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Date : 20181207


Dossier : IMM‑990‑18

Référence : 2018 CF 1230

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2018

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

LISHAN PENG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) visant la décision d’un agent des visas de la Section des visas de l’ambassade du Canada à Beijing (l’agent), datée du 3 janvier 2018. L’agent a rejeté la demande de visa de résident temporaire (la demande de VRT) que la demanderesse avait présentée conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR et à l’article 179 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Le contexte

[2]  La demanderesse, âgée de 37 ans, est une citoyenne de la Chine. Elle est divorcée depuis 2012. L’enfant de la demanderesse vit à Beijing avec les parents de celle‑ci, et la sœur de la demanderesse demeure en Australie.

[3]  La demanderesse travaille pour Universal Skyline (Beijing) Business Service Co., Ltd. et Tianjin Universal Skyline Business Services Co., Ltd à titre de directrice générale et est actionnaire des deux sociétés.

[4]  Insatisfaite de l’absence de possibilités offertes à ses clients aux États‑Unis (les É.‑U.), la demanderesse aurait rencontré un certain M. Li, qui lui aurait parlé des possibilités d’affaires au Canada et aurait offert de l’y conduire en échange de 100 $. La demanderesse est arrivée au Canada sans visa valide accompagnée de M. Li le 26 août 2016. Dans sa déclaration solennelle datée du 26 mars 2018, la demanderesse a admis être entrée au Canada sans visa [traduction« par erreur » et [traduction« sans le savoir ». Elle a expliqué qu’elle s’était rendue à New York afin d’explorer des possibilités d’investissement pour ses clients.

[5]  À son arrivée au Canada, les amis de la demanderesse lui ont conseillé de quitter le pays immédiatement, car elle n’avait pas de visa valide. Par conséquent, la demanderesse est retournée aux É.‑U. en autobus et a pris l’avion pour Beijing trois jours plus tard. Depuis cet incident, la demanderesse allègue qu’elle n’a communiqué avec M. Li d’aucune façon.

[6]  En octobre 2016, après sa visite non autorisée au Canada, la demanderesse a présenté une demande de VRT au Canada, qui a été refusée le 27 avril 2017. La deuxième demande de VRT de la demanderesse, déposée le 2 novembre 2017, a à son tour été rejetée le 30 novembre 2017. Le 15 décembre 2017, la demanderesse a présenté une troisième demande de VRT.

II.  La décision contestée

[7]  Le 3 janvier 2018, conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR, l’agent a rejeté la demande de VRT présentée par la demanderesse le 15 décembre 2017 au motif que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences législatives pour obtenir un visa temporaire. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Dans la lettre de refus, l’agent a coché les facteurs qui s’appliquaient au rejet de la demande :

[traduction]

Objet de la visite

Autres raisons (« Les circonstances de votre entrée non autorisée antérieure au Canada, en août 2016, demeurent inexpliquées et soulèvent des préoccupations en matière de crédibilité concernant vos intentions réelles d’entrer au Canada. »)

[8]  Les notes du Système mondial de gestion des cas (les notes du SMGC) ont servi à justifier la décision de l’agent. Elles indiquent ce qui suit :

[traduction]

Dossier examiné. Notes antérieures concernant un refus. Il est noté que la demanderesse est entrée sans autorisation au Canada à partir des É.‑U. La demanderesse a présenté une lettre de son consultant datée du 5 novembre 2017 l’invitant à se rendre en Saskatchewan pour une visite de prospection d’entreprises. Aucun document ne donne à penser qu’il s’agit d’une invitation du gouvernement de la Saskatchewan. Les antécédents en matière d’immigration de la demanderesse principale ont miné sa crédibilité générale. D’après ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la demanderesse principale est une résidente temporaire de bonne foi qui quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Demande rejetée.

[9]  C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III.  La question en litige

[10]  Dans ses observations écrites, la demanderesse a soulevé les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il omis de tenir dûment compte de tous les documents présentés dans la demande de la demanderesse?

  2. L’agent a‑t‑il tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des documents dont il disposait?

[11]  Après avoir examiné les observations des deux parties, la Cour est d’avis que la seule question à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l’agent a commis une erreur en rejetant la demande de VRT de la demanderesse, en fonction des éléments de preuve au dossier.

