Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190312


Dossier : IMM-1814-18

Référence : 2019 CF 298

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

RAMI ALKURD

JOOD RAMY YOUSEF AHMED ALKURD

EMAN ANWAR MOHAMED SHURRAB

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) datée du 12 mars 2018 par laquelle les demandeurs en l’espèce se sont vu refuser leur demande d’asile. Plus précisément, les demandeurs contestent la décision de la SPR selon laquelle le demandeur principal, Rami Alkurd, ne risque pas d’être persécuté s’il retourne à Gaza. Ils soutiennent que la SPR n’a pas examiné correctement la demande présentée au titre de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SPR était raisonnable et je rejette la demande de contrôle judiciaire.

I.  La question préliminaire

[3]  La SPR a entendu quatre demandeurs d’asile : Rami Alkurd, son épouse Eman Shurrab, leur fille Jood Alkurd et le frère du demandeur principal, Ibrahim Alkurd. Ce dernier n’est cependant pas partie à la présente demande de contrôle judiciaire. Par ailleurs, bien que la demande ait été déposée au nom de tous les demandeurs, leurs observations portent uniquement sur l’affirmation du demandeur principal selon laquelle ce dernier ne peut retourner à Gaza.

II.  Le contexte

[4]  Les demandeurs ont fui les Émirats arabes unis en novembre 2016 et sont arrivés au Canada depuis les États-Unis au point d’entrée de Rainbow Bridge, à Niagara Falls.

[5]  Le demandeur principal est né à Gaza, mais il a émigré aux Émirats arabes unis lorsqu’il était jeune enfant et il y est resté toute sa vie, à l’exception d’une période de trois ans pendant laquelle il est retourné à Gaza afin de poursuivre des études de niveau postsecondaire.

[6]  Les demanderesses sont citoyennes de l’Égypte. Mme Shurrab a acquis la nationalité égyptienne parce que son père travaillait en Égypte dans les années 1980, et sa fille l’a acquise de naissance. Elles allèguent être persécutées en raison de leur situation incertaine aux Émirats arabes unis et du fait que le demandeur principal ne serait pas en mesure d’aller s’établir avec elles en Égypte.

[7]  En août 2016, le demandeur principal a perdu son emploi et son répondant aux Émirats arabes unis et il affirme ne plus avoir le droit d’y résider.

[8]  Il possède un passeport délivré par l’Autorité palestinienne, mais soutient qu’il risque d’être persécuté s’il retourne à Gaza, en raison du blocus israélien et des opérations militaires dirigées contre la bande de Gaza. Il a étudié à Gaza à l’Université Al-Azhar, laquelle serait affiliée au parti politique du Fatah, et il prétend qu’il serait perçu comme un opposant politique du Hamas en raison de cela. Il prétend aussi courir un risque du fait qu’il serait perçu comme un musulman libéral.

III.  La décision de la SPR

[9]  La SPR a conclu que M. Alkurd avait eu sa résidence habituelle aux Émirats arabes unis dans le passé. Elle devait par ailleurs se demander si M. Alkurd avait également eu sa résidence habituelle à Gaza dans le passé, étant donné qu’il possède un passeport délivré par l’Autorité palestinienne et qu’il avait affirmé dans son témoignage pouvoir résider à Gaza légalement.

[10]  Pour trancher la question de la résidence habituelle antérieure, la SPR s’est fondée sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maarouf c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 723. Elle a conclu que les faits en l’espèce étaient comparables à ceux de l’affaire Al-Khateeb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 31. En s’appuyant sur cette jurisprudence, la SPR a conclu que Gaza est un pays où M. Alkurd avait eu sa résidence habituelle dans le passé.

[11]  En ce qui concerne l’allégation de persécution à Gaza, la SPR a conclu que les risques auxquels M. Alkurd serait exposé sont les mêmes que ceux auxquels fait face la population de Gaza en général. Bien que M. Alkurd eût allégué avoir fréquenté une université de Gaza qui serait affiliée au Fatah, la SPR a conclu que le risque qu’il soit perçu comme un opposant politique au Hamas en raison de cela était purement hypothétique. Elle a mentionné que l’information sur Gaza consignée au cartable national de documentation indique que le Hamas cible effectivement les membres du Fatah et les loyalistes; cependant, elle a fait remarquer qu’il n’existait aucune preuve selon laquelle que M. Alkurd y serait perçu comme tel. La SPR a jugé que M. Alkurd n’avait pas démontré qu’il serait personnellement exposé à un risque de persécution.

