Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010813

Dossier : T-1115-00

Référence neutre : 2001 CFPI 878

Ottawa (Ontario), le lundi 13 août 2001

EN PRÉSENCE DE :      Mme le juge Dawson

ENTRE :

                     LE CAPORAL KEVIN DAVID FLOOD

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                  demandeur

                                                         et

                 LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la question de savoir si le demandeur, le caporal Flood, est une personne à qui le processus de Rapport sur le rendement en vue d'une promotion « cause un préjudice » qui lui accorderait la qualité pour présenter un grief en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi).


LES FAITS

[2]    En décembre 1997, un nouveau processus de promotion au poste de sous-officier a été mis en oeuvre par la GRC (la Force). Au coeur de ce processus, on trouve l'obligation pour tous les membres demandant une promotion de remplir un Rapport sur le rendement en vue d'une promotion (RRP) fondé sur huit compétences de base que l'on dit communes à tous les postes dans la Force (par exemple, le leadership). Les membres devaient fournir dans le RRP deux exemples vérifiables de leur rendement pour chacune des huit compétences de base.

[3]    Une brochure expliquant le processus, distribuée par la Force, indique qu'une fois le RRP rempli par le membre et soumis au supérieur, ce dernier devait y insérer une note recommandée pour chaque domaine de compétence. Tous les superviseurs devaient suivre une formation sur l'utilisation du RRP pour évaluer le rendement.

[4]    Une fois que le superviseur avait rempli la section des notes recommandées, il devait rencontrer le membre pour en discuter. Une fois les notes recommandées dûment signées par le superviseur et le candidat, le RRP était transmis pour examen à un comité d'examen du rendement (CER), divisionnaire ou régional.


[5]                 Les CER avaient pour tâche d'assurer une approche normalisée à la notation du rendement et d'attribuer la note finale aux candidats. Le CER devait confirmer ou modifier les notes recommandées par le superviseur.

[6]                 Les notes de rendement d'un candidat au RRP étaient alors converties en valeur numérique. Les candidats recevaient aussi une note suite à un exercice de simulation du travail. Les deux notes étaient combinées, chacune comptant pour 50 p. 100 de la note de promotion. Finalement, les membres étaient mis sur une liste en fonction des notes finales.

[7]                 Le caporal Flood a participé à ce processus. Au début du processus, le caporal Flood était en poste à la Division Dépôt, à Regina (Saskatchewan). Toutefois, il a été transféré à la Section des délits commerciaux à Calgary, dans la Division K, au cours du cycle de promotion.

[8]                 Après que le processus de promotion eut été complété, le caporal Flood a présenté un grief en juillet 1998. Dans son grief, le caporal Flood soutient que :

[Traduction]

Les notes RRP présentées par les caporaux de la Division Dépôt sont, en moyenne, les plus basses parmi les 15 divisions participant au processus. La division qui a les deuxièmes notes plus basses en moyenne est le siège social. Chaque division à travers le pays a utilisé ses propres CER, chacun devant être formé pour utiliser les mêmes paramètres.


Les erreurs systémiques qui se sont produites par suite du processus utilisé dans la préparation des Rapports sur le rendement en vue d'une promotion (RRP) et dans le déroulement des Comités d'examen du rendement (CER) m'ont causé un préjudice. Il s'agit là de deux lacunes majeures dont les conséquences sont les mêmes, savoir que mes chances de promotion au cours du cycle de promotion actuel ont été diminuées.

[9]                 Le caporal Flood se plaignait de deux erreurs spécifiques dans le processus RRP. Premièrement, il y avait un problème systémique dans l'incapacité du système à accommoder une variété d'environnements de travail. Le caporal Flood soutient que les exemples RRP de nature administrative utilisés par les membres n'ont pas reçu le même poids que les exemples opérationnels utilisés par les membres exerçant des fonctions de police.

[10]            Deuxièmement, le caporal Flood se plaignait que la Force aurait commis une autre erreur en ne tenant pas compte des différences entre les RRP par suite de l'absence de normalisation des notes RRP pour chacune des divisions de la Force.