[12]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, car l’évaluation d’une demande de VRT par un agent des visas soulève une question mixte de fait et de droit. La Cour est d’accord. Étant donné la nature discrétionnaire de la décision d’un agent des visas, la Cour ne devrait intervenir que si la décision ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir)).

IV.  Les dispositions législatives applicables

[13]  Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes dans le cadre de la présente instance :

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Obligation à l’entrée au Canada

Obligation on entry

20 (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

a) pour devenir un résident permanent, qu’il détient les visa ou autres documents réglementaires et vient s’y établir en permanence;

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

20 (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

(a) to become a permanent resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and have come to Canada in order to establish permanent residence; and

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

[14]  L’article 179 du RIPR prévoit ce qui suit :

Délivrance

Issuance

179 L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

e) il n’est pas interdit de territoire;

f) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

g) il ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi.

179 An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

(d) meets the requirements applicable to that class;

(e) is not inadmissible;

(f) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

(g) is not the subject of a declaration made under subsection 22.1(1) of the Act.

V.  Les observations des parties

A.  Les observations de la demanderesse

[15]  Selon la demanderesse, la décision de l’agent est déraisonnable. La demanderesse a soutenu que l’agent avait omis de tenir compte des voyages qu’elle avait faits dans d’autres pays comme le Japon et les États‑Unis. La demanderesse affirme avoir été honnête avec les autorités de l’immigration durant tout le processus et qu’il n’a jamais été son intention de se rendre au Canada ne manière illégale.

[16]  D’après les notes du SMGC datées du 27 avril 2017, la demanderesse a indiqué dans sa troisième demande de VRT, au moyen d’un affidavit, qu’elle avait reçu une lettre d’invitation du Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan. Elle affirme que, dans sa demande de VRT précédente, qui a été rejetée, elle avait fourni une lettre du gouvernement de la Saskatchewan pour justifier son voyage d’affaires dans la province. La demanderesse soutient que l’agent a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve dont il disposait et qu’il était déraisonnable pour lui de conclure qu’aucun document ne donnait à penser que la demanderesse avait reçu une invitation du gouvernement de la Saskatchewan.

[17]  La demanderesse soutient également que, malgré l’objet de sa visite et la lettre de soutien de la province de la Saskatchewan, ses demandes de VRT ont tout de même été rejetées.

[18]  La demanderesse soutient qu’il aurait été raisonnable pour l’agent de rejeter sa demande de VRT si elle avait menti aux autorités de l’immigration à propos de son entrée non autorisée au Canada. D’après la demanderesse, l’agent a rejeté sa demande de VRT principalement parce que ses demandes antérieures avaient été rejetées. La demanderesse soutient qu’elle a fourni tous les documents demandés concernant son séjour non autorisé au Canada.

B.  Les observations du défendeur

[19]  Le défendeur, pour sa part, fait valoir que la décision est raisonnable, car la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. Il était raisonnable pour l’agent de conclure qu’elle n’était pas une visiteuse authentique qui quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[20]  Le défendeur soutient par ailleurs que la décision de l’agent était fondée sur la preuve soumise par la demanderesse. Se fondant sur la déclaration solennelle présentée par la demanderesse elle‑même, le défendeur fait valoir qu’il était raisonnable pour l’agent de soulever des préoccupations concernant l’entrée non autorisée de la demanderesse au Canada à partir des États‑Unis et concernant sa crédibilité en général.

[21]  Le défendeur explique que la demanderesse a admis qu’elle ne [traduction« pensai[t] pas que nous [la demanderesse et M. Li] avions traversé la frontière à un poste frontalier, car personne ne nous a soumis à une inspection ou à un contrôle ». Lorsqu’on lui a demandé de fournir des renseignements supplémentaires concernant M. Li et son entrée non autorisée au Canada, la demanderesse a répondu qu’elle n’avait pas les coordonnées de M. Li et qu’elle ne serait pas capable d’indiquer quelle frontière ils avaient traversée.

