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T-1545-96

ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM et

LE CHEF JOSEPH RALPH BECKER, ERNIE CAMPBELL,

WAYNE SPARROW, LEONA M. SPARROW, NOLAN CHARLES,

MARY CHARLES, JOHNNA CRAWFORD, GAIL Y. SPARROW,

MYRTLE MCKAY, LARRY GRANT et

SA MAJESTÉ LA REINE,


demandeurs,

et


MARY GLASS, HIN F. KO, MABEL W. KO,

ROY WESTWICK, GWYNETH M. WESTWICK,

KERRY-LYNNE FERRIS, STEPHEN W. FINDLAY,

NORAH C. FINDLAY, JERRY JANES, DIANA JANES,

GREGORY PAPPAS, TASIE PAPPAS, SOLON S. WANG,

PETER M. LEE, HERBERT M. LEWIS, ALEXANDER KALINOWSKI,

KATARINA KALINOWSKI, JOHN W. WHITEFOOT,

SHEILA M. WHITEFOOT, LISBET MACKAY, PIERRE DOW,

MONA MCKINNON, WONG L. LEE, MAN-LOONG LEE,

JOHN M. GLAISERMAN, JUAN L.G. CAM, ELIZABETH C. CAM,

EVELYN M. MURRAY, WILLIAM T. ZIEMBA, JAMES R. THOMPSON,

ANN B. THOMPSON, YUM C. LAU, IRENE LAU, JAMES Y.P. KING,

TJIN K. TAN, EIJI MURAKAMI, MIYAKO MURAKAMI,

THOMAS W.F. FUNG, AMY M. L. CHAN, GERTRUDE HENNEKEN,

HANS T. HENNEKEN, HOWARD G. ISMAN, MARJORIE E. ISMAN,

STANLEY EVANS, DOROTHEY EVANS, KHI YOENG TJIN,

WEN-TIEN TAI, KUI-HSIANG HUANG, PHYLLIS WEINSTEIN,

PATRICIA LAI, WILFRED E. PATTON, JEAN M. PATTON,

ATTILIO GIRARDI, MARY GIRARDI, IRMA E. BOULTER,

GEORGE S. BOULTER, JOHN G. CRAGG, OLGA B. CRAGG,

HOWARD E. CADINHA, ARLENE B. CADINHA, MARIA C. ORMOND,

DOUGLAS R. EYRL, JUDITH F. EYRL, CHEUNG K. CHOI,

CHAN P.K. CHOI, CELIA KAAN, CECIL S. C. KAAN, RAMON Y. KAN,

HELENA KAN, LESLIE BARA, OTTILIA BARA, ALFRED K. LEE,

ESTHER K. LEE, DIANA W.C. SUNG, DONALD C. GRAHAM,

WINNIFRED A. GRAHAM, RONALD J. MACKEE,

ALEXANDER H. WONG, STELLA L. WONG, EDWARD B. JUYCK,

DOROTHY A HUYCK, FREDERICK S. EDY, ELLEN V. EDY,

VICTOR H. HILDEBRAND, JOHN E. EGAN, CHI K. CHING,

SIU Y. CHAN, LAVENDER CHU, FREDERICK CHU,

GEORGE E. RUSH, ANNE L. RUSH, HERTA J. NEUMANN,

CORNELIUS NEUMANN, JAMES A. FORSYTHE,

DIANE R. FORSYTHE, PETER J. FUNK, ELIZABETH FUNK,

ELFRIEDE MACHEK, ADELHEID MACHEK, LILLIAN P. TOEWS,

HUI C. KEUNG, PATRICIA H.K.S. WAH, VADILAL J. MODI,

MIRA V. MODI, CHARLES H. SHNIER, ELAINE C. SHNIER,

AGNES P. C. SHEN, CAROL M. LAU, DENNIS LAU,

MARJORIE MCCLELLAND, ARTHUR NEE, LAURA T NEE,

DONALD W. SCHEIDEMAN, KATRHYN M. SCHEIDEMAN,

WILLIAM N. KING, ALLAN J. HUNTER, GRACE K. HUNTER,

GRACE NG, IRVING GLASSNER, NOREEN G. GLASSNER,

PRISCILLA FRATKIN, NANCY B. BERNER,

GREGORY HRYHORCHUK, DARCY L. HRYHORCHUK,

ASTLEY E. SMITH, BETTY ANN SMITH et LILY R. ENG,


défendeurs.

TABLE DES MATIÈRES



QUESTIONS EN LITIGE
CONTEXTE DU LITIGE
CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS
DISPOSITIONS DES BAUX QUI CONCERNENT LE LOYER

APERÇU DES POSITIONS DES PARTIES ET DE LA PREUVE CONCERNANT L'ÉVALUATION

QUESTION 1 :
LE DROIT ET LE RÉGIME FONCIERS À ÉVALUER
QUESTION 2 :
DÉTERMINATION DE LA VALEUR COURANTE DU TERRAIN VIABILISÉ DU PARC MUSQUEAM
Facteurs touchant la valeur d'un droit de tenure à bail à long terme afférent à un terrain situé sur une réserve indienne
Preuve présentée devant le conseil d'examen
Évaluations foncières en 1995-1996 conformément à la décision du conseil d'examen
Témoignage de l'agent immobilier Tebbutt
Témoignage de l'estimateur Oikawa et critiques de la méthode de celui-ci par les estimateurs Johnston et Grant
A.      Conséquence de la durée des baux
B.      Désuétude économique
C.      Double déduction
D.      Accès touchant les valeurs des propriétés du parc Salish
E.      Répercussions temporaires de la publicité néfaste
F.      Faiblesses de la technique résiduelle du terrain
Conclusion concernant l'évaluation
QUESTION 3 :
LES SERVICES
Les positions des parties
Analyse concernant les services
QUESTION 4 :
CALCUL DES FRAIS DE SERVICE
CONCLUSION

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

QUESTIONS EN LITIGE

     Il s'agit de déterminer le juste loyer annuel devant être payé par les preneurs à bail de 75 lots situés au parc Musqueam (parfois appelé le lotissement Musqueam), sur la réserve indienne no 2 de Musqueam, dans le sud-ouest de Vancouver, pour la période de 20 ans débutant le 8 juin 1995. Conformément aux baux pertinents, le « juste loyer » annuel correspond à 6 % de la « valeur courante du terrain » immédiatement avant le 8 juin 1995.

     Les principales questions à trancher sont les suivantes :

     1.      La question de savoir si la « valeur courante du terrain » est fondée sur un domaine en fief simple relatif à un terrain ou sur un droit foncier afférent à un terrain qui se trouve sur une réserve indienne.
     2.      La détermination de la valeur courante du terrain viabilisé.
     3.      La question de savoir si la « valeur courante du terrain » est fondée sur un terrain viabilisé ou non viabilisé.
     4.      La détermination des frais de service.

CONTEXTE DU LITIGE

     Pour placer le litige en perspective, j'indique ci-après le loyer annuel qui avait été versé avant le 8 juin 1995, les valeurs courantes que chacun des évaluateurs a déterminées pour le terrain et le loyer annuel découlant de l'application du taux de 6 % auxdites valeurs. Le terrain en question se trouve dans le sud-ouest de Vancouver, à proximité de la University of British Columbia, de dotations foncières universitaires et de plusieurs terrains de golf. Les lots dont il est constitué ont une grande superficie qui varie de 8 628 pieds carrés à 28 094 pieds carrés (comparativement à un terrain résidentiel de 50 pieds x 120 pieds, qui a une superficie de 6 000 pieds carrés). Il est indubitable qu'il s'agit d'un des endroits les plus attrayants et les plus agréables de Vancouver.

     Les 75 lots en question font l'objet de baux de 99 ans qui sont entrés en vigueur le 8 juin 1965 et doivent prendre fin le 7 juin 2064. Pour chacune des trois premières périodes de dix ans des baux, le loyer était déterminé à l'avance. Le loyer relatif à la première période de dix ans était un montant fixe. Le loyer relatif à la deuxième période de dix ans s'élevait à 10 % de plus que le montant établi pour la première période de dix ans et celui de la troisième période de dix ans correspondait à 20 % de plus que celui de la première période de dix ans. Le 8 juin 1995 et tous les vingt ans par la suite, pour déterminer le loyer annuel, il fallait appliquer le taux de 6 % à la « valeur courante du terrain » .

     La valeur courante moyenne estimative de chaque lot du terrain immédiatement avant le 8 juin 1995 a été calculée comme suit :

     1.      Johnston, estimateur des demandeurs      712 500 $1

     2.      Grant, estimateur des demandeurs      607 000 $2

     3.      Oikawa, estimateur des défendeurs      134 000 $3

     Voici le loyer annuel moyen pour les trois périodes antérieures du bail et pour la période de 20 ans qui a débuté le 8 juin 1995 :


Loyer annuel moyen par lot

1.      Période allant du 8 juin 1965 au 7 juin 1975      328,03 $4

     2.      Période allant du 8 juin 1975 au 7 juin 1985      360,83 $4

     3.      Période allant du 8 juin 1985 au 7 juin 1995      393,64 $4

     4.      Période allant du 8 juin 1995 au 7 juin 2015

         a)      6 % de la valeur courante estimative

             du terrain déterminée par l'estimateur

             Johnston, qui agissait pour les

             demandeurs                          42 750 $

         b)      6 % de la valeur courante estimative

             du terrain déterminée par l'estimateur

Grant, qui agissait pour les

             demandeurs                      36 420 $

         c)      6 % de la valeur courante estimative

             du terrain déterminée par l'estimateur

Oikawa, qui agissait pour les
             défendeurs                      8 040 $

     Ces données indiquent clairement pourquoi la question est controversée à ce point. Même les données des défendeurs indiquent que ceux-ci sont exposés à une augmentation significative du loyer annuel, soit, en moyenne, de 393,64 $ à 8 040 $, ce qui dépasse de plus de 20 fois le loyer antérieur.

     Si la preuve des demandeurs est retenue, les défendeurs seront peut-être tenus de payer un loyer correspondant à environ 100 fois celui qu'ils versaient précédemment. La question est chargée d'émotion, car les demandeurs estiment que le renvoi à la « valeur courante du terrain » signifie qu'ils ont droit à l'équivalent de ce qu'ils pourraient obtenir s'ils étaient en mesure de vendre le terrain dans son état actuel (à l'exclusion des améliorations, mais compte tenu des services), d'investir le produit et de recevoir au moins 6 % l'an. Tout en admettant qu'une augmentation importante du loyer s'impose, les défendeurs risquent de devoir payer un loyer annuel que certains ne pourront se permettre d'acquitter, si les demandeurs ont gain de cause.

     Ces explications permettent de comprendre jusqu'à un certain point pourquoi le différend est né. Cependant, la Cour n'a pas à se demander si les demandeurs doivent recevoir ce qui, à leur avis, leur revient de droit ou si les défendeurs peuvent se permettre de payer le loyer annuel. Le juste loyer n'est pas une conclusion fondée sur l'évaluation de la Cour quant à un loyer souhaitable sur les plans économique ou social. Il doit plutôt découler d'une décision fondée sur l'interprétation des documents pertinents et sur l'acceptation des éléments de preuve pertinents et dignes de foi.

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

     Le 17 février 1960, la bande indienne de Musqueam a cédé le terrain en question, soit une superficie d'environ 405 acres de la réserve indienne de Musqueam no 2, à Sa Majesté La Reine pour que celle-ci le loue. L'acte de cession prévoit ce qui suit :

     [TRADUCTION] La bande cède le terrain à Sa Majesté La Reine et aux héritiers et successeurs de celle-ci en fidéicommis pour que ledit terrain soit loué aux personnes et aux conditions qui, d'après le gouvernement du Canada, peuvent le mieux favoriser notre bien-être et celui de notre population.

     Le 20 avril 1961, le gouverneur en conseil a accepté la cession. En vertu de l'article 53 de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952, ch. 149, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a été autorisé à louer le terrain en question conformément à la Loi et aux conditions de la cession.

     Le 8 juin 1965, Sa Majesté La Reine, représentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a conclu une « entente cadre » avec la Musqueam Development Company Limited (Société) (non liée à la bande indienne de Musqueam) en vue de la mise en valeur du terrain en question. Selon l'entente cadre, la Société était tenue de préparer et de produire un plan de lotissement, de fournir des services comme des routes pour chaque lot figurant sur le plan, des installations d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées, des égouts pluviaux pour le drainage du sol et des réverbères et de veiller à ce que les services de téléphone, d'électricité, de gaz naturel et de cueillette des ordures soient disponibles au moment voulu. Dès que la Société aurait satisfait à ces exigences, le ministre devait lui délivrer des baux en sa faveur pour chacun des lots se trouvant sur le terrain en question6.

     Le plan de lotissement a été déposé au bureau d'enregistrement immobilier le 15 décembre 1965. Aucun service n'avait été fourni à cette date. Cependant, des services ont été fournis en 1966, année au cours de laquelle le ministre a remis à la Société un bail relatif à chaque lot conformément au « projet de bail (résidentiel) » , qui était joint en annexe à l'entente cadre7.

     Il semble que la Société a ensuite offert en vente les lots viabilisés. En contrepartie d'une somme globale qui devait lui être versée ainsi que du loyer annuel qui devait être payé au ministre au nom de la bande indienne de Musqueam, la Société a cédé chaque bail à des personnes qui se sont ensuite fait construire une habitation sur le lot loué.

