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                                                                                                                                  Date : 20041104

                                                                                                                             Dossier : T-1701-02

                                                                                                                   Référence : 2004 CF 1387

ENTRE :

                                                   ASSOCIATION DES PILOTES

                                                DE LIGNES INTERNATIONALES

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                         FRANCESCO URBINO,

                                      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                                                                 AIR TRANSAT

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, à la suite d'une modification apportée à l'article 403.05 du Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433 (le RAC), adopté en application de l'article 4.9 de la Loi sur l'aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A-2 (la Loi). La demanderesse demande à la Cour :

1.        de déclarer l'article 403.05 du RAC invalide et inopérant;

2.          d'invalider tous les avis de révocation des avantages rattachés aux licences de techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) délivrées aux mécaniciens navigants qui sont membres de l'organisation demanderesse;


3.          subsidiairement, d'ordonner à Transports Canada d'engager un nouveau processus de consultation, auquel participeraient toutes les parties concernées par le projet de modification de l'article 403.05, pour obtenir les divers points de vue sur les nouvelles exigences relatives à la mise à jour des connaissances qui seraient imposées pour l'obtention d'une licence de TEA;

4.         d'ordonner à Transports Canada de mener une nouvelle étude d'impact de la réglementation sur les exigences relatives à la mise à jour des connaissances qui seraient imposées pour l'obtention d'une licence de TEA, conformément à la Charte de gestion et procédures du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC);

5.        subsidiairement, de rendre un jugement déclaratoire quant à l'interprétation à donner à l'article 403.05 du RAC, selon lequel les mécaniciens navigants de la demanderesse satisfont à toutes les exigences relatives à la mise à jour des connaissances quant à l'avantage qui leur est conféré relativement à la signature des certifications après maintenance;

6.          d'ordonner à Francesco Urbino d'octroyer tous les avantages rattachés aux licences de TEA aux mécaniciens navigants de la demanderesse conformément au RAC.

Les faits

[2]         La demanderesse, l'Association des pilotes de lignes internationales (l'APLA), est une association d'employés dûment accréditée en vertu du Code canadien du travail pour représenter, entre autres, les pilotes et les mécaniciens navigants au service de Air Transat. L'accréditation est du 10 mai 1999. Du 14 août 1991 au 10 mai 1999, les mécaniciens navigants d'Air Transat étaient représentés par l'Association du personnel navigant technique d'Air Transat AT.

[3]         Air Transat détient un permis d'exploitation aérienne délivré par Transports Canada en vertu du RAC, édicté en application de l'article 4.9 de la Loi.

[4]         Le manuel de vol du manufacturier établit qu'il faut un équipage de trois (3) personnes pour assurer la sécurité en vol d'un avion Lockheed 1011 (l'avion). Air Transat doit respecter les exigences du manuel d'exploitation comme condition du maintien de la navigabilité de l'avion certifié par Transports Canada et fait appel à ses mécaniciens navigants pour pourvoir le troisième des postes des membres de l'équipage de son avion.


[5]         Air Transat est également un organisme de maintenance agréé (OMA) en vertu du RAC. À titre d'OMA et conformément aux articles 573.01 et suivants du RAC, Air Transat doit s'assurer que les titulaires de licences d'entretien d'aéronefs possèdent les qualifications requises pour exercer certains avantages en rapport avec la réparation et l'entretien des avions. Monsieur Francesco Rubino exerce actuellement les fonctions d'un OMA à Air Transat.

[6]         Les fonctions du mécanicien navigant sont énumérées dans le Manuel de contrôle de maintenance de Air Transat. Ces fonctions comprennent la vérification et la réparation de tous les systèmes de l'avion, qu'ils soient mécaniques, électriques, électroniques ou autres. Tous les mécaniciens navigants de Air Transat doivent détenir, en plus de leur licence de mécanicien navigant, une licence de mécanicien au sol et une licence de TEA.