[22]  Le défendeur soutient en outre que la lettre d’invitation du Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan n’était pas jointe à la troisième demande de VRT de la demanderesse, datée du 15 décembre 2017. Les notes du SMGC mentionnent également que la demanderesse n’a pas fourni cet élément de preuve. Le défendeur indique que la demanderesse n’a pas souscrit d’affidavit avec sa déclaration solennelle datée du 26 mars 2018, comme l’exige l’alinéa 10(2)d) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22. Il est allégué « [qu’u]ne demande d’autorisation qui n’est pas appuyée par un affidavit est incomplète et ne peut être accueillie par la Cour » (Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 614, au paragraphe 9).

[23]  Le défendeur soutient que l’agent n’était pas tenu de relever chaque élément de preuve dans le dossier de la demanderesse concernant ses voyages antérieurs, sa famille et ses activités commerciales à Beijing. Le défendeur affirme que « l’agent des visas est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve qui lui a été soumise, jusqu’à preuve du contraire » (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1083, au paragraphe 34 [Ahmed]).

[24]  Enfin, le défendeur soutient que l’agent avait des préoccupations à l’égard de deux éléments seulement et que ceux‑ci étaient clairement indiqués dans sa décision : (i) l’objet de la visite de la demanderesse; et (ii) son entrée non autorisée au Canada. La demanderesse n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle quitterait le Canada au terme de son séjour autorisé (Ahmed, au paragraphe 34). Le défendeur cite la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526, au paragraphe 56, où la Cour a conclu qu’il « ne [lui] appartient pas d’intervenir et de deviner les intentions de l’agente » et que « la Cour ne peut pas intervenir, même si elle serait arrivée à une conclusion différente ».

C.  Réplique

[25]  La demanderesse soutient que les notes du SMGC sont incomplètes pour les raisons suivantes : (i) l’agent devait expliquer en détail pourquoi la troisième demande de VRT datée du 15 décembre 2017 n’était pas différente de ses demandes antérieures qui ont été rejetées; et (ii) les notes de l’agent n’indiquent nulle part que la demanderesse a fourni une lettre d’invitation du Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan décrivant sa visite proposée au Canada.

[26]  La demanderesse soutient également que l’agent n’a tout simplement pas fourni suffisamment de motifs pour justifier sa conclusion selon laquelle la demanderesse manquait de crédibilité en général.

[27]  Contrairement à l’argument du défendeur, la demanderesse soutient que son cas est différent de l’affaire Dhillon parce qu’elle a souscrit un affidavit. Il s’agit de sa déclaration sous serment qui est jointe à la présente demande de contrôle judiciaire.

[28]  La demanderesse se fonde sur un cas similaire. Dans la décision, Kokareva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 451 [Kokareva], la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire parce que l’agent des visas avait omis de tenir compte d’éléments de preuve qui étaient pertinents dans la situation de la demanderesse, c.‑à‑d. qu’il n’avait pas reconnu les intentions honnêtes de la demanderesse, qui avait divulgué le refus de ses demandes antérieures de visa de résident temporaire (Kokareva, au paragraphe 12). La demanderesse en l’espèce soutient qu’elle a été honnête à propos de son entrée non autorisée au Canada lors de son entrevue avec le bureau des visas à Beijing.

[29]  La demanderesse fait par ailleurs valoir que la décision de l’agent n’est pas raisonnable, car celui‑ci n’a pas tenu compte des nombreux visas d’entrée de la demanderesse pour Singapour, le Japon, le Royaume‑Uni et les États‑Unis, ni de sa situation familiale (y compris de son enfant mineur) et des entreprises qu’elle gère à Beijing.

VI.  Analyse

A.  L’agent a‑t‑il commis une erreur en rejetant la demande de VRT en fonction de la preuve présentée au dossier?

[30]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune erreur susceptible de contrôle justifiant l’intervention de la Cour dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[31]  Dans ses observations, la demanderesse a fait valoir que l’agent avait omis de tenir compte de tous les éléments de preuve au dossier, comme l’enfant mineur de la demanderesse qui demeure toujours à Beijing. La Cour n’est pas d’accord. Dans la décision Sekhon c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 700, au paragraphe 13, la Cour a conclu ce qui suit :

[13] [I]l est acquis en matière jurisprudentielle qu’un décideur administratif est présumé avoir pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire (voir, par exemple, Rahman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016, CF 793 [sic], au paragraphe 17). L’agent des visas n’est pas tenu de faire référence à chaque élément de preuve bien que, plus un élément de preuve allant à l’encontre de la conclusion du décideur soit important, plus la cour pourrait être disposée à conclure que l’absence de référence à cette preuve dans la décision signifie que cet élément n’a pas été pris en compte (Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, au paragraphe 16).