[12]  La SPR a conclu que les craintes de M. Alkurd n’étaient pas fondées et elle n’a donc pas eu besoin d’examiner les allégations concernant les risques de persécution aux Émirats arabes unis. Elle a aussi conclu que M. Alkurd peut retourner à Gaza légalement, sans craindre la persécution et sans besoin de protection.

[13]  La SPR a également examiné les demandes d’asile de Mme Shurrab et de sa fille, toutes deux citoyennes égyptiennes. Ces demandes étaient fondées sur le fait que la famille ne pouvait pas être réunie en Égypte. La SPR a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un motif approprié pour demander l’asile. Mme Shurrab et sa fille avaient allégué craindre de résider dans la péninsule du Sinaï, en Égypte, mais elles l’avaient fait seulement durant leur témoignage, ce qui a suscité les préoccupations de la SPR quant à la crédibilité.

[14]  La SPR a jugé que Mme Shurrab n’entretenait pas de crainte subjective de résider en Égypte et qu’elle pouvait retourner y vivre légalement. Il en allait de même pour sa fille. La SPR a conclu que la mère et sa fille pouvaient résider en Égypte en toute sécurité en tant que citoyennes sans craindre d’être persécutées. Elle a aussi conclu qu’elle ne disposait d’aucune preuve crédible ou digne de foi lui permettant de rendre une décision favorable à leur égard. Leurs demandes d’asile ont donc été rejetées pour absence d’un minimum de fondement.

[15]  Le raisonnement de la SPR était que même si Mme Shurrab et sa fille risquaient d’être persécutées dans la péninsule du Sinaï, elles n’étaient pas tenues de résider dans cette région pour autant, puisqu’elles pouvaient résider ailleurs en Égypte sans craindre d’être persécutées.

[16]  Ainsi, étant donné que les demandeurs d’asile n’avaient pas satisfait au critère moins rigoureux établi aux termes de l’article 96 de la LIPR, la SPR a conclu qu’elle devait également rejeter les demandes d’asile présentées au titre de l’article 97 de la LIPR. En outre, la SPR a conclu que M. Alkurd n’avait pas qualité de personne à protéger contre Gaza.

IV.  Les questions en litige

[17]  Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

  • a) La SPR a-t-elle raisonnablement analysé le risque?

  • b) La SPR a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR?

  • c) La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que Gaza est un pays?

V.  La norme de contrôle applicable

[18]  La norme de contrôle applicable aux conclusions de la SPR est celle de la décision raisonnable (Choudry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1406, aux paragraphes 17-19).

[19]  Le caractère raisonnable tient à la « justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et à l’appartenance du résultat aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

VI.  Les dispositions législatives pertinentes

[20]  Voici les dispositions de la LIPR qui sont pertinentes en l’espèce :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27), articles 96 et 97

Immigration and Refugee Protection Act (SC 2001, c 27), sections 96 and 97

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

VII.  Analyse

A.  La SPR a-t-elle raisonnablement analysé le risque?

[21]  Le demandeur principal soutient que la SPR n’a pas tenu compte du fait que les forces armées israéliennes, l’État d’Israël et le blocus égypto-israélien constituent des agents de persécution. Il prétend risquer d’être personnellement exposé à la persécution s’il retourne à Gaza. Il s’appuie sur le fait que la maison de ses parents à Gaza a été détruite en 2014 lors de raids aériens. Il précise que si sa famille s’était trouvée à la maison au moment des raids, ses proches auraient probablement subi des blessures graves, voire fatales. Il s’agit là, selon lui, d’une preuve démontrant qu’il risque d’être personnellement exposé à la persécution à Gaza.