[11]            En conséquence, le caporal Flood soutient que ces erreurs font qu'il ne pouvait entrer en concurrence de façon équitable avec les participants à l'extérieur de la Division Dépôt. Selon le caporal Flood, ceci aurait gravement diminué ses possibilités de promotion.


[12]            Suite au dépôt du grief, il a été renvoyé à un arbitre au premier niveau pour obtenir une décision au sujet de la qualité du caporal Flood pour présenter un grief. Cette étape a été réalisée avant qu'on ne transmette au caporal Flood les documents relatifs à son grief, comme on peut le voir dans la note de service du 18 mars 1999 en provenance de la personne devant répondre au grief, où une demande est présentée au sujet de la qualité pour agir.

[13]            L'arbitre au premier niveau a rejeté le grief au motif qu'il ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 31(1) de la Loi et que le caporal Flood l'avait présenté hors délai.

[14]            Le caporal Flood a demandé que cette décision soit transmise à un arbitre au deuxième niveau pour examen.

[15]            L'arbitre au deuxième niveau a rejeté le grief du caporal Flood au motif qu'il n'avait pas qualité pour agir. L'arbitre au deuxième niveau a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la question de savoir si le grief avait été présenté hors délai.

[16]            La présente demande de contrôle judiciaire, déposée par le caporal Flood, porte sur la décision de l'arbitre au deuxième niveau.

QUESTION PRÉLIMINAIRE AU SUJET DE LA PREUVE

[17]            Le défendeur exprime des objections suite au fait que le caporal Flood a présenté en preuve pour le contrôle judiciaire par la Cour des éléments qui n'étaient pas devant le tribunal. J'ai entendu les arguments préliminaires à ce sujet.


[18]            Au cours de l'exposé de ces arguments, le défendeur a soutenu que la Cour ne devrait tenir aucun compte des pièces A, B, et I annexées à l'affidavit du caporal Flood, non plus qu'aux parties du corps même de l'affidavit qui traitaient de ces pièces. Le caporal Flood n'a pas contesté cette position en ce qu'il s'agit des pièces A et B, mais il l'a contestée en ce qu'il s'agit de la pièce I. Le caporal Flood a soutenu que ces renseignements étaient soumis à l'arbitre.

[19]            La pièce I était une mise à jour sur la situation au sein de la Division E, qui décrivait comment cette division traitait les membres dont les notes RRP avaient été modifiées par plus d'un certain pourcentage. On y trouvait aussi des renseignements prétendument en provenance de la personne qui avait conçu le processus RRP. Selon le caporal Flood, le fait que ces renseignements étaient soumis à l'arbitre au deuxième niveau était confirmé par sa réponse au grief au premier niveau, qui faisait état du traitement accordé par la Division E à la question de la qualité pour agir, ainsi que par le commentaire de l'arbitre au deuxième niveau dans sa décision portant qu'une division ne pouvait renoncer à l'exigence de la qualité pour agir.


[20]            À la conclusion des plaidoiries sur la question préliminaire, j'ai conclu que le contenu des pièces A et B ne pouvait être utilisé. Étant donné que j'étais convaincue que l'arbitre au deuxième niveau avait une certaine connaissance de ce qui s'était passé à la Division E, ou de la documentation à cet égard, j'ai déclaré qu'on pouvait faire état de ces faits à l'audience. J'ai toutefois réservé ma décision sur la question de savoir dans quelle mesure les mentions portant sur le traitement des griefs par la Division E étaient pertinentes et admissibles, ainsi que sur la question de savoir jusqu'où les renseignements en provenance de la personne qui avait conçu le processus RRP étaient admissibles.

