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Date : 20190130


Dossier : IMM-1086-18

Référence : 2019 CF 127

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 30 janvier 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

 

ENTRE :

FABIAN DARIO HOYOS SOTO

CLARA INES ORTIZ HOYOS

DANIELA HOYOS ORTIZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 17 janvier 2018 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la décision) a rejeté la demande d’asile présentée par les demandeurs sur le fondement des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Comme il est expliqué plus en détail ci‑dessous, la présente demande est rejetée parce que, compte tenu des arguments des demandeurs, rien ne me permet de conclure que la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables et qu’elle est par conséquent déraisonnable.

II.  Contexte

[3]  Les demandeurs sont Fabian Dario Hoyos Soto, son épouse, Clara Ines Ortiz Hoyos, et leur enfant. Ils sont tous citoyens de la Colombie.

[4]  M. Soto a travaillé comme directeur de la conformité dans une entreprise de services publics appelée Empocabal, située à Santa Rosa, en Colombie. Il affirme avoir entendu des rumeurs au sujet de pratiques frauduleuses au sein d’Empocabal au cours de son emploi, ce qui l’a poussé à mener une enquête. M. Soto allègue que l’enquête a confirmé la présence de corruption, impliquant le maire de Santa Rosa, également président du conseil d’administration d’Empocabal, qui détournait des actifs de l’entreprise afin d’appuyer la campagne électorale au poste de mairesse d’une ancienne gestionnaire d’Empocabal, avec qui le maire entretenait une relation amoureuse. M. Soto allègue également que le maire a des liens avec un groupe paramilitaire appelé Rastrojos.

[5]  M. Soto affirme qu’il a signalé les résultats de son enquête à la direction d’Empocabal et au syndicat de l’entreprise et qu’il a fait une déclaration au contrôleur général national. Il affirme que la candidate à la mairie, qui était impliquée dans le scandale, a perdu l’élection de 2015 par suite de son enquête et qu’il a commencé à recevoir des appels téléphoniques de menaces provenant, selon lui, des Rastrojos.

[6]  M. Soto soutient également que, en raison des appels téléphoniques de menaces qu’il recevait, il a quitté son emploi en février 2016. En mars 2016, un article publié dans le journal de Santa Rosa alléguait qu’il avait quitté son emploi en raison d’accusations criminelles déposées contre lui. M. Soto croit que ces allégations ont été inventées pour le discréditer à la suite de ses efforts pour mettre au jour la corruption à Empocabal. Il a poursuivi le journal pour diffamation.

[7]  M. Soto affirme que, après avoir reçu un certain nombre d’appels téléphoniques de menaces, il a présenté un rapport au bureau du procureur général de la Colombie, connu sous le nom de Fiscalia, le 5 mai 2016. Toutefois, les autorités n’ont pris aucune mesure à la suite de cette plainte. Les demandeurs ont ensuite quitté la Colombie en mai 2016 et, après avoir traversé les États-Unis, ils sont arrivés au Canada et ont demandé l’asile en juin 2016.

III.  Décision faisant l’objet d’un contrôle

[8]  La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, la question déterminante étant celle de la crédibilité.

[9]  La SPR a souligné la présence d’incohérences importantes entre la description que M. Soto a faite de la corruption dans son exposé circonstancié du formulaire Fondement de la demande d’asile (le FDA) et celle qu’il a faite dans son témoignage de vive voix, puisqu’il a déclaré dans son FDA que la candidate à la mairie était responsable du détournement de ressources d’Empocabal, mais, dans son témoignage, il a affirmé que c’était le président du conseil d’administration qui en était responsable. La SPR n’était pas convaincue par l’explication donnée par M. Soto pour justifier cette incohérence, selon laquelle la candidate avait profité de la corruption, mais n’aurait pas pu diriger l’affaire parce qu’elle ne travaillait plus pour Empocabal.