[22]  S’appuyant sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Salibian c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 250, le demandeur principal fait valoir qu’il n’a pas besoin de prouver qu’il risque d’être personnellement exposé à la persécution, ni qu’il y a eu persécution dans le passé. Selon lui, il n’a qu’à démontrer que sa crainte découle d’actes commis ou susceptibles d’être commis contre les membres d’un groupe auquel il appartient (Salibian, au paragraphe 19).

[23]  Quoi qu’il en soit, le demandeur doit néanmoins prouver, dans une certaine mesure, qu’il court un risque personnellement, bien que cette preuve ne doive pas nécessairement établir que la persécution en question possède un caractère purement personnel (voir Hasan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1537, au paragraphe 18). La difficulté pour le demandeur principal en l’espèce est que la preuve démontrait uniquement un risque de persécution généralisé. L’argument selon lequel il court un risque en raison des dommages causés à la maison de ses parents est purement hypothétique et ne justifie pas l’allégation de persécution. La preuve est insuffisante en l’absence d’éléments démontrant l’existence d’un risque d’être personnellement exposé à la persécution.

[24]  Les conclusions de la SPR concernant l’insuffisance de la preuve sont raisonnables en l’espèce.

B.  La SPR a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR?

[25]  Les demandeurs prétendent que la SPR a commis une erreur en omettant d’effectuer une analyse fondée sur l’article 97 de la LIPR. Selon eux, même si la SPR n’avait pas fait droit à leurs demandes présentées au titre de l’article 96 de la LIPR, elle devait tout de même examiner la demande fondée sur l’article 97.

[26]  Ils renvoient au paragraphe 31 de la décision de la SPR, où celle-ci a tiré la conclusion suivante :

[traduction]

Le tribunal conclut toutefois que les allégations de Rami Alkurd et d’Ibrahim Alkurd sur le risque à Gaza équivalent au risque auquel la population générale de Gaza est exposée. Ils n’ont pas démontré comment ils courent un risque personnellement. Il leur serait en fait difficile de le faire, vu le temps limité pendant lequel ils ont effectivement résidé à Gaza. Selon le témoignage de Rami Alkurd, pendant ses études à Gaza de 1999 à 2003, il n’a été victime d’aucun mauvais traitement qui équivaudrait à de la persécution ou qui nécessiterait une protection.

[27]  Toutefois, la SPR n’a pas l’obligation d’effectuer une analyse fondée sur l’article 97, ce que la Cour a d’ailleurs fait remarquer au paragraphe 50 de la décision Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1379 :

La Commission n’est pas tenue d’effectuer dans chaque cas une analyse distincte sous le régime de l’article 97. Le point de savoir si elle a ou non cette obligation dépend des faits particuliers de l’espèce; voir Kandiah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 181, paragraphe 16, 137 ACWS (3d) 604. Une telle analyse distincte n’est pas nécessaire lorsqu’il n’a pas été avancé de prétentions ni produit d’éléments de preuve qui la justifieraient; voir Brovina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, paragraphes 17 et 18, 254 FTR 244; et Velez, précitée, paragraphes 48 à 51.

[28]  En l’occurrence, la SPR a expressément déclaré que puisque les demandeurs n’avaient pas satisfait au critère moins rigoureux établi aux termes de l’article 96, [traduction] « la demande d’asile doit également être rejetée en regard de l’article 97 ».

[29]  La preuve en l’espèce était insuffisante pour fonder une demande d’asile au titre de l’article 97. Par conséquent, au vu des circonstances, les demandeurs n’ont pas démontré que la SPR avait l’obligation d’effectuer une analyse fondée sur l’article 97.

C.  La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que Gaza est un pays?

[30]  La SPR a conclu que Gaza est un pays de résidence habituelle antérieure pour le demandeur principal. Ce dernier possède un passeport délivré par l’Autorité palestinienne et son témoignage indiquait qu’il pouvait résider à Gaza légalement. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, il fait cependant valoir que Gaza ne devrait être considérée ni comme un pays ni comme lieu de résidence habituelle antérieure.

[31]  Le demandeur principal soutient que Gaza et les territoires palestiniens occupés ne constituent pas un État-nation souverain, puisqu’il s’agit de territoires non contigus en Israël qui sont privés d’autonomie gouvernementale, de protection militaire et de relations internationales. Il soutient que le pays de référence devrait plutôt être l’État souverain d’Israël, où les Palestiniens sont exposés à la persécution tous les jours.

