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                                                                                                                                 Date : 19990204

                                                                                                                             Dossier : T-792-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 FÉVRIER 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

AFFAIRE INTÉRESSANT une décision prise par l'inspecteur Guy Laflamme, arbitre de grief au niveau II, en vertu de l'alinéa 31(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R., ch. R-9, modifiée

ENTRE :

                                                         BRUCE M. BRAMALL,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                          - et -

                                    PHILIP J. R. MURRAY, COMMISSAIRE DE LA

                      GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LA GENDARMERIE

                 ROYALE DU CANADA et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                         défendeurs.

                                                                ORDONNANCE

            LA COUR, STATUANT SUR la demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 20 mars 1998 de l'inspecteur Guy Laflamme, arbitre de grief au niveau II, et après audition des parties à Ottawa (Ontario) le 3 février 1999 :

            REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire et ADJUGE les dépens aux défendeurs sur la base des frais entre parties.

                                                                                                             « Allan Lutfy »             

                                                                                                                        Juge

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


                                                                                                                                 Date : 19990204

                                                                                                                             Dossier : T-792-98

AFFAIRE INTÉRESSANT une décision prise par l'inspecteur Guy Laflamme, arbitre de grief au niveau II, en vertu de l'alinéa 31(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R., ch. R-9, modifiée

ENTRE :

                                                         BRUCE M. BRAMALL,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                          - et -

                                    PHILIP J. R. MURRAY, COMMISSAIRE DE LA

                      GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LA GENDARMERIE

                 ROYALE DU CANADA et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                         défendeurs.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]         Dans l'arrêt Brooke c. Gendarmerie royale du Canada (Sous-commissaire) (1993), 152 N.R. 231 (C.A.F.), la Cour d'appel a annulé la décision par laquelle le sous-commissaire de la GRC a rejeté le grief présenté par un membre du Groupe spécial des interventions d'urgence qui cherchait à obtenir une indemnité de disponibilité. Ainsi que le juge Mahoney l'a déclaré aux paragraphes 6 et 7 :

À mon avis, cet ordre a été donné en l'espèce; les membres de l'équipe GSIU tenue par la Consigne supplémentaire 6 d'être « en état de préparation et d'aptitude opérationnelles, pour activation, déploiement et engagement à n'importe quelle heure de la journée, même pendant les fins de semaine et les jours fériés » et, à cette fin, d'être « accessible à tout moment par téléphone etc. » et de « s'abstenir de toute activité dont la nature ou le lieu empêche de répondre promptement aux appels d'urgence » , sont des membres en état de disponibilité au sens du sous-alinéa H.8.a.2. du Manuel, c'est-à-dire des membres qui ont « reçu l'ordre de demeurer disponibles et sont en mesure d'assumer le travail immédiatement » . Toute autre conclusion est, sauf le respect que nous devons à l'intimé, une « conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire » . [Non souligné dans l'original.]

Il a en outre ajouté :

Un membre est en disponibilité quand il en reçoit l'ordre; ce n'est pas le bien-fondé de l'ordre mais l'ordre lui-même qui le met en état de disponibilité.

[2]         Dans la présente affaire, comme dans l'arrêt Brooke, le critère applicable à l'état de disponibilité est énoncé au sous-alinéa H.8.a.2. du Manuel d'administration de la GRC : « Un membre est en disponibilité lorsqu'il a reçu l'ordre de demeurer disponible et est en mesure d'assumer le travail immédiatement » . Dans chaque cas, il s'agit de décider si les faits satisfont à ce critère et constituent, du moins implicitement, un ordre de mise en disponibilité.

[3]         Dans l'arrêt Brooke, la Cour a inféré de la Consigne supplémentaire 6, qui définissait les attributions des membres du GSIU, que l'ordre de mise en disponibilité avait été donné. Ces attributions sont résumées dans la remarque incidente du juge Mahoney, précitée, paragraphe 1 : être en état de préparation opérationnelle pour déploiement à n'importe quelle heure de la journée et s'abstenir de toute activité dont la nature ou le lieu empêche de répondre promptement aux appels d'urgence.

[4]         En décembre 1990, l'officier responsable du GSIU a donné un ordre verbal annulant l'état de disponibilité au cours d'une réunion à laquelle le demandeur n'a pas été convoqué. Toutefois, le demandeur a vite appris cette annulation et en a informé son supérieur immédiat à la Direction de l'informatique. Aucune mesure n'a été prise à la Direction de l'informatique [traduction] « pour modifier l'ordre de mise en disponibilité visant le demandeur ou l'exigence voulant qu'il demeure disponible pour répondre aux urgences pendant ses heures libres » (paragraphe 23 du mémoire du demandeur). Le point de vue du demandeur est clair : son propre supérieur aurait dû annuler sa mise en disponibilité au moment même où l'ordre d'annulation a été donné par l'officier responsable du GSIU (page 77 du dossier du demandeur).