[7]         Aucun avion qui a été soumis à un travail de maintenance ne peut effectuer un décollage à moins que ce travail ait été certifié au moyen d'une certification après maintenance (articles 605.85 et 571.10 du RAC). Seuls les titulaires d'une licence de TEA délivrée par Transports Canada sont autorisés à signer la certification après maintenance (article 571.11 du RAC).

[8]         Le 10 octobre 1996, des modifications ont été apportées à la réglementation relativement à la délivrance des licences de TEA. Ces modifications ont eu pour conséquence que, entre décembre 1999 et mars 2000, les mécaniciens navigants qui étaient membres de la demanderesse et employés de Air Transat ont été informés que leurs avantages de certification rattachés à leur licences de TEA avaient été révoqués et qu'ils n'étaient plus autorisés à signer une certification après maintenance.


[9]         Avant ces modifications, les dispositions pertinentes se trouvaient dans l'Arrêté sur les licences de membres du personnel (Ordonnances sur la navigation aérienne, Série IV, no 1), volume 2 du Manuel de licences du personnel, et ultérieurement dans l'Arrêté concernant les licences de mécanicien d'entretien d'aéronef (Ordonnances sur la navigation aérienne, Série IV, no 6, DORS/89-542). Ces modifications se trouvent maintenant à l'article 403.05 du RAC.

[10]       La recommandation visant la modification des exigences relatives à la mise à jour des connaissances énoncées à l'article 403.05 du RAC origine du Comité de réglementation de l'aviation civile (CRAC). Le CRAC est l'un des comités techniques du CCRAC, qui a été créé le 1er juillet 1995, ou vers cette date, pour rendre le processus de réglementation plus accessible au public. Le CRAC a la responsabilité de la délivrance des licences et de la formation du personnel.

[11]       Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (REIR) du RAC accompagnant la publication du projet de texte réglementaire, dont l'article 403.05, le 16 septembre 1995 et en octobre 1996, énonçait qu'aucune modification de fond n'était apportée à la réglementation, aux procédures, aux politiques et aux pratiques de l'industrie existantes quant aux licences de TEA et, par conséquent, qu'aucune incidence économique n'était prévue. Quant aux consultations, le REIR affirmait :

Consultations

Ces règles ont fait l'objet de nombreuses consultations par l'entremise du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC). Les membres du Comité de délivrance des licences du personnel du CCRAC comprennent l'Aéro-Club du Canada, Air Canada, l'association du Groupe de la navigation aérienne, l'Association du transport aérien du Canada, l'Association québécoise des transporteurs aériens Inc., l'Association canadienne des pilotes de ligne, la Canadian Association of Aviation Colleges, les Lignes aériennes Canadien International, l'Association montgolfière canadienne, la Canadian Business Aircraft Association, la Canadian Owners and Pilots Association, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, l'Experimental Aircraft Association-Canadian Council, le Réseau d'aéronefs amateurs canadien, l'Association canadienne de vol à voile et les Teamsters. Le Comité de délivrance des licences du personnel s'est réuni à six reprises pour analyser la partie IV du RAC. Tous les projets de règlement et de norme ont été examinés au moins une fois et parfois deux.


[12]       Au moment de la publication du REIR, la demanderesse n'avait pas encore été accréditée comme représentante des pilotes et des mécaniciens navigants en service à Air Transat. Son nom n'apparaît pas dans la liste des organismes membres du CCRAC qui ont pris part à la consultation.

[13]       Le 12 décembre 1997, le directeur général de l'aviation civile a publié un énoncé de politique intitulé « Lettre de politique de la maintenance et de la construction des aéronefs » qui établissait que les fonctions de l'équipage technique ne constituaient pas de l'expérience de maintenance équivalente à une mise à jour des connaissances aux fins de la conservation d'une licence de TEA. De fait, l'article 403.05 du RAC ne comprend aucune disposition qui permettrait à un TEA d'exercer les avantages de la licence à condition d'avoir « acquis au moins six mois d'expérience en tant que mécanicien navigant » comme l'énonçait l'article 19 du Manuel des licences du personnel, précité.

