Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190122


Dossier : IMM‑2217‑18

Référence : 2019 CF 88

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2019

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

ALVINA ANDRINA FEDEE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), à l’encontre de la décision rendue le 1er mars 2018 (la décision) par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SPR ou la Commission) et par laquelle la SPR a décidé que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

II.  LE CONTEXTE

[2]  La demanderesse, Alvina Andrina Fedee, est une citoyenne de Sainte‑Lucie.

[3]  La famille de la demanderesse a déménagé dans la maison de sa tante et son oncle, alors qu’elle était une enfant. La demanderesse affirme que son oncle exerçait des violences physiques à son endroit. Elle dit qu’elle est allée à l’hôpital et à la police après que son oncle eut cassé une bouteille sur sa tête. La police a enregistré la plainte, mais n’est pas venue à la maison et l’oncle de la demanderesse n’a pas été arrêté. D’autres actes de violence commis contre la demanderesse sont survenus par la suite et la police est demeurée inactive à cet égard.

[4]  La demanderesse affirme que son oncle s’est livré à un harcèlement répété contre sa mère et sa sœur afin de savoir où elle se trouvait.

[5]  La demanderesse s’est enfuie pour le Canada en 2003, mais n’a présenté sa demande d’asile qu’en 2012. La demanderesse affirme que les agents du bureau d’immigration de Kipling ont refusé de lui donner les formulaires nécessaires à la présentation de sa demande d’asile. Ils ont plutôt demandé qu’elle remplisse les formulaires dans le bureau. Elle ne l’a pas fait, parce qu’un consultant en immigration lui avait dit d’éviter de parler aux agents d’immigration. La demanderesse a déclaré qu’elle n’a présenté une demande d’asile qu’en 2012, parce qu’elle craignait d’être expulsée.

[6]  La demanderesse a de nombreux problèmes de santé, notamment une carence en fer et des reins tuméfiés. La demanderesse a aussi reçu un diagnostic de troubles psychologiques, notamment un grave trouble de stress post‑traumatique (TSPT) et un trouble dépressif majeur.

III.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]  L’audience de la SPR s’est déroulée en trois séances. La demanderesse a eu un malaise lors de la première séance, et l’audience a été reportée. À la deuxième séance, la SPR a rejeté la demande présentée par la demanderesse en vue d’être déclarée personne vulnérable, en raison de ses problèmes de santé. La SPR a fourni les motifs de son rejet de vive voix. Après que la SPR eut rejeté la demande de la demanderesse visant à se faire déclarer personne vulnérable, la demanderesse a demandé que le Commissaire de la SPR soit récusé, en raison d’une crainte raisonnable de partialité. La demande de récusation a été rejetée et les motifs du rejet ont été prononcés de vive voix. Malgré le rejet de la demande de déclaration de personne vulnérable, la SPR a pris un certain nombre de mesures d’adaptation durant la deuxième séance.

[8]  Avant la troisième séance, la SPR a infirmé sa décision relative à la déclaration de personne vulnérable. La SPR a pris en compte les problèmes de santé éprouvés par la demanderesse durant l’audience, ainsi que les documents médicaux présentés. Sur la foi de tels renseignements, la SPR a déclaré la demanderesse personne vulnérable. La SPR a fait droit à la demande de prise de mesures d’adaptation, à l’exception de la mesure portant sur une audience en personne. La SPR a décidé que la demanderesse n’avait pas démontré que la tenue d’une vidéoconférence lui causerait un préjudice indu.

[9]  La SPR a décidé que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La SPR a cerné trois questions déterminantes. Premièrement, des parties du témoignage de la demanderesse n’étaient pas crédibles. Deuxièmement, la SPR a conclu que la demanderesse ne craignait pas avec raison d’être persécutée à l’avenir. Enfin, la SPR a décidé qu’il n’existait pas suffisamment de raisons impérieuses découlant de la persécution antérieure.

[10]  La SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse était crédible en ce qui concernait les violences commises par son oncle. De plus, il a été décidé que ce témoignage était étayé par la preuve objective concernant les violences familiales à Sainte‑Lucie. La SPR a donc décidé, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait été victime de violence physique de la part de son oncle dans le passé. La SPR a décidé que ces mauvais traitements constituaient de la persécution du fait de l’appartenance de la demanderesse à un groupe social défini par le sexe.

[11]  La SPR a fait remarquer que la persécution antérieure doit être prise en compte, mais a tenu à souligner que l’examen d’une demande d’asile au sens de la Convention est prospectif. La SPR a ensuite conclu que le témoignage de la demanderesse, dont il ressort qu’il existe une possibilité sérieuse qu’elle soit persécutée ou qu’elle soit exposée à un risque de préjudice à l’avenir, n’était pas crédible.

[12]  La SPR a pris en compte la prétention de la demanderesse selon laquelle son oncle rend toujours visite à sa mère et à sa sœur et qu’il leur demande quand la demanderesse reviendra à Sainte‑Lucie. De plus, la SPR a examiné la déclaration de la demanderesse selon laquelle son oncle était allé s’informer à son sujet et que sa mère a alors appelé la police. La SPR a conclu que ce témoignage ne contenait pas suffisamment de détails pour être convaincant. En particulier, la SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas été en mesure d’expliquer si son oncle avait harcelé les membres de sa famille de 2003 à 2017. La demanderesse n’avait pas non plus été en mesure d’expliquer en détail les incidents de harcèlement censés s’être produits en 2017.

[13]  La SPR a relevé la contradiction entre le témoignage de la demanderesse selon lequel la police n’est pas venue lorsqu’elle a signalé le harcèlement commis par son oncle à l’égard de sa mère et de sa sœur, et la lettre de sa mère dont il ressort que cette dernière a appelé la police à plusieurs reprises et que les policiers sont venus deux fois. La SPR a aussi relevé qu’aucune explication n’a été fournie pour justifier cette contradiction.

[14]  La SPR a interrogé la demanderesse afin de confirmer d’autres détails sur le harcèlement commis par son oncle à l’endroit de sa mère et sa sœur. La demanderesse a déclaré que sa mère ne lui a pas donné tous les renseignements afin de la protéger. La SPR n’a pas admis cette explication. Premièrement, la SPR a fait observer que la demanderesse entretient une relation étroite avec sa mère et sa sœur, et qu’elle demeure en communication avec celles‑ci. De plus, la SPR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse veuille connaître les détails des dangers auxquels elle serait exposée à Sainte‑Lucie. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas donné d’explication raisonnable permettant d’expliquer pourquoi sa mère s’est abstenue de l’informer du harcèlement commis par son oncle jusqu’en mai 2017. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas étayé sa prétention selon laquelle son oncle continue de proférer des menaces contre elle. Par conséquent, la SPR a décidé qu’elle ne croyait pas la prétention voulant que l’oncle continue toujours de proférer des menaces.

[15]  La SPR a examiné les affidavits soumis par la mère, la sœur et la tante de la demanderesse. La SPR a conclu que ces affidavits ne contenaient pas les détails et les dates appropriés. La SPR a déclaré que les membres de la famille de la demanderesse auraient eu intérêt à fournir le plus de détails possible dans leurs affidavits.

[16]  La SPR a pris en compte le témoignage de la demanderesse dans lequel elle a affirmé qu’elle a encore deux tantes paternelles à Sainte‑Lucie : Pamela et Mary. La SPR a décidé que la demanderesse n’a pas expliqué pourquoi, lorsqu’elle fait allusion à sa tante Pamela, elle utilise le nom « Mary ». En outre, la SPR a relevé que la demanderesse prétend avoir vécu avec sa tante Mary, mais elle a soumis un affidavit souscrit par une dénommée Pamela Seraphin. La SPR a déclaré que cela n’était pas invraisemblable, mais elle a poursuivi en soulignant que la demanderesse avait miné sa crédibilité lorsqu’elle a fourni des détails incohérents au sujet de la famille de sa tante et de la période pendant laquelle elle a habité avec elle. En particulier, la demanderesse a fourni un témoignage contradictoire sur le nombre d’enfants de la famille de sa tante, la date à laquelle elle a déménagé dans la maison de sa tante, et la durée de sa cohabitation avec la famille de sa tante.