[21]            Après avoir entendu les arguments des parties, je suis toujours convaincue que l'arbitre au deuxième niveau était au courant qu'on avait reconnu au sein de la Division E l'existence de la qualité pour agir lorsqu'une note RRP avait été modifiée de façon importante par un superviseur et qu'il a tenu compte de ce fait. Il s'ensuit que c'est à bon droit que cette preuve a été soumise à la Cour. Je ne trouve toutefois pas que cette preuve soit très utile. Je partage l'avis de l'arbitre au deuxième niveau qui veut que la qualité pour agir est une exigence de la loi à laquelle une division ne peut faire exception. La façon dont une division traite les griefs n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de savoir si le membre de la Force en cause ici satisfait aux exigences de l'article 31 de la Loi. Je n'ai pas été convaincue que les renseignements en provenance du concepteur du processus avaient été présentés à l'arbitre au deuxième niveau et je n'en ai donc pas tenu compte. Ces renseignements n'auraient pas dû être inclus au dossier déposé à la Cour.


LA LÉGISLATION PERTINENTE

[22]            L'exigence d'avoir la qualité pour présenter un grief se trouve au paragraphe 31(1) de la Loi, qui est rédigé comme suit :


31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), un membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue à la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice. [Le souligné est de moi.]

31. (1) Subject to subsections (2) and (3), where any member is aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Force in respect of which no other process for redress is provided by this Act, the regulations or the Commissioner's standing orders, the member is entitled to present the grievance in writing at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Part. [underlining added]


LA DÉCISION DE L'ARBITRE AU DEUXIÈME NIVEAU

[23]            Voici les parties pertinentes de la décision de l'arbitre au deuxième niveau :

[Traduction]

La personne s'estimant lésée fait état de deux sources de préjudice. La première serait « le problème systémique dans l'incapacité du système à accommoder une variété d'environnements de travail, en ce que les exemples RRP de nature administrative utilisés par les membres n'ont pas reçu le même poids que les exemples opérationnels utilisés par les membres exerçant des fonctions de police » . La personne s'estimant lésée soutient que la moyenne des notes RRP dans les divisions Dépôt, RCN, et Siège social vient appuyer sa déclaration. Il y aurait donc un biais systémique à l'encontre des membres ayant des fonctions administratives. La deuxième cause de préjudice serait l'absence de normalisation. La personne s'estimant lésée prétend que les notes devraient être normalisées d'une division à l'autre. La réparation recherchée était double : que les notes RRP de la Division Dépôt soient correctement évaluées et que les notes des différents CER de la Force soient normalisées (au moins pour chaque division).

[...]


La personne s'estimant lésée est tout à fait dans la même situation qu'un membre qui veut présenter un grief au sujet d'une exigence linguistique parce qu'il est en désaccord avec elle. La personne s'estimant lésée n'a pas démontré comment le prétendu biais systémique contre les membres qui ont des fonctions administratives ou l'absence de normalisation l'affectait personnellement. On ne m'a présenté aucune preuve de l'existence d'un préjudice personnel. J'ai tenu compte du fait que la Division Dépôt est une petite division. Le GR porte que quinze caporaux de la Division Dépôt se trouvent dans les vingt-cinq percentiles supérieurs de la liste nationale de promotion à sergent, quatre d'entre eux étant dans les dix percentiles supérieurs. Je ne sais pas si la personne s'estimant lésée a eu de bonnes ou de mauvaises notes, ou si elle n'aurait présenté que des exemples de nature administrative (ce que peuvent faire aussi les membres exerçant des fonctions de police), ou si son RRP a reçu une note faible du fait de ses fonctions actuelles. En d'autres mots, la personne s'estimant lésée soutient qu'il y a un biais systémique et elle énonce son désaccord, sans faire le lien entre la prétendue erreur et un préjudice personnel.

Au sujet de la normalisation, l'absence de qualité pour agir est encore plus claire. Il ressort que la personne s'estimant lésée n'est pas d'accord avec la politique actuelle sur la normalisation. Elle n'a toutefois pas démontré l'existence d'un préjudice personnel. L'utilisation générale de la normalisation place tout le monde sur un pied d'égalité, y compris les gens qui ont reçu à bon droit de très faibles notes. Elle peut aussi faire que des membres qui ont reçu de très bonnes notes les voient diminuer, même s'ils méritaient ces bonnes notes. En l'instance, la personne s'estimant lésée n'a pas démontré en aucune façon comment elle était affectée.