[14]       Après l'entrée en vigueur des modifications apportées au RAC, Air Transat a demandé à deux reprises à Transports Canada de suspendre l'application de l'article 403.05 de manière à permettre à Air Transat d'en mesurer les conséquences. Ces deux demandes ont été rejetées. La Fédération canadienne des associations de TEA a aussi pressé Transports Canada d'effectuer un réexamen de l'article 403.05. Finalement, le directeur général de l'aviation civile a accepté de réexaminer la question de la mise à jour des connaissances en la soumettant au processus du CCRAC. Dans le but d'en venir à une entente sur l'interprétation et l'application de l'article 403.05 du RAC, Air Transat en entamé des négociations avec Transports Canada. Il n'y a pour le moment aucune entente entre les parties quant à l'interprétation et à l'application de cet article.


Dispositions légales et réglementaires pertinentes

[15]       Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :


   4.9 Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements sur l'aéronautique et notamment en ce qui concerne :

   4.9 The Governor in Council may make regulations respecting aeronautics and, without restricting the generality of the foregoing, may make regulations respecting

a) l'agrément des personnes suivantes :

(i) les membres d'équipage de conduite des aéronefs, les contrôleurs de la circulation aérienne, les préposés à l'équipement destiné à fournir des services liés à l'aéronautique et quiconque assure de tels services,

(ii) les personnes travaillant à la conception, la construction ou fabrication, l'homologation, la certification, la distribution, l'entretien ou l'installation des produits aéronautiques, ainsi qu'à l'installation, l'homologation, la certification, l'agrément et l'entretien de l'équipement destiné à fournir des services liés à l'aéronautique;

(a) the accreditation or licensing of

(i) flight crew members, air traffic controllers, operators of equipment used to provide services relating to aeronautics and other persons providing services relating to aeronautics, and

(ii) persons engaged in the design, manufacture, distribution, maintenance, approval, certification or installation of aeronautical products and the installation, maintenance, approval and certification of equipment used to provide services relating to aeronautics;

b) la conception, la construction ou fabrication, le contrôle, l'homologation, l'immatriculation, l'agrément, l'identification et le marquage, la distribution, l'entretien, l'installation et la certification des produits aéronautiques;

(b) the design, manufacture, distribution, maintenance, approval, installation, inspection, registration, licensing, identification and certification of aeronautical products;

c) la conception, l'installation, le contrôle, l'entretien, l'homologation et la certification de l'équipement et des installations destinés à fournir des services liés à l'aéronautique;

(c) the design, installation, inspection, maintenance, approval and certification of equipment and facilities used to provide services relating to aeronautics;

d) l'homologation des équipements de formation aéronautique;

(d) the approval of flight training equipment;

e) les activités exercées aux aérodromes ainsi que l'emplacement, l'inspection, l'enregistrement, l'agrément et l'exploitation des aérodromes;

(e) activities at aerodromes and the location, inspection, certification, registration, licensing and operation of aerodromes;

f) les bruits provenant des aérodromes et des aéronefs;

(f) noise emanating from aerodromes and aircraft;

g) l'agrément des transporteurs aériens;

(g) the certification of air carriers;

h) les conditions d'utilisation des aéronefs et d'exécution de tout acte à bord ou à partir d'aéronefs;

(h) the conditions under which aircraft may be used or operated or under which any act may be performed in or from aircraft;

i) les conditions de transport par aéronef de personnes et de biens - effets personnels, bagages, fret;

(i) the conditions under which persons or personal belongings, baggage, goods or cargo of any kind may be transported by aircraft;

j) les zones d'atterrissage imposées aux aéronefs en provenance de l'étranger et les conditions auxquelles ils sont soumis;

(j) the areas within which aircraft coming from outside Canada are to land and the conditions to which such aircraft are subject;

k) la classification et l'usage de l'espace aérien, ainsi que le contrôle et l'usage des routes aériennes;

(k) the classification and use of airspace and the control and use of aerial routes;

l) l'interdiction de l'usage de l'espace aérien ou d'aérodromes;