[17]  La SPR a tenu compte de l’explication de la demanderesse relativement à son témoignage incohérent dont il ressort que, à l’audience, elle a eu un malaise et n’arrivait pas à se concentrer, que la transmission vidéo était mauvaise, et que le Commissaire parlait trop vite et avait un accent prononcé. La SPR a admis l’explication relative aux difficultés de concentration de la demanderesse en raison de son état de santé mentale. De plus, la SPR a admis que la demanderesse a eu un malaise pendant l’audience. Enfin, la SPR a admis que la qualité de la transmission vidéo était déficiente. La SPR a toutefois fait observer qu’elle avait ajusté la vitesse de la transmission vidéo et avait fourni des précisions lorsque cela lui a été demandé. En outre, la SPR a relevé que des mesures avaient été prises pour améliorer la transmission vidéo.

[18]  Après avoir pris en considération les explications, la SPR a décidé que la demanderesse n’avait pas adéquatement expliqué les incohérences. La SPR a donc tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité en ce qui concernait les dernières prétentions de violence. La SPR a admis que la demanderesse avait subi des violences dans le passé, mais a décidé que sa conclusion défavorable quant à la crédibilité s’appliquait à l’évaluation du risque prospectif. Par conséquent, la SPR a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité relativement au témoignage de la demanderesse dont il ressortait que son oncle constituait une menace constante.

[19]  La SPR a décidé, selon la prépondérance des probabilités, que l’oncle de la demanderesse n’était pas à sa recherche. De plus, la SPR a décidé qu’il n’y avait pas plus qu’une faible possibilité que l’oncle de la demanderesse la persécute à l’avenir. La SPR a conclu que l’état de santé de la demanderesse et ses capacités physiques de s’enfuir sont dépourvus de pertinence en ce qui concerne l’analyse, parce que la demanderesse n’a pas établi que son oncle était à sa recherche et avait l’intention de lui faire du mal.

[20]  La SPR a fait mention des troubles de santé mentale de la demanderesse, ainsi que de ses problèmes rénaux non résolus, et a décidé que la demanderesse n’avait pas établi que l’accès aux soins de santé à Sainte‑Lucie lui serait arbitrairement refusé. Par conséquent, la SPR a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée au risque de traitements ou peines cruels et inusités, en raison de son état de santé, et ne craignait pas avec raison d’être persécutée.

[21]  La SPR a conclu que la lettre du psychanalyste de la demanderesse avait une valeur probante en ce qui concerne les problèmes médicaux et psychologiques de la demanderesse. Les conclusions de fait du psychiatre concernant la demande d’asile de la demanderesse, ainsi que l’incidence de la transmission vidéo ont toutefois été jugées comme étant des questions relevant de la compétence de la SPR.

[22]  La SPR a ensuite examiné la question de savoir s’il existait des « raisons impérieuses » justifiant de faire droit à la demande d’asile de la demanderesse en raison de la persécution dont elle a déjà été victime. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait au critère élevé requis pour établir l’existence de raisons impérieuses. La SPR a reconnu que la demanderesse avait subi des violences répétées dans le passé, que ces violences avaient été commises par son oncle, et qu’elles étaient fondées sur le sexe. La SPR a toutefois conclu que ces actes n’équivalaient pas à des comportements « atroces » ou « épouvantables », et que, quoiqu’il en fût, elle examinerait la demande d’asile de la demanderesse en fonction de ce critère, et elle a ensuite tenu compte de l’ensemble du contexte. À cet égard, la SPR a pris en considération l’âge de la demanderesse, son ingéniosité, et son degré d’indépendance. Malgré son état de santé physique et psychologique, la demanderesse a été en mesure de satisfaire à ses besoins. La SPR a souligné que la situation de la demanderesse avait changé de manière importante depuis qu’elle était jeune et qu’elle dépendait alors de sa tante et de son oncle.

[23]  La SPR a décidé que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. De plus, la SPR a décidé qu’il n’existait pas de « raisons impérieuses » justifiant d’accueillir la demande d’asile.

IV.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[24]  En l’espèce, les questions à trancher sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. La SPR a‑t‑elle commis un manquement à l’équité procédurale?

  3. La décision de la SPR suscitait‑elle une crainte raisonnable de partialité?

  4. La décision de la SPR était‑elle raisonnable?

V.  LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[25]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle, et que, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour siégeant en révision peut adopter cette norme de contrôle. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que la cour siégeant en révision entreprend une analyse complète en vue de déterminer la norme applicable, et la cour siégeant en révision procédera à l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle applicable : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[26]  La norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de la SPR en matière de crédibilité ainsi qu’aux conclusions fondées sur des questions mixtes de faits et de droit (Koffi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 4, au paragraphe 27).

[27]  Lorsqu’une décision contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir les arrêts Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 (Khosa). Autrement dit, la cour interviendra seulement si la décision était déraisonnable, c’est‑à‑dire qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[28]  Les tribunaux ont récemment décidé que la norme applicable à la question de savoir si une décision a été prise dans le respect de l’équité procédurale est celle de la « décision correcte » (Établissement de Mission Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Khosa, précité, aux paragraphes 59 et 61).

[29]  Même si l’approche de l’appréciation de l’équité procédurale s’inscrit dans le respect de décisions récentes, il ne s’agit pas d’une approche judicieuse sur le plan doctrinal. Il est préférable de conclure qu’aucune norme de contrôle ne s’applique à la question de l’équité procédurale. Au paragraphe 74 de l’arrêt Moreau‑Bérubé Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

[L’équité procédurale] n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier.

[30]  La question de savoir si une audience suscitait une crainte raisonnable de partialité est une question d’équité procédurale. Il est donc possible de se fonder sur les décisions récentes de la Cour fédérale qui énoncent que les questions d’équité procédurale, telle la crainte raisonnable de partialité, sont contrôlées selon la norme de la décision correcte (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139, au paragraphe 38). Comme nous l’avons exposé ci‑dessus, sur le plan doctrinal, il ne s’agit pas d’une approche judicieuse. Ainsi que l’a déclaré le juge Teitelbaum : « L’équité procédurale exige que les décisions soient rendues par un décideur impartial, sans crainte raisonnable de partialité » (Gagliano c Canada (Commission d’enquête sur le Programme de commandites et les activités publicitaires), 2008 CF 981, au paragraphe 59). Si une décision suscite une crainte raisonnable de partialité, les parties visées se sont vu priver de l’équité procédurale. La décision rendue sera donc infirmée.

VI.  LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[31]  Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente demande de contrôle judiciaire :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

Rejet

Rejection

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

108 (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

(d) the person has voluntarily become re‑established in the country that the person left or remained outside

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

Exception

Exception

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

VII.  LES ARGUMENTS

A.  La demanderesse

[32]  La demanderesse déclare que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle ne lui a pas fourni les mesures d’adaptation dues à une personne vulnérable. La demanderesse souffre de problèmes de santé, elle a notamment des reins tuméfiés, ce qui a causé des enflures aux pieds, ainsi que des douleurs au dos et à l’abdomen. De plus, la demanderesse souffre de migraines. Elle souffre aussi de troubles psychologiques, notamment un grave trouble de stress post‑traumatique et un trouble dépressif majeur.

[33]  L’écran vidéo utilisé pendant la première séance avait des problèmes techniques. Selon la demanderesse [traduction] « on pouvait voir sur l’écran la salle d’audience de Vancouver au complet plutôt que seulement le commissaire en gros plan. De plus, l’écran était sombre et chaque fois que le Commissaire bougeait, son image se transformait en pixels noirs et gris, de sorte qu’il semblait y avoir une tache sombre au fond de la pièce. Dans l’ensemble, les problèmes techniques ont donné lieu à une atmosphère sinistre » (dossier de la demanderesse, à la page 62). La demanderesse déclare que ces problèmes l’ont rendue nerveuse et mal à l’aise.