[10]  En outre, la SPR a constaté que le FDA ne faisait aucune mention de l’implication du président du conseil d’administration dans l’affaire de corruption. Faisant observer qu’aucune explication adéquate n’avait été fournie pour justifier l’omission, la SPR a estimé que cela minait grandement la crédibilité de M. Soto. La SPR a conclu que ni le maire ni la candidate à la mairie n’ont été impliqués dans une affaire de corruption à Empocabal et que M. Soto n’a pas contribué à mettre au jour la corruption à Empocabal.

[11]  La SPR s’est ensuite penchée sur le fait que l’allégation avancée par M. Soto dans son témoignage, selon laquelle il a reçu un appel téléphonique de menaces le 3 mai 2016, ne figurait pas dans son FDA. La SPR a rejeté l’explication selon laquelle il a omis ce fait par erreur ou parce qu’il figurait dans le rapport remis à la Fiscalia, qu’il a présenté avec sa demande d’asile, car l’appel téléphonique du 3 mai 2016 était un aspect essentiel de la demande d’asile, et c’était la raison pour laquelle M. Soto a fait rapport à la Fiscalia.

[12]  Pour ce qui est du témoignage de M. Soto voulant que l’auteur de l’appel du 3 mai connaissait son épouse et l’école que fréquentait sa fille, la SPR était encore une fois préoccupée par l’omission de ce renseignement dans le rapport remis à la Fiscalia. M. Soto a expliqué qu’il ne faisait pas confiance à la Fiscalia et qu’il ne voulait pas lui fournir trop de renseignements, explication qu’a rejetée la SPR puisqu’elle ne concordait pas avec son affirmation selon laquelle il s’était adressé à la Fiscalia pour obtenir de l’aide ni avec le fait qu’il lui avait donné son adresse résidentielle et son numéro de téléphone.

[13]  La SPR a estimé que le témoignage de M. Soto concernant l’appel téléphonique avait changé et évolué lorsqu’il a été questionné au sujet des incohérences et des omissions, ce qui a grandement miné sa crédibilité. Elle a conclu qu’il n’avait pas reçu d’appel téléphonique de menaces le 3 mai 2016. La SPR a également relevé des incohérences et des omissions concernant l’affirmation de M. Soto selon laquelle il avait reçu d’autres appels téléphoniques de menaces, et elle a conclu qu’il n’avait reçu aucun appel téléphonique de menaces.

[14]  La SPR a ensuite examiné si M. Soto était toujours recherché en Colombie et a souligné qu’il y avait des omissions dans le FDA par rapport à son témoignage, selon lequel des hommes armés avaient rendu visite à sa famille en Colombie parce qu’ils le recherchaient, et qu’il n’y avait aucun élément de preuve corroborant ce témoignage. Par conséquent, elle a conclu que personne n’avait rendu visite à la famille de M. Soto.

[15]  Enfin, la SPR a tenu compte des documents présentés par M. Soto à l’appui de sa demande, y compris une lettre qui documentait certaines irrégularités qui s’étaient produites à Empocabal, mais a conclu qu’aucun de ces documents ne corroborait l’allégation principale de M. Soto selon laquelle l’affaire de corruption était dirigée par la candidate à la mairie ou le président du conseil d’administration. La SPR a accordé peu de poids à ces documents et a conclu qu’ils n’étaient pas suffisants pour dissiper ses préoccupations importantes quant à la crédibilité.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[16]  Les demandeurs soumettent les questions suivantes à l’examen de la Cour :

  1. La SPR a‑t‑elle commis une erreur en n’analysant pas les documents personnels pertinents à l’appui qui contredisaient ses conclusions?

  2. La SPR a‑t‑elle commis une erreur en n’analysant pas le risque conformément à l’article 97 de la LIPR?

  3. La SPR a‑t‑elle commis une erreur en réalisant une analyse détaillée de la crédibilité?

  4. La SPR a‑t‑elle commis une erreur en examinant de manière sélective les conditions dans le pays?

[17]  Ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

V.  Analyse

A.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en n’analysant pas les documents personnels pertinents à l’appui qui contredisaient ses conclusions?