(l) the prohibition of the use of airspace or aerodromes;

m) l'interdiction de tout autre acte ou chose qui peut être visée par un règlement d'application de la présente partie;

(m) the prohibition of the doing of any other act or thing in respect of which regulations under this Part may be made;

n) l'application des lois jugées nécessaires à la sécurité des aéronefs et à leur bonne utilisation;

(n) the enforcement of such laws as may be deemed necessary for the safe and proper operation of aircraft;


o) l'utilisation de tout objet susceptible, selon le ministre, de constituer un danger pour la sécurité aéronautique;

(o) the use and operation of any objects that in the opinion of the Minister are likely to be hazardous to aviation safety;p) la préservation et l'enlèvement des aéronefs en cause dans des accidents, y compris les effets personnels, les bagages, le fret et les documents de bord ou autres relatifs à leurs vols, ainsi que leurs pièces, les analyses de ces dernières et la protection des lieux des accidents;

(p) the preservation, protection and removal of aircraft involved in accidents, personal belongings, baggage, goods, cargo of any kind thereon, and of any records pertaining to the aircraft or its flight, the preservation, protection, removal and testing of any part of such aircraft and the protection of sites of aircraft accidents;

q) les enquêtes sur les accidents où sont en cause des aéronefs, les allégations de contraventions à la présente partie ou à ses textes d'application ou les incidents où sont en cause des aéronefs, lesquels incidents ont compromis, selon le ministre, la sécurité des personnes;

(q) the investigation of any accident involving an aircraft, any alleged contravention under this Part or any incident involving an aircraft that, in the opinion of the Minister, endangered the safety of persons;

r) la prise de déclarations par les enquêteurs dans le cadre des enquêtes visées à l'alinéa q);

r) the taking of statements by investigators for the purpose of an investigation referred to in paragraph (q);

s) la tenue et la conservation des dossiers relatifs aux aérodromes, aux activités aéronautiques des titulaires de documents d'aviation canadiens, aux produits aéronautiques, à l'équipement et aux installations destinés à fournir des services liés à l'aéronautique;

(s) the keeping and preservation of records and documents relating to aerodromes, to activities, with respect to aeronautics, of persons who hold Canadian aviation documents and to aeronautical products and equipment and facilities used to provide services relating to aeronautics;

t) la manutention, le marquage, l'entreposage et la livraison des carburants, des lubrifiants et des produits chimiques liés à l'utilisation des aéronefs;

(t) the handling, marking, storage and delivery of fuel and any lubricants or chemicals used during or in connexion with the operation of aircraft;

u) la fourniture d'installations, de services et d'équipement liés à l'aéronautique;

(u) the provision of facilities, services and equipment relating to aeronautics;

v) la fourniture de services météorologiques non fédéraux;

(v) the provision of aviation weather services by persons other than Her Majesty in right of Canada; and

w) la mise en oeuvre de la Convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, dans sa version modifiée.

(w) the application of the Convention on International Civil Aviation signed at Chicago, 7 December 1944, as amended from time to time.


[16]       Les dispositions pertinentes du RAC sont les suivantes :

Exigences relatives à la mise à jour des connaissances

   403.05 (1) Il est interdit au titulaire d'une licence de technicien d'entretien d'aéronefs (TEA) d'en exercer les avantages à moins que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne soit remplie :

a) la licence a été délivrée au cours des 24 mois précédents;

b) le titulaire de la licence a, selon le cas, pendant au moins six mois au cours des 24 mois précédents :

(i) exécuté la maintenance d'aéronefs,

(ii) supervisé l'exécution de la maintenance d'aéronefs,

(iii) supervisé à titre de cadre l'exécution de la maintenance d'aéronefs,

(iv) exercé les fonctions d'instructeur de maintenance d'aéronefs ou supervisé un autre instructeur de maintenance d'aéronefs dans le cadre d'un cours de formation sur la maintenance d'aéronefs dispensé par un organisme de formation agréé.