[32]  La question de savoir si un pays est considéré comme un pays de résidence habituelle antérieure constitue une question de fait (Qassim c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 226, au paragraphe 38) et elle doit être examinée avec beaucoup de circonspection.

[33]  Qu’à cela ne tienne, en affirmant que Gaza ne devrait pas être considérée comme un pays, le demandeur principal allègue essentiellement qu’il est apatride. Cela dit, tous les apatrides ne sont pas des réfugiés, comme l’a déclaré le juge Strickland dans Chehade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 282, au paragraphe 20 :

Notre Cour a statué dans un arrêt antérieur qu’il était clair d’après la définition de réfugié au sens de la Convention que les personnes apatrides, c’est-à-dire celles qui n’ont pas de pays d’origine, peuvent être des réfugiés au sens de la Convention. Toutefois, tout apatride n’est pas un réfugié au sens de la Convention. Pour qu’une personne apatride qui se trouve en dehors du pays qui était son pays de résidence habituelle et qui n’est pas en mesure de retourner dans ce pays soit réfugiée au sens de la Convention, il ou elle doit se trouver dans cette situation en raison d’une crainte bien fondée de persécution pour une ou plusieurs raisons citées dans la définition de la Convention (Thabet, au paragraphe 16; Arafa, au paragraphe 7 et 8; Salah, aux paragraphes 7 et 8). En outre, le droit de retour refusé peut être considéré comme de la persécution, et de la sorte faire partie de l’examen de la SPR d’une crainte bien fondée de persécution (Thabet, au paragraphe 32; Daghmash, au paragraphe 9). Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne peut ou ne veut retourner dans aucun des pays où il a eu sa résidence habituelle (Thabet, au paragraphe 28).

[34]  Vu les circonstances de la présente affaire, même si le demandeur principal est considéré comme apatride, il lui incombe néanmoins de prouver qu’il risque d’être persécuté. Donc, ses observations concernant le statut de Gaza en tant que pays ou territoire ne sont aucunement pertinentes, car la SPR a conclu que la preuve dont elle disposait était insuffisante pour établir qu’il y serait exposé à la persécution.

[35]  En outre, je suis d’accord avec l’argument du défendeur selon lequel les demandeurs ne peuvent soulever l’argument concernant le statut de pays, puisque la transcription de l’audience de la SPR montre que leur conseil a explicitement admis que Gaza devait être considéré comme un pays de résidence habituelle antérieure.

[36]  La conclusion de la SPR selon laquelle Gaza est un pays dans lequel le demandeur principal avait eu sa résidence habituelle est donc raisonnable.

VIII.  La question à certifier en vue d’un appel

[37]  Les demandeurs proposent la question suivante aux fins de la certification : le territoire de Gaza est-il un pays et une nation souveraine?

[38]  Le critère de certification a récemment été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22. La Cour d’appel fédérale a compétence pour entendre l’appel d’une décision de la Cour fédérale consécutive au contrôle judiciaire relativement à toute question sous le régime de la LIPR, mais seulement lorsque la Cour fédérale, en rendant son jugement, certifie que l’affaire soulève une question grave d’importance générale et énonce celle-ci. Par conséquent, « [l]a question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale ».

[39]  Dans les circonstances, il ne serait pas approprié de certifier la question proposée, puisqu’elle n’a pas été soulevée devant la SPR et qu’elle concerne un point ayant fait l’objet d’une concession. Qui plus est, l’issue de la présente affaire dépend des faits qui lui sont propres et la réponse à la question proposée ne permettrait pas de trancher un appel.

[40]  Je refuse par conséquent de certifier toute question.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1814-18

LA COUR STATUE que : La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de mai 2019

Léandre Pelletier-Pépin


COUR FÉDÉRALE 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 


DOSSIER :

IMM-1814-18

INTITULÉ :

RAMI ALKURD ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

La juge MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 12 mars 2019

COMPARUTIONS :

Daniel Nashid

POUR LEs DEMANDEURs

David Joseph

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel Nashid

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LEs DEMANDEURs

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional de l’Ontario

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.