DISPOSITIONS DES BAUX QUI CONCERNENT LE LOYER

     Étant donné qu'aucun plan de lotissement n'avait été déposé lorsque l'entente cadre a été conclue le 8 juin 1965 et que le nombre et les dimensions des lots n'étaient pas encore connus à cette époque, l'entente cadre en question prévoyait qu'un montant annuel global devait être payé pour la totalité du terrain cédé. Voici le texte de l'article 15 :

[TRADUCTION]
15. (1)      Le loyer stipulé dans chacun des baux mentionnés au paragraphe 14 est fixé de façon que le loyer total découlant de tous les baux en question donne un montant net annuel d'au moins
a)      23 442 $ jusqu'au 18 février 1969 ou à la résiliation prématurée du bail susmentionné qui a été consenti en faveur d'Eddie's Nurseries Ltd;
b)      24 602 $ à compter du 19 février 1969 ou de la résiliation prématurée du bail susmentionné qui a été consenti en faveur d'Eddie's Nurseries Ltd. jusqu'à la fin de la première période de dix ans de la durée du bail en question;
c)      27 062 $ au cours de la deuxième période de dix ans de la durée du bail;
d)      29 522 $ au cours de la troisième période de dix ans de la durée du bail, soit jusqu'au 7 juin 1995.
(2)      Le loyer relatif à chaque année des trois périodes successives de vingt (20) ans et à chaque année de la dernière période de neuf (9) ans correspond à un juste loyer relatif au terrain visé dans chacun des baux négociés immédiatement avant le début de chacune de ces périodes. Dans le cadre de ces négociations, les parties présument que, à la date desdites négociations, les terrains sont
a)      des terrains non améliorés se trouvant dans l'état où ils étaient à la date de l'entente;
b)      des terrains comportant une voie d'accès publique;
c)      des terrains se trouvant dans une zone lotie;
d)      des terrains zonés pour la construction résidentielle de maisons unifamiliales,
et les présomptions qui précèdent seront également formulées dans le cas de toute détermination du loyer conformément aux dispositions du paragraphe (3) des présentes.
(3)      Si le ministre et la Société ou les cessionnaires de celle-ci ne peuvent s'entendre sur les loyers à payer à l'égard de l'un ou l'autre des baux pour une des périodes successives selon le paragraphe (2) qui précède, la question sera tranchée en application de l'alinéa 18(1)g) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier.
(4)      Un loyer annuel total net représentant six pour cent (6 %) de la valeur courante du terrain, calculé à la date des nouvelles négociations conformément à la méthode énoncée au paragraphe (2) des présentes, est considéré comme un « juste loyer » aux fins des présentes.

     Les baux individuels eux-mêmes renferment une disposition similaire. Il semble que le loyer total mentionné aux alinéas 15(1)b), c) et d) de l'entente cadre a été déterminé sur une base proportionnelle, probablement en fonction des dimensions du lot et peut-être en fonction de l'emplacement et d'autres facteurs, pour chacun des 75 baux individuels. Dans le cas du bail relatif au terrain 36, qui est représentatif de tous les baux, la disposition qui concerne le loyer prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]
2.(1)      Par conséquent, le montant annuel suivant doit être payé chaque année à l'avance au ministre :
     a)      pour chaque année de la première période de dix ans, un montant de 298 $;
     b)      pour chaque année de la deuxième période de dix ans, un montant de 343,75 $;
     c)      pour chaque année de la troisième période de dix ans, un montant de 375 $;
(2)      Le loyer relatif à chaque année des trois périodes successives de vingt (20) ans et de la dernière période de neuf (9) ans correspond à un juste loyer à l'égard du lot visé, lequel loyer est négocié immédiatement avant le début de chacune de ces périodes. Dans le cadre de ces négociations, les parties présument que, à la date de celles-ci, les terrains sont
     a)      des terrains non améliorés se trouvant dans l'état où ils étaient à la date de la présente entente;
     b)      des terrains comportant une voie d'accès publique;
c)      des terrains se trouvant dans une zone lotie;
d)      des terrains zonés pour la construction résidentielle de maisons unifamiliales,
et les présomptions qui précèdent seront également formulées dans le cas de toute détermination du loyer conformément aux dispositions du paragraphe (3) des présentes.
(3)      Si le ministre et le preneur à bail ou les cessionnaires de celui-ci ne peuvent s'entendre sur les loyers à payer au cours de l'une des périodes successives selon le paragraphe (2) qui précède, la question sera tranchée en application de l'alinéa 18(1)g) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier.
(4)      Un loyer annuel total net représentant six pour cent (6 %) de la valeur courante du terrain, calculé à la date des nouvelles négociations conformément à la méthode énoncée au paragraphe (2) des présentes, est considéré comme un « juste loyer » aux fins des présentes.

     Ce sont les paragraphes 2(2) et 2(4) des baux qui régissent la détermination du loyer pour la période de vingt ans débutant le 8 juin 1995 et c'est en vertu du paragraphe 2(3) que la Cour est saisie du litige. Le lien entre l'article 2 des baux et l'article 15 de l'entente cadre et la pertinence de celle-ci seront commentés plus loin.

     La formule à utiliser pour déterminer le loyer annuel est énoncée au paragraphe 2(4) des baux, soit 6 % de la valeur courante du terrain. Ce montant doit être considéré comme un « juste loyer » au sens donné à cette expression au paragraphe 2(2). La date à utiliser pour déterminer la valeur courante du terrain est la date des nouvelles négociations qui, selon le paragraphe 2(2), doivent avoir lieu immédiatement avant le début de la période pertinente, c'est-à-dire immédiatement avant le 8 juin 1995. Selon le paragraphe 2(2), les parties doivent formuler un certain nombre d'hypothèses, c'est-à-dire qu'elles doivent présumer que les lots ne sont pas améliorés, qu'ils sont accessibles au moyen d'une voie publique, que le terrain est loti et qu'il est zoné pour la construction résidentielle de maisons unifamiliales. Exception faite de ces hypothèses et de l'indication quant à la date à laquelle la valeur courante du terrain doit être calculée, le bail ne renferme aucune autre disposition permettant d'interpréter l'expression « valeur courante du terrain » .

     D'après les estimateurs qui ont témoigné en l'espèce, la formule servant à déterminer le loyer relatif au terrain, soit l'application d'un pourcentage à la « valeur courante du terrain » , est une méthode bien reconnue pour calculer le loyer en application de baux à long terme dans l'immobilier. Dans le cas des baux à long terme, les parties conviennent de ne pas être liées par un loyer déterminé à l'avance pour toute la durée du bail et préfèrent plutôt déterminer à nouveau le loyer périodiquement en fonction de la valeur courante du terrain. Normalement, ce type de clause vise à reconnaître le fait que le bailleur pourrait, s'il n'était pas lié par le bail à long terme, vendre le terrain en fonction de sa valeur courante à la date des nouvelles négociations.

APERÇU DES POSITIONS DES PARTIES ET DE LA PREUVE CONCERNANT L'ÉVALUATION

     Selon les demandeurs, le terrain en question devrait être évalué comme si chaque lot [TRADUCTION] « était en vente sur le marché de l'immobilier, c'est-à-dire à sa valeur comme domaine en fief simple » . De l'avis des demandeurs, le terrain en question est au nom de Sa Majesté et devrait être évalué de la même façon que toute autre propriété qu'elle détient, soit :

[TRADUCTION] en fonction de sa valeur d'échange, soit la valeur déterminée de façon réelle ou théorique par le test de la concurrence entre un acquéreur prêt à acheter et un vendeur disposé à vendre8.

     Plus précisément, les demandeurs soutiennent que les terres indiennes ne sont pas uniques. Elles peuvent être aliénées, peut-être pas directement par une bande indienne, mais dans le cadre d'une entente avec Sa Majesté, qui agit en qualité de fiduciaire pour la bande. L'avocat des demandeurs admet que la Cour fédérale a rendu un certain nombre de décisions (Leighton c. Canada (1987), 13 F.T.R. 198 (C.F. 1re inst.), Golden Acres Limited c. Canada (1988), 22 F.T.R. 123 (C.F. 1re inst.), Devil's Gap Cottages (1982) Ltd. c. Canada (dossier no T-2468-88, décision du juge Strayer en date du 18 novembre 1991 (C.F. 1re inst.)), Rodgers c. Canada (1993), 74 F.T.R. 164 (C.F. 1re inst.) et Morin c. Canada (1996), 114 F.T.R. 141 (C.F. 1re inst.)) dans lesquelles elle a tenté de déterminer la valeur de certaines terres indiennes en comparant celles-ci à d'autres terres indiennes (sauf s'il en était prévu autrement dans les documents de location)9 et non à des terres franches n'appartenant pas à des Indiens. Selon l'avocat des demandeurs, ces décisions sont [TRADUCTION] « peu judicieuses, sinon hostiles, et vont à l'encontre du principe de droit » et la Cour [TRADUCTION] « ne devrait pas suivre cet ensemble de décisions mal fondées et insoutenables10.

     De l'avis des défendeurs, le terrain en question devrait être évalué en fonction de l'existence d'un droit de tenure à bail afférent à une terre située sur une réserve indienne. Ils admettent que les parties ne pouvaient avoir formé l'intention de déterminer la valeur du droit de tenure à bail en fonction de la période non écoulée de chaque bail, car cette méthode aurait eu pour effet d'abaisser la valeur courante du terrain et, par conséquent, le loyer au fur et à mesure que la date d'échéance de chaque bail aurait approché, c'est-à-dire que, lorsqu'un bailleur améliore une propriété à bail, un droit de tenure à bail qui vient à échéance dans deux ou trois ans vaut beaucoup moins qu'un droit similaire devant prendre fin dans 99 ans. Les défendeurs soutiennent que la valeur courante du terrain désigne la valeur d'un droit de tenure à bail de 99 ans sur une réserve indienne à la date de chaque nouvelle négociation11.

     En raison surtout de l'incertitude découlant de la révision des loyers en 1995, peu de transactions ont été conclues à l'égard du terrain en cause situé au parc Musqueam au cours des dernières années12. De plus, comme il n'y a pas de lot vacant au parc Musqueam, il n'est pas facile de déterminer la valeur courante du terrain à l'aide de ces transactions. Il se peut aussi que lesdites transactions aient été touchées par l'incertitude entourant la révision des loyers et, comme je l'expliquerai plus loin, il ne s'agit pas d'un facteur à prendre en compte pour déterminer la valeur courante du terrain. Par conséquent, les données du marché concernant le parc Musqueam ne renferment aucun élément fiable permettant de déterminer la « valeur courante du terrain » . C'est pourquoi les estimateurs des demandeurs et des défendeurs ont utilisé des données sur des propriétés situées dans d'autres parties du sud-ouest de Vancouver, dont la valeur se compare selon eux à celle du terrain du parc Musqueam.

     Jeffrey Johnston, un des estimateurs des demandeurs, a déterminé la juste valeur marchande estimative de quatre lots du parc Musqueam en présumant que l'estimation était fondée sur le [TRADUCTION] « droit en fief simple non grevé afférent aux propriétés en question » 13. M. Johnston a reconnu qu'il n'y avait pas de domaine en fief simple sur la réserve indienne de Musqueam14, mais il a dit qu'à son avis, la valeur courante du terrain au sens du bail devait être déterminée comme s'il s'agissait d'un domaine en fief simple. M. Johnston a utilisé une « technique de la parité » en examinant les ventes de propriétés qu'il jugeait comparables et qui se trouvaient dans le sud-ouest de Vancouver, à proximité du terrain en cause. Bon nombre des comparables dont il s'est servi étaient des propriétés semblables quant aux dimensions à celles du parc Musqueam, sauf qu'elles comportaient des habitations dont la valeur était négligeable ou inexistante. M. Johnston a été obligé d'utiliser ces données comparables, car il n'y a pour ainsi dire aucun terrain vague dans la région, de sorte qu'aucune transaction touchant un terrain vague ne pouvait être examinée à des fins de comparaison. Dans bon nombre des cas, les immeubles se trouvant sur les terrains avaient été démolis, ce qui confirme que les prix de vente de ces comparables se rapportaient aux terrains seulement15. Après avoir utilisé ces comparables, M. Johnston a conclu que la valeur foncière du domaine en « fief simple » hypothétique des quatre propriétés du parc Musqueam s'établissait à 675 000 $, 700 000 $, 725 000 $ et 750 000 $, soit une moyenne de 712 500 $.

     L'autre estimateur des demandeurs, Danny Ronald Grant, a évalué les lots du parc Musqueam en les comparant lui aussi à d'autres propriétés en fief simple situées ailleurs dans le sud-ouest de Vancouver. À l'instar de M. Johnston, M. Grant a utilisé des propriétés « comparables » comportant des immeubles dont la valeur était négligeable, sinon inexistante, et il a donc pu imputer la quasi-totalité du prix de vente au terrain dans la plupart des cas. Pour tenir compte de la date à laquelle les propriétés ont été vendues, M. Grant a appliqué un facteur de 0,9 % par mois avant juin 1995, mais il n'a fait aucun rajustement par la suite car, à son avis, les prix n'ont pas dépassé le niveau de juin 1995.

     M. Grant a effectué un certain nombre de rajustements spécifiques pour tenir compte des différents facteurs, notamment le fait que certains lots donnaient sur un terrain de golf, que certains nécessitaient des mesures d'affaiblissement acoustique et que les dimensions réelles de certains étaient inférieures. M. Grant a établi la valeur du terrain comme domaine « en fief simple » à un montant variant de 530 000 $ à 700 000 $ par lot, ce qui donnait une moyenne pondérée de 607 000 $ par lot16.

