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Date : 20020304

Dossier : IMM-5504-01

Référence neutre : 2002-CFPI-235

ENTRE :

                                                       IKBAL HEZKYAL ISKANDER

                                                                                   

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

[1]                 Sont exposés ci-après de brefs motifs se rapportant à l'octroi le 21 février d'un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi qui était prévue le 22 février.

[2]                 La demanderesse est une ressortissante à la fois égyptienne et soudanaise, de religion chrétienne copte, qui est arrivée au Canada le 16 septembre 1996. Après son arrivée au Canada, une fille lui est née en janvier 1997, et l'enfant a toujours été sous sa garde depuis.

[3]                 Peu après son arrivée au Canada, elle a revendiqué le statut de réfugiée en octobre 1996. Puis une mesure de renvoi conditionnel fut prononcée contre elle. En septembre 1998, la section du statut de réfugié décida qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention. Elle a voulu contester cette décision en déposant une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, mais la demande fut rejetée en janvier 1999. Elle a demandé d'être considérée comme membre de la catégorie des revendicateurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, mais cela lui fut refusé en mai 2000. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été déposée, mais elle a par la suite été retirée.

[4]                 En avril 1999, Mme Iskander a présenté une demande en vue d'être autorisée à demander depuis le Canada le statut de résidente permanente, en alléguant des raisons d'ordre humanitaire. Elle a été interrogée dans le cadre de cette demande le 30 août 2000, sans être représentée, mais accompagnée de sa fille et d'un ami de la famille qui tenait lieu d'interprète. Elle fut informée par lettre le 3 mai 2001 que sa demande fondée sur des considérations humanitaires avait été refusée. La décision n'était pas motivée.

[5]                 De mai 2001 jusqu'à novembre 2001, elle a tenté, par l'intermédiaire du député fédéral de sa région, de faire en sorte que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration intervienne et réexamine son cas. En novembre 2001, elle fut informée que le ministre n'interviendrait pas.


[6]                 Également durant ce mois de novembre 2001, la demanderesse reçut un avis l'invitant à se présenter à Immigration Canada le 3 décembre 2001 pour que soient prises les dispositions préalables à son renvoi. Elle consulta un avocat, lequel déposa le 30 novembre une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision datée du 3 mai 2001 qui avait refusé sa demande fondée sur des considérations humanitaires. La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sollicitait aussi une prorogation de délai, puisque le délai normal de production de la demande était expiré.

[7]                 En décembre 2001, la demanderesse reçut une copie des notes de l'agente, consignées le 30 août 2000, lorsqu'elle avait subi une entrevue à propos de sa demande fondée sur des considérations humanitaires. Ces notes furent considérées comme les motifs de la décision de l'agente, en l'absence d'autres motifs. L'entrevue préalable au renvoi, d'abord prévue au début de décembre, fut reportée au 9 janvier 2002, date à laquelle la demanderesse, accompagnée de son avocat, se présenta à l'entrevue. L'agente des renvois leur indiqua alors que le renvoi serait différé jusqu'à ce qu'il soit disposé de la demande d'autorisation déposée au regard de la décision qui avait rejeté sa demande fondée sur des considérations humanitaires.


[8]                 Puis, le 21 janvier 2002, l'avocat de Mme Iskander reçut de l'agente des renvois une communication qui ordonnait à la demanderesse de se présenter de nouveau à une entrevue préalable au renvoi, le 8 février, et d'apporter des billets d'avion pour son départ du Canada au plus tard le 22 février 2002. Au début de février, l'agente des renvois avait informé l'avocat de la demanderesse qu'elle avait changé d'avis et qu'elle voulait maintenant que Mme Iskander soit renvoyée sans plus tarder. L'entrevue préalable au renvoi fut par la suite reportée au 15 février. Le 13 février, l'avocat déposa un projet de requête en sursis d'exécution et un projet d'affidavit demandant une audience par conférence téléphonique le 21 février. L'affaire fut instruite ce jour-là par téléphone.

[9]                 Les avocats des parties se sont entendus pour dire que le critère d'un sursis est le critère énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.). Ils ont divergé d'opinion sur l'application du critère aux circonstances de la présente affaire.

[10]            À mon avis, la demande de contrôle judiciaire déposée devant la Cour au nom de la demanderesse soulève une question grave. La question grave est celle de savoir si, dans l'examen de la demande fondée sur des considérations humanitaires, le délégué du ministre a ou non tenu suffisamment compte de l'intérêt supérieur de la fille de Mme Iskander, aujourd'hui âgée d'environ six ans, comme le requiert l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th), 193.