[5]         Le demandeur n'invoque pas la Consigne supplémentaire 6. Il soutient que puisque ses supérieurs immédiats à la Direction de l'informatique ne lui ont pas transmis l'ordre d'annulation donné par l'officier responsable du GSIU, et compte tenu du libellé de sa description de travail, il a continué d'être en disponibilité. Plus précisément, le demandeur affirme que la description qui est donnée de son environnement de travail dans ce document constitue les faits qui équivalent à un ordre de mise en disponibilité :

[traduction] Le titulaire est également tenu de porter un téléavertisseur de manière à être trouvé rapidement en cas d'urgence pendant ses heures libres, conformément aux exigences d'avertissement pyramidal d'urgence. Toutefois, le titulaire ne reçoit aucune indemnité de disponibilité calculée au taux des heures supplémentaires en raison de cette exigence. Pour être en mesure de répondre rapidement aux appels d'urgence, le titulaire est également tenu de prendre la fourgonnette pour équipement de télécommunications pour rentrer chez lui chaque soir.

Selon le demandeur, l'obligation de porter un téléavertisseur « pendant ses heures libres » et l'obligation de prendre une fourgonnette pour rentrer chez lui le soir doivent être envisagées comme un ordre de mise en disponibilité, même si la description de travail précisait que cette exigence n'entraînait pas le versement d'une indemnité de disponibilité.

[6]         Le demandeur a contesté par voie de grief le refus de la GRC de lui verser une indemnité de disponibilité après que l'ordre d'annulation eut été donné en décembre 1990. Il n'a pas convaincu l'arbitre de grief au niveau II du bien-fondé de sa thèse. Les principales conclusions que tire l'arbitre de grief au niveau II dans sa décision sont les suivantes (aux p. 19 et 20 du dossier du demandeur) :

[traduction]

a) Je conclus également que l'ordre d'annuler toutes les mises en disponibilité que l'OR/GSIU a donné à la réunion qu'il a convoquée le 19 décembre 1990 visait tous les membres du GSIU et toutes les unités de soutien. La Consigne supplémentaire 6 a effectivement cessé d'exister et l'obligation d'être en état de préparation opérationnelle à n'importe quelle heure de la journée a disparu. [...] Je suis convaincu que le membre s'estimant lésé n'était pas tenu de demeurer disponible et en mesure d'assumer immédiatement le travail après que l'OR/GSIU eut donné l'ordre, le 19 décembre 1990, de mettre fin à toutes les mises en disponibilité.

b) La description de travail du membre s'estimant lésé exigeait que le titulaire porte un téléavertisseur et prenne un véhicule appartenant à la GRC pour rentrer chez lui. Elle précisait en outre que « le titulaire ne reçoit aucune indemnité de disponibilité calculée au taux des heures supplémentaires en raison de cette exigence » . [Non souligné dans l'original.] Selon moi, cette dernière phrase veut dire qu'on ne devrait pas spécifiquement assimiler l'obligation de porter un téléavertisseur et l'obligation de prendre un véhicule de la GRC pour rentrer chez soi à un ordre de demeurer en disponibilité. Bien que ces deux exigences puissent être représentatives de l'importance de la fonction exercée par le titulaire, elles ne constituent en aucune façon un ordre implicite d'être en disponibilité. [...]

c) Je conclus qu'un membre n'est en disponibilité que si l'ordre est suffisamment explicite pour qu'une personne raisonnable qui examine cet ordre et les circonstances puisse parvenir à la conclusion que ce membre ne pouvait qu'être en disponibilité. L'obligation de porter un téléavertisseur, un téléphone cellulaire ou des appareils utilisés dans le métier, ou l'obligation de prendre un véhicule de la Gendarmerie sont insuffisantes en elles-mêmes pour constituer un ordre de mise en disponibilité. [Mis en italiques par mes soins.]

[7]         L'arbitre de grief au niveau II s'est référé à bon droit au sous-alinéa H.8.a.2. dans l'analyse de la question de fond qu'il a faite au début de sa décision (page 16 du dossier du demandeur). Plus loin dans ses motifs, il a déclaré (page 19 du dossier du demandeur) :

[traduction] La nécessité pour le membre s'estimant lésé d'être en disponibilité se rapportait directement au fait que le GSIU était obligé d'être en disponibilité. Le membre s'estimant lésé peut justifier une mise en disponibilité uniquement s'il était tenu de travailler aux mêmes conditions que le GSIU et conformément à ses règles.