     L'évaluateur des défendeurs, George Oikawa, soutient qu'il a reçu le mandat d'évaluer [TRADUCTION] « le droit sur le terrain comme s'il s'agissait d'une terre située sur une réserve indienne et cédée à Sa Majesté pour qu'elle la loue pendant une période de 99 ans » 17. Contrairement aux estimateurs des demandeurs, M. Oikawa n'a pas utilisé la technique de la parité, en raison de [TRADUCTION] « l'absence, à toutes fins pratiques, de ventes et d'offres visant des emplacements non améliorés similaires » 18. M. Oikawa a reconnu que des travaux de réaménagement avaient été exécutés dans les environs et que le prix de vente des propriétés ainsi vendues avant le réaménagement pourrait représenter la « valeur courante du terrain » si celui-ci ne se trouvait pas sur une réserve indienne. Cependant, il a conclu que les lots du parc Musqueam sont uniques, parce qu'ils font partie d'une réserve indienne à laquelle il attribue des incertitudes liées, notamment, aux taxes foncières, à l'autonomie politique des Indiens et aux services19.

     Pour déterminer la valeur foncière des propriétés en cause, M. Oikawa a utilisé la technique résiduelle du terrain plutôt que la technique de la parité et l'a appliquée aux propriétés situées dans le lotissement du parc Salish, à proximité des propriétés en question. Ces propriétés, qui se trouvent sur la réserve indienne no 2 de Musqueam, font l'objet de baux à long terme et leur emplacement a pour effet de minimiser les rajustements nécessaires à des fins de comparaison. Cependant, les baux ont été structurés en fonction d'un loyer payé d'avance, ce qui a éliminé l'incertitude imputable à la nouvelle détermination du loyer dans le lotissement du parc Musqueam. M. Oikawa a décrit en ces termes la façon dont il a appliqué la technique résiduelle du terrain :

[TRADUCTION] Des cinq méthodes présentées, la technique résiduelle du terrain est considérée comme celle qui convient le mieux pour déterminer la « valeur courante du terrain » . Aux fins du présent rapport, le point de départ utilisé pour appliquer la technique résiduelle du terrain était le prix de vente des lots améliorés pertinents. Le coût de remplacement amorti des améliorations a ensuite été déduit du prix de vente. La valeur résiduelle qui en résulte a alors été imputée au terrain et représente effectivement une estimation de la valeur marchande du droit de tenure à bail sur le terrain, comme si le lot était disponible sur le marché libre, compte tenu toutefois des restrictions relatives à l'usage qui sont énoncées explicitement ou implicitement dans le bail foncier applicable ainsi que des incertitudes découlant du fait que le lot se trouve sur une réserve indienne. La technique résiduelle du terrain a été appliquée à un certain nombre de ventes et d'offres de vente relatives aux propriétés améliorées, ce qui a permis d'obtenir un éventail de valeurs résiduelles du terrain. Cet éventail a ensuite été analysé à la lumière des caractéristiques des lots en cause. Les similitudes et différences entre les lots ont été examinées et, par la suite, ceux-ci ont été répartis en cinq groupes appelés aux présentes les groupes de lots A à E. Des valeurs de base ont été calculées pour chacun des cinq groupes en fonction de l'éventail des valeurs résiduelles indiquées20.

. . .

Lorsque nous avons appliqué la technique résiduelle du terrain, nous avons analysé certaines récentes ventes de propriétés résidentielles unifamiliales voisines du parc Salish. Ces propriétés ont été analysées parce qu'elles sont semblables aux propriétés en cause sous trois aspects importants. D'abord, elles font partie de la réserve indienne no 2; en deuxième lieu, les lots sont visés par des baux fonciers donnant lieu à des droits de tenure à bail; en troisième lieu, en raison de la proximité des deux régions, il est moins nécessaire de faire des rajustements en fonction de l'emplacement. Plus précisément, les baux fonciers de Salish ont été structurés en fonction d'un loyer payé à l'avance, ce qui élimine l'incertitude financière liée aux situations semblables à celle des propriétés en cause, pour lesquelles le loyer doit être payé chaque année et renégocié à l'occasion. Selon notre expérience, l'incertitude quant au montant du loyer futur à payer est importante en ce qui concerne la perception du marché et peut, dans certains cas, toucher à la fois le prix pouvant être obtenu et la qualité marchande d'un droit de tenure à bail. Cette influence ne devrait pas transparaître dans la valeur foncière sous-jacente au moment de déterminer le loyer afférent au terrain.
La technique résiduelle du terrain a été appliquée aux dix propriétés améliorées et le coût de remplacement amorti estimatif des immeubles ainsi que des autres travaux comme l'aménagement paysager a été déduit du prix de vente, ce qui a permis d'obtenir une valeur résiduelle du terrain viabilisé. Cependant, en raison des clauses des baux fonciers types A et B, la valeur courante du terrain a été déterminée de façon estimative en fonction d'un terrain non viabilisé et, par conséquent, les frais des services d'utilité publique prévus ont également été déduits, ce qui a donné la valeur résiduelle du terrain non viabilisé21.

     En se fondant sur les dix ventes de propriétés situées au parc Salish, M. Oikawa en est arrivé à une valeur résiduelle moyenne d'environ 247 000 $ pour chaque lot dudit parc, compte tenu d'un terrain viabilisé. Il a ensuite fait certains rajustements pour tenir compte des lots du parc Musqueam qui donnent directement sur la South-West Marine Drive, des lots exposés d'une façon ou d'une autre à la Marine Drive, des lots touchés par les grands couloirs de circulation, des lots adjacents au terrain de golf de Shaughnessy et, enfin, des lots les plus attrayants en raison de leur forme, de leurs dimensions, de leur accessibilité et de leur facilité d'utilisation. Les valeurs variaient de 225 000 $ à 280 000 $ et la moyenne pondérée s'établissait à 254 000 $ pour le lotissement du parc Musqueam. Les valeurs que M. Oikawa a obtenues pour les lots du parc Musqueam en appliquant la technique résiduelle du terrain aux ventes de propriétés situées dans le parc Salish représentent environ 42 % des valeurs que M. Grant a déterminées en présumant qu'il s'agissait de propriétés en fief simple (254 000 $ par opposition à 607 000 $)22.

QUESTION 1 : LE DROIT ET LE RÉGIME FONCIERS À ÉVALUER

     Les parties interprètent les mots [TRADUCTION] « valeur courante du terrain » des baux d'une façon très différente, du moins sur le plan conceptuel. Selon les demandeurs, ces mots renvoient à la valeur à laquelle s'établirait le terrain du parc Musqueam s'il était vendu sur le marché libre, c'est-à-dire à sa valeur comme propriété en fief simple ou comme propriété franche. Bien entendu, cela signifie qu'il faut examiner les terrains situés en dehors de la réserve aux fins de l'évaluation, car la bande ne peut vendre à Sa Majesté le terrain du parc Musqueam comme propriété en fief simple selon les conditions de cession actuellement en vigueur. Les demandeurs soutiennent donc que le loyer devrait correspondre à 6 % d'une valeur essentiellement hypothétique, soit la valeur à laquelle le terrain du parc Musqueam s'établirait s'il s'agissait d'une propriété franche (et, par conséquent, d'une propriété n'appartenant pas aux Indiens). D'autre part, les défendeurs font valoir que les mots « valeur courante du terrain » désignent la valeur réelle ou intrinsèque du terrain du parc Musqueam en soi.

     Contrairement à ce que les demandeurs ont allégué, je ne suis pas disposé à reconnaître que les mots « valeur courante du terrain » signifient que, selon les baux, le loyer doit être fondé sur une valeur hypothétique des terrains se trouvant en dehors de la réserve, laquelle valeur pourrait être différente de la valeur réelle des lots situés sur la réserve. Sauf en ce qui a trait aux hypothèses à formuler en application du paragraphe 2(2), il n'est nullement sous-entendu dans les baux que la « valeur courante du terrain » renvoie à autre chose que la valeur réelle du terrain visé par les baux en question. Il n'est nullement fait mention dans ceux-ci d'un terrain situé à l'extérieur de la réserve. Cette situation se distingue donc des autres cas dont la Cour a été saisie et dans lesquels le bail prévoyait expressément que le loyer devait être déterminé en fonction de la valeur de location d'un terrain vague semblable quant à l'emplacement, à la nature et à l'utilisation autorisée, mais situé à l'extérieur de la réserve (Devil's Gap, Rodgers). Comme le juge Strayer l'a dit dans l'arrêt Devil's Gap, aux pages 11 et 14 :

Pour une raison ou une autre, les parties ont convenu par bail que la valeur marchande du terrain en cause doit être déterminée non pas en se fondant sur sa valeur intrinsèque en tenant compte de l'utilisation actuelle qui en est faite mais plutôt en se référant à des terrains non aménagés situés à l'extérieur de la réserve et dont l'utilisation pourrait être compatible avec les usages permis par le bail.

. . .

Pour en arriver à ces conclusions, nous sommes obligés par le libellé du bail d'attribuer des valeurs purement hypothétiques au terrain en cause...

     Ce n'est pas le cas des baux sous examen en l'espèce.

     Cependant, il est évident qu'en raison d'une série de transactions touchant les propriétés du parc Musqueam et des influences non pertinentes qui ont été exercées sur les transactions23, il est nécessaire d'utiliser les transactions touchant des propriétés situées à l'extérieur du parc Musqueam afin de déterminer la valeur du terrain de celui-ci. Il peut même s'agir de transactions touchant des propriétés en fief simple situées à l'extérieur de la réserve, bien qu'il soit nécessaire de tenir compte, contrairement à ce qui a été fait dans l'arrêt Devil's Gap, des caractéristiques uniques du terrain sous évaluation. Néanmoins, il importe ici de faire une distinction entre l'évaluation fondée sur la méthode conceptuelle, soit l'évaluation fondée sur le libellé des baux, et la technique ou la méthodologie, y compris les sources de données, qui sera utilisée pour donner effet à ce libellé. Ces questions sont commentées ci-dessous. Sur le plan conceptuel, je souscris à l'opinion des défendeurs selon laquelle les mots « valeur courante du terrain » des baux désignent nécessairement la valeur courante réelle des lots situés dans le parc Musqueam de la réserve no 2 de Musqueam, sous réserve uniquement des hypothèses prescrites par le paragraphe 2(2) des baux en question.

     Quel est donc le droit foncier à évaluer au parc Musqueam pour déterminer la valeur courante réelle du terrain? Les arguments des défendeurs m'ont semblé particulièrement utiles sur ce point et je m'en suis inspiré sans contrainte. Le titre de propriété des Indiens est décrit comme un titre unique. Ce caractère unique est manifesté par la reconnaissance de ce qui est appelé dans la jurisprudence « l'inaliénabilité générale » du droit des Indiens sur des terres. Dans l'arrêt Guérin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, le juge Dickson, qui a prononcé le jugement au nom de quatre membres de la Cour, explique comme suit cette caractéristique du titre de propriété indien à la page 382 :

Il me semble qu'il n'y a pas de conflit véritable entre les décisions qui qualifient le titre indien de sorte de droit de bénéficiaire et celles qui le qualifient de droit personnel, de la nature d'un usufruit. Toute apparence d'incompatibilité découle du fait que les tribunaux, en décrivant ce qui constitue un droit unique sur des terres, ont presque inévitablement appliqué une terminologie quelque peu inadéquate tirée du droit général des biens. Il y a un élément de vérité dans la description du titre indien qui se dégage de chacun des deux courants de jurisprudence, mais il y a tout de même apparence de conflit parce que dans ni l'un ni l'autre cas la catégorisation n'est tout à fait exacte.
Les Indiens ont le droit, en common law, d'occuper et de posséder certaines terres dont le titre de propriété est finalement détenu par Sa Majesté. Bien que leur droit n'équivaille pas, à proprement parler, à un droit de propriété à titre de bénéficiaire, sa nature n'est pas définie complètement par la notion d'un droit personnel. Il est vrai que le droit sui generis des Indiens sur leurs terres est personnel en ce sens qu'il ne peut être transféré à un cessionnaire, mais il est également vrai, comme nous allons le constater plus loin, que ce droit, lorsqu'il est cédé, a pour effet d'imposer à Sa Majesté l'obligation de fiduciaire particulière d'utiliser les terres au profit des Indiens qui les ont cédées. Ces deux aspects du titre indien vont de pair, car, en stipulant que le droit des Indiens ne peut être aliéné qu'à elle-même, Sa Majesté voulait au départ être mieux en mesure de représenter les Indiens dans les négociations avec des tiers. Le droit des Indiens se distingue donc surtout par son inaliénabilité générale et par le fait que Sa Majesté est tenue d'administrer les terres pour le compte des Indiens lorsqu'il y a eu cession de ce droit. Toute description du titre indien qui va plus loin que ces deux éléments est superflue et risque d'induire en erreur.

[non souligné dans l'original]

     La raison pour laquelle le droit des Indiens sur les terres des réserves est inaliénable est expliquée par le renvoi aux dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens et à la jurisprudence. Le titre afférent aux terres des réserves indiennes est dévolu à Sa Majesté du chef du Canada. Voici le texte du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens :

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi...
« réserve » Parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu'elle a mise de côté à l'usage et au profit d'une bande...

     Même si le titre de propriété légal des terres des réserves est dévolu à Sa Majesté, il ne s'agit pas d'un titre de propriété absolu, parce que ce titre est assujetti au droit des Indiens. La nature restreinte du droit de Sa Majesté est confirmée au paragraphe 18(1) de la Loi :

18. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté; sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des stipulations de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l'usage et au profit de la bande.