Ceci suffit pour conclure que la personne s'estimant lésée n'a pas qualité pour agir.

[...]

La personne s'estimant lésée n'a pas fait état de sa note personnelle et elle n'a pas démontré comment elle avait été affectée personnellement d'une façon non équitable. La personne s'estimant lésée n'a présenté aucun argument visant à démontrer pourquoi ses notes RRP dans l'une ou l'autre des compétences auraient été erronées. [souligné dans l'original]

LES QUESTIONS EN LITIGE

[24]            La demande de contrôle judiciaire du caporal Flood soulève trois questions :

1.          L'arbitre au deuxième niveau a-t-il commis une erreur de droit en décidant que le demandeur n'avait pas subi un préjudice personnel au sens du paragraphe 31(1) de la Loi?


2.          L'arbitre au deuxième niveau a-t-il commis une erreur de droit en n'examinant pas la question de savoir si le demandeur avait présenté son grief dans le délai fixé par le paragraphe 31(2) de la Loi?

3.          À supposer que l'arbitre au deuxième niveau ait commis une erreur de droit en n'examinant pas la question du délai, y a-t-il lieu de délivrer une ordonnance de mandamus pour obliger la GRC à examiner le grief du demandeur au fond?

LA NORME DE CONTRÔLE

[25]            Les parties ne s'entendaient pas sur la norme de contrôle appropriée. Le caporal Flood soutient que la norme de contrôle est celle de la décision correcte, étant donné que la décision de l'arbitre porte sur une question de compétence.

[26]            Pour sa part, le défendeur soutient, en se fondant sur l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter. Subsidiairement, il soutient que la norme appropriée est celle de la décision correcte.


[27]            L'analyse pragmatique et fonctionnelle qui permet de déterminer la norme de contrôle exige la prise en considération des facteurs suivants : la présence d'une clause privative, l'expertise du décideur, l'objet de la Loi dans son ensemble et de la disposition en cause, et la nature du problème.

[28]            En appliquant chacun de ces facteurs, on voit qu'une certaine retenue judiciaire s'impose du fait que le paragraphe 32(1) de la Loi porte que le contrôle judiciaire ne s'applique qu'aux décisions prises au dernier niveau de la procédure de grief.

[29]            L'expertise relative du décideur est le facteur le plus important. Je ne peux conclure que la décision au sujet de la qualité pour agir suppose des connaissances spécialisées chez l'arbitre au deuxième niveau, par rapport à l'expertise de la Cour. L'expertise est liée de très près à la nature du problème. En l'instance, la question de la qualité pour agir est une question mixte de fait et de droit, mais elle est surtout une question de droit qui suppose des conclusions de fait. La résolution de cette question peut avoir un impact jurisprudentiel sur les décisions à venir. Le manque d'expertise relative et la valeur jurisprudentielle sont deux facteurs qui suggèrent une moins grande retenue judiciaire.


[30]            Finalement, lorsqu'il s'agit de l'objet de la Loi dans son ensemble et de l'article 31 en particulier, il faut souligner que la Loi réglemente en partie les droits des membres de la Force et qu'elle confère un droit de présenter des griefs aux membres de la Force. La question de la qualité pour agir n'est pas polycentrique. Ce facteur va donc aussi dans le sens d'une moins grande retenue judiciaire.

[31]            Le résultat de l'application de ces facteurs afin de déterminer la norme de contrôle appropriée n'est pas toujours parfaitement clair ou manifeste. Toutefois, l'application de ces facteurs à la décision présentée au contrôle m'amène à conclure que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

ANALYSE

[32]            Il n'y a guère de conflit entre les parties quant à savoir ce que comprend en droit l'exigence qu'un membre ait subi un préjudice. Les parties conviennent qu'il suffit que la décision, l'acte ou l'omission sur lequel porte la plainte ait eu un impact personnel négatif sur le membre. Les parties ont aussi convenu que l'exigence de la qualité pour agir n'est pas lourde.