                     Recency Requirements

   403.05 (1) No holder of an aircraft maintenance engineer (AME) licence shall exercise the privileges of the licence unless

(a) the licence was issued within the preceding 24 months; or

(b) the holder of the licence has, for at least six months within the preceding 24 months,

(i) performed aircraft maintenance,

(ii) supervised the performance of aircraft maintenance,

(iii) supervised in an executive capacity the performance of aircraft maintenance, or

(iv) served as an aviation maintenance instructor or supervised another aviation maintenance instructor in an aircraft maintenance training course provided by an approved training organization.

   (2) Le titulaire d'une licence TEA qui ne se conforme pas au paragraphe (1) doit remettre ses connaissances à jour conformément aux normes énoncées au chapitre 566 du Manuel de navigabilité avant d'exercer les avantages de la licence.

   (2) The holder of an AME licence who is not in compliance with subsection (1) shall regain currency in accordance with the standards set out in Chapter 566 of the Airworthiness Manual prior to exercising the privileges of the licence.

[17]       Les dispositions pertinentes du Manuel de licences du personnel sont les suivantes :

19.            Expérience récente

Il est interdit à un technicien d'entretien d'aéronef d'exercer les privilèges de sa licence ou de la renouveler, sauf si, durant les 24 mois précédents, il a satisfait à l'une des conditions suivantes :

a)             a acquis au moins six mois d'expérience dans l'exécution des activités relatives à la supervision, à la gestion, à l'enseignement ou à l'étude de la maintenance aéronautique;

b)              a acquis au moins six mois d'expérience en tant que mécanicien navigant;

c)             a réussi l'examen de Transports Canada portant sur le Règlement de l'air.

[. . .]

[18]       Les dispositions pertinentes du l'Arrêté concernant les licences de mécanicien d'entretien d'aéronef sont les suivantes :


                                        Avantages

   4. Sous réserve des articles 6 et 7, le titulaire d'une licence portant une annotation pour un type d'aéronef peut :

a) certifier l'état de navigabilité ou le bon état de service d'un aéronef de ce type, de l'une de ses pièces ou de l'un de ses éléments constitutifs;

b) certifier qu'un aéronef de ce type, l'une de ses pièces ou l'un de ses éléments constitutifs peut être remis en service après avoir fait l'objet de travaux d'entretien.

                                        Privileges

   4. Subject to sections 6 and 7, a licence holder whose licence is endorsed for a type of aircraft may

(a) certify an aircraft of that type or a part or component part thereof as airworthy or serviceable, as the case may be; or

(b) certify an aircraft of that type or a part or component part thereof for return to service following maintenance performed on that aircraft, part or component part thereof.




     5. Sous réserve des articles 6 et 7, le titulaire d'une licence portant une annotation pour un type de matériel aéronautique peut :

a) certifier qu'un matériel aéronautique de ce type, l'une de ses pièces ou l'un de ses éléments constitutifs :

(i) soit est en état de navigabilité,

(ii) soit peut être remis en service après avoir fait l'objet de travaux d'entretien;

b) certifier qu'un aéronef peut être remis en service après qu'un matériel aéronautique de ce type, l'une de ses pièces ou l'un de ses éléments constitutifs a fait l'objet de travaux d'entretien.

[. . .]

5. Subject to sections 6 and 7, a licence holder whose licence is endorsed for a type of aeronautical product may

(a) certify an aeronautical product of that type or a part or component part thereof

(i) as airworthy, or

(ii) for return to service following maintenance performed on that aeronautical product, part or component part thereof; or

(b) certify an aircraft for return to service following maintenance performed on an aeronautical product of that type or a part or component part thereof.

   [. . .]                         Expérience récente

   7. Il est interdit au titulaire d'une licence d'exercer les avantages visés aux articles 4 ou 5 relativement à un aéronef, à l'une de ses pièces ou à l'un de ses éléments constitutifs, ou relativement à un matériel aéronautique, à l'une de ses pièces ou à l'un de ses éléments constitutifs, à moins d'avoir accompli, pendant au moins six mois au cours des 24 derniers mois, des travaux ou des fonctions de supervision, de formation ou de gestion liés à l'entretien d'aéronefs ou de matériels aéronautiques.