     Dans l'arrêt Guérin c. La Reine, précité, Madame le juge Wilson, qui a rédigé le jugement au nom de trois membres de la Cour, a commenté comme suit l'article 18 à la page 349 :

Je crois qu'en disposant que les réserves seront détenues par Sa Majesté à l'usage et au profit des bandes pour lesquelles elles sont mises de côté, l'art. 18 fait plus que donner une directive administrative à Sa Majesté. Je crois qu'il s'agit de la reconnaissance d'une réalité historique, savoir que les Indiens ont un droit de bénéficiaire sur leurs réserves et qu'il incombe à Sa Majesté de protéger ce droit et de s'assurer que les fins auxquelles les terres des réserves sont utilisées ne portent pas atteinte à ce droit. Cela ne signifie pas que, soit historiquement soit en vertu de l'art. 18, Sa Majesté détient les terres en fiducie pour les bandes. Les bandes n'ont pas la propriété absolue des terres; leur droit est limité. C'est cependant un droit auquel Sa Majesté ne peut porter atteinte ou qu'elle ne peut diminuer par l'utilisation des terres à des fins incompatibles avec le titre indien, à moins évidemment que les Indiens y consentent. Je crois que, dans ce sens, Sa Majesté a une obligation de fiduciaire envers les bandes indiennes relativement à l'utilisation qui peut être faite des terres des réserves, et que l'art. 18 constitue une reconnaissance légale de cette obligation.

[non souligné dans l'original]

     Il semble donc que le droit des Indiens sur les terres des réserves soit un droit sui generis qui n'a pas d'équivalent dans les règles de droit générales sur les biens immobiliers.

     La Loi sur les Indiens énonce certaines restrictions explicites touchant le droit des Indiens d'aliéner ou de grever les terres des réserves. Ainsi, le paragraphe 37(2) prévoit que :

37.(2) Sauf disposition contraire de la présente loi, les terres dans une réserve ne peuvent être données à bail ou faire l'objet d'un démembrement que si elles sont cédées conformément au paragraphe 38(2) à Sa Majesté par la bande à l'usage et au profit communs de laquelle la réserve a été mise de côté.

     Le paragraphe 28(1) dispose que :

28.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est nul un acte, bail, contrat, instrument, document ou accord de toute nature, écrit ou oral, par lequel une bande ou un membre d'une bande est censé permettre à une personne, autre qu'un membre de cette bande, d'occuper ou utiliser une réserve ou de résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.

     Selon l'article 29 :

29. Les terres des réserves ne sont assujetties à aucune saisie sous le régime d'un acte judiciaire.

     Pour vendre ou grever une terre des réserves, la bande doit agir par l'entremise de Sa Majesté au moyen d'une cession. Cependant, Sa Majesté n'est pas tenue d'accepter une transaction proposée. Selon l'alinéa 39(1)c), une cession n'est pas valide, sauf si le gouverneur en conseil l'accepte :

39.(1) Une cession à titre absolu ou une désignation n'est valide que si les conditions suivantes sont réunies :
     a)      elle est faite à Sa Majesté;
     b)      elle est sanctionnée par une majorité des électeurs de la bande
         (i)      soit à une assemblée spéciale de la bande convoquée par son conseil,
         (ii)      soit à une assemblée spéciale de la bande convoquée par le ministre en vue d'examiner une proposition de cession à titre absolu ou de désignation,
         (iii)      soit au moyen d'un référendum comme le prévoient les règlements;
     c)      elle est acceptée par le gouverneur en conseil.

     En raison de ces dispositions de la Loi sur les Indiens, ni le droit de Sa Majesté non plus que celui des Indiens sur les terres des réserves ne peuvent être considérés comme l'équivalent d'un domaine franc ou d'un domaine détenu en fief simple. Il n'y a qu'un seul cas où les terres des réserves peuvent vraiment se comparer aux propriétés franches détenues en fief simple. Il s'agit du cas où la propriété est cédée de façon absolue à Sa Majesté à des fins de vente, conformément aux articles 37 à 39 de la Loi sur les Indiens. Cependant, la cession absolue a pour effet d'éteindre le droit des Indiens sur la terre, de sorte que celle-ci n'est plus considérée comme une terre réservée aux Indiens. Lors de la cession absolue, cette terre n'est plus une terre réservée.

     Ce n'est pas le cas en l'espèce. Dans le cas qui nous occupe, le terrain n'a été cédé que dans le but d'être loué. Par conséquent, il demeure une terre réservée aux Indiens et comporte tous les avantages et restrictions découlant de cette nature.

     La structure des baux en question en l'espèce en ce qui a trait aux déterminations périodiques de la « valeur courante du terrain » constitue, comme je l'ai déjà mentionné, une méthode régulièrement utilisée pour mettre à jour les taux de location. Dans la plupart des cas, la « valeur courante du terrain » sera assimilée à la valeur de celui-ci comme propriété franche parce que le bailleur peut, sous réserve du bail, vendre la propriété qu'il détient. Cependant, il appert de l'acte de cession que le terrain en question en l'espèce se trouve sur une réserve indienne et que Sa Majesté le détient [TRADUCTION] « en fidéicommis pour le louer aux personnes et aux conditions qui, d'après le gouvernement du Canada, peuvent le mieux favoriser notre bien-être et celui de notre population » . Le droit foncier le plus important que Sa Majesté peut accorder au nom de la bande indienne de Musqueam conformément à l'acte de cession s'y rapportant est un droit de tenure à bail à long terme.

     À la date de l'entente cadre, le terrain était loué pour une période de 99 ans et il s'ensuit, à mon sens, qu'aux fins de la nouvelle négociation des loyers, la tenure à bail envisagée est une tenure à bail de 99 ans. Tout droit supérieur, c'est-à-dire un droit de tenure franche, ne tiendrait pas compte du caractère inaliénable des terres et du statut continu et résiduel de celles-ci comme réserves conformément aux conditions de l'acte de cession. Tout droit inférieur, c'est-à-dire un droit de tenure à bail pour le reste de la durée des baux seulement viserait essentiellement les droits de tenure à bail spécifiques et non le droit supérieur que Sa Majesté pourrait accorder au nom de la bande si elle était libre de le faire et n'était pas liée par les baux actuellement en vigueur.

     Effectivement, les défendeurs ne demandent pas que l'évaluation soit fondée sur les baux actuellement en vigueur (sauf en ce qui a trait aux hypothèses prescrites). De plus, pour évaluer le droit accordé aux termes des baux actuellement en vigueur, il faudrait tenir compte des répercussions du taux annuel de 6 % sur la valeur du droit de tenure à bail (si ce taux était inférieur aux taux en vigueur en 1995, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur du droit de tenure à bail) ainsi que de l'incertitude imputable à la révision des loyers et de la diminution de la période à écouler du bail (les deux derniers facteurs ayant pour effet d'abaisser la valeur du droit de tenure à bail). Il ne s'agit pas de facteurs pertinents pour déterminer la valeur courante du terrain, parce que l'objet de la réévaluation périodique est de traiter le terrain comme s'il n'avait pas été assujetti aux baux existants et pouvait être loué conformément à des conditions nouvellement négociées à la date de chaque révision de loyer24.

     Par conséquent, j'en arrive à la conclusion que le droit de tenure examiné pour déterminer la « valeur courante du terrain » est un droit de tenure à bail de 99 ans sur la réserve indienne no 2 de Musqueam, lequel droit n'est pas touché par les conditions des baux actuellement en vigueur, sauf en ce qui a trait aux hypothèses prescrites au paragraphe 2(2) des baux en question.


QUESTION 2 : DÉTERMINATION DE LA VALEUR COURANTE DU TERRAIN VIABILISÉ DU PARC MUSQUEAM

Facteurs touchant la valeur d'un droit de tenure à bail à long terme afférent à un terrain situé sur une réserve indienne

     La méthode d'évaluation a été vivement débattue en l'espèce. Selon les demandeurs, le fait de traiter le terrain du parc Musqueam en tenant compte de son statut de réserve indienne est discriminatoire et va à l'encontre de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés25. Selon eux, la prise en compte du caractère inaliénable des terres indiennes a pour effet de dévaluer injustement les terres des réserves et de perpétuer à tort les distinctions défavorables et la discrimination dont les Indiens et leurs terres ont fait l'objet dans le passé26.

     Même si j'ai rejeté la position des demandeurs selon laquelle les dispositions du bail exigent que le terrain en cause soit évalué comme s'il s'agissait d'une propriété en fief simple, je ne puis, sans analyser les données relatives au marché, conclure que la valeur des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve ne peut servir à déterminer la valeur courante du terrain du parc Musqueam. Si les données relatives au marché indiquent que le terrain en cause a une valeur courante réelle comparable à la valeur d'une propriété en fief simple, il serait erroné de ne pas tenir compte de celle-ci. D'autre part, si les données relatives au marché indiquent que la valeur courante réelle du terrain situé sur la réserve indienne de Musqueam ne peut se comparer à celle des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve, il serait artificiel et incompatible avec le libellé des baux de dire que la valeur du terrain du parc Musqueam équivaut à celle de ces propriétés en fief simple.

     À cette fin, j'examine la preuve concernant les facteurs pouvant avoir des répercussions négatives sur la valeur d'un droit de tenure à bail à long terme à l'égard d'un terrain situé sur une réserve indienne pour déterminer s'il y a de bonnes chances que la valeur de ce droit soit inférieure plutôt qu'essentiellement similaire à celle d'un droit afférent à des terrains limitrophes situés en dehors de la réserve. Comme il s'agit d'une question de nature délicate, je résume la preuve s'y rapportant de façon assez détaillée et je donne quelques exemples tirés de celle-ci.

     Un des facteurs pertinents réside dans la compétence des Indiens sur les terres ainsi que dans l'incertitude liée à des questions comme les taxes foncières, plus précisément l'évaluation aux fins de la taxe foncière par les autorités indiennes. Un autre facteur réside dans l'agitation connue sur les réserves indiennes de la Colombie-Britannique, y compris les barrages routiers à Penticton et Douglas Lake27. De plus, les personnes qui ne sont pas des autochtones ne peuvent être élues membres de l'organisme qui dirige la réserve, le conseil de bande. Les résidents qui ne sont pas des Indiens ne peuvent voter sur des questions comme l'aménagement, le zonage ou la fiscalité. Il est nécessaire d'obtenir l'approbation du ministre à l'égard de certaines ventes ou hypothèques ou à l'égard de certains travaux de construction. Enfin, la ville de Vancouver a confié en sous-traitance les services qu'elle assure, mais les ententes permanentes à ce sujet n'ont pas été conclues de façon définitive28.

     Voici ce qu'a dit l'estimateur des demandeurs, Johnston, devant le conseil d'examen de la bande indienne de Musqueam en 1993 et ce qu'il a confirmé devant la Cour :

     [TRADUCTION]

Q      Maintenant, à la section 3, je constate d'après le titre que la propriété est évaluée comme s'il s'agissait d'une propriété franche à l'intérieur de la réserve indienne de Musqueam. Pourquoi n'avez-vous pas utilisé les valeurs que vous aviez déterminées à la section 2 pour évaluer la propriété à titre de propriété franche dans la réserve indienne de Musqueam?
R      Je ne crois pas que ce soit la même chose.
Q      Et pourquoi croyez-vous ça?
R      Les propriétés faisant l'objet d'un droit de propriété dans la ville de Vancouver comportent depuis longtemps les privilèges rattachés à ce droit et nous savons comment ces propriétés sont administrées depuis bien longtemps par l'organisme de réglementation. Selon moi, il n'y a aucun droit de tenure franche sur la réserve et, si un droit de cette nature devait être créé, nous ne saurions pas, à ce moment-ci, ce que cela signifierait exactement et comment ce droit serait administré sur le plan politique. Par conséquent, je pense qu'il y aurait une différence de valeur et je ne crois pas que les ventes de propriétés franches de Vancouver pourraient servir d'exemples de ventes de propriétés franches situées sur la réserve.
Q      Maintenant, si j'ai bien compris, Monsieur Johnston, vous dites qu'il y a une panoplie de droits liés aux propriétés franches situées en dehors de la réserve et que des droits différents existent dans le cas des résidents se trouvant sur la réserve, c'est ça?
R      C'est presque ça. J'ignore quels sont les droits qui existeraient sur la réserve. Il semble que ces droits seraient différents de ceux qui caractérisent habituellement les propriétés de la ville de Vancouver, d'après ce que je peux voir sous la rubrique des propriétés à bail.
Q      Dans ce cas, en quoi le fait que la propriété du 4222 Musqueam Drive se trouve sur la réserve touche-t-il la valeur de la propriété franche?
R      Je pense que ce fait restreint la valeur de la propriété franche en raison de l'incertitude entourant les droits afférents au titre de propriété comparativement à la situation qui existe à Vancouver, où l'acheteur est généralement très au courant, l'incertitude est minime parce que le registre est là et qu'il connaît ses droits.
Q      À votre avis, la valeur marchande des propriétés franches situées en dehors de la réserve est-elle différente de celle des propriétés qui se trouvent sur la réserve?
R      Oui, je crois qu'elle l'est.
Q      Et pourquoi?
R      C'est en raison de l'incertitude, d'abord et avant tout29.