[33]            La Loi confie au Comité externe d'examen de la GRC (CEE) la responsabilité d'examiner certains griefs. Le CEE a constitué une jurisprudence où elle interprète l'exigence d'avoir qualité pour agir. Les deux parties ont renvoyé notre Cour à des décisions du CEE, et l'arbitre au deuxième niveau s'est aussi appuyé sur la jurisprudence du CEE.


[34]            Dans la décision 2800-92-001, le CEE a examiné la question de la qualité pour agir dans le cadre d'un grief portant sur les exigences linguistiques aux fins de la dotation d'un poste donné. Voici ce que le CEE déclare à ce sujet, en enlevant les parties de ses motifs nécessaires pour préserver la confidentialité :

Dans le contexte relativement informel de la procédure applicable aux griefs prévue par la Loi, il n'est pas question de faire cette preuve d'une manière officielle ou rigoriste à un point tel qu'il serait difficile pour les requérants de s'acquitter du fardeau de cette preuve; dans la présente affaire, pour prouver qu'il avait qualité pour agir, le requérant aurait pu indiquer simplement :

-                 qu'il a posé sa candidature au poste, mais que celle-ci a été rejetée parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques;

-                 qu'il voulait poser sa candidature au poste, mais qu'il hésitait à le faire parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques.

Je souligne qu'il ne s'agit là que d'exemples de ce qui pourrait constituer une preuve de préjudice à l'endroit du requérant. Cependant, le dossier qui m'a été présenté ne contient pas le moindre élément de preuve quant à la qualité du requérant pour agir, pas plus que le requérant n'a prouvé de toute autre manière qu'il a subi un préjudice.

Évidemment, je suis consciente du fait que le requérant est un _______ et qu'il est le s.-off. resp. du détachement et que le poste qu'il conteste - un poste de ___________________________ - représente pour lui une belle occasion d'obtenir une promotion. Toutefois, je suis d'avis que cette hypothèse ne constitue pas un motif suffisant pour établir la qualité du requérant pour agir : on conclurait à la légère en supposant que le requérant est apte à être promu, qu'il est intéressé au poste et qu'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques du simple fait que le poste de _______ représente pour lui une belle occasion d'obtenir une promotion. [texte original]

[35]            Voici ce qu'a déclaré le CEE dans sa décision 3300-93-014 :

Les droits du membre doivent être en cause pour que ce dernier ait qualité pour agir, mais il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une question concernant le fond du grief. La question de savoir si un membre a effectivement un droit particulier dans une situation donnée, droit qui devrait être confirmé, est une question concernant le fond, et non une question préliminaire concernant la qualité pour agir.

[...]


Ce n'est pas parce que la Gendarmerie affirme qu'elle applique une politique de la Gendarmerie qu'un membre ne peut subir un préjudice. L'obligation de subir un « préjudice » n'empêche pas le membre de contester la validitéou l'interprétation de la politique de la Gendarmerie; elle exige uniquement que le membre ait un intérêt personnel dans l'affaire. En outre, la question de savoir si le requérant peut avoir gain de cause en contestant une politique de la Gendarmerie afin de faire prévaloir les droits qu'il affirme avoir est une question concernant le fond du grief, et non la qualité pour agir. Je conclus donc que le requérant a qualité pour agir. [souligné dans l'original]

[36]            Je tire les principes suivants de ces décisions. La personne s'estimant lésée doit démontrer qu'elle a qualité pour agir. S'il n'y a pas de motifs suffisants pour démontrer la qualité pour agir, on ne peut la présumer. Lorsqu'un membre conteste une politique de la Force, il doit démontrer que cette politique a un impact personnel négatif sur lui.

[37]            Au vu de ces principes, qui selon moi reflètent correctement le concept qui sous-tend l'exigence qu'il y ait un préjudice, j'ai conclu que l'arbitre au deuxième niveau n'a pas commis d'erreur en déclarant que le caporal Flood n'avait pas qualité pour présenter son grief.

[38]            Pour arriver à cette conclusion, j'ai tenu compte des éléments suivants.