[34]  Le psychiatre de la demanderesse a recommandé que les audiences aient lieu en personne en raison des troubles psychologiques de la demanderesse. La SPR a toutefois accordé peu de poids à la recommandation du psychiatre et a rejeté la demande de mesures d’adaptation de la demanderesse. Les problèmes techniques ont continué de se produire pendant les autres audiences. La demanderesse déclare que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a accordé peu de poids à la lettre du psychiatre. En outre, la SPR a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas accordé de mesures d’adaptation à la demanderesse.

[35]  La demanderesse dit aussi que la SPR n’a pas appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. La SPR aurait dû tenir compte du caractère répété de la violence familiale. De plus, la SPR aurait dû tenir compte du témoignage de la demanderesse dans le contexte de ses problèmes médicaux et psychologiques. La SPR s’attendait plutôt à ce que la demanderesse fasse mention d’incidents précis de violence. La SPR a fait preuve d’un manque de sensibilité lorsqu’elle a apprécié le témoignage de la demanderesse, ce qui l’a amenée à tirer, à tort, des conclusions défavorables relativement à des incohérences mineures.

[36]  La demanderesse déclare que la SPR a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité. La SPR a conclu, de manière déraisonnable et contradictoire, que la demanderesse avait subi des violences dans le passé, mais qu’elle n’était pas exposée à un risque pour ce qui est de l’avenir. Des incohérences mineures ont mené la SPR à tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité. En outre, la SPR a tiré ces inférences sur le fondement d’une audience pendant laquelle la qualité de la transmission vidéo était médiocre et la demanderesse était malade.

[37]  La demanderesse affirme aussi qu’il était déraisonnable que la SPR accorde peu de valeur probante aux affidavits souscrits par sa mère et par sa sœur, au motif que ces documents ne contenaient pas suffisamment de détails sur les questions que l’oncle posait afin de savoir où elle se trouvait.

[38]  La demanderesse affirme que la SPR a commis une autre erreur dans son analyse relative aux « raisons impérieuses ». Cette analyse est contextuelle et n’exige pas que les actes commis soient « atroces » ou « épouvantables ». Les effets psychologiques des violences antérieures sont importants. La SPR a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tenu compte de l’état de santé physique et psychologique de la demanderesse. De plus, la SPR aurait dû prendre en considération l’âge et le contexte culturel de la demanderesse.

[39]  La demanderesse déclare que la SPR a fait preuve de partialité. Premièrement, la SPR n’a pas cru la prétention de la demanderesse selon laquelle la qualité de la transmission vidéo était médiocre, jusqu’à ce que l’équipe des TI ait confirmé la piètre qualité de la transmission vidéo. La SPR a ensuite demandé une autre salle. La SPR n’a pas cru la demanderesse lorsque celle‑ci a déclaré que la qualité de la transmission vidéo était tout aussi médiocre dans la deuxième salle, jusqu’à ce que l’équipe des TI le confirme. Dans le même ordre d’idées, après que la demanderesse eut éprouvé un malaise pendant l’audience, la SPR a demandé un billet médical. Cela démontre que la SPR n’a pas cru que la demanderesse était malade.

[40]  Enfin, la demanderesse déclare que la SPR n’était pas compétente. Le fait de ne pas comprendre le cycle de violence ou les conséquences psychologiques de la violence démontre un défaut de compétence. Il y a eu un déni d’équité procédurale, en raison de ce manque de compétence.

B.  Le défendeur

[41]  Le défendeur soutient que la SPR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a demandé à la demanderesse d’être très précise relativement aux violences qu’elle avait subies. En effet, la SPR a relevé les incohérences relatives aux éléments fondamentaux de la demande d’asile.

[42]  Le défendeur soutient aussi que la SPR n’a pas contrevenu aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. La demanderesse affirme que la SPR n’a pas tenu compte du cycle de violence auquel elle a été exposée, mais elle n’a pas démontré en quoi cet argument est pertinent en l’espèce. La SPR a tiré bon nombre de conclusions compatibles avec les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Par exemple, la SPR a reconnu sans réserve les éléments suivants : la prétention que la violence familiale a eu lieu; la volonté de la demanderesse de ne pas être au courant des activités récentes de son oncle; le délai de neuf ans pendant lequel la demanderesse n’a pas présenté de demande d’asile. La demanderesse n’a pas été en mesure de démontrer que l’un quelconque des éléments de la décision contrevenait aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

[43]  Le défendeur souligne aussi que la SPR a reconnu les problèmes de santé physique et psychologique de la demanderesse et en a tenu compte. Par conséquent, l’argument selon lequel la SPR n’a pas tenu compte de la preuve concernant l’état de santé physique et psychologique de la demanderesse n’a aucun poids.

[44]  Le défendeur soutient que la SPR a tiré de manière raisonnable ses inférences défavorables quant à la crédibilité. La prétention de la demanderesse que la SPR s’est concentrée sur des incohérences mineures n’est pas juste. La SPR a plutôt relevé une absence de renseignements fondamentaux, et des incohérences concernant des éléments centraux de la demande d’asile.

[45]  Le défendeur soutient aussi que la demanderesse a mal interprété la déclaration de la SPR voulant que les violences n’aient jamais eu lieu à l’extérieur de la maison de la tante et de l’oncle. La SPR a fait cette affirmation en réponse à l’argument de la demanderesse qu’elle ne pourrait pas fuir son oncle. Il ne serait pas nécessaire qu’elle s’enfuie si elle vivait loin de son oncle. De plus, la demanderesse a mal interprété la remarque faite par la SPR selon laquelle les violences ont eu lieu il y a longtemps. Cette remarque a été faite afin de démontrer l’absence de preuve suffisante établissant que l’oncle de la demanderesse était toujours à sa recherche.

[46]  Il n’était ni inintelligible ni déraisonnable que la SPR conclût qu’il n’y avait pas de risque prospectif de persécution, malgré sa conclusion que la demanderesse avait subi des violences dans le passé. Les mauvais traitements passés ne constituent pas un risque pour l’avenir.

[47]  La SPR ne s’est pas non plus fondée sur des incohérences mineures. La SPR a plutôt relevé des incohérences relativement à de nombreux détails du témoignage de la demanderesse, et a pris en compte les explications données au sujet de ces incohérences. Il était raisonnable que, sur le fondement des incohérences, la SPR tire des inférences défavorables quant à la crédibilité. Ces incohérences ont été appréciées avec sensibilité, au regard des violences dont, comme il a été reconnu, la demanderesse a été victime.

[48]  Le défendeur soutient qu’il était raisonnable que la SPR accorde peu de valeur probante aux lettres écrites par la mère et la sœur de la demanderesse. Les lettres ont été écartées en raison de leur caractère vague et non pas en raison du fait qu’elles ne contenaient pas beaucoup de détails.

[49]  Le défendeur soutient que la SPR a aussi adéquatement pris en compte l’état de santé mentale de la demanderesse dans l’analyse relative aux« raisons impérieuses ». La SPR n’avait pas l’obligation de se pencher sur la question de la possibilité pour la demanderesse de fuir son oncle étant donné qu’elle n’aurait plus l’obligation de vivre dans la maison de celui‑ci. La SPR n’a pas simplement exigé que la demanderesse démontre que la persécution dont elle a été victime était « atroce » ou « épouvantable ». La SPR a plutôt pris en compte les caractéristiques personnelles et les antécédents de la demanderesse.

[50]  Le défendeur met l’accent sur le fait que le critère requis pour établir une crainte raisonnable de partialité est exigeant. La demanderesse n’a pas établi une telle partialité. La SPR a aidé la demanderesse à surmonter plusieurs difficultés survenues pendant les audiences. L’exigence que la demanderesse fournisse un billet médical n’établit pas que la SPR a fait preuve de partialité.

[51]  Le défendeur soutient que la SPR a accordé des mesures d’adaptation suffisantes à la demanderesse et qu’il n’était pas injuste de tenir les audiences par vidéoconférence. La SPR dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, sur le plan procédural, en ce qui concerne la tenue des audiences. De plus, la SPR s’est servie des critères établis pour les personnes vulnérables pour ce qui était de la question d’accorder des mesures d’adaptation à la demanderesse. Un certain nombre de mesures d’adaptation ont été prises, notamment en ce qui concernait la fin de l’audience, l’ajustement de la qualité de la transmission vidéo, le débit de la parole, qu’on a demandé de ralentir, la tenue de pauses et les précisions, que la demanderesse a été incitée à demander.