[18]  Les demandeurs soutiennent que, en concluant que M. Soto n’avait pas contribué à mettre au jour la corruption à Empocabal, la SPR a commis une erreur en ne tenant pas compte des documents personnels à l’appui qui indiquaient le contraire. Les demandeurs font d’abord référence aux actes de procédure présentés par M. Soto devant les tribunaux colombiens en réponse à ce qu’il décrit comme une nouvelle diffamatoire alléguant faussement qu’il avait quitté son emploi en raison d’accusations criminelles déposées contre lui. Les demandeurs soulignent que les éléments de preuve dont disposait la SPR incluaient également les documents attestant le casier judiciaire vierge de M. Soto en Colombie. Ils font valoir que ces documents appuient leur allégation selon laquelle M. Soto était ciblé en raison de ses efforts pour mettre au jour la corruption à Empocabal et que la SPR a commis une erreur en ne les examinant pas.

[19]  La décision ne fait pas expressément référence à ces documents. Toutefois, le décideur est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il dispose, à moins qu’il y ait un fondement pour réfuter cette présomption, comme des éléments de preuve qui contredisent la conclusion du décideur (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425 (CF 1re inst)). Selon moi, les éléments de preuve concernant la nouvelle parue dans le journal et la poursuite intentée par M. Soto devant les tribunaux colombiens ne contredisent pas les conclusions de la SPR et ne réfutent donc pas la présomption selon laquelle ils ont été examinés. Comme l’affirme le défendeur, le seul lien entre ces éléments de preuve et l’allégation de M. Soto selon laquelle il a contribué à mettre au jour la corruption est la propre affirmation de M. Soto voulant qu’ils soient liés. Ces documents ne corroborent pas de manière objective les allégations de M. Soto. J’estime que l’absence d’une référence explicite à ces éléments de preuve dans la décision ne constitue pas une erreur.

[20]  Les autres documents personnels auxquels font référence les demandeurs, soit deux lettres internes écrites par M. Soto à Empocabal et un document rédigé par le président du syndicat de l’entreprise, pourraient corroborer plus facilement les allégations des demandeurs. Toutefois, la SPR mentionne explicitement ces documents, en notant en bas de page où ils se trouvent dans le dossier dont elle dispose, dans son analyse du rôle des documents à l’appui pour corroborer l’affirmation des demandeurs.

[21]  Après avoir indiqué que ces documents ne font aucune référence aux personnes qui, selon M. Soto, auraient participé à l’affaire de corruption à Empocabal, la SPR estime qu’ils ne corroborent pas ces allégations, leur accorde peu de poids et conclut qu’ils ne sont pas suffisants pour dissiper ses préoccupations importantes quant à la crédibilité de M. Soto. Je juge qu’il n’y a rien de déraisonnable dans cet aspect de l’analyse de la SPR ou dans sa conclusion selon laquelle, compte tenu des préoccupations relatives à la crédibilité, M. Soto n’a pas contribué à mettre au jour la corruption à Empocabal. Cette conclusion appartient aux issues possibles acceptables, eu égard aux éléments de preuve dont dispose la SPR.

B.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en n’analysant pas le risque conformément à l’article 97 de la LIPR?

[22]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en analysant leurs risques en application de l’article 96 de la LIPR, mais en ne faisant aucune analyse fondée sur l’article 97. Ils soutiennent que, même si la SPR a des préoccupations en matière de crédibilité, elle doit tout de même examiner le profil de risque résiduel et analyser sur le fondement de l’article 97 si les demandeurs d’asile peuvent être exposés à des risques à leur retour dans leur pays d’origine (voir Bouaouni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1211, au paragraphe 41). Les demandeurs allèguent que, même compte tenu des conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité, M. Soto a tout de même un profil de risque à titre de dénonciateur, que la SPR aurait dû analyser en tenant compte des éléments de preuve portant sur les conditions dans le pays au titre de l’article 97.

