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Date: 20181116


Dossier : IMM-4747-17

Référence : 2018 CF 1159

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2018

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SEREF ALKAN

ALTUGHAN KEMAL ALKAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET RAISONS

[1]  Monsieur Seref Alkan (le demandeur principal) et son fils, M. Altughan Kemal Alkan (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) qui avait conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[2]  Les demandeurs sont citoyens de la Turquie. Le demandeur principal affirme être exposé à un risque du fait de ses opinions politiques, de sa nationalité et de sa religion. Son fils affirme être exposé à un risque en raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social, de sa nationalité et de sa religion, en tant qu’Alévi.

[3]  La SPR a estimé que les demandeurs manquaient de crédibilité et qu’ils n’avaient pas présenté une preuve suffisante pour étayer leurs allégations de risque couru du fait des opinions politiques, de l’appartenance ethnique et de la religion. La SAR a confirmé ces conclusions et a rejeté l’appel des demandeurs.

[4]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs avancent plusieurs arguments. Ils affirment que la SAR a omis de manière déraisonnable d’examiner les allégations d’incompétence formulées contre l’avocat qui les avait représentés devant la SPR. Les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une analyse indépendante au titre du paragraphe 97(1) de la Loi relativement à l’allégation présentée par le fils portant sur le risque qu’il courait pour s’être soustrait au service militaire obligatoire.

[5]  Enfin, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur de droit en confondant l’identité du demandeur principal avec l’identité de son fils lorsqu’elle s’est penchée sur la question de savoir lequel des deux demandeurs souffrait d’asthme, ce qui a eu pour effet de compromettre l’appréciation de leurs témoignages ainsi que la validité des conclusions tirées.

[6]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) affirme que la décision de la SAR de rejeter l’appel était raisonnable et qu’il n’y a aucun motif justifiant l’intervention de la Cour.

[7]  De façon générale, la norme de contrôle applicable aux décisions de la SAR est celle du caractère raisonnable; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Huruglica (2016), 396 D.L.R. (4th) 527 (C.A.F.), au paragraphe 35. Par conséquent, la Cour ne doit pas intervenir si la décision de la SAR est intelligible, transparente, justifiable et qu’elle appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit; voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47.

[8]  Je n’ai pas à aborder tous les arguments invoqués par les demandeurs puisque je suis d’avis que la SAR a commis des erreurs susceptibles de contrôle en ce qui concerne chacun des demandeurs. Je vais commencer par examiner l’erreur manifeste à l’égard du demandeur principal.

[9]  J’estime que la SAR a commis une erreur en confondant l’identité des demandeurs.

[10]  La SAR a mentionné que le demandeur principal souffrait d’asthme, alors que la preuve dont elle disposait montrait que c’était le fils de celui‑ci qui était atteint de cette affection médicale.

[11]  Le défendeur soutient qu’il s’agit d’une erreur mineure de la SAR.

[12]  Je ne suis pas d’accord.

[13]  Ce problème de santé est pertinent à l’égard des motifs invoqués par le fils à l’appui de la demande d’asile. Il s’agit donc d’un fait important dont la SAR devait tenir compte dans son évaluation.

[14]  Cette mauvaise interprétation de la preuve soulève des doutes quant à d’autres façons dont la SAR aurait pu confondre l’identité et les allégations de chacun des demandeurs. Cette possibilité a pour effet de compromettre le caractère raisonnable de la décision rendue par la SAR.

[15]  À mon avis, cette erreur justifie à elle seule l’intervention de la Cour en ce qui concerne la demande d’asile présentée par le demandeur principal.

[16]  Je suis également d’avis que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a omis de procéder à l’analyse au titre du paragraphe 97(1) de la Loi, notamment en ce qui concerne les conditions de détention invoquées par le fils à l’appui de la crainte alléguée.

[17]  Selon la décision Paramananthalingam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 236, au paragraphe 10, la norme applicable à la question de savoir si la SAR devait effectuer une analyse au titre du paragraphe 97(1) est celle de la décision raisonnable.

[18]  Dans Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 254 F.T.R. 244, au paragraphe 14, la Cour a affirmé que la SPR commet une erreur susceptible de contrôle si elle ne procède pas à une analyse au titre de l’article 97 lorsque la preuve établit l’existence des risques visés au même article dont le décideur n’a pas tenu compte selon l’article 96. À mon avis, c’est le même principe qui s’applique au défaut de la SAR d’effectuer une analyse au titre de l’article 97 dans les mêmes circonstances.

[19]  J’estime que la SAR a commis une erreur en omettant de procéder à une analyse au titre du paragraphe 97(1).

[20]  Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera infirmée, et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour nouvel examen. Aucune question à certifier n’est soulevée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4747-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de novembre 2018

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4747-17

 

INTITULÉ :

SEREF ALKAN ALTUGHAN, KEMAL ALKAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 MAI 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 NovembRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Michael Crane

POUR LE DEMANDEUR

Brad Bechard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

POUR LE DEMANDEUR

 

Ministère de la Justice du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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