VIII.  ANALYSE

[52]  La demanderesse fait état d’un large éventail d’inconduites et d’erreurs commises par la SPR. J’ai attentivement contrôlé chacune de celles‑ci à la lumière de la décision et du dossier, et mes conclusions sont exposées ci‑dessous.

A.  Le défaut d’appliquer les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe

[53]  La demanderesse prétend que la SPR n’a pas appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Premièrement, elle affirme que la SPR a rejeté sa demande de mesures d’adaptation, malgré la mauvaise qualité constante de la transmission vidéo, et que la SPR a accordé peu de poids à l’avis et à la demande du Dr Kitamura formulés dans son suivi psychologique concernant la tenue d’une audience en personne :

[traduction]

10.  Dans l’évaluation psychologique précédemment communiquée, le Dr Kitamura a émis un diagnostic de trouble grave et chronique de stress post‑traumatique (TSPT). Il a aussi émis un diagnostic de trouble grave et chronique dépressif majeur. Il est important de tenir compte du fait que la demanderesse souffrait déjà des effets d’un grave TSPT chronique et d’une grave dépression. Compte tenu de son état psychologique et de son expérience de la vidéoconférence, le Dr Kitamura a recommandé que le Commissaire tienne une audience en personne. Il a déclaré que :

Lorsque j’examine l’expérience qu’elle a rapportée quant à l’audience, ainsi que vos observations, il est assez évident que Mme Fedee a eu du mal à se faire à l’usage de la technologie de la vidéoconférence. Il en est résulté une détresse accrue et vraisemblablement une méfiance accrue durant une audience qui était déjà grandement chargée sur le plan émotionnel. Cela a accru sa détresse et nui à son rendement. Je demande que la nouvelle audience qui sera fixée ait lieu avec le Commissaire en personne, afin de réduire le préjudice indu subi par Mme Fedee, et de l’aider à présenter sa preuve de la façon la plus efficace possible. Selon mon précédent billet, permettre à la demanderesse, lors de la prochaine audience, de prendre des pauses lorsqu’elle le juge nécessaire pour reprendre ses esprits lorsque son niveau de stress est très élevé, et lui donner la possibilité de bénéficier de la présence d’une personne sur laquelle elle peut compter serait bénéfique.

[Souligné dans l’original.]

[54]  Dans ses observations écrites, la demanderesse résume sa plainte de la manière suivante :

[TRADUCTION]

12.  Pour arriver à sa conclusion, le tribunal déclare qu’il a accordé peu de poids à la lettre de suivi du psychiatre concernant les incidences que le témoignage par vidéo aurait sur la demanderesse. Le tribunal a déclaré que ces questions relèvent de la compétence de la Commission. Je fais observer que le tribunal a commis une erreur en agissant de la sorte. Le psychiatre est un professionnel compétent, il a de l’expérience, et il est un expert de l’évaluation des incidences psychologiques sur ses patients. Il a souligné la grave détresse que l’équipement vidéo a engendrée  sur la demanderesse, et a recommandé qu’il lui soit accordé une audience avec le Commissaire, en personne. Cette analyse relève certainement de son expertise et de sa compétence.

[55]  En soi, la décision révèle que la SPR était parfaitement consciente des problèmes médicaux et psychologiques de la demanderesse, ainsi que de ses préoccupations concernant la transmission vidéo :

[43]  Pour expliquer ces incohérences, la demandeure d’asile a dit qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle n’arrivait pas à se concentrer. Dans ses observations, la conseil souligne également différents problèmes soulevés durant la première séance de l’audience, notamment l’aspect de la transmission vidéo à partir de Vancouver, les effets du grave trouble de stress post‑traumatique (TSPT) et de la dépression de la demandeure d’asile, ainsi que d’autres problèmes de santé, de même que les [traduction] « problèmes liés à l’accent et au débit trop rapide » du tribunal. Elle affirme que le tribunal ne devrait pas tirer d’inférences défavorables des incohérences dans les réponses de la demandeure d’asile ce jour‑là.

[44]  Le tribunal reconnaît les diagnostics médicaux de la demandeure d’asile, y compris le fait que les personnes qui ont ces maladies ou ces états psychologiques [traduction] « ont souvent de la difficulté à se concentrer et ont des problèmes de mémoire, particulièrement dans les moments de stress ». Il souligne également que l’audience a été suspendue parce que la demandeure d’asile est tombée malade et qu’elle a été incapable de poursuivre les procédures.

[45]  En ce qui concerne les autres problèmes, le tribunal reconnaît que la transmission vidéo n’était pas parfaite et que, à l’occasion, la demandeure d’asile a demandé au tribunal de ralentir ou encore de répéter ou de clarifier une question. Toutefois, en général, les questions et les réponses s’enchaînaient de façon continue durant l’audience, et il n’y a pas eu d’interruption ou de retard important. La conseil n’a soulevé ces problèmes qu’une fois la première séance bien entamée, et lorsque la demandeure d’asile a demandé au tribunal d’ajuster son débit ou de clarifier un élément, il a réagi sans délai. Comme il a déjà été mentionné, le tribunal a pris d’autres mesures pour améliorer la transmission vidéo durant les procédures. La conseil n’a pas expliqué en quoi la qualité de la transmission vidéo à un moment ou à un autre durant l’audience est à blâmer pour les incohérences importantes qui ont été soulevées.

[46]  Dans ses observations, la conseil donne l’exemple de la confusion par la demandeure d’asile des mots « Mary » et [traduction] « mariée ». Plus précisément, le tribunal a demandé si les deux tantes paternelles de la demandeure d’asile étaient mariées, et la demandeure d’asile a compris qu’il lui demandait si les deux tantes s’appelaient Mary. Lorsqu’elle a été questionnée davantage à cet égard, la demandeure d’asile a expliqué qu’elle avait mal compris la question du tribunal, une explication que le tribunal a accepté de verser au dossier. De l’avis du tribunal, cela montre bien que certains des problèmes soulevés par la conseil ont en fait été résolus de manière raisonnable à l’audience.

[47]  Malgré ces préoccupations, le tribunal conclut que la demandeure d’asile n’a pas fourni une explication adéquate pour les incohérences susmentionnées. Ces éléments sont des faits fondamentaux de la vie de la demandeure d’asile; elle devrait donc être en mesure de les raconter de manière cohérente, si ce qu’elle prétend est vrai. La demandeure d’asile a affirmé qu’elle avait déménagé chez sa tante et son oncle pour une raison précise, c’est‑à‑dire afin de fréquenter l’école secondaire, ce qui constitue une période charnière habituellement associée à un âge ou à un moment précis. Le tribunal a également posé de nombreuses questions de suivi au sujet des enfants de la tante de la demandeure d’asile et de la période durant laquelle la demandeure d’asile a habité chez sa tante. La demandeure d’asile ne s’est pas corrigée, malgré les occasions qu’elle a eues de le faire. Même si la conseil affirme que toutes les incohérences soulevées durant la première séance doivent être écartées, le tribunal fait remarquer que la demandeure d’asile a fourni un témoignage contradictoire durant les reprises. La demandeure d’asile a plus tard affirmé dans son témoignage qu’elle a déménagé chez sa tante à l’âge de 13 ans et qu’elle a fréquenté l’école pendant les deux années où elle a habité là, ce qui contredit le témoignage révisé qu’elle a donné au début de la deuxième audience.

[56]  La SPR a aussi pris en compte le rapport du Dr Kitamura et expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas fait droit à la demande d’audience en personne :

Les diverses lettres du psychiatre, de l’infirmière praticienne et de la travailleuse sociale de la demandeure d’asile ont une valeur probante en ce qui concerne les problèmes médicaux et psychologiques de la demandeure d’asile, mais je n’accorde aucun poids aux nombreuses conclusions de fait du psychiatre au sujet du récit de la demandeure d’asile ni à son évaluation de l’incidence du recours à la vidéoconférence pendant l’audience sur la preuve, des questions qui relèvent de la Commission. Comme il a été mentionné précédemment, le tribunal a conclu que les problèmes concernant la vidéoconférence n’avaient pas eu d’incidence importante sur le témoignage de la demandeure d’asile et que des mesures avaient rapidement été mises en place lorsque le problème a été soulevé par la demandeure d’asile et sa conseil.