[23]  Je conviens que la décision n’établit pas une analyse explicite fondée sur l’article 97. Cependant, comme le soutient le défendeur, des conclusions défavorables quant à la crédibilité peuvent écarter le besoin pour la SPR de prendre en considération l’article 97 (voir, par exemple, Mejia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 410, aux paragraphes 20 et 21; Emamgongo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 208, au paragraphe 17). À mon avis, ce principe s’applique en l’espèce. Les conclusions de la SPR, fondées sur ses conclusions défavorables en matière de crédibilité, comportent la conclusion selon laquelle M. Soto n’a pas contribué à mettre au jour la corruption à Empocabal. J’ai déjà mentionné dans les présents motifs que cette conclusion était raisonnable. Par conséquent, aucun profil de risque résiduel n’exigeait une analyse explicite fondée sur l’article 97.

[24]  L’avocat des demandeurs a soutenu à l’instruction de la présente demande que, même s’il n’a pas réussi à établir que la conclusion selon laquelle M. Soto n’a pas contribué à mettre au jour la corruption à Empocabal était déraisonnable, l’analyse fondée sur l’article 97 était tout de même nécessaire pour tenir compte des éléments de preuve relatifs à la nouvelle parue dans le journal et aux actes de procédure qui en ont découlé devant les tribunaux colombiens, car ces éléments de preuve n’ont pas été analysés dans la décision. Cette observation me semble peu fondée. Comme je l’ai déjà expliqué dans les présents motifs, ces éléments de preuve ne corroborent pas de manière objective les allégations de M. Soto, et j’estime qu’ils ne donnent pas lieu à un profil résiduel exigeant une analyse fondée sur l’article 97.

C.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en réalisant une analyse détaillée de la crédibilité?

[25]  Les demandeurs affirment que l’analyse de la SPR quant à la crédibilité de M. Soto contient de nombreuses conclusions détaillées qui démontrent qu’elle a fait preuve de zèle pour déceler des incohérences dans les éléments de preuve, ce qui rend la décision déraisonnable.

[26]  Les demandeurs font d’abord référence aux préoccupations de la SPR selon lesquelles l’exposé circonstancié du FDA ne précisait pas qui avait dirigé l’affaire de corruption à Empocabal et qui en avait profité. Ils soutiennent qu’il n’y a aucune contradiction entre le FDA et le témoignage de M. Soto, mais seulement des omissions dans le FDA, lesquelles ont été expliquées au cours du témoignage. Les demandeurs renvoient la Cour à la décision Feradov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 101, aux paragraphes 18 et 19, dans laquelle il est expliqué que, bien que le défaut de mentionner des faits importants ou des faits clés relatifs à la persécution dans un FDA soit un motif raisonnable de préoccupation, l’omission de détails accessoires ne l’est pas. À mon avis, la mention des joueurs importants dans l’affaire de corruption et de leur rôle respectif ne peut être considérée comme un détail accessoire, et je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle dans les conclusions défavorables en matière de crédibilité qu’a tirées la SPR découlant de l’omission de ce renseignement dans le FDA de M. Soto.

[27]  Les demandeurs soulèvent le même argument à propos de l’omission dans le FDA de l’appel téléphonique de menaces du 3 mai 2016. Toutefois, la SPR a fourni plusieurs motifs pour justifier ses préoccupations en matière de crédibilité concernant cet aspect des éléments de preuve de M. Soto, y compris son témoignage selon lequel c’est cet appel téléphonique qui l’avait finalement amené à solliciter l’aide de la Fiscalia. La SPR a conclu qu’il s’agissait d’un événement important, de telle sorte que son omission dans le FDA a miné la crédibilité de M. Soto. J’estime qu’il n’y a rien de déraisonnable dans cette analyse.

[28]  Les demandeurs affirment également que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a tiré des conclusions défavorables en matière de crédibilité relativement à la modification par M. Soto de son FDA pour ajouter une référence aux appels téléphoniques de menaces qu’il a reçus en novembre et en décembre 2015 (le FDA initial indiquait qu’il avait commencé à recevoir des appels téléphoniques de menaces en janvier 2016). Les demandeurs renvoient la Cour à la décision Erduran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1299, au paragraphe 4, et soutiennent qu’il est injuste de rejeter sans fournir de motifs l’explication d’un demandeur d’asile concernant une modification qu’il a apportée à son FDA (voir également Ameir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 876, au paragraphe 21). De même, dans l’affaire Okoli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 332, au paragraphe 28, la Cour a expliqué que le rôle de la SPR est d’évaluer l’explication justifiant la modification d’un FDA et qu’elle ne peut tirer de conclusions défavorables du fait qu’une modification a été apportée en temps opportun bien avant la tenue de l’audience.