     Par ailleurs, Bruce Evans-Atkinson, estimateur qui a agi pour le compte de la bande indienne de Musqueam lors de l'instance qui a été engagée en 1993 devant le conseil d'examen de ladite bande, s'exprime comme suit dans son rapport d'évaluation qui a été déposé en l'espèce :

[TRADUCTION] En raison de la période qui reste à écouler de ces baux, la durée du bail aurait probablement peu d'importance pour évaluer les propriétés comme si celles-ci étaient détenues en fief simple. Cependant, la baisse importante des montants versés à l'égard de ces propriétés indique que les montants en question représentent les prix des propriétés offertes en vente sur la réserve indienne de Musqueam. Pour évaluer les propriétés comme s'il s'agissait de domaines en fief simple, il ne faudrait pas tenir comte du fait qu'elles appartiennent à la bande indienne30.

     Lorsqu'il a témoigné devant la Cour, M. Johnston a dit qu'il était d'accord avec cette position31.

     Dans la décision qu'il a rendue le 26 janvier 1994 et qui a été déposée en preuve dans la présente instance, le conseil d'examen de la bande indienne de Musqueam s'exprime comme suit :

[TRADUCTION] Il est bien certain qu'il y a une différence entre les valeurs marchandes que les propriétés à bail de la réserve indienne de Musqueam atteignent et celles de propriétés similaires qui sont des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve, malgré le fait que les baux doivent venir à échéance dans plus de soixante-dix ans. Il appert de la preuve présentée à l'audience que la valeur des propriétés payées à l'avance du parc Salish représente environ 68 % de la valeur des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve, tandis que celle des propriétés du parc Musqueam s'établit à environ 54 %. Les deux estimateurs confirment une disparité dans leurs évaluations, bien que dans une moindre mesure, ce qui indique que la valeur des propriétés détenues à bail représenterait de 74 % à 78 % de la valeur estimative des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve32.

     À la page 16, le conseil formule les remarques suivantes :

[TRADUCTION] Il appert clairement de la preuve que les valeurs marchandes des propriétés à bail de la réserve sont sensiblement différentes de celles des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve, même une fois que des rajustements sont effectués en fonction des différences physiques et malgré la longue durée des baux en vigueur. Les facteurs qui expliquent ces différences peuvent être variés et ni plus ni moins impondérables.

     L'estimateur Johnston, qui agissait pour les demandeurs, a témoigné comme suit devant la Cour :

[TRADUCTION] Les controverses qui entourent les terres indiennes louées et auxquelles M. Oikawa fait allusion se sont intensifiées au cours des dix dernières années ou environ et ont eu des répercussions négatives sur la qualité marchande et sur la valeur des habitations situées au parc Salish33.

     Selon M. Johnston, il ne semble pas que ces difficultés s'aplaniront avec le temps34.

     M. Grant, l'autre estimateur des demandeurs, a tenté de démontrer que, récemment, les terres de la réserve de Musqueam ont atteint une valeur comparable à celle des propriétés en fief simple situées en dehors de la réserve. Cependant, il a reconnu que les chiffres de vente que l'estimateur des défendeurs a utilisés à l'égard de la période précédant le 8 juin 1995 indiquaient une valeur inférieure à celle des propriétés franches, mais il précise qu'il [TRADUCTION] « ... pourrait s'agir d'une anomalie » :

[TRADUCTION] En ce qui a trait à l'annexe supplémentaire datée du 30 avril 1997, la lettre n'indique pas quelles sont les dix propriétés de Salish dont il est fait mention, mais un examen des ventes antérieures dont il est fait état dans le principal rapport de M. Oikawa indique clairement que ces ventes ont eu lieu au cours d'une période d'agitation connue à deux ou trois des réserves indiennes de la province, notamment lors des barrages routiers survenus à Penticton et Douglas Lake, ce qui peut avoir été une anomalie traduisant l'existence de problèmes ailleurs35.

     M. Grant a comparé les lots du lotissement de Stahaken (terrains situés sur la réserve) avec ceux des lotissements de Rosehill et Imperial (propriétés franches situées à l'extérieur de la réserve) de Tsawwassen et a conclu à l'absence de différence mesurable36. Cependant, de l'avis de l'agent immobilier Tebbutt, qui a témoigné pour les défendeurs, les comparaisons que M. Grant a faites entre les lots de Stahaken, d'une part, et ceux de Rosehill et Imperial, d'autre part, n'étaient pas utiles parce que les caractéristiques étaient bien différentes, notamment en ce qui a trait aux dimensions des terrains en question, à la pente, au voisinage, à la circulation et aux fils aériens. À l'instar de M. Tebbutt, je reconnais que les comparaisons que M. Grant a faites avec les propriétés de Tsawwassen ne sont pas utiles.

     M. Grant s'est fondé jusqu'à un certain point sur la comparabilité des taux de location du projet d'habitations multirésidentielles de Shalimar, sur la réserve de Musqueam, et ceux des propriétés multirésidentielles situées en dehors de la réserve. Cependant, indépendamment du propre aveu de M. Grant quant à l'utilité des données relatives aux propriétés de Shalimar comme base de comparaison pour évaluer le terrain du parc Musqueam, j'estime qu'une comparaison des loyers prévus dans les baux annuels ne permet pas vraiment de déterminer la valeur du terrain sous-jacente lorsqu'un point critique concerne le risque auquel s'exposent les titulaires de domaines à bail qui améliorent la propriété en application de baux à long terme. Le risque est lié principalement à la question de savoir dans quelle mesure le titulaire de domaine à bail pourra aliéner celui-ci, y compris les améliorations, et à quel prix il pourra le faire, le cas échéant. Ce ne sont pas des facteurs qui préoccupent les preneurs à bail ayant signé un bail annuel. Par conséquent, les données relatives aux propriétés de Shalimar ne sont pas utiles.

     M. Oikawa, l'estimateur des défendeurs, s'exprime comme suit :

[TRADUCTION] Cependant, ces propriétés sont bien différentes de celles dont il est question ici. Plus précisément, les lots en cause sont uniques, parce qu'ils font partie d'une réserve indienne (RI2). Cet emplacement est considéré comme un facteur important, notamment en raison des incertitudes liées à des questions comme les taxes foncières, l'autonomie gouvernementale des autochtones, les services, etc.37.
La conclusion clé est la suivante : la propriété à bail a été vendue à un prix de 73 750 $ de plus seulement que le prix de vente du terrain franc vacant, même si elle a été améliorée par l'ajout d'une grande maison moderne construite sur mesure, qui vaut plusieurs centaines de milliers de dollars. Dans ce cas-ci, il est évident que le fait qu'il s'agit d'une propriété à bail située par surcroît sur une réserve indienne a abaissé sensiblement la qualité marchande et la valeur de la propriété.
...     
Dans l'ensemble, le fait qu'une propriété à bail améliorée par la construction d'une maison prestigieuse et très attirante se vend à un prix à peine plus élevé que la valeur du terrain comme lot en fief simple indique qu'il faut retrancher de la valeur du terrain comme propriété franche un montant important parce que la propriété est louée et se trouve sur une réserve indienne38.

     Voici ce que l'agent immobilier des défendeurs, M. Tebbutt, a dit au sujet de la comparaison entre les propriétés franches et les terrains loués situés sur une réserve indienne de Tsawwassen :

[TRADUCTION] À mon avis, la valeur marchande actuelle des lots situés dans le lotissement de Stahaken est bien différente de celle des lots immédiatement adjacents qui se trouvent sur une propriété franche39.

     À la page 4, ce même témoin poursuit en ces termes :

[TRADUCTION] Compte tenu des chiffres de vente qui précèdent et de l'expérience que j'ai moi-même vécue comme agent immobilier pendant 20 ans dans cette région, je pense que les lots non améliorés de Stahaken se vendraient à environ 50 % du prix des terrains francs situés à English Bluff/Pacific Drive.
D'après l'expérience que j'ai vécue comme agent immobilier, les principales préoccupations exprimées par les acheteurs éventuels de terrains ou de propriétés améliorées de Stahaken résident dans la crainte de controverses et dans l'incertitude rattachée aux lots qui se trouvent sur des réserves indiennes.
Les récents événements, que les acheteurs m'ont décrits comme des sources de préoccupation, comprennent le transfert de compétence en ce qui a trait au recouvrement des taxes foncières et à la fourniture de services locaux par la municipalité à la bande indienne ainsi que les récents conflits entre la bande indienne de Tsawwassen et la municipalité de Delta au sujet d'une station de traitement des eaux usées desservant les terrains situés sous English Bluff.

     Pour sa part, l'estimateur de la ville de Vancouver, M. Jones, s'est exprimé comme suit :

     [TRADUCTION]

Q.      Et quelle serait la deuxième partie?
R.      Probablement une bonne partie de la publicité défavorable qui a entouré ...
Q.      Les terrains situés sur les réserves indiennes.
R.      Plus précisément les terrains de Musqueam à l'époque.
Q.      Et une partie de cette controverse concernait le transfert de compétence en ce qui a trait aux taxes?
R.      Elle a commencé lors de ce transfert et s'est accentuée lors des renouvellements des baux.
Q.      Oui. Et, en fait, vous avez constaté vous-même que les résidents de la réserve de Musqueam semblaient craintifs au sujet de la question des taxes ainsi qu'au sujet des services qui seraient assurés après le transfert?
R.      Au début des années 1990, ce genre de sujet était fréquemment commenté dans les journaux ou à la radio.
Q.      Et les préoccupations portaient sur des questions comme celle de savoir s'il y aurait encore des services de cueillette d'ordures ainsi que des services d'aqueduc et d'égout?
R.      C'était quelques-uns des éléments qui ont été mentionnés.
Q.      Il y avait donc de l'incertitude et des controverses jusqu'à un certain point?
R.      Oui. Il n'y avait pas de contrat à long terme par lequel la ville de Vancouver s'engageait à assurer le maintien de ces services et on a fini par craindre que ces services ne soient pas maintenus.
Q.      Oui, et cette crainte a rejailli sur le marché aussi?
R.      Oui. Le marché de l'immobilier est très sensible à la critique négative.
Q.      Vous reconnaissez qu'aucun facteur ne risque de nuire à l'immobilier davantage que la controverse?
R.      Je crois que c'est assez juste.
Q.      Je pense que c'est tiré d'une citation, de vos propos?
R.      Je suis d'accord avec ça alors40.

     La preuve permet amplement de dire qu'il y a de bonnes chances que le terrain de la réserve de Musqueam ait une valeur inférieure à celle des terrains en fief simple voisins. Les facteurs qui touchent la valeur du terrain de la réserve de Musqueam ne sont pas des facteurs artificiels ou discriminatoires que la Cour décide d'appliquer. Les estimateurs et l'agent immobilier qui ont témoigné ont mentionné que les valeurs sur le marché des terrains loués se trouvant sur une réserve indienne étaient inférieures à celles de propriétés en fief simple et ont fourni des justifications au soutien de ce qu'ils avançaient, lesquelles justifications sont rattachées à la nature du terrain en question.

     Cette valeur inférieure n'est pas liée de façon importante au fait que le droit que Sa Majesté a accordé au nom de la bande est un droit de tenure à bail. M. Bruce Evans-Atkinson, qui a témoigné devant le conseil d'examen, a conclu que, toutes choses étant égales par ailleurs, la valeur d'une propriété visée par un bail à long terme se rapproche sensiblement de la valeur d'un domaine franc au début de la tenure à bail et M. Johnston a souscrit à cette conclusion. M. Grant a dit qu'au début du bail à long terme, il n'y a pas de différence perceptible entre la valeur d'un domaine à bail et celle d'un domaine franc41. M. Oikawa a également conclu que le fait qu'il s'agissait d'une propriété à bail plutôt que d'une propriété franche n'était pas important à cette époque (même si ce facteur avait beaucoup plus d'importance selon lui vingt ans plus tôt ou avant). Selon M. Jones, la valeur marchande d'une propriété à bail n'était pas inférieure à celle d'une propriété franche, mais il semblait être la seule personne de cet avis. À l'instar des estimateurs, je reconnais qu'au début d'un bail à long terme, toutes choses étant égales par ailleurs, il n'y a pas de différence importante entre la valeur d'une propriété foncière à bail et celle d'une propriété franche. Étant donné que la valeur courante du terrain présuppose un bail à long terme relatif à un terrain situé sur la réserve indienne no 2 de Musqueam, toute différence importante entre la valeur de propriétés franches situées en dehors de la réserve et de propriétés à bail se trouvant sur la réserve est imputable au fait que les propriétés de la réserve sont justement situées sur une réserve indienne.

     Compte tenu de la preuve résumée ci-dessus, j'en arrive à la conclusion que le terrain du parc Musqueam aura une valeur inférieure aux propriétés en fief simple voisines situées à l'extérieur de la réserve, que cette valeur inférieure est attribuable essentiellement au fait que le terrain se trouve sur une réserve indienne et non au fait qu'il s'agit d'une propriété à bail et que cette valeur inférieure est appuyée par les témoignages convaincants des témoins des demandeurs et des défendeurs.

Preuve présentée devant le conseil d'examen

     Lorsqu'il a témoigné devant le conseil d'examen de la bande indienne de Musqueam en 1993, M. Johnston a dit que la valeur de certaines propriétés du parc Salish s'établissait à environ 78 % de celle de propriétés franches « comparables » . Selon d'autres évaluations présentées au conseil d'examen, les propriétés du parc Salish avaient une valeur correspondant à environ 74 % de celle des propriétés situées en dehors de la réserve. Le conseil a conclu que la valeur s'établissait à 68 % de celle des propriétés situées en dehors de la réserve42.