[57]  La SPR souligne que la « conseil n’a pas expliqué en quoi la qualité de la transmission vidéo à un moment ou à un autre durant l’audience est à blâmer pour les incohérences importantes qui ont été soulevées ». Cette conclusion demeure non contestée devant moi. À l’audience que j’ai tenue à Toronto, la demanderesse a prétendu de manière générale que le défaut de lui permettre d’avoir une audience en personne avait pour conséquence qu’il n’y avait pas d’environnement de confiance dans lequel elle pouvait s’exprimer et faire valoir sa cause. Cet argument est réfuté par le fait que la SPR a fait droit à l’argument de la demanderesse quant à la persécution dont elle a été victime de la part de son oncle et qu’il n’y a pas de preuve permettant d’établir que des problèmes persistants avec la transmission vidéo ou qu’un environnement inapproprié ou hostile l’a empêché de s’exprimer sur le risque auquel elle pourrait être exposée, une preuve qui, en majeure partie, émanait, d’affidavits souscrits par des tiers et des membres de la famille.

[58]  En d’autres termes, d’une manière générale, la demanderesse tente d’invoquer ses divers problèmes de santé et les problèmes de transmission vidéo pour remettre en cause les conclusions de la SPR, sans toutefois fournir de précision pour chacune des incohérences importantes sur lesquelles la SPR s’est fondée. Lorsqu’elle a adopté une telle approche, elle n’a pas établi l’existence d’une erreur susceptible de contrôle relativement à cet élément.

[59]  Aussi, à ce chapitre, la demanderesse déclare que la SPR n’a pas respecté les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, et ce, de la manière suivante :

[traduction]

14.  Je fais observer que la Commission n’a pas pris en compte les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Dans son approche, la Commission n’a pas tenu compte du cycle de violence répété qui prévaut dans les situations de violence familiale. La Commission a adopté une approche stricte lorsqu’elle s’est attendue à ce que la demanderesse régurgite avec exactitude des violences subies il y a plus de 15 ans. La Commission n’a pas abordé le témoignage de la demanderesse au regard des contextes médical et psychologique, ce qui aurait permis de l’éclairer en ce qui concerne les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

[60]  Ce que la demanderesse entend par [traduction« cycle répété de violence » n’est pas absolument clair dans le présent contexte. La violence subie par la demanderesse de la part de son oncle a eu lieu avant son arrivée au Canada en 2003, et elle demeure au Canada depuis cette date, sans avoir été victime de violence familiale.

[61]  Toutefois, la SPR a entièrement reconnu que la demanderesse a été victime de violences de la part de son oncle avant son arrivée au Canada. Le problème que la demanderesse a eu devant la SPR est qu’elle n’a pas été en mesure d’établir qu’elle risquait d’être victime de violences de la part de son oncle si elle retournait à Sainte‑Lucie :

[27]  Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile a été victime de violence physique de la part de son oncle avant son départ de Sainte‑Lucie en 2003, et que ces mauvais traitements constituent de la persécution du fait de son appartenance à un groupe social défini par le sexe. Je souligne que, selon le rapport psychiatrique, la demandeure d’asile a affirmé avoir été giflée et frappée, avoir subi des agressions verbales et se souvenir d’avoir été très anxieuse et craintive à Sainte‑Lucie pour cette raison. À quelques exceptions près, mentionnées ci‑dessous, je conclus que le témoignage de la demandeure d’asile et les autres éléments de preuve à l’appui étaient cohérents et adéquatement détaillés à cet égard et qu’ils correspondaient aux éléments de preuve objectifs sur Sainte‑Lucie, qui laissent croire que la violence familiale est encore [traduction] « très fréquente ».

[28]  Toutefois, je conclus que le témoignage de la demandeure d’asile selon lequel elle risquerait sérieusement d’être persécutée ou serait personnellement exposée à un risque de préjudice de la part de son oncle à Sainte‑Lucie dans l’avenir n’était pas crédible pour les motifs énoncés ci‑après.

[62]  Si la SPR [traduction« s’est attendue à ce que la demanderesse régurgite avec exactitude des violences subies il y a plus de 15 ans », cela ne ressort pas de ses motifs, et cette dernière a de toute évidence accepté, pour l’essentiel, le témoignage de la demanderesse concernant ce qui lui est arrivé il y a plus de 15 ans.

[63]  La prétention de la demanderesse que la SPR [traduction« n’a pas abordé le témoignage de la demanderesse au regard des contextes médical et psychologique » n’est pas convaincante étant donné que la SPR a pleinement tenu compte de la preuve médicale et psychologique lorsqu’elle a évalué  la preuve concernant le risque prospectif :

[44]  Le tribunal reconnaît les diagnostics médicaux de la demandeure d’asile, y compris le fait que les personnes qui ont ces maladies ou ces états psychologiques [traduction] « ont souvent de la difficulté à se concentrer et ont des problèmes de mémoire, particulièrement dans les moments de stress ». Il souligne également que l’audience a été suspendue parce que la demandeure d’asile est tombée malade et qu’elle a été incapable de poursuivre les procédures.

[64]  La logique de la demanderesse semble être que le défaut de la SPR de rendre une décision en sa faveur signifie que la SPR n’a pas examiné la preuve médicale et psychologique. Compte tenu de la décision dans son ensemble, et de ce que la SPR a déclaré sur l’état de santé médical et psychologique dans l’ensemble de la décision, cette affirmation de la demanderesse ne permet pas d’établir l’existence d’une erreur susceptible de contrôle.

[65]  On peut pratiquement affirmer la même chose  en ce qui a trait à la simple affirmation que la SPR [traduction« a commis une erreur lorsqu’elle a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité en raison d’incohérences mineures ».

[66]  La SPR a fourni une explication longue et détaillée concernant la raison pour laquelle la preuve de la demanderesse n’établissait pas l’existence d’un risque prospectif, et les incohérences soulignées n’étaient pas « mineures ». Un extrait de l’analyse de la SPR est reproduit ci‑dessous :

[35]  La demandeure d’asile n’a pas expliqué pourquoi elle n’était pas en mesure de fournir de détails précis et cohérents au sujet des moments où sa sœur a rencontré son oncle au cours des quelque 15 dernières années ou de l’incident plus récent concernant sa mère, dont cette dernière lui a parlé en mai 2017. Si l’affirmation de la demandeure d’asile est vraie, c’est‑à‑dire que son oncle est obsédé par l’endroit où elle se trouve et qu’il harcèle sa mère et sa sœur, notamment chez elles, afin, selon leurs affidavits, de découvrir où elle se trouve, elle devrait être en mesure de fournir beaucoup plus de détails à cet égard. La demandeure d’asile n’a pas affirmé que sa sœur ou sa tante lui ont caché de l’information au sujet de son oncle. Je suis conscient du fait que parfois, les victimes de violence, particulièrement de violence familiale, souhaitent éviter d’en savoir plus sur leur agent de persécution et ne veulent pas se faire rappeler leur expérience terrifiante. Toutefois, la demandeure d’asile n’a pas cherché à éviter la situation, particulièrement depuis la présentation de sa demande d’asile. Depuis ce temps, elle a activement tenté d’obtenir l’information nécessaire auprès de sa famille. Elle en a parlé régulièrement avec les membres de sa famille et leur a demandé de lui envoyer de l’information par écrit. Lorsqu’elle a reçu l’information, elle a eu l’occasion de leur demander davantage de détails. La demandeure d’asile ne connaissait pas les détails pertinents de base, notamment en ce qui concerne la question de savoir si les menaces durent depuis les 15 dernières années ou si elles ont recommencé de manière plus sérieuse il y a environ un an, c’est‑à‑dire peu de temps avant l’audience. Ce manque de curiosité ainsi que l’incapacité de la demandeure d’asile à l’expliquer de manière raisonnable mettent sérieusement en doute la crédibilité de ses éléments de preuve.