[29]  Les demandeurs font référence à l’explication qu’a fournie M. Soto à l’audience tenue devant la SPR, à savoir que le premier FDA a été rédigé à son arrivée à la frontière canadienne, qu’il était en état de choc et que certains détails n’étaient donc pas très précis. Cependant, la décision montre que la SPR a examiné cette explication et a fourni les motifs de sa conclusion selon laquelle M. Soto n’avait pas expliqué de manière raisonnable les différences entre les deux FDA. La SPR a jugé que les différences étaient importantes, car M. Soto avait donné des explications divergentes quant aux motifs qui l’avaient incité à déménager ailleurs en janvier 2016. Son FDA initial indiquait qu’il avait déménagé parce qu’il avait entendu des rumeurs laissant entendre que sa vie était en danger, et le FDA modifié indiquait qu’il avait reçu des menaces directes avant le déménagement. La jurisprudence établit que la SPR peut tirer des conclusions défavorables en se fondant sur des incohérences entre le FDA initial et le FDA modifié (voir, par exemple, Xi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 174, au paragraphe 17), et j’estime qu’il n’y a rien de déraisonnable dans l’analyse de la SPR à cet égard en l’espèce.

D.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en examinant de manière sélective les conditions dans le pays?

[30]  Cet argument repose sur le fait que la SPR a fondé ses conclusions défavorables en matière de crédibilité, relativement à l’appel téléphonique de menaces du 3 mai 2016, en partie sur le fait que le rapport remis deux jours plus tard à la Fiscalia n’indiquait pas, comme l’a affirmé M. Soto à l’audience, que l’auteur de l’appel avait affirmé connaître le lieu de travail de l’épouse de M. Soto et l’école que fréquentait son enfant. La SPR était également préoccupée par le fait que les appels téléphoniques antérieurs reçus en 2015 n’ont pas été mentionnés dans le rapport remis à la Fiscalia. À l’audience, M. Soto a expliqué qu’il n’avait pas fourni tous les détails à la Fiscalia parce qu’il ne lui faisait pas confiance. Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en n’examinant pas les documents sur les conditions dans le pays qui montrent qu’une crainte de faire rapport à la Fiscalia est raisonnable parce que les institutions judiciaires et les organismes de sécurité publics en Colombie, comme la Fiscalia, sont notoirement corrompus.

[31]  J’estime que cette observation n’est pas fondée. L’analyse de la SPR n’était pas fondée sur la conclusion qu’il était déraisonnable de craindre des répercussions à la suite du dépôt d’un rapport à la Fiscalia. Elle a plutôt estimé que l’explication de M. Soto était déraisonnable et incohérente par rapport à ses actions, car il a affirmé être allé voir la Fiscalia en espérant obtenir de l’aide, mais était incapable d’expliquer comment il entendait recevoir de l’aide s’il n’avait pas fait un compte rendu complet des menaces qu’il avait reçues.

VI.  Conclusion

[32]  Ayant examiné les arguments des demandeurs et ayant estimé que rien ne me permet de conclure que la décision est déraisonnable, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel, et aucune question n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1086-18

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour d’avril 2019.

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑1086‑18

 

INTITULÉ :

FABIAN DARIO HOYOS SOTO, CLARA INES ORTIZ HOYOS, DANIELA HOYOS ORTIZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

lE 24 JANVIER 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 30 JANVIER 2019

COMPARUTIONS :

Keith MacMillan

pour les demandeurs

Amy King

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Keith MacMillan, Bureau du droit des réfugiés

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

pour les demandeurs

Procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

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