     Cependant, le conseil d'examen n'a fait aucune répartition de la valeur entre les terrains et les améliorations en raison de l'insuffisance de la preuve présentée à ce sujet. Néanmoins, il n'y a aucune donnée indiquant que des habitations ont été démolies au parc Salish; par conséquent, la différence entre les valeurs des propriétés situées sur la réserve du parc Salish et celles des propriétés du sud de Vancouver se trouvant en dehors de la réserve est nécessairement imputable en grande partie aux terrains. Si les terrains seuls étaient pris en compte, la valeur des terrains du parc Salish comparativement à celle des propriétés franches situées en dehors de la réserve serait inférieure aux pourcentages mentionnés dans la décision du conseil d'examen. Qui plus est, le conseil était saisi de données sur les valeurs en date du 1er juillet 1992; or, entre cette date et le 8 juin 1995, les valeurs des propriétés franches situées en dehors de la réserve ont sensiblement augmenté, soit à un rythme que M. Grant a établi à 0,9 % par mois. S'il est vrai que, jusqu'en 1995, la valeur des terrains du parc Salish a été touchée par l'incertitude inhérente au fait qu'ils se trouvaient sur une réserve, les accroissements de la valeur des terrains situés en dehors de la réserve auront probablement été supérieurs à ceux des propriétés du parc Salish jusqu'à cette date, ce qui aura diminué d'autant la valeur de celles-ci par rapport à celle des propriétés franches situées en dehors de la réserve.

Évaluations foncières en 1995-1996 conformément à la décision du conseil d'examen

     La pièce 16 renferme les évaluations qui ont été faites en 1995-1996 à l'égard du terrain du parc Musqueam et qui étaient fondées sur la décision du conseil d'examen et sur l'utilisation de propriétés comparables situées sur la réserve du parc Salish. La valeur moyenne s'établissait à environ 349 000 $, soit 57 % de la valeur moyenne que M. Grant avait calculée pour juin 1995 en présumant qu'il s'agissait de propriétés en fief simple (607 000 $). Cette comparaison comporte certaines lacunes; en effet, les évaluations portent sur des périodes différentes, soit juin 1995 par opposition à 1995-1996. Néanmoins, la comparaison permet d'obtenir une différence d'ordre de grandeur qui indique que la valeur des propriétés situées sur une réserve est nettement inférieure à celle des terrains situés en dehors d'une réserve.

Témoignage de l'agent immobilier Tebbutt

     Au cours de son interrogatoire principal, M. Tebbutt a dit que la valeur des lots situés sur la réserve du lotissement de Stahaken, à Tsawwassen, correspondait à environ 50 % de celle de terrains comparables détenus en fief simple et situés en dehors de la réserve43. Selon lui, l'écart pourrait varier de 40 % à 45 %44.

Témoignage de l'estimateur Oikawa et critiques de la méthode de celui-ci par les estimateurs Johnston et Grant

     Il convient de rappeler ici que M. Oikawa a commencé par parler des récentes transactions concernant des propriétés améliorées du parc Salish. Le coût de remplacement amorti des améliorations a été déduit des prix de vente, ce qui a donné une valeur marchande résiduelle du terrain. En utilisant cette valeur marchande du terrain du parc Salish, M. Oikawa a effectué des rajustements propres au terrain du parc Musqueam pour déterminer la valeur de celui-ci. En moyenne, M. Oikawa a obtenu pour les lots du parc Musqueam des valeurs correspondant à environ 42 % de celles que M. Grant avait calculées pour des propriétés en fief simple.

     Cependant, l'application par M. Oikawa de la technique résiduelle du terrain aux valeurs du parc Salish comporterait certaines faiblesses. Selon M. Johnston, M. Oikawa n'aurait pas dû utiliser les données afférentes au parc Salish, parce que la période à écouler des baux était plus courte, de sorte que les valeurs des lots du parc Salish étaient inférieures. M. Johnston a ajouté qu'il est difficile d'évaluer de façon précise l'amortissement cumulé des immeubles, notamment en ce qui a trait à la « désuétude économique » , c'est-à-dire la baisse de valeur causée par des facteurs externes sur lesquels les détenteurs de propriétés n'ont aucun contrôle, par opposition à la détérioration physique ou à la désuétude fonctionnelle que M. Oikawa a examinée.

     Quant à M. Grant, il a formulé les critiques suivantes à l'endroit de la méthode de M. Oikawa. Ainsi, il a soutenu que la technique résiduelle du terrain ne tient pas compte de la désuétude économique. De plus, les données comparables du parc Salish ne sauraient s'appliquer, parce qu'une des deux voies d'accès menant au lotissement de Salish [TRADUCTION] « passe par la réserve de Musqueam, dont une partie est en très mauvais état » , tandis que la route menant au lotissement en cause [TRADUCTION] « passe directement par la South-West Marine Drive sans qu'il soit indiqué que ledit lotissement fait partie d'une réserve » 45. Il n'est nullement tenu compte du fait que les baux relatifs aux propriétés de Salish ont une durée inférieure de quelque 20 ans à celle des baux en cause. D'après les données sur les ventes récemment conclues au parc Salish, les prix sont plus élevés que ceux de 1994-1995, contrairement à l'ensemble des prix du marché, ce qui indique que toute publicité pouvant avoir nui à la valeur des terres indiennes a été de courte durée et qu'il ne faut pas en tenir compte. Enfin, M. Grant fait valoir que le taux annuel de 6 % était sensiblement inférieur au taux hypothécaire à long terme en vigueur lors de la révision des loyers, soit 10 %. Selon lui, M. Oikawa n'a pas tenu compte du faible taux de 6 %, qui permettrait l'occupation d'une propriété ayant une valeur plus élevée (et, par conséquent, une valeur courante supérieure) qu'elle ne l'aurait été s'il avait été nécessaire de recourir à du financement hypothécaire à long terme.

     J'ai examiné attentivement les critiques que Johnston et Grant ont formulées à l'égard de la technique résiduelle du terrain que M. Oikawa a appliquée à l'aide des données relatives aux propriétés du parc Salish.

A. Conséquence de la durée des baux

     Comme je l'ai déjà mentionné plus haut, il appert du témoignage de tous les estimateurs que, toutes choses étant égales par ailleurs, les valeurs marchandes actuelles des terrains visés par des baux à long terme sont à peu près identiques aux valeurs de ces mêmes terrains comme propriétés franches au début des baux. La seule question qu'il faut se poser ici est celle de savoir si les valeurs des propriétés du parc Salish constituent un bon point de comparaison pour déterminer les valeurs des lots du parc Musqueam, même si la période à écouler des baux du parc Salish était de 78 ans plutôt que 99 ans, soit la période à utiliser pour déterminer la « valeur courante du terrain » du parc Musqueam. M. Johnston a admis au cours de son témoignage que, sur le plan mathématique, la différence serait très minime. M. Oikawa était du même avis. Dans les circonstances, je suis convaincu que tout rajustement qui serait effectué pour tenir compte de la différence touchant la durée des baux serait minime.

B. Désuétude économique

     Le facteur de désuétude économique qui s'applique en l'espèce découle de la hausse importante et rapide des valeurs des terrains situés dans le sud-ouest de Vancouver et de l'impossibilité quasi totale de trouver des terrains vagues dans la région. C'est ce qui a donné lieu à la démolition d'habitations sur des propriétés en fief simple situées à l'extérieur de la réserve qui ne sont pas par ailleurs entièrement amorties sur le plan physique ou fonctionnel. Bien que les demeures soient habitables, leurs qualités ou leurs dimensions ne vont pas de pair avec la valeur des terrains. D'après la preuve, étant donné que la valeur des terrains dépasse 500 000 $, les demeures qui avaient été construites à l'origine alors que les terrains valaient beaucoup moins sont démolies et remplacées par des demeures beaucoup plus coûteuses qui justifient un investissement d'au moins 500 000 $ pour le terrain.

     Dans le cas de certaines transactions relatives à des propriétés situées à l'extérieur des réserves, les améliorations sont restées. Cependant, d'après les évaluations qui ont été faites, même dans ce cas, les améliorations en question ajoutaient bien peu à la valeur de la propriété, le cas échéant. Par conséquent, il se peut qu'une amélioration donnée qui n'a pas été démolie soit désuète sur le plan économique. Si, comme M. Grant le soutient, chaque personne d'une région donnée faisait construire des maisons de 4 000 pieds carrés, la construction d'une maison de 1 000 pieds ne correspondrait pas à l'utilisation optimale du terrain. Une maison de 1 000 pieds carrés serait désuète sur le plan économique46.

     À l'inverse, lorsqu'il n'y a aucune preuve de démolition et que les améliorations ont été construites des années plus tôt alors que les terrains avaient une valeur moindre, il est peu probable que la valeur courante de ceux-ci s'établisse à 500 000 $. Si tel était le cas, les immeubles qui s'y trouvent seraient démolis. C'est l'absence de démolition observée qui donne à penser que l'utilisation optimale du terrain demeure l'habitation qui y est déjà construite.

     En théorie, la désuétude économique peut être imputable exclusivement au terrain ou aux améliorations ou aux deux47. Cependant, lorsque la hausse des valeurs foncières se traduit par une désuétude économique, cette désuétude doit être imputée exclusivement ou, du moins en grande partie, aux améliorations. C'est ce qu'indique la preuve de démolitions d'améliorations et de constructions d'habitations plus coûteuses sur le terrain.

     Aucune démolition de cette nature n'a été observée au parc Salish. Aucune autre donnée n'indique non plus que les demeures existantes ne correspondaient pas à l'utilisation optimale du terrain48. Néanmoins, M. Oikawa a dit qu'il pourrait y avoir une certaine désuétude économique au parc Salish, mais que cette désuétude ne serait pas importante49. En raison de l'absence de données indiquant que des démolitions ont eu lieu au parc Salish, il est difficile d'expliquer une déduction importante de la valeur des améliorations par la désuétude économique50.

     Au cours de son témoignage, M. Johnston a semblé sous-entendre que, dans la mesure où les controverses liées aux réserves indiennes ont eu des répercussions négatives sur les valeurs des propriétés des parcs Salish et Musqueam, la technique résiduelle du terrain que M. Oikawa a appliquée a eu pour effet d'imputer à tort la totalité de la perte au terrain plutôt que d'en attribuer une partie aux habitations. Si une partie de la perte est imputable aux habitations, la valeur résiduelle déterminée à l'aide de la technique résiduelle du terrain sera supérieure au montant déterminé par M. Oikawa. Cependant, les controverses auxquelles M. Johnston fait allusion en ce qui a trait aux réserves indiennes concernent l'emplacement et non la valeur des habitations. Elles se rapportent au terrain. Il n'est nullement sous-entendu qu'en raison de ces controverses, les habitations ne représentent pas l'utilisation optimale du terrain ou que la valeur de celui-ci et de l'habitation qui s'y trouve est inférieure à la valeur du terrain seul, c'est-à-dire que celui-ci aurait une valeur négative. Dans l'un ou l'autre de ces cas, il y aurait peut-être lieu d'imputer la perte de valeur aux habitations, mais aucune de ces deux conditions ne s'applique en l'espèce. En conséquence, je ne vois pas pourquoi la perte de valeur découlant des controverses qui entourent les réserves indiennes serait imputable aux habitations.

     M. Grant a comparé certaines transactions touchant des propriétés du parc Salish avec des transactions relatives à des propriétés du sud-ouest de Vancouver pour tenter de démontrer que l'amortissement cumulé des améliorations était semblable dans les deux régions51. Il voulait ainsi démontrer que la désuétude économique des habitations du parc Salish était semblable à celle des propriétés en fief simple du sud-ouest de Vancouver. À mon avis, pour faire cet exercice, il aurait fallu considérer les terrains du parc Salish comme des propriétés franches situées en dehors de la réserve et les évaluer en conséquence. Cependant, j'en suis arrivé à la conclusion que les valeurs des terrains comme propriétés franches ne s'appliquent pas aux lots loués d'une réserve. Je ne vois pas en quoi il peut être utile d'imputer aux terrains du parc Salish des valeurs comme propriétés franches et je n'accorde aucune importance à cette preuve.

     En l'absence de données indiquant que des démolitions ont eu lieu au parc Salish, mais compte tenu du témoignage de M. Oikawa, j'attribuerais une désuétude économique minime aux habitations du parc Salish, sans plus.

C. Double déduction

     L'argument de M. Grant sur ce point est fondé sur le fait que les baux prévoient un taux annuel de 6 %, lequel est inférieur au taux hypothécaire à long terme qui était en vigueur en 1995, soit 10 % selon lui. M. Grant soutient que, si une valeur inférieure est attribuable au terrain du parc Musqueam parce qu'il s'agit d'une propriété à bail et non d'une propriété franche, une double déduction doit être faite. Si j'ai bien compris, cet argument est fondé sur une comparaison des coûts d'occupation. En présumant que les coûts d'occupation seraient égaux sur le marché, si le titulaire d'une propriété à bail est tenu de payer 6 % seulement alors que le détenteur d'une propriété franche doit payer 10 %, la valeur sous-jacente du terrain loué sera plus élevée qu'elle ne l'aurait été s'il s'était agi d'une propriété franche. Le fait de présumer que la propriété à bail a une valeur inférieure à celle de la propriété franche lorsque le taux de location est inférieur au taux hypothécaire pénalise la bande et permet aux titulaires de propriétés à bail de bénéficier d'une aubaine.