[36]  En outre, cette explication est minée par le fait que la demandeure d’asile a été incapable d’expliquer de manière raisonnable pourquoi sa mère lui a tout à coup raconté les gestes de harcèlement de la part de son oncle survenus en mai 2017. Elle a affirmé que sa mère lui avait enfin dit parce que le harcèlement s’était poursuivi de manière continue et que la police avait réagi de manière inadéquate. Toutefois, selon la demandeure d’asile, ces événements n’étaient pas nouveaux, et la demandeure d’asile n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier pourquoi sa mère lui aurait soudainement fait part des menaces proférées par son oncle en mai 2017, malgré le fait qu’elle lui aurait caché tous les autres incidents afin de protéger sa santé mentale.

[37]  À l’exception de deux incidents survenus en mai 2017, les affidavits de la mère, de la sœur et de la tante de la demandeure d’asile ne contiennent pas de détails au sujet des autres rencontres présumées avec l’oncle de la demandeure d’asile au cours desquelles celui‑ci se serait informé sur la demandeure d’asile. Aucune date et peu de détails au sujet de ces incidents sont fournis. Bien que la mère de la demandeure d’asile ait pu, à un certain moment, être réticente à tout lui révéler, il est probable que les membres de sa famille auraient été enclins à fournir autant de renseignements pertinents que possible dans leurs lettres à la Commission.

[38]  La demandeure d’asile a prétendu que son oncle harcelait sa mère et sa sœur parce qu’elle était partie de Sainte‑Lucie. Elle a également affirmé que quelques semaines seulement avant la date de la première audience devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) en mai 2017, elle a enfin appris les détails de ces actes de harcèlement et su qu’il y avait eu deux rencontres impromptues et précises avec son oncle, malgré le fait qu’aucun élément de preuve précis ne montre que des incidents en particulier sont survenus durant les 14 années où la demandeure d’asile était au Canada. La demandeure d’asile n’a pas fourni d’explication raisonnable quant à la raison pour laquelle elle n’a appris les incidents de harcèlement qu’en 2017. Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la demandeure d’asile n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisamment crédibles pour établir les menaces constantes de la part de l’oncle, et je n’y crois donc pas.

[67]  La demanderesse n’a pas établi que la SPR n’a pas tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de quelque manière importante que ce soit. Cela est particulièrement le cas en l’espèce parce que la SPR a pleinement tenu compte du témoignage de la demanderesse concernant la persécution que lui aurait fait subir  son oncle. La demanderesse peut difficilement se plaindre alors que la SPR a accepté son récit concernant ce qu’elle a subi avant son arrivée au Canada en 2003. Le commissaire de la SPR a notamment déclaré ceci : « Je suis conscient du fait que parfois, les victimes de violence, particulièrement de violence familiale, souhaitent éviter d’en savoir plus sur leur agent de persécution et ne veulent pas se faire rappeler leur expérience terrifiante ». La difficulté en ce qui concerne la demanderesse résidait dans le fait qu’elle n’avait pas vraiment d’expérience personnelle qu’elle pouvait invoquer  en ce qui concerne les menaces récentes proférées par son oncle. Comme la SPR l’a déclaré :

[30]  La demandeure d’asile a affirmé dans son témoignage que son oncle rend encore visite à sa mère et à sa sœur et qu’il leur demande de manière menaçante à quel moment elle reviendra à Sainte‑Lucie. Elle a ajouté que sa mère a appelé la police lorsque son oncle est venu de Maynard Hill à son domicile à Aynes‑La‑Raye pour s’informer à son sujet.

[31]  Toutefois, je conclus que le témoignage de la demandeure d’asile sur cet aspect manquait de détails et contenait des contradictions. La demandeure d’asile ne savait pas si son oncle avait harcelé d’autres membres de sa famille pour savoir où elle se trouvait durant les quelque 14 années qui ont suivi son départ de Sainte‑Lucie, en 2003, jusqu’aux deux rencontres qui seraient survenues en mai 2017 ou vers cette période. Elle n’a pas non plus été capable de fournir de détails précis sur les incidents de 2017 et a renvoyé le tribunal aux affidavits connexes de membres de sa famille, lesquels contredisent en outre certaines de ses affirmations au sujet de ces rencontres.

B.  L’évaluation de la crédibilité

[68]  La demanderesse affirme aussi que, abstraction faite des questions liées aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité.

[69]  À ce chapitre, la demanderesse déclare que la SPR a rendu une « décision inintelligible » parce qu’elle a cru que la demanderesse avait subi de la violence familiale dans le passé, mais n’a pas cru que la demanderesse serait exposée à un risque prospectif.

[traduction]

21.  Je fais observer qu’il s’agit d’une conclusion contradictoire. La Commission a conclu que la demanderesse était crédible, mais a ensuite écarté le risque prospectif sur le fondement du témoignage qu’elle a retenu concernant la violence. Je fais observer que ce raisonnement vicié a donné lieu à une décision inintelligible.

[70]  La décision n’a rien d’inintelligible ou de contradictoire en ce qui concerne  cette question. Des motifs valables ont été fournis justifiant pourquoi le récit de la demanderesse concernant les violences commises par son oncle avant 2003 était crédible, mais le témoignage de la demanderesse concernant le risque prospectif n’est pas crédible.

[71]  Encore une fois, la demanderesse affirme que la SPR s’est fondée sur des « incohérences mineures ». Une simple lecture de la décision révèle qu’il n’en est rien.

[72]  La demanderesse ajoute que la SPR [traduction« s’est fondée sur le témoignage rendu à la première audience, laquelle a dû être reportée parce que la demanderesse était malade et a quitté l’audience parce qu’elle était malade [...] pourtant la SPR s’est servie du témoignage que la demanderesse a rendu ce jour‑là, où la qualité de la vidéo laissait le plus à désirer, pour tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité ». La demanderesse et sa conseil ont pleinement eu l’occasion, à la deuxième audience, de rectifier tout témoignage défavorable qu’elle a pu rendre lors de la première audience, avant son malaise.

[73]  La demanderesse avance en outre que, contrairement aux principes énoncés dans la décision Arachchilage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 433, la SPR a examiné les affidavits de sa mère et de sa sœur, et y a accordé peu de poids, en raison de renseignements qu’ils ne contenaient pas, plutôt que des renseignements qu’ils contenaient.

[74]  Comme je l’ai exposé ci‑dessus, l’examen que la SPR a fait des affidavits a eu lieu dans le cadre d’une vaste discussion au cours de laquelle la SPR voulait connaître la raison pour laquelle la demanderesse n’avait pas été « en mesure de fournir davantage de détails au sujet du harcèlement que son oncle aurait fait subir à sa mère et à sa sœur pour savoir où elle se trouvait [...] » (au paragraphe 33). Les affidavits ne fournissent pas de preuves permettant de combler les lacunes en matière de preuve ni d’expliquer pourquoi la demanderesse ne connaissait pas les « détails pertinents de base » (au paragraphe 35).

[75]  De toute évidence, les affidavits ne sont pas simplement écartés en raison des renseignements qu’ils ne fournissent pas. Le problème est que le témoignage de la demanderesse ne permettait pas d’établir « que son oncle harcelait sa mère et sa sœur parce qu’elle était partie de Sainte‑Lucie », et que la demanderesse « n’a pas fourni d’explication raisonnable quant à la raison pour laquelle elle n’a appris les incidents de harcèlement qu’en 2017 ». Je ne vois ici aucune erreur susceptible de contrôle.