[32]  La Cour est d’avis que les conclusions de l’agent concernant l’entrée non autorisée de la demanderesse au Canada et sa crédibilité générale sont raisonnables, car elles ne vont pas à l’encontre de la preuve dont il disposait. Comme le défendeur l’a souligné dans ses observations écrites, l’agent n’a soulevé des préoccupations qu’à l’égard de l’objet de la visite de la demanderesse et de son entrée non autorisée au Canada à partir des États‑Unis. Les autres facteurs évalués par l’agent n’étaient pas problématiques. La Cour conclut que la décision contestée mentionne clairement les deux motifs justifiant le rejet de la demande de VRT de la demanderesse.

[33]  La demanderesse soutient par ailleurs que l’agent était tenu d’expliquer pourquoi la troisième demande de VRT n’était pas différente des deux autres demandes antérieures ayant été rejetées. La Cour conclut qu’un « décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale ». Les motifs de l’agent permettent à la Cour d’établir les liens nécessaires et de comprendre pourquoi l’agent a rendu une décision défavorable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [Newfoundland]). Comme la Cour suprême du Canada l’a jugé dans l’arrêt Newfoundland, au paragraphe 14, l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision.

[34]  La demanderesse a également soutenu qu’elle avait respecté les Règles en matière d’immigration, présenté au bureau des visas tous les documents demandés et été honnête durant toute l’entrevue. La Cour rejette cet argument. Conformément au paragraphe 16(1) de la LIPR, l’auteur d’une demande doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées et présenter tous les documents que l’agent exige de façon raisonnable. La Cour rappelle à la demanderesse qu’elle avait le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle quitterait le Canada à la fin de la période autorisée (Ahmed, au paragraphe 34). L’agent s’est fondé sur les éléments de preuve présentés par la demanderesse à l’appui de sa demande de VRT datée du 15 décembre 2017 pour évaluer l’ensemble de la preuve et rendre une décision.

[35]  La Cour reconnaît que la décision des agents des visas est très discrétionnaire puisqu’elle repose sur leur « expertise unique et spécialisée » (Samuel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 223, au paragraphe 26). Dans le contexte d’un contrôle judiciaire, il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve dont disposait l’agent pour en arriver à une conclusion différente, en faveur du demandeur (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61).

[36]  La Cour n’a pas non plus pour rôle d’évaluer la décision et les motifs de l’agent des visas qui a rejeté les autres demandes de la demanderesse. La décision faisant l’objet du contrôle en l’espèce est celle du 3 janvier 2018.

[37]  En outre, la Cour constate que la lettre de soutien adressée à la demanderesse de la part du gouvernement de la Saskatchewan n’a pas été déposée avec sa troisième demande de VRT. Par conséquent, l’agent ne disposait pas de cette lettre. Il n’était donc pas lié ni entravé par les décisions et motifs antérieurs pour lesquels l’autre agent des visas avait noté avoir tenu compte de la lettre de soutien du gouvernement de la Saskatchewan adressée à la demanderesse.

Afin de guider l’agent des visas, je tiens à faire les remarques suivantes au sujet de certains autres arguments que le demandeur a invoqués devant la Cour. Rien n’empêche l’agent des visas de tenir compte de renseignements fournis dans des demandes antérieures et au cours d’entrevues avec le demandeur, à condition que l’agent des visas prenne une décision en fonction de la preuve qui lui a été soumise et ne se considère pas lié ou entravé par des décisions antérieures.

(Jie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1733, au paragraphe 7)

[38]  Bien que les motifs de l’agent ne soient pas parfaits, la Cour conclut que la décision et les motifs sont raisonnables et font partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

VII.  Conclusion

[39]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑990‑18

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de janvier 2019

Mélanie Vézina, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑990‑18

 

INTITULÉ :

LISHAN PENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 SEPTEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 DÉCEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Jyoti S. Haeusler

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Marcia Jackson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McDougall Gauley LLP

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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