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Date : 20181121


Dossier : T-1408-18

Référence : 2018 CF 1176

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 novembre 2018

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

NAVOT BEN ABRAHAM ALIAS

SEANN JAMES FRIESEN

demandeur

et

LE RABBIN MEIR KAPLAN,

LE CHABAD DE L’ÎLE DE VANCOUVER,

LE CHABAD DU CENTRE-VILLE DE VANCOUVER ET MCCONNAN BION O’CONNOR

& PETERSON (AVOCATS),

LES MEMBRES DE LA COLLECTIVITÉ DU CHABAD DU RABBIN MEIR KAPLAN :

LE MAJOR-GÉNÉRAL EDWARD FITCH,

ZEON ZETLER, CHARLOTTE A. SOLOMON, TOUS LES AUTRES MEMBRES,

LE TRÈS HON. MAJOR-GÉNÉRAL EDWARD FITCH,

LES COMMISSAIRES, L’ANCIEN PRÉSIDENT MEMBRE DU CONSEIL,

ZEON ZETLER D’ABURGINE SPECIALTY FOODS

ET CHARLOTTE A. SOLOMON, MICHAEL MARK,

T. REID FRASER ET MCCONNAN BION

O’CONNOR & PETERSON ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

ET L’AVOCAT DE LA COURONNE POUR VICTORIA

ET LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DU SERVICE DE POLICE DE VICTORIA ET LE SERGENT DEREK TOLMIE ET LE DÉTECTIVE HINES DU SERVICE DE POLICE DE VICTORIA

défendeurs


ORDONNANCES ET MOTIFS

[1]  M. Abraham, qui se représente lui-même dans le cadre d’une seule action devant notre Cour, demande des dommages-intérêts de 7 millions de dollars, en plus de dommages-intérêts punitifs, de [traduction« dommages-intérêts pour difficultés mentales », de dommages-intérêts pour diffamation et d’une « réparation constitutionnelle » en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]  Dans trois requêtes distinctes, tous les défendeurs, à l’exception du conseil d’administration du service de police de Victoria, du sergent Derek Tolmie et du détective Hines du service de police de Victoria, ont présenté une requête en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales en vue de faire radier la déclaration, sans autorisation de la modifier, pour plusieurs motifs, notamment qu’elle est scandaleuse, frivole ou vexatoire, qu’elle constitue un abus de procédure et, surtout, qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable qui puisse relever de la compétence de la Cour.

[3]  Il semblerait que, ce que j’appellerai « le service de police de Victoria », n’a pas encore eu l’occasion de présenter une requête semblable. Dans sa défense, il affirme que la Cour n’a pas compétence.

[4]  Dans sa déclaration, M. Abraham cherche à obtenir une réparation aux motifs qu’il a été à tort confié à l’hôpital en 2016, que le rabbin Meir Kaplan l’a escroqué, que certains des défendeurs ont investi indûment dans son entreprise, que la Couronne a suspendu les accusations criminelles à l’encontre du rabbin Kaplan, que les avocats représentant le rabbin Kaplan étaient dans une situation de conflit d’intérêts et se sont parjurés, que M. Zetler l’a poussé à séduire une femme pour qu’elle devienne son épouse; que le rabbin Kaplan l’a diffamé, que la police l’a menacé de l’accuser de harcèlement. En fait, la liste est longue.

[5]  Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails des raisons pour lesquelles la déclaration est scandaleuse, frivole ou vexatoire et constitue un abus de procédure. La Cour n’a clairement pas compétence.

[6]  M. Abraham prétend que le dossier de requête déposé pour le compte du procureur général de la Colombie-Britannique et de [traduction] « l’avocat de la Couronne pour Victoria » ne lui a pas été signifié. Toutefois, j’accepte l’affidavit de signification de Brian Sturgeon, l’huissier, selon lequel ce dernier a personnellement signifié M. Abraham le 2 novembre 2018.

[7]  La création de tribunaux est une question qui relève de la compétence des provinces selon l’article 92 de la Loi constitutionnelle. En vertu d’une exception prévue à l’article 101, le Parlement peut créer une cour générale d’appel et des tribunaux additionnels pour l’administration des lois du Canada. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale en sont des exemples.

[8]  Pour que la Cour ait compétence, l’objet doit être confié au Parlement par la Constitution, il doit y avoir une loi fédérale effectivement applicable et l’administration de cette loi doit lui avoir été confiée (ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752 (le Buenos Aires Maru)).