Ces commentaires ont été faits pour expliquer pourquoi les supérieurs du demandeur ont recommandé qu'une indemnité de disponibilité lui soit versée pour la période antérieure au mois de décembre 1990. Les déclarations de l'arbitre de grief au niveau II font écho à celles du supérieur immédiat du demandeur (page 81 du dossier de la demande) :

[traduction] Bien que Bramall ne fût pas un membre du GSIU, il était assujetti aux mêmes conditions que le GSIU à l'appui des opérations de ce groupe. Sa « description de travail » mentionnait qu'il devait être disponible pour répondre aux « appels d'urgence » du GSIU, de sorte qu'il était « en disponibilité » lorsque les membres du GSIU étaient en « disponibilité » . Après que le surintendant Quinn eut annulé l'ordre de mise en disponibilité, il n'était plus nécessaire que Bramall demeure en « disponibilité » et, partant, lorsque le GSIU recevait un appel d'urgence, Bramall ne répondait que s'il était libre. [Non souligné dans l'original.]

Le demandeur ne peut pas invoquer le renvoi que fait son supérieur à sa description de travail sans tenir compte du lien direct qui est établi avec l'état de disponibilité des membres du GSIU. Je n'accepte pas l'argument du demandeur que l'arbitre de grief au niveau II a énoncé un nouveau critère, voire un critère incorrect, dans l'extrait susmentionné de sa décision. À mon avis, les conclusions de l'arbitre qui sont reproduites au paragraphe 6 des présents motifs montrent qu'il comprenait le critère approprié.

[8]         L'ordre de mise en disponibilité a été annulé en décembre 1990. Le demandeur n'a reçu aucun ordre explicite contraire de mise en disponibilité de ses supérieurs à la Direction de l'informatique ou d'une autre personne. Aucune conclusion favorable au demandeur ne peut être tirée du silence de ses supérieurs à la Direction de l'informatique. La Consigne supplémentaire 6 n'était plus en vigueur. La description de travail du demandeur l'obligeait à porter un téléavertisseur « pendant ses heures libres » et à prendre la fourgonnette pour rentrer chez lui, mais précisait qu'aucune indemnité de disponibilité n'était versée en raison de cette exigence.

[9]         À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire est régie par l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Comme dans l'arrêt Brooke, les questions en litige s'articulent autour des faits. Dans l'arrêt Brooke, la Cour d'appel est intervenue parce qu'une erreur de fait révisable avait été commise relativement à l'existence d'une mise en disponibilité. Le critère énoncé au sous-alinéa H.8.a.2. du Manuel d'administration de la GRC ne fait intervenir aucun principe juridique. La décision de l'arbitre de grief au niveau II, que j'ai soigneusement examinée ainsi que les prétentions des parties, n'est pas manifestement déraisonnable, ni fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire.

[10]       L'avocate du demandeur a prétendu que la décision contestée touche le droit et les faits ( « déterminer si les faits satisfont au critère juridique » : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 35). Elle a fait valoir qu'il convient au moins « de faire preuve d'une grande retenue [...] à moins qu'il ne s'agisse d'une décision manifestement déraisonnable » (Brennan c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), [1998] A.C.F. no 1629 (QL) (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12). Je n'accepte aucune de ces prétentions. Les faits de l'espèce ne paraissent pas soulever de questions de droit, ni présenter le même degré de difficulté technique que dans l'affaire Brennan. Toutefois, je n'interviendrais pas même s'il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire commandant un moins haut degré de retenue. La décision visée par le contrôle n'est ni « déraisonnable » , ni « manifestement erronée » (Southam, aux paragraphes 56 et 60).

[11]       Par conséquent, la présente demande sera rejetée. Dans des observations faites à la fin de l'audience, chaque partie a demandé que les dépens lui soient adjugés si elle avait gain de cause. Puisqu'il en est ainsi, les défendeurs ont droit aux dépens sur la base des frais entre parties.

                                                                                                              « Allan Lutfy »            

                                                                                                                        Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 février 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :T-792-98

INTITULÉ :Bruce M. Bramall c. Philip J. R. Murray,

commissaire de la Gendarmerie royale du Canada,

la Gendarmerie royale du Canada et le procureur

général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :Le 3 février 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LUTFY

EN DATE DU :4 février 1999

COMPARUTIONS :

Martha Healeypour le demandeur

J. Sanderson Grahampour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourtpour le demandeur

Avocats

Ottawa (Ontario)

M. Morris Rosenbergpour les défendeurs

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

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