s’est pas présenté pour son renvoi fixé au 21 août 2018, comme prescrit.

[7]  Quand on lui a demandé pourquoi il ne s’était pas présenté pour son renvoi, il a répondu qu’il était à l’hôpital. Confronté à une information selon laquelle il avait obtenu son congé la veille de son renvoi, il a répondu qu’il avait dormi à cause des médicaments qu’il prenait. Lors de cette réunion, M. Azeem a présenté un billet supplémentaire de son médecin et a déposé une autre demande de report de son renvoi.

[8]  La demande de report la plus récente, ainsi que les renseignements médicaux qui l’accompagnaient, ont été vérifiés par un médecin, qui a fait part de l’opinion qui suit :

[traduction
D’après le dossier médical qui a été présenté pour examen, mon avis professionnel est que si M. Azeem doit être rapatrié dans son pays d’origine, il peut voyager à bord d’un appareil commercial si l’on observe les recommandations médicales suivantes :

1. Compte tenu de ses antécédents médicaux, il est recommandé qu’il voyage en compagnie d’une infirmière ou d’un infirmier pour faciliter l’observation des consignes pharmacologiques durant le voyage aérien.

2. Il devrait y avoir à bord de l’appareil une réserve d’oxygène suffisante pour pouvoir en administrer à un débit de trois L/min pendant la durée du voyage, s’il le faut.

3. Il est conseillé qu’il évite tout effort physique excessif; par exemple, il est recommandé qu’il bénéficie d’une aide spéciale pour ses bagages à l’embarquement et au débarquement.

4. Il est recommandé qu’il évite de se déplacer à pied de manière rapide et excessive, ce qui inclut le fait d’utiliser des escaliers,  pendant qu’il se trouve à l’aéroport.

5. Il est recommandé de le déplacer dans un véhicule ou qu’il se serve d’un fauteuil roulant pendant qu’il se trouve à l’aéroport.

6. Il faudrait lui remettre une copie de ses dossiers médicaux pour le vol de retour dans son pays.

[9]  L’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] s’est engagée à respecter la totalité de ces recommandations et, pour cette raison, elle a refusé la demande de report la plus récente.

[10]  Pour se voir accorder la mesure extraordinaire que constitue un sursis à une mesure de renvoi, M. Azeem doit me convaincre qu’il répond au critère à trois volets de nature cumulative qui est énoncé dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988) 86 NR 302 (CAF). Il doit persuader la Cour qu’il y a une question sérieuse à trancher dans la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente, qu’il subira un préjudice irréparable entre le moment présent et la date de la décision relative à la demande de contrôle judiciaire si le sursis n’est pas accordé et, enfin, que la prépondérance des inconvénients lui est favorable.

[11]  Le ministre reconnaît à juste titre qu’une question sérieuse à trancher est soulevée dans la demande sous‑jacente.

[12]  M. Azeem soutient qu’il subira un préjudice irréparable, en ce sens que s’il est renvoyé le contrôle judiciaire de la décision relative à son ERAR deviendra théorique et qu’il sera renvoyé avant que l’on ait examiné comme il faut le risque auquel il s’expose en retournant au Pakistan.

[13]  La conclusion d’une question sérieuse à trancher, même quand la décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire est une décision défavorable au sujet d’un ERAR, n’amène pas automatiquement à conclure qu’on causera vraisemblablement un préjudice irréparable : voir les décisions Sallai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CanLII 86645, au paragraphe 4, et Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 256, au paragraphe 22. Le préjudice irréparable est encore une question qu’il convient d’évaluer de manière indépendante.

[14]  Le ministre soutient que la Cour d’appel fédérale a conclu à maintes reprises que le caractère théorique potentiel que revêtirait la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente du demandeur s’il était renvoyé n’est pas assimilable à un préjudice irréparable, citant les arrêts Mohamed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 112, au paragraphe 32, et Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, aux paragraphes 34, 35 et 38, de même que d’autres décisions.

[15]  Tout en reconnaissant cette jurisprudence, M. Azeem soutient qu’il y a des situations dans lesquelles le renvoi déconsidérerait l’administration de la justice : Begum c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 550. Contrairement à la présente espèce, dans l’affaire Begum la demande avait été instruite et prise en délibéré au moment où la requête en sursis avait été entendue. De plus, en l’espèce, s’il s’était présenté pour son renvoi le 21 août 2018, comme prescrit, M. Azeem aurait été renvoyé au Pakistan avant que le juge saisi de la demande d’autorisation examine cette dernière.

[16]  M. Azeem souffre de problèmes de santé importants, mais je suis convaincu que l’ASFC tient compte de ses besoins en se conformant aux conseils médicaux qu’elle a reçus. Rien ne prouve que sa vie ou son état de santé sera exposé à un risque lors du renvoi, ou qu’il s’exposera à un risque s’il est renvoyé au Pakistan. L’argument du préjudice irréparable n’a pas été établi.

[17]  Bien qu’il soit inutile d’examiner le troisième élément du critère à trois volets, je conclus que la prépondérance des inconvénients est favorable au ministre. Ce dernier s’est montré accommodant dans le passé en accordant des reports administratifs pour que l’on puisse s’occuper de problèmes de santé. Lorsqu’il a été possible de le renvoyer, M. Azeem ne s’est pas présenté et il a ensuite donné des réponses moins que sincères quand on lui a demandé pourquoi.

[18]  Pour ces motifs, la requête est rejetée.


ORDONNANCE RENDUE DANS LE DOSSIER IMM‑3314‑18

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis au renvoi de M. Azeem au Pakistan, actuellement prévu pour le 6 novembre 2018, soit rejetée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de novembre 2018.

 

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3314‑18

 

INTITULÉ :

CHAUDHRY MUHAMMAD AZEEM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario) PAR VOIE DE TÉLÉCONFÉRENCE AVEC winnipeg (manitoba)

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 OCTOBRE 2018

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er NoveMBRE 2018

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexander Menticoglou

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional des Prairies

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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