[39]            Au tout début, l'arbitre a examiné les deux motifs de plainte et indiqué, à bon droit, qu'ils soulevaient d'abord un biais systémique à l'encontre des membres dans de fonctions administratives et, ensuite, l'absence d'un mécanisme de normalisation. L'arbitre a ensuite examiné la réparation demandée par le caporal Flood dans son grief. Voici en quoi consistait cette réparation :


[Traduction]

Que les notes RRP de la Division Dépôt soient correctement évaluées sans préjudice et que l'on procède à une normalisation des notes des divers CER de la Force. Si on ne peut normaliser les RRP en utilisant les notes des individus, on devrait au moins le faire au niveau des divisions.

[40]            Rien dans cette demande de réparation n'est lié spécifiquement à la situation du caporal Flood et on ne trouve aucune affirmation que sa situation serait meilleure si la réparation demandée était accordée.

[41]            L'arbitre a ensuite souligné que le membre n'avait présenté aucune preuve qu'il aurait subi un préjudice personnel et qu'il n'avait fait aucun lien entre les erreurs prétendues et le préjudice en question. J'ai examiné avec attention l'utilisation du mot « preuve » par l'arbitre. Je conclus que l'arbitre n'examinait pas le fond du grief, mais qu'il cherchait seulement à trouver des allégations qui auraient précisé quel était l'impact sur le membre.


[42]            À ce sujet, le caporal Flood n'a pas affirmé qu'il avait donné des exemples de nature administrative méritant une note plus élevée s'ils avaient été correctement évalués. Le caporal Flood a simplement fait l'hypothèse que, comme la Division Dépôt avait les moins bonnes statistiques RRP en moyenne, il devait y avoir une erreur dans le processus. Il aurait fallu en déduire que ces erreurs avaient eu un impact négatif sur le caporal Flood. Toutefois, une analyse statistique ne peut en soi démontrer l'existence d'une erreur précise liée au RRP du caporal Flood et son grief ne fait état d'aucune erreur spécifiquement liée à son RRP. Aucune contestation n'a été présentée quant aux notes accordées au caporal Flood par le CER. Le grief ne dit pas si la note recommandée par le superviseur du caporal Flood a été augmentée, diminuée ou maintenue par le CER.

[43]            Au sujet de la question de la normalisation, le caporal Flood a tout simplement affirmé qu'il n'était pas [Traduction] « du tout correct de croire que tous les CER pouvaient évaluer quelque 1 825 RRP de caporaux avec le même niveau de connaissance pour arriver à leurs conclusions et que tous les CER utilisaient et appliquaient les règles de la même façon » . Il s'appuyait sur le fait qu'il avait changé de division pour établir sa qualité pour agir. Toutefois, c'est avec raison que l'arbitre a conclu que cette simple allégation ne venait établir aucun préjudice personnel, ni même affirmer qu'il en existait un.

[44]            Au vu de ces déficiences, l'arbitre a conclu que le grief ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 31(1) de la Loi. Selon moi, cette conclusion est la bonne.

[45]            Une fois que l'arbitre a conclu, avec raison, que le caporal Flood n'avait pas démontré qu'il avait qualité pour présenter un grief, je suis d'avis qu'il n'était pas obligé d'examiner si le grief avait été présenté hors délai. L'arbitre n'a commis aucune erreur en n'examinant pas cette question.


[46]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[47]            Le défendeur n'ayant pas demandé les dépens, il n'y en aura pas d'adjugés.

ORDONNANCE

[48]            LA COUR ORDONNE QUE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans adjudication de dépens.

Eleanor R. Dawson

                                                                                                                                Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                          T-1115-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       Le caporal Kevin David Flood c.

Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 28 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE Mme LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :                                                               13 août 2001

ONT COMPARU

Le caporal Kevin David Flood                           POUR LE DEMANDEUR

M. Ken Mannig                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le caporal Kevin David Flood                           POUR LE DEMANDEUR

Okotoks (Alberta)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Edmonton (Alberta)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.