C.  L’analyse des raisons impérieuses

[76]  À ce chapitre, la demanderesse fait un certain nombre d’affirmations qui ne sont pas étayées par la simple lecture de la décision. Elle déclare :

[traduction]

  • a) Les actes dont elle se plaint ne doivent pas nécessairement être « atroces » ou « épouvantables » et « divers facteurs doivent être pris en compte », comme un « traumatisme psychologique » constant, la « situation dans le pays » et « l’attitude de la population »;

  • b) Les « conséquences psychologiques » de son retour « n’ont pas été prises en compte »;

  • c) Son état de santé n’a pas été pris en compte « au regard de la possibilité qu’elle puisse fuir son agent de persécution »;

  • d) La SPR n’a pas pris en compte « l’âge de la demanderesse, ses antécédents culturels et ses expériences sociales antérieures »;

  • e) La SPR a reconnu que « la demanderesse a été victime de violences familiales pendant plusieurs années ». Cela signifie que la SPR « a commis une erreur quand elle a décidé que l’exception fondée sur des raisons impérieuses ne s’appliquait pas à la demanderesse »;

  • f) Les raisons pour lesquelles la demanderesse sollicitait l’asile « n’ont pas cessé d’exister ».

[77]  Une fois de plus, il ressort manifestement d’une simple lecture de l’analyse de la SPR que chacune de ces questions litigieuses soit a été entièrement traitée par la Commission, soit ne devait pas être traitée compte tenu des autres conclusions :

[55]  Il existe essentiellement deux courants jurisprudentiels relativement aux raisons impérieuses. Selon l’un de ces courants jurisprudentiels, pour établir qu’il y a des raisons impérieuses, un demandeur d’asile doit avoir été victime d’actes de persécution [traduction] « atroces » ou « épouvantables ». Un autre courant jurisprudentiel estime que l’arrêt Obstoj n’établit pas un tel critère relatif à la persécution antérieure. Selon l’affaire Suleiman, à laquelle la conseil a fait référence dans ses observations, la question est celle de savoir si, en tenant compte de l’ensemble de la situation, il serait erroné de rejeter une demande par suite du changement de circonstances. L’âge du demandeur, ses antécédents culturels et ses expériences sociales antérieures devraient être pris en considération. La capacité de résister à des conditions défavorables dépendra d’un nombre de facteurs qui diffèrent d’un individu à un autre. « [D]es actes de torture antérieurs et des formes extrêmes de violence psychologique, par eux‑mêmes, compte tenu de leur gravité, peuvent être considérés comme des raisons impérieuses [...] en dépit du fait que ces actes soient survenus de nombreuses années auparavant. »

[56]  Le tribunal conclut que la demandeure d’asile n’a pas établi l’existence de raisons impérieuses au sens de l’un ou l’autre des courants jurisprudentiels.

[57]  La demandeure d’asile a été victime de graves agressions physiques et verbales de la part de son oncle, lesquelles ont souvent été attisées par la consommation d’alcool importante de celui‑ci. L’oncle de la demandeure d’asile a frappé cette dernière, l’a injuriée et l’a menacée avec un couteau. La demandeure d’asile a décrit deux incidents particuliers lors desquels son oncle l’a frappée avec une casserole ou une bouteille et lui a infligé des coupures profondes, en 2002 et en 2003, respectivement. Après l’un de ces incidents, la demandeure d’asile a eu besoin de points de suture. Elle porte encore des cicatrices de ces agressions. À une autre reprise, l’oncle de la demandeure d’asile l’a étranglée, et elle a pris un couteau pour se défendre. Même si la demandeure d’asile et sa tante ont dénoncé l’oncle à la police, il n’a jamais été arrêté ni accusé.

[58]  Il a déjà été établi que les actes de violence physique répétés que la demandeure d’asile a subis de la part de son oncle constituent de la persécution fondée sur le sexe. Toutefois, sans diminuer les graves actes criminels dont la demandeure d’asile a été victime, le tribunal conclut que la persécution dont a été victime la demandeure d’asile ne correspond pas au seuil élevé d’actes « atroces » et « épouvantables ». Après avoir tenu compte de l’ensemble de la situation et des circonstances particulières de la demandeure d’asile, le tribunal estime qu’il n’y a pas de raisons impérieuses de lui octroyer l’asile. Même au regard de l’approche holistique quant aux raisons impérieuses qui est proposée dans l’affaire Suleiman, je suis d’avis que, dès le moment où la demandeure d’asile a cessé d’être une enfant ou une jeune femme vulnérable, elle a été en mesure de prendre les choses en main et de prendre des décisions audacieuses, notamment en ce qui concerne l’organisation de son voyage au Canada, où elle a été suffisamment ingénieuse pour rester et vivre de manière indépendante pendant une longue période. Cela ne correspond pas au comportement d’une personne souffrant de graves séquelles persistantes en raison des agressions qu’elle a subies, comme l’envisage la logique qui sous‑tend les raisons impérieuses, un recours exceptionnel assorti d’un seuil élevé.

[59]  La demandeure d’asile a affirmé dans son témoignage qu’elle n’avait jamais été victime de violence physique ni agressée à l’extérieur du domicile de son oncle. Par exemple, elle a été en mesure d’échapper temporairement aux mauvais traitements de son oncle en se rendant chez un voisin. Pour les motifs susmentionnés, le tribunal conclut également que la demandeure d’asile a vraisemblablement enjolivé la durée et les circonstances de la violence, au point où il y a des problèmes de crédibilité dans son témoignage relativement à la période où elle a habité chez sa tante et son oncle et à la durée de cette cohabitation.

[60]  Même si la demandeure d’asile souffre de troubles psychologiques et de problèmes médicaux qui font d’elle une personne vulnérable au sens des procédures de la SPR, elle a subvenu seule à ses besoins au Canada ainsi qu’à ceux de sa mère à Sainte‑Lucie. La demandeure d’asile a occupé un emploi pendant environ 15 ans au Canada, et si elle a réduit ses heures de travail récemment, elle explique que c’est en raison de douleurs au dos et non en raison de ses problèmes de santé mentale.

[61]  Le psychiatre de la demandeure d’asile lui a recommandé un traitement en mai 2017 qui, selon lui, aurait des répercussions très positives sur son TSPT et sa dépression. Elle a suivi ce traitement dans une clinique de soins de santé communautaires auprès d’un thérapeute avec qui elle avait déjà un lien. Selon le rapport psychiatrique, la demandeure d’asile a affirmé qu’elle était [traduction] « motivée et avait beaucoup d’espoir » au sujet de la thérapie. Ainsi, la demandeure d’asile a eu l’occasion de suivre, pendant un an, un traitement accessible susceptible d’avoir des répercussions considérables sur ses problèmes psychologiques.

[62]  Comme le souligne la conseil, la demandeure d’asile était beaucoup plus jeune et vulnérable à l’époque où elle a subi les mauvais traitements et elle dépendait alors du soutien financier de sa tante et de son oncle. Même si je reconnais que cela constitue un facteur aggravant en ce qui concerne la violence dont elle a été victime à ce moment‑là, le changement dans ses circonstances constitue également un facteur pertinent à prendre en considération. La demandeure d’asile est maintenant une femme d’âge moyen qui subvient aux besoins de sa famille à Sainte‑Lucie. Elle entretient encore une relation étroite avec sa mère et sa sœur à Sainte‑Lucie, lesquelles ont démontré un vif intérêt pour son bien‑être et l’aideraient vraisemblablement à son retour à Sainte‑Lucie. La demandeure d’asile n’a pas démontré qu’elle serait obligée de vivre chez sa tante et son oncle.

[63]  Lorsqu’elle a quitté le domicile de son oncle, la demandeure d’asile craignait ce dernier. Même s’il est difficile de comprendre pourquoi la demandeure d’asile n’a cherché à obtenir l’asile qu’environ neuf ans après son arrivée au Canada, le tribunal n’en tire pas d’inférence défavorable importante, compte tenu des explications de la demandeure d’asile.

[64]  Aussi affligée que soit la demandeure d’asile par ses problèmes de santé mentale et physique, la preuve mène à conclure qu’elle s’est relativement bien débrouillée et qu’elle a fait preuve de résilience au cours des 15 dernières années, et le tribunal conclut que la persécution antérieure dont elle a été victime ne respecte pas le seuil élevé requis relativement aux raisons impérieuses.

[78]  La SPR n’avait nul besoin d’examiner l’impossibilité pour la demanderesse de [traduction] « fuir un agent de persécution » parce que la demanderesse n’a pas établi que son oncle était toujours à sa recherche pour continuer à exercer des violences sur elle. De plus, la SPR n’a pas évalué la demande d’asile de la demanderesse au regard de la norme des actes « atroces » ou « épouvantables ». Je ne constate aucune erreur susceptible de contrôle dans cette analyse.