                             Currency of Experience

   7. No licence holder shall exercise the privileges set out in section 4 or 5 in respect of an aircraft, a part or component part thereof, an aeronautical product, or a part or component part thereof unless the licence holder has been engaged, for a period of six months or more in the period of 24 months immediately preceding that time, in the performance, supervision, instruction or management of the maintenance of aircraft or aeronautical products.


Les questions en litige

1.         L'article 403.05 du RAC (et par conséquent tous les avis de révocation d'avantages émis en application de cet article) est-il invalide en raison de l'application de la doctrine de l'attente légitime, parce que le gouvernement fédéral a omis de consulter la demanderesse sur des modifications importantes apportées à cette disposition, en contravention du Projet de réglementation fédérale et de la Charte de gestion et procédures du CCRAC?

2.         Subsidiairement, la Cour peut-elle délivrer un bref de mandamus forçant Transports Canada à entamer un nouveau processus de consultation et à donner ainsi à toutes les parties intéressées, et plus particulièrement la demanderesse et les mécaniciens qui en sont membres, la possibilité de se faire entendre sur le projet de modification des exigences relatives à la mise à jour des connaissances s'appliquant à une licence de TEA, conformément au Projet de réglementation fédérale et à la Charte de gestion et procédures du CCRAC?

3.         L'article 403.05 du RAC peut-il être interprété de manière à reconnaître que les mécaniciens navigants de la demanderesse satisfont à toutes les exigences et que par conséquent il devrait leur être légitimement permis de continuer d'exercer l'avantage de signer les certifications après maintenance?

Analyse

Première question

[19]       La demanderesse soutient que le Projet de réglementation fédérale et la Charte de gestion et procédures du CCRAC, qui comportent des directives pour une consultation obligatoire, créent une attente légitime. Les défendeurs allèguent, premièrement, que l'industrie a été consultée, comme en fait foi le REIR de septembre 1995 et d'octobre 1996. Cependant, même si l'industrie n'avait pas été consultée, cette doctrine ne s'applique pas aux directives.


[20]       L'arrêt Martineau et al. c. Le Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118, a établi que les directives de politique, qu'elles aient été adoptées suivant un pouvoir réglementaire ou une capacité administrative générale, ne sont rien de plus que des lignes directrices et que le public ne peut pas en exiger l'application. La Cour suprême du Canada a aussi statué que des lignes directrices ne devraient pas être élevées au rang d'une législation, statut qui pourrait limiter l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi (voir par exemple Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 6 et 7). Dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et al., [1980] 2 R.C.S. 735, à la page 757, la Cour suprême du Canada a adopté le commentaire suivant, fait par le juge Megarry dans Bates c. Lord Hailsham, [1972] 1 W.L.R. 1373, à la page 1378 :

[traduction]

Admettons que dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale d'agir équitablement. Mais cela ne me paraît pas s'appliquer au processus législatif, qu'il s'agisse de lois ou de législation déléguée. Plusieurs de ceux que la législation déléguée concerne, et souvent de façon très importante, ne sont jamais consultés au cours de son processus d'adoption; et pourtant ils n'ont aucun recours [...] Il n'existe, que je sache, aucun droit implicite d'être consulté ou de présenter des objections, ni aucun principe en vertu duquel les tribunaux peuvent donner des ordres au pouvoir législatif à la demande de ceux qui prétendent qu'il n'a pas consacré un temps suffisant à la consultation et à l'étude de la question.

(Non souligné dans l'original.)