     Il m'est difficile d'accepter la comparaison que M. Grant tente de faire, pour plusieurs raisons. Ainsi, je ne crois pas que le coût d'occupation soit le seul élément dont il faut tenir compte pour comparer la valeur de droits de tenure franche et de droits de tenure à bail. Cependant, il suffit de dire que le taux de 6 % est une condition qui s'applique spécifiquement aux baux actuellement en vigueur. J'ai déjà conclu que, exception faite des hypothèses expressément exigées, les conditions des baux en question ne devraient pas toucher le calcul de la valeur courante du terrain. En fait, ce que l'on veut déterminer, c'est la « valeur courante du terrain » , c'est-à-dire la valeur actuelle du droit de tenure à bail de 99 ans, et non celle du droit de tenure à bail existant. Si les tenures à bail actuelles étaient évaluées, il y aurait lieu de tenir compte du taux annuel de 6 %. Cependant, il faudrait aussi tenir compte de la diminution de la durée des baux et de l'incertitude caractérisant chaque révision de loyer. Le taux de 6 % et les autres facteurs découlant du bail actuel ne concernent nullement la détermination de la valeur courante du terrain et ne peuvent en toucher le calcul.

D. Accès touchant les valeurs des propriétés du parc Salish

     MM. Grant et Oikawa ne s'entendent pas sur la question de savoir si les valeurs des propriétés du lotissement de Salish sont influencées par le fait qu'une voie d'accès menant à la réserve de Musqueam est en mauvais état. M. Grant n'a fourni aucune estimation quantitative des conséquences possibles de ce facteur. Dans les circonstances, je ne puis attribuer davantage qu'une différence minime entre le parc Salish et le parc Musqueam en fonction de ce facteur.

E. Répercussions temporaires de la publicité néfaste

     M. Grant laisse sous-entendre que les valeurs des terrains du parc Salish ont peut-être été touchées temporairement en 1995 par la publicité néfaste concernant les bandes indiennes. À son avis, ce facteur serait peut-être moins important aujourd'hui, compte tenu des augmentations récentes des valeurs des propriétés du parc Salish comparativement à l'ensemble du marché du sud-ouest de Vancouver. Cependant, d'autres données indiquent que cette publicité néfaste continue de produire des effets négatifs qui sont peut-être encore plus importants aujourd'hui et que les transactions que M. Grant a utilisées pour en arriver à sa conclusion au sujet de l'accroissement récent des valeurs des propriétés du parc Salish ne sont peut-être pas représentatives52. Même s'il est possible d'ignorer des anomalies temporaires inhabituelles ou de ne pas en tenir compte pour déterminer des valeurs dans certains cas, les baux indiquent spécifiquement que la valeur courante du terrain doit être calculée à la date des nouvelles négociations, soit immédiatement avant le début de la période de vingt ans concernée, en l'occurrence, immédiatement avant le 8 juin 1995. Il appert de la preuve que la publicité néfaste a touché les valeurs foncières à l'époque et, par conséquent, il n'est pas possible d'ignorer ce facteur pour déterminer un juste loyer selon les baux.

F. Faiblesses de la technique résiduelle du terrain

     Même s'il est préférable d'utiliser la technique de la parité pour faire l'évaluation, cette méthode était inapplicable en l'espèce, sauf s'il avait été possible d'utiliser les valeurs des propriétés en fief simple pour déterminer la valeur des lots du parc Musqueam ou sauf s'il y avait eu des terrains vagues sur une réserve indienne comparable à celle du parc Salish. J'en suis arrivé à la conclusion qu'il ne convient pas d'évaluer le terrain du parc Musqueam comme s'il s'agissait d'une propriété en fief simple située en dehors de la réserve et il n'y a pas de terrain vague au parc Salish. En conséquence, il est nécessaire d'appliquer la technique résiduelle du terrain, que la Cour fédérale a déjà acceptée (Elworthy c. Canada, dossier T-1788-80, 16 décembre 1981, décision du juge Collier (C.F. 1re inst.)).

     Néanmoins, la détermination de l'amortissement cumulé des habitations à l'aide de tableaux de coûts comporte des faiblesses, puisqu'elle repose sur des hypothèses, des moyennes et des estimations et non sur les données du marché. De plus, dans la mesure où la désuétude économique peut être un facteur, et M. Oikawa a reconnu cette possibilité, bien qu'à un degré minime, le calcul qu'il a fait n'en tient pas compte. Cependant, les faiblesses relevées en ce qui a trait à la technique résiduelle du terrain que M. Oikawa a utilisée ne produisent pas systématiquement des surévaluations ou des sous-évaluations. Même si la Cour suprême du Canada a dit qu' « il faut être très prudent dans l'utilisation de l'approche » (Ville de Halifax c. S. Cunard & Co. Ltd., [1975] 1 R.C.S. 458, p. 464), j'estime qu'il est possible d'utiliser cette méthode en l'espèce pour obtenir une indication de l'ordre de grandeur de la valeur du terrain du parc Musqueam. Je ne crois pas que M. Oikawa ait proposé la technique résiduelle du terrain à l'égard du parc Salish comme méthode donnant une valeur « mathématiquement exacte » du terrain du parc Musqueam et ce n'est pas ainsi que je la conçois.

Conclusion concernant l'évaluation

     La preuve, y compris celle des témoins des demandeurs eux-mêmes, indique de façon prépondérante que les valeurs marchandes des terrains visés par des baux à long terme et situés sur une réserve indienne sont sensiblement inférieures à celles de terrains en fief simple situés en dehors d'une réserve, dans les régions avoisinantes. Le problème réside dans la nécessité de quantifier la différence.

     Il va sans dire que l'évaluation foncière n'est pas une science exacte. C'est encore plus vrai dans le présent cas, en raison de l'impossibilité d'appliquer la technique de la parité et des faiblesses susmentionnées qui caractérisent la technique résiduelle du terrain. Néanmoins, la Cour doit en arriver à une décision à la lumière de la preuve présentée.

     M. Oikawa a dit qu'il accepterait les valeurs que M. Grant a attribuées aux terrains comme propriétés en « fief simple » si, contrairement à ce qu'il pensait, ces valeurs étaient applicables au parc Musqueam53. D'après certaines données mises en preuve, compte tenu du fait qu'il se trouve sur une réserve, le terrain du parc Musqueam aurait une valeur variant entre 40 % et peut-être 70 % de la valeur qu'il atteindrait s'il s'agissait d'une propriété en fief simple. J'accorde plus de poids au témoignage de M. Oikawa, qui favorisait un montant se rapprochant davantage du niveau inférieur de l'éventail, parce qu'il portait directement sur les questions en litige en l'espèce.

     Sur ce point, M. Oikawa a préparé une annexe dans laquelle il a comparé dix propriétés du parc Salish qui ont été vendues entre juin 1994 et novembre 1995 à onze propriétés du côté ouest vendues entre juin 1994 et octobre 1995. Voici ce que M. Oikawa a dit à ce sujet :

[TRADUCTION] Le prix moyen d'une propriété du parc Salish s'établit à environ 305 000 $ de moins que le prix moyen des onze propriétés du côté ouest. Compte tenu de la similitude des propriétés sur le plan physique, il m'apparaît évident que ce niveau inférieur s'explique par le fait que les propriétés du parc Salish sont situées sur un terrain loué de la réserve indienne de Musqueam54.

     Selon M. Oikawa, si la différence de 305 000 $ est retranchée de la valeur moyenne que M. Grant a établie en évaluant les propriétés comme s'il s'agissait de propriétés en fief simple, la valeur qui en résulterait se rapprocherait davantage des montants qu'il a proposés pour le parc Musqueam, soit une somme variant de 225 000 $ à 280 000 $. À mon avis, la valeur qui en résulterait se chiffrerait à 302 000 $, soit 607 000 $ moins 305 000 $, ou près de 50 % de la valeur hypothétique d'une propriété en fief simple55.

     Les évaluations présentées en preuve ont été arrondies jusqu'à un certain point. Compte tenu de leur manque de précision, il ne serait pas logique de ma part de choisir l'un ou l'autre des montants spécifiques proposés par les parties pour déterminer la valeur courante du terrain. Comme je l'indique plus loin, j'utilise comme point de comparaison une valeur hypothétique attribuable à une propriété en fief simple pour déterminer la valeur réelle du terrain du parc Musqueam. La valeur hypothétique est la valeur à laquelle le terrain du parc Musqueam s'établirait s'il était situé à l'extérieur d'une réserve et détenu en fief simple. Compte tenu de la preuve dont je suis saisi, j'estime que la valeur hypothétique du terrain viabilisé du parc Musqueam comme propriété en fief simple s'établirait en moyenne à 600 000 $ par lot ou à 45 000 00 $ pour l'ensemble des 75 lots du lotissement. La valeur réelle de ce terrain viabilisé, compte tenu des droits de tenure à bail à long terme s'y rattachant et du fait qu'il se trouve sur une réserve indienne, correspondrait à environ 50 % de la valeur qu'il atteindrait comme propriété en fief simple, soit 300 000 $ en moyenne par lot ou 22 500 000 $ pour l'ensemble des 75 lots.

     L'avocat des défendeurs a fait savoir à la Cour que ceux-ci avaient accepté la répartition de la valeur du terrain entre les lots du parc Musqueam conformément aux données que M. Oikawa a présentées à ce sujet56. Il n'est pas nécessaire de modifier la répartition que M. Oikawa a proposée, en autant que le total se chiffre à 22 500 000 $. Pour une raison ou pour une autre, sept lots ne figuraient pas au tableau de M. Oikawa57. Je ne puis donc calculer l'augmentation précise nécessaire dans chaque cas. Je présume que cette augmentation correspond àenviron 19 %, mais il n'est pas nécessaire d'échafauder des hypothèses. Les défendeurs devraient préparer un tableau présentant les valeurs que M. Oikawa a attribuées aux 75 lots loués et augmenter proportionnellement la valeur de chaque lot de façon que le montant total se chiffre à 22 500 000 $.

QUESTION 3 : LES SERVICES

Les positions des parties

     Jusqu'à maintenant, la valeur courante du terrain comme terrain viabilisé a été déterminée. Il faut maintenant déterminer dans quelle mesure il est nécessaire de déduire les frais de service de cette valeur pour le parc Musqueam afin de respecter l'hypothèse prescrite à l'alinéa 2(2)a) du bail, qui renvoie aux [TRADUCTION] « terrains non améliorés dans l'état où ils se trouvaient à la date de l'entente » . La controverse entourant les services touche à la fois l'interprétation de la clause des baux qui concerne la révision des loyers et les différentes composantes des frais de service. Selon les demandeurs, il n'y a pas lieu de déduire les frais de service (sauf le coût de l'aménagement paysager) pour déterminer la valeur courante du terrain; cependant s'ils sont déduits, seuls les « frais essentiels » seraient pertinents. De l'avis des défendeurs, tous les frais de service et de mise en valeur doivent être déduits.

     Les demandeurs font valoir que, si les frais de service doivent être déduits, le montant à déduire s'établirait à 28 635,19 $ par lot58. Ce montant représente les « frais essentiels » relatifs aux installations d'adduction d'eau, aux égouts pluviaux, aux installations sanitaires, aux services d'utilité publique (chauffage, éclairage, électricité, etc.) et aux services hors chantier, mais non aux travaux routiers. De l'avis des défendeurs, le montant de frais à déduire s'élève à 117 818 $ par lot59. Les frais essentiels des défendeurs comprennent les frais des travaux routiers, que les demandeurs ont exclus. Les frais proposés par les défendeurs comprennent également les « frais accessoires » comme les commissions de vente du promoteur, les droits et cotisations municipaux, les profits du promoteur, les frais de financement, la taxe afférente à l'achat d'une propriété et les taxes foncières pendant la durée de la détention.

Analyse concernant les services

     Les baux renferment les clauses suivantes :

[TRADUCTION] ATTENDU QUE le terrain décrit dans ladite entente cadre a été loti et viabilisé selon les conditions de ladite entente...
EN CONSÉQUENCE, compte tenu des loyers, engagements et accords que le preneur à bail a convenu de respecter ainsi que des engagements et accords du preneur à bail qui sont énoncés dans l'entente cadre conclue entre le ministre et celui-ci, le ministre LOUE audit preneur à bail la parcelle de terrain se trouvant dans la ville de Vancouver...

[non souligné dans l'original]

     En raison de ces clauses des baux, l'entente cadre est intégrée par renvoi dans chaque bail et tant les demandeurs que les défendeurs sont d'accord avec cette interprétation60. Par conséquent, il existe deux dispositions qui sont presque identiques, soit une qui est énoncée dans les baux eux-mêmes (alinéa 2(2)a)) et une qui se trouve à l'entente cadre (alinéa 15(2)a)) intégrée à ceux-ci. Il est évident que l'alinéa 2(2)a) des baux est tiré de l'alinéa 15(2)a) de l'entente cadre.

     À quelle « entente » l'alinéa 2(2)a) des baux renvoie-t-il? S'il s'agit de l'entente cadre, il est évident que, le 8 juin 1965, les terrains n'étaient pas viabilisés. S'il s'agit du bail, les terrains étaient viabilisés, d'après le préambule de celui-ci61. Les mots d'un document doivent toujours être interprétés en fonction du contexte. Dans la présente affaire, le contexte indique que les mots [TRADUCTION] « la présente entente » de l'alinéa 2(2)a) du bail renvoient à l'entente cadre, pour les raisons suivantes.

     D'abord, le préambule du bail renvoie expressément au terrain décrit dans l'entente cadre, lequel terrain a été loti et viabilisé. Cependant, l'alinéa 2(2)c) oblige les parties à présumer que le terrain se trouve dans une région lotie. Si l'alinéa 2(2)a) renvoyait au bail, qui énonce lui-même que le terrain a été loti, il ne serait pas nécessaire de présumer, lors de la révision des loyers, qu'il se trouve dans une région lotie. La seule conclusion raisonnable est la suivante : l'alinéa 2(2)a) du bail a été tiré de l'alinéa 15(2)a) de l'entente cadre sans qu'il y ait eu intention de modifier l'entente antérieure et les mots « la présente entente » renvoient à l'entente cadre.