D.  La crainte raisonnable de partialité

[79]  Les arguments de la demanderesse en matière de crainte raisonnable de partialité sont fondés sur les éléments suivants :

[traduction]

  • a) La SPR a reconnu que la qualité de l’équipement vidéo était médiocre uniquement après que les plaintes de la demanderesse eurent été confirmées par les employés;

  • b) La SPR a demandé que la demanderesse fournisse un billet médical après le report de la première audience, indiquant ainsi qu’elle ne croyait pas la demanderesse;

  • c) La décision en soi « démontre un manque de compréhension de l’ampleur de la violence familiale », car il y est conclu que la demanderesse n’est pas exposée à un risque prospectif;

  • d) La SPR a fait preuve d’un « manque de compétence », parce qu’elle a « présumé qu’être frappé en public doit être la règle ou le critère exigé, et ce n’est qu’alors que son intervention sera justifiée ». Que le tribunal soit compétent est une condition prima facie à la tenue d’une audience équitable.

[80]  Les motifs c) et d) donnent à penser que la demanderesse est d’avis que l’existence d’une crainte raisonnable de partialité est démontrée lorsque la SPR ne souscrit pas aux arguments du demandeur. Tel n’est pas le cas. Même si la SPR commet une erreur susceptible de contrôle — ce qui n’est pas le cas en l’espèce — cela ne peut pas constituer un motif raisonnable de partialité. De plus, lorsque les motifs a) et b) sont examinés dans le contexte de l’ensemble de la décision, aucune « personne bien renseignée qui étudierait la question [...] de façon réaliste et pratique » ne croirait « consciemment ou non, [que la SPR] ne rendra pas une décision juste », pour reprendre le critère énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Canada (L’Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, invoqué par la demanderesse :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question [...] de façon réaliste et pratique? ». [...] Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, Crowe [le Président de l’Office], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

[81]  Une lecture de l’ensemble de la décision ne permet aucunement de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

E.  Les mesures d’adaptation

[82]  En lien avec le motif de crainte raisonnable de partialité, la demanderesse affirme que la SPR [traduction] « n’a pas fourni les mesures d’adaptation demandées par la demanderesse, laquelle avait été jugée vulnérable », de sorte que la conduite de la SPR a « créé un climat intenable pour la demanderesse ». La demanderesse insiste sur le fait que :

[traduction]

Ses graves problèmes physiques et psychologiques l’ont rendu particulièrement vulnérable à un interrogatoire mené par vidéoconférence, en particulier parce que l’équipement était défectueux. La demande qu’elle a formulée en vue de la tenue d’une audience en personne était raisonnable et elle aurait dû obtenir des mesures d’adaptation.

[83]  La SPR dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire sur le plan procédural pour accommoder les personnes vulnérables telles que la demanderesse. Voir les Directive no 8. Dans la décision Gandarilla Martinez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1464, le juge Shore a expliqué comme suit l’objectif visé par les Directives sur les procédures concernant les personnes vulnérables en ce qui concerne les mesures d’adaptation :

Ces Directives ont pour principal objectif « de mettre en place des adaptations d’ordre procédural pour les personnes que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) identifie comme étant vulnérables » (section 1.1 des Directives no 8) dans un souci de prendre pleinement en considération la fragilité et la vulnérabilité résultante de circonstances personnelles et particulières. Ces Directives permettent que l’audience soit adaptée en intégrant l’état de vulnérabilité de l’individu afin que celui‑ci ne soit pas désavantagé dans son témoignage.

[84]  Le fait que la demanderesse a été jugée vulnérable ne signifie pas qu’elle a le droit de se voir accorder un type particulier de procédure d’audience. Comme il ressort du dossier dont je dispose, la demanderesse aurait de toute évidence préféré qu’une audience en personne soit tenue. Le Dr Kitamura l’a soutenue à cet égard et a demandé qu’on lui accorde une audience en personne :

[traduction]

[A]fin de réduire le préjudice indu subi par Mme Fedee, et de l’aider à présenter sa preuve de la façon la plus efficace possible. Selon ce qui est mentionné dans mon précédent billet, lors de la prochaine audience, lui permettre de prendre les pauses qu’elle juge nécessaires pour reprendre ses esprits lorsque son niveau de stress est très élevé, et lui donner la possibilité de bénéficier de la présence d’une personne sur laquelle elle peut compter serait bénéfique.

[85]  Comme il ressort du dossier et de la décision, la SPR a pris acte et a examiné la demande de mesures d’adaptation de la demanderesse. La SPR n’a pas fait droit à sa demande d’audience en personne, mais elle a pleinement admis et accepté son diagnostic et lui a accordé diverses formes de mesures d’adaptation pour l’aider à composer avec la procédure d’audience. Il s’agissait notamment des mesures suivantes :

  • a) elle a mis fin à l’audience quand la demanderesse a souffert d’un malaise;

  • b) elle a permis à la conseil d’interroger de nouveau la demanderesse concernant ce qu’elle avait dit avant d’avoir son malaise;

  • c) elle a demandé qu’on ajuste l’image vidéo quand la demanderesse a dit que l’image faisait mal aux yeux;

  • d) elle offert de ralentir le débit des échanges verbaux et a encouragé la demanderesse à poser des questions pour obtenir des éclaircissements si elle en avait besoin;

  • e) elle a donné à la demanderesse la possibilité de prendre des pauses à sa convenance;

  • f) elle a permis à la conseil de la demanderesse de poser des questions pour obtenir des éclaircissements qu’elle estime utiles;

[86]  De plus, la SPR a aussi démontré dans sa décision qu’elle était pleinement consciente de la demande présentée par la demanderesse en vue d’obtenir une audience en personne ainsi que des prétendues incidences défavorables découlant de l’utilisation de la vidéoconférence : voir les paragraphes 43 à 46 que j’ai déjà cités au paragraphe 55 ci‑dessus.

[87]  En outre, la SPR, dans sa décision, s’est penchée comme suit de manière directe sur les lettres du Dr Kitamura :

[51]  J’ai examiné les éléments de preuve documentaire de la demandeure d’asile, mais je conclus qu’ils n’étaient pas suffisants pour établir qu’elle est exposée à un risque prospectif de persécution à Sainte‑Lucie. J’ai déjà pris en compte les affidavits de membres de la famille, auxquels j’accorde peu de poids à cet égard, en raison du manque de détails qu’ils contiennent et du témoignage de la demandeure d’asile qui posait problème relativement aux événements en question, qui sont survenus après 2003. Les diverses lettres du psychiatre, de l’infirmière praticienne et de la travailleuse sociale de la demandeure d’asile ont une valeur probante en ce qui concerne les problèmes médicaux et psychologiques de la demandeure d’asile, mais je n’accorde aucun poids aux nombreuses conclusions de fait du psychiatre au sujet du récit de la demandeure d’asile ni à son évaluation de l’incidence du recours à la vidéoconférence pendant l’audience sur la preuve, des questions qui relèvent de la Commission. Comme il a été mentionné précédemment, le tribunal a conclu que les problèmes concernant la vidéoconférence n’avaient pas eu d’incidence importante sur le témoignage de la demandeure d’asile et que des mesures avaient rapidement été mises en place lorsque le problème a été soulevé par la demandeure d’asile et sa conseil.

[88]  Devant moi, la demanderesse a clairement déclaré qu’elle aurait été plus à l’aise si elle avait bénéficié d’une audience en personne, mais elle n’a pas démontré que la procédure et les mesures d’adaptation utilisées par la SPR l’ont empêché de faire valoir sa cause de manière complète et équitable.

IX.  CERTIFICATION

[89]  Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et je suis du même avis.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2217‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’avril 2019.

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


dossier :

IMM‑2217‑18

 

INTITULÉ :

ALVINA ANDRINA FEDEE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 janvier 2019

 

Jugement et motifS :

Le juge RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

Le 22 janvier 2019

 

COMPARUTIONS :

Lina Anani

 

Pour la demanderesse

 

Stephen Jarvis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lina Anani

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.