[21]       Les deux parties invoquent l'arrêt Apotex c. Canada (Procureur général), [2000] 4 C.F. 264 (C.A.), en ce qui concerne la question de l'attente légitime. Premièrement, je dois souligner que la différence entre l'espèce et Apotex, précité, vient du fait que, dans Apotex, le ministre avait pris un engagement politique personnel de consulter avant de prendre le règlement, alors que, en l'espèce, comme le fait remarquer le défendeur, le Procureur général du Canada, le ministre des Transports, n'a pris aucun engagement de ce genre. Dans l'arrêt Apotex, les juges Décary et Sexton, même s'ils avaient adopté les motifs du juge Evans, n'étaient pas d'accord avec lui sur la question du manquement à l'engagement de consulter l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques avant la prise du règlement. Les juges Décary et Sexton avaient exprimé de graves réserves quant à l'application de la doctrine de l'attente légitime à l'exercice par le Cabinet de ses pouvoirs de réglementation, considérant que le pouvoir judiciaire devrait hésiter à intervenir de façon à imposer ses propres restrictions procédurales à l'égard du processus de réglementation du gouverneur en conseil. Quoi qu'il en soit, les commentaires du juge Evans sur ce point semblent être l'expression d'une opinion incidente. L'autorisation de se pourvoir contre cette décision à la Cour suprême du Canada a été refusée.

[22]       La Cour suprême du Canada a mentionné l'arrêt Apotex, précité, dans son arrêt Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281, à la page 306 :

La seconde restriction veut qu' « on ne [puisse] soumettre à la surveillance judiciaire les organismes publics qui exercent des fonctions de nature législative » (p. 558 (je souligne)). Le Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada portait sur l'application de la théorie de l'expectative légitime au législateur dans les cas où la retenue judiciaire s'impose clairement. Il peut être difficile, dans d'autres contextes, de déterminer quand l'exception législative s'applique et quand elle ne s'applique pas, comme cela a été débattu en Cour d'appel fédérale dans l'affaire Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [2000] 4 C.F. 264, notamment dans les motifs du juge Evans, aux par. 105 et suiv. Cette question reste à trancher.

[23]       Comme l'a dit le juge Senécal de la Cour supérieure du Québec dans la décision Le Conseil du patronat du Québec Inc. et al. c. Le Procureur général du Québec et al., [2003] R.J.Q. 3154, je ne crois pas que l'arrêt Apotex, précité, ait changé, en ce qui a trait à la doctrine de l'attente légitime, le droit applicable au pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil. Je fais mien le commentaire suivant qu'il a fait à la page 3167 :

[87] La décision de la Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Procureur général du Canada [[2000] 4 C.F. 264 (C.A.F.)] n'a pas changé l'état du droit sur cette question. Même si M. le juge Evans y indique que, suivant son appréciation, la théorie de l'expectative légitime devrait s'appliquer au pouvoir législatif délégué, cette façon de voir a été rejetée par ses deux collègues majoritaires, les juges Décary et Sexton. La Cour suprême a refusé la permission d'en appeler de cette décision alors que l'on souhaitait expressément débattre de la question de savoir « si la doctrine de l'expectative légitime peut être appliquée au pouvoir législatif délégué » .


[88] Contrairement à ce qu'affirment les demandeurs, la jurisprudence est très claire que les principes qui ont été émis par la Cour suprême quant à la non-application de la théorie de l'expectative légitime et des règles de justice naturelle ou d'équité procédurale à l'exercice d'un pouvoir législatif valent entièrement à l'égard du pouvoir de législation délégué, donc à l'égard du pouvoir réglementaire.

[24]       En l'espèce, j'estime que l'industrie a été convenablement consultée avant l'adoption de l'article 403.05 du RAC, comme en fait foi le REIR de septembre 1995 et d'octobre 1996. Quoi qu'il en soit, l'article 4.9 ne renferme aucune exigence d'une consultation avec les intéressés faite préalablement à l'adoption d'un règlement. L'article 4.9 confère un pouvoir discrétionnaire au gouverneur en conseil et, par conséquent, la Cour doit faire preuve d'une grande retenue. Le public ne peut pas exiger l'application des directives de politique énoncées dans le Projet de réglementation fédérale et la Charte de gestion et procédures du CCRAC. Je suis d'avis, par conséquent, qu'on ne pouvait pas s'attendre légitimement à être consulté et que l'article 403.05 du RAC n'est pas invalide.