[9]  Aucun des motifs allégués ne répond à ce critère. Il ne suffit pas d’invoquer la Charte ou des lois fédérales. La Charte peut permettre un recours si la cause d’action sous-jacente relève du gouvernement fédéral et a été confiée à la Cour. En règle générale, une demande doit être visée par les articles 17 à 25 de la Loi sur les Cours fédérales ou être expressément attribuée par une autre loi fédérale. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[10]  Par conséquent, la déclaration est radiée, sans autorisation de la modifier.

[11]  M. Abraham soutient que si la Cour n’a pas compétence, je devrais renvoyer l’affaire à la Cour suprême du Canada. M. Abraham ne connaît manifestement pas notre système judiciaire. Il a le droit d’interjeter appel devant la Cour d’appel fédérale.

[12]  Il reste le service de police de Victoria. Les parties ne peuvent conférer à la Cour compétence à l’égard d’une question qui ne lui a pas été attribuée par le Parlement. La Cour peut, de sa propre initiative, soulever l’absence de compétence, comme je l’ai fait dans la décision Crowe c Juge en chef du Canada, 2007 CF 1209. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté à l’égard de cette ordonnance, dans l’arrêt 2008 CAF 298.

[13]  Comme l’a déclaré, au paragraphe 16, le juge Pelletier lorsqu’il s’est exprimé au nom de la Cour d’appel fédérale :

La difficulté à laquelle est confronté M. Crowe est que la Cour fédérale est un tribunal d’origine législative et qu’elle n’a donc que la compétence qui lui est conférée par la loi. Ce n’est pas un tribunal qui possède une compétence générale inhérente comme les cours supérieures provinciales :

46 Comme tribunal d’origine législative, la Cour fédérale du Canada ne peut exercer que les compétences qui lui sont attribuées par la loi et, compte tenu du principe de la compétence générale inhérente des cours supérieures provinciales, le Parlement doit, pour attribuer compétence à la Cour fédérale, exprimer explicitement cette intention [...]

[Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, au paragraphe 46.]

[14]  Par conséquent, M. Abraham est appelé, dans les 7 jours suivant la présente ordonnance, à déposer un exposé des arguments à l’appui de son assertion selon laquelle la Cour a compétence. En fonction de ce qui est déposé, le cas échéant, il se peut que je demande aux défendeurs du service de police de Victoria de présenter une réponse.


ORDONNANCE dans le dossier T-1408-18

Pour les motifs susmentionnés :

  1. La déclaration à l’encontre de tous les défendeurs est radiée, sans autorisation de la modifier, à l’exception du conseil d’administration du service de police de Victoria ainsi que du sergent Derek Tolmie et du détective Hines du service de police de Victoria.
  2. Le demandeur Navot Ben Abraham alias Seann James Friesen est appelé, dans les sept jours suivant la présente ordonnance, à déposer un exposé des arguments pour expliquer les raisons pour lesquelles il soutient que la Cour a compétence à l’égard du conseil d’administration du service de police de Victoria ainsi que du sergent Derek Tolmie et du détective Hines du service de police de Victoria.
  3. Le tout avec dépens adjugés aux défendeurs plaidants.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de décembre 2018.

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-1408-18

 

INTITULÉ :

NAVOT BEN ABRAHAM ALIAS SEANN JAMES FRIESEN C LE RABBIN MEIR KAPLAN ET AUTRES

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

le 21 novembre 2018

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Navot Ben Abraham alias Seann James Friesen

LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

Me Michael R. Mark

Pour les DÉFENDEURS, LE RABBIN MEIR KAPLAN, LE CHABAD DE L’ÎLE DE VANCOUVER, LE CHABAD DU CENTRE-VILLE DE VANCOUVER, CHARLOTTE A. SOLOMON, MICHAEL MARK, T. REID FRASER, EDWARD FITCH, ZEON ZETLER

Me Tara Callan

Pour les défendeurs, LE Procureur général de la Colombie-Britannique et L’avocat de la couronne pour Victoria

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McConnan Bion O’Connor & Peterson Law Corporation

Victoria (Colombie-Britannique)

Pour les DÉFENDEURS, LE RABBIN MEIR KAPLAN, LE CHABAD DE L’ÎLE DE VANCOUVER, LE CHABAD DU CENTRE-VILLE DE VANCOUVER, CHARLOTTE A. SOLOMON, MICHAEL MARK, T. REID FRASER, EDWARD FITCH, ZEON ZETLER

Procureur général de la Colombie-Britannique

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les défendeurs, LE Procureur général de la Colombie‑Britannique et L’avocat de la couronne pour Victoria

 

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