[11]            Les notes de l'agente consignées durant l'entrevue du 30 août 2000 renferment les mentions suivantes relatives à la fille de Mme Iskander :

[TRADUCTION]

... AU CANADA, LA REQUÉRANTE A UNE FILLE ÂGÉE DE QUATRE ANS, SA MÈRE ET TROIS FRÈRES ET SOEURS...

... LA FILLE DE LA REQUÉRANTE EST NÉE AU CANADA ET ELLE A AUJOURD'HUI QUATRE ANS. ELLE EST TROP JEUNE POUR ALLER À L'ÉCOLE ET, SELON LA REQUÉRANTE, ELLE REGARDE LA TÉLÉVISION, ELLE JOUE ET VA À L'ÉGLISE AVEC SA FAMILLE...

[Depuis l'entrevue, l'enfant fréquente l'école et elle est âgée aujourd'hui d'environ six ans.]


... APRÈS EXAMEN DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS FOURNIS, JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE LA REQUÉRANTE SUBIRAIT DES DIFFICULTÉS INHABITUELLES, INJUSTES OU INDUES SI ELLE ÉTAIT PRIÉE DE QUITTER LE CANADA. L'ARRÊT BAKER A ÉTÉ PRIS EN COMPTE AU REGARD DE LA FILLE CANADIENNE DE LA REQUÉRANTE. PAR CONSÉQUENT, APRÈS EXAMEN DE TOUS LES ÉLÉMENTS SUSMENTIONNÉS, JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QU'IL EXISTE DES RAISONS D'ORDRE HUMANITAIRE SUFFISANTES POUR JUSTIFIER UNE RENONCIATION AU PARAGRAPHE 9 (1). ---- REQUÊTE REFUSÉE

[12]            À mon avis, même si les notes de l'agente font référence à l'enfant ainsi qu'à l'arrêt Baker, on peut soutenir, comme l'affirme la demanderesse, qu'il n'y a aucune analyse de l'intérêt supérieur de l'enfant dans le raisonnement de l'agente qui dispose de la demande fondée sur des considérations humanitaires. Ce n'est pas là un point que je dois décider, sauf à observer qu'il s'agit d'une question grave soulevée par la demande de contrôle judiciaire. J'admets que la question sera soumise à la Cour si une prorogation de délai est accordée pour le dépôt de la demande d'autorisation, et si l'autorisation est accordée. Je ne suis saisi d'aucun de ces deux aspects, mais, aux fins de la demande de sursis, je considère qu'ils sont soumis à la Cour, pour examen par le juge qui statuera sur la demande d'autorisation.


[13]            Outre l'avis de requête en sursis d'exécution, la demanderesse produit un rapport daté du 21 janvier 2002, rédigé par le docteur Ann Perlman, une psychologue de Toronto, qui arrive à la conclusion qu'il vaut mieux pour l'enfant qu'elle demeure au Canada avec sa mère comme unique pourvoyeuse et qu'il en résulterait un préjudice sérieux à la fois pour la mère et pour sa fille si elles étaient séparées ou si elles étaient aujourd'hui renvoyées du Canada. La mesure de renvoi ne concerne pas la fille, mais seulement la demanderesse, c'est-à-dire la mère. Néanmoins, à mon avis, il n'y a eu aucune évaluation de l'intérêt supérieur de l'enfant si elle devait être aujourd'hui emmenée par sa mère en raison du renvoi forcé de cette dernière du Canada, ou si elle devait demeurer au Canada pendant que sa mère est renvoyée. En l'absence d'une telle évaluation, il y a lieu de croire, au vu de l'affidavit de la demanderesse, appuyé par la lettre du docteur Perlman, que la demanderesse et sa fille subiront un préjudice irréparable, c'est-à-dire que la possibilité pour l'intérêt supérieur de l'enfant d'être évalué et pris en compte avant le renvoi de sa mère sera perdue, si le sursis demandé n'est pas accordé jusqu'à liquidation de la demande de contrôle judiciaire.

[14]            Dans ces conditions, l'équilibre des commodités milite selon moi en faveur de la demanderesse, et un sursis a donc été ordonné, à la fin de la conférence téléphonique du 21 février.

                                                                                                    « W. Andrew MacKay »          

                                                                                                                                       Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, Trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                       IMM-5504-01

INTITULÉ :                                                 Ikbal Hezkyal Iskander c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                       le 21 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                               le 4 mars 2002

ONT COMPARU :

Lorne McClenaghan                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Roger Rowe                                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roger Rowe                                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                                  

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date: 20020304

Dossier : IMM-5504-01

ENTRE :

IKBAL HEZKYAL ISKANDER

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                                              

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                              


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