Deuxième question

[25]       Pour que la Cour puisse délivrer un bref de mandamus, la demanderesse devait satisfaire à toutes les exigences énoncées dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.). Ces exigences sont les suivantes :

1.         Il doit exister une obligation légale d'agir qui ait un caractère public.

2.         L'obligation doit exister envers le requérant.

3.         Il doit exister un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation.

4.         Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, il faut prendre en considération la nature du pouvoir discrétionnaire et la manière dont il doit être exercé.

5.         Le requérant n'a aucun autre recours.

6.         Le bref sollicité aura une incidence sur le plan pratique.

7.         Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que rien ne l'empêche, en vertu de l'equity, d'accorder la réparation demandée.


8.         Compte tenu de la « prépondérance des inconvénients » , le bref de mandamus devrait être accordé.

[26]       Vu la conclusion tirée plus tôt selon laquelle le gouverneur en conseil n'a ici aucune obligation légale de consulter avant de prendre un règlement, comme par exemple l'article 403.05 du RAC, il ressort clairement que la demanderesse n'a pas satisfait à toutes les exigences énoncées dans l'arrêt précité et que, par conséquent, la Cour ne doit pas délivrer le bref de mandamus que la demanderesse sollicite.

Troisième question

[27]       L'article 403.05 du RAC étant valide, je suis d'avis que la Cour ne doit pas trancher s'il peut être interprété de manière à permettre aux mécaniciens navigants de continuer à signer les certifications après maintenance. Seuls les titulaires des licences de TEA, comme l'établit l'article 571.11 du RAC, peuvent signer ces certifications. L'article 403.05 porte précisément sur ce qui est requis d'une personne pour qu'elle puisse continuer d'exercer ses avantages de TEA. Je suis d'avis que la question n'est pas une question d'interprétation de l'article, qui est clair. Il appert plutôt que la demanderesse veut que la Cour décide que les facteurs que Transports Canada utilise pour déterminer ce qui constitue des connaissances à jour ne sont pas raisonnables et que les mécaniciens navigants ont toutes les compétences pour signer les certifications après maintenance.


[28]       Me fondant sur le critère dégagé dans l'arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, je conclus que la norme de contrôle qui s'applique à cette troisième question est la décision manifestement déraisonnable. Bien que la Loi ne comporte pas de clause privative, le règlement a pour objectif la sécurité du public et ne vise pas les droits de la demanderesse. Transports Canada est davantage en mesure de savoir ce qui doit être exigé des mécaniciens navigants en matière de sécurité et de maintenance des aéronefs que l'est la Cour : il s'agit là bien plus d'une question de fait que d'une question de droit. Par conséquent, il faut faire preuve de retenue quant au pouvoir de Transports Canada de déterminer quelles sont les exigences auxquelles les titulaires de licences de TEA doivent se conformer en matière de mise à jour des connaissances pour conserver leur licences et si ces exigences sont satisfaites.

Conclusion

[29]       Pour les motifs qui précèdent, la demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale est rejetée, avec dépens.

                                                                                                                                   _ Yvon Pinard _                

                                                                                                                                                     Juge                         

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                      T-1701-02

INTITULÉ :                                                     ASSOCIATION DES PILOTES DE LIGNES INTERNATIONALES

c.

FRANCESCO URBINO, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et AIR TRANSAT

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE 4 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                LE JUGE PINARD

DATE :                                                             LE 4 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Philippe Vachon

Gassim Bangoura                                               POUR LA DEMANDERESSE

Louise Béchamp                                                POUR LES DÉFENDEURS

FRANCESCO URBINO et AIR TRANSAT

Linda Mercier                                                    POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BORDEN, LADNER, GERVAIS                     POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

FASKEN, MARTINEAU, DUMOULIN         POUR LES DÉFENDEURS

Montréal (Québec)                                            FRANCESCO URBINO et AIR TRANSAT

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Montréal (Québec)


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