     En deuxième lieu, si les mots « la présente entente » renvoyaient au bail, il s'ensuivrait, compte tenu du préambule de celui-ci, que l'on savait que le terrain était loti et viabilisé, de sorte que l'alinéa 2(2)a) aurait certainement comporté les mots

[TRADUCTION] « terrains lotis et viabilisés sans amélioration » .

plutôt que les mots :

[TRADUCTION] « terrains non améliorés dans l'état où ils se trouvaient à la date de la présente entente » ;

     Il n'était pas nécessairement sous-entendu que les mots « la présente entente » renvoyaient à l'entente cadre.

     En troisième lieu, le loyer payé au cours des 30 premières années s'élève à environ 300 $ à 500 $ par lot. Ce loyer a été calculé à partir du loyer total de l'ensemble du lotissement selon l'article 15 de l'entente cadre. Il a été déterminé avant l'aménagement des services et ne comprenait manifestement pas les frais de service62. La question de savoir pourquoi le loyer relatif aux 30 premières années ne comprendrait aucun montant au titre des services alors que, aux fins de la révision du loyer après 30 ans, un montant serait inclus à ce titre est un illogisme qui n'a pas été expliqué. Si les parties avaient souhaité pareil changement, je pense que celui-ci aurait été mentionné explicitement au bail, ce qui n'est pas le cas.

     En quatrième lieu, la date de « la présente entente » correspond dans les faits à la date de l'entente cadre. La bande a fourni un terrain non viabilisé et non mis en valeur. Le promoteur a dépensé les fonds et accepté le risque inhérent à la mise en valeur, y compris les frais de service. Il m'est difficile de croire que les parties souhaitaient, lors de la révision du loyer, que la bande reçoive un dédommagement à l'égard des services et de la mise en valeur alors qu'elle n'en a pas payé le coût et qu'elle n'en était pas responsable.

     C'est pourquoi je suis d'avis que les mots « la présente entente » de l'alinéa 2(2)a) du bail renvoient à l'entente cadre et que le bail oblige les parties à présumer, aux fins de la révision du loyer, que le terrain n'est pas viabilisé.

     J'en arrive maintenant à la question de savoir si l'hypothèse prescrite à l'alinéa 2(2)b) du bail par les mots [TRADUCTION] « terrains comportant une voie d'accès publique » sous-entend qu'il faut présumer l'existence de travaux routiers pour la révision du loyer, comme les demandeurs le soutiennent. Je ne crois pas que ce soit le cas. Si, comme je le pense, la date de « la présente entente » indiquée à l'alinéa 2(2)a) du bail correspond à la date de l'entente cadre, les mots « dans l'état où ils se trouvaient » renvoient à la période précédant les travaux routiers qui ont pu être faits sur le terrain. Si l'alinéa 2(2)b) signifiait que les mots « voie d'accès publique » sous-entendent l'existence de travaux routiers, il y aurait une contradiction entre ce même alinéa et l'alinéa 2(2)a).

     De plus, l'entente cadre, à laquelle le bail était joint en annexe et qui était intégrée à celui-ci par renvoi, fait explicitement allusion à maintes reprises aux voies d'accès. Dans l'entente cadre, les voies d'accès n'ont pas été traitées différemment des autres services. Si les parties avaient voulu que l'on présume, lors de la révision du loyer, que les terrains pertinents seraient desservis par des voies d'accès, il en aurait été explicitement question dans les hypothèses formulées au bail à l'égard de ladite révision.

     Enfin, comme c'est le cas pour les autres services, le promoteur et la ville de Vancouver ont fourni des voies d'accès63. Je ne crois pas que les parties voulaient que la bande reçoive, lors de la révision du loyer, un dédommagement à l'égard de quelque chose qu'elle n'a pas fourni. C'est pourquoi je ne crois pas que les mots « voie d'accès publique » de l'alinéa 2(2)b) sous-entendent qu'il faut présumer l'existence de voies d'accès aux fins de ladite révision.

     Les demandeurs ont ajouté que l'hypothèse prescrite par les mots « terrains se trouvant dans une zone lotie » de l'alinéa 2(2)c) du bail sous-entend que, aux fins de la révision du loyer, les parties doivent inclure le coût du plan de lotissement. Je ne suis pas d'accord. À mon sens, l'hypothèse relative au lotissement n'est pertinente que pour faire réviser le loyer afférent à chaque lot plutôt que l'ensemble du loyer. Déduire que le renvoi au lotissement sous-entend l'obligation d'inclure le coût du plan de lotissement lors de la révision du loyer aurait pour effet d'accorder à la bande un dédommagement pour quelque chose qu'elle n'a pas fourni. Il n'y a aucune raison de croire que le loyer relatif aux 30 premières années, qui a été fixé avant le dépôt de tout plan de lotissement, comprend un montant au titre du coût d'un plan de lotissement. Sans indication précise du fait qu'un changement devait être apporté aux fins de la révision du loyer, je ne puis déduire que le coût d'un plan de lotissement doit être inclus dans le loyer afférent aux périodes subséquentes.

     Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de déduire tous les frais de service de la valeur courante des lots viabilisés du parc Musqueam pour retourner les terrains [TRADUCTION] « dans l'état où ils se trouvaient à la date de la présente entente (cadre) » .

QUESTION 4 : CALCUL DES FRAIS DE SERVICE

     J'en arrive maintenant au calcul des frais de service pour déterminer le montant à déduire de la valeur courante du terrain viabilisé afin de retourner celui-ci dans l'état où il se trouvait le 8 juin 1965. Les demandeurs ont soutenu fermement que, si les frais de service doivent être déduits, seuls les « frais essentiels » devraient être retranchés. Cependant, ils n'offrent aucune raison logique au soutien de cette interprétation restrictive. Comme l'a dit M. Oikawa, pour mettre en valeur un terrain de façon que celui-ci atteigne sa valeur courante comme terrain viabilisé, il ne suffit pas de payer les frais essentiels. En contre-interrogatoire, M. Grant n'a pas désapprouvé cette interprétation64. Il faut donc déduire tous les frais liés aux services et à la mise en valeur pour déterminer la valeur courante des [TRADUCTION] « terrains non améliorés dans l'état où ils se trouvaient » le 8 juin 1965.

     Les parties se sont entendues sur le montant de certains « frais essentiels » . Cependant, les demandeurs ne se sont pas attardés sur les autres frais ni n'ont contesté les calculs spécifiques proposés. Seul M. Oikawa a dit au cours de son témoignage que ces autres frais ont probablement été engagés et sont vraisemblablement raisonnables. Les frais que M. Oikawa a décrits peuvent être considérés comme des frais pertinents à déduire pour retourner les terrains dans l'état où ils se trouvaient le 8 juin 1965.

     Même si j'accepte les frais accessoires proposés par M. Oikawa à titre de frais liés à l'évaluation des terrains viabilisés, un rajustement s'impose en fonction de la valeur courante des terrains viabilisés à laquelle j'en suis arrivé. Une certaine partie des frais de mise en valeur sont liés au [TRADUCTION] « revenu brut tiré des ventes de lots » qui, selon M. Oikawa, s'établissait à 19 050 000 $ le 8 juin 1995 mais qui, selon moi, s'élevait plutôt à 22 500 000 $ à cette date. Il faudra rajuster ces calculs afin de tenir compte du fait que le revenu brut découlant des ventes de terrains s'établit à 22 500 000 $.

     Les frais de service et de mise en valeur correspondent donc aux frais essentiels dont les parties ont convenu ainsi qu'aux frais accessoires fondés sur la valeur courante des terrains comme terrains viabilisés, soit 22 500 000 $. Il est nécessaire de répartir de façon égale ce montant entre chacun des 75 lots du parc Musqueam, d'arrondir le montant au millier près et de le déduire de la valeur courante de chaque lot comme terrain viabilisé.

CONCLUSION

     J'ajouterais à la valeur des lots viabilisés qui est indiquée vis-à-vis la page 49 de la pièce 3, soit l'évaluation de M. Oikawa (ainsi que des sept lots viabilisés qui n'en font pas partie, mais que M. Oikawa a sans doute évalués) un montant qui permettra d'obtenir une valeur totale de 22 500 000 $ pour les 75 lots, soit 50 % de la valeur à laquelle ces lots s'établiraient s'ils étaient situés en dehors d'une réserve et détenus en fief simple, c'est-à-dire un montant de 45 000 000 $. Je calculerais et déduirais ensuite les frais de service de la façon expliquée ci-dessus afin de retourner les lots dans l'état où ils se trouvaient le 8 juin 1965. Pour déterminer le « juste loyer » annuel relatif à la période de 20 ans commençant le 8 juin 1995, il faut appliquer le taux de 6 % au montant ainsi obtenu pour chaque lot.

     Les défendeurs ont droit à des frais. Si les parties ne peuvent s'entendre, la Cour fixera le montant des frais à la demande de l'une ou l'autre d'entre elles.

     Dans les quatorze (14) jours suivant la date des présents motifs, l'avocat des défendeurs préparera un jugement donnant effet à ceux-ci (notamment quant aux frais) et, après avoir obtenu l'approbation de l'avocat des demandeurs quant à la forme et au contenu, il le soumettra à la Cour pour qu'elle le signe. Si les parties ne peuvent s'entendre sur la forme et le contenu du jugement et sur la remise de celui-ci dans le délai prescrit ou qu'elles estiment nécessaire de demander des directives à la Cour au sujet de la préparation du jugement conformément aux présents motifs, plus précisément en ce qui a trait au calcul des frais de service à déduire ou au montant des frais, l'une ou l'autre pourra présenter une demande à la Cour sans délai.

                         Marshall Rothstein

                         JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 OCTOBRE 1997



Traduction certifiée conforme     

                         F. Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              T-1545-96



INTITULÉ DE LA CAUSE :      LA BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM ET AL

                     c. MARY GLASS ET AL



LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)



DATES DE L'AUDIENCE :      DU 10 AU 13 juin, DU 17 AU 19 juin ET DU 23 AU 27 JUIN 1997


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :              10 OCTOBRE 1997



ONT COMPARU :


Me D.W. ROBERTS, c.r., et

Me B.J. CURRAN                      POUR LES DEMANDEURS


Me J. McALPINE, c.r., et

Me H.A. MICKELSON                  POUR LES DÉFENDEURS
                             AUTRES QUE D.R. FORSYTHE et J.A. FORSYTHE, QUI N'ÉTAIENT PAS REPRÉSENTÉS PAR UN AVOCAT

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


ROBERTS AND GRIFFIN

VANCOUVER (C.-B.)

POUR LES DEMANDEURS


McALPINE AND ASSOCIATES

VANCOUVER (C.-B.)

POUR LES DÉFENDEURS

AUTRES QUE DIANE R. FORSYTHE et

JAMES A. FORSYTHE

__________________

1      Moyenne fondée sur quatre lots, compte tenu de tous les services (pièce 2, p. 2).

2      Moyenne fondée sur 75 lots, compte tenu de tous les services, sauf l'aménagement paysager (pièce 16, p. 146 à 148). Oikawa, l'estimateur des défendeurs, a fixé à 592 000 $ la valeur moyenne des lots que M. Grant avait établie de façon estimative (transcription, p. 1250), mais je ne puis vérifier cette moyenne).

3      Moyenne fondée sur 68 lots, sans tenir compte des services (pièce 3, vis-à-vis la page 54).

4
Montant fondé sur le loyer total relatif à l'ensemble du lotissement, selon les dispositions des alinéas 15(1)b), c) et d) de l'entente cadre conclue le 8 juin 1965, lequel loyer a ensuite été divisé par 75 (lots).

5      D'après certains éléments de preuve, la superficie du terrain en question correspond à 38,49 acres et, d'après d'autres, à 40 acres ou 40,53 acres. La mention exacte de la superficie n'a aucune importance pour le sort du litige.

6      Une partie du terrain était visée par un bail entré en vigueur précédemment, de sorte que les baux s'y rapportant ont apparemment été conclus plus tard. Cette distinction n'a aucune importance pour le sort du litige.

7      D'après le bail relatif au lot 36, la date serait le 16 mai 1966, mais le document ne semble pas avoir été signé avant le mois d'août de cette même année. Pour les raisons que j'expliquerai plus loin, cette différence de date ne change rien au sort du litige et je reconnais que les lots visés par les baux étaient viabilisés avant la date des baux en question.

8      Gulf Oil Canada Limited c. Commission du havre de Montréal (15 septembre 1972), dossier de la Cour fédérale no T-1478-71, page 19, décision du juge Kerr.

9      Même si, dans l'arrêt Golden Acres, le bail renfermait les termes [TRADUCTION] « comme s'ils étaient détenus en tenure franche » , ce qui sous-entend peut-être l'intention d'utiliser une valeur hypothétique des terrains comme s'il s'agissait de terrains situés en dehors d'une réserve, aucune valeur de cette nature n'a été déterminée dans le jugement qui a été rendu dans cette affaire.

10      Exposé final des demandeurs, paragraphes 73 et 82.

11      Transcription, p. 2109-2110.

12      Voir la pièce 3, p. 20 : trois ventes en 1992, trois ventes en 1993, une vente en 1994 et aucune vente jusqu'au 8 juin 1995. Un certain nombre de propriétés avaient été mises en vente mais n'ont pas été vendues en raison, apparemment, de la faiblesse du marché découlant de l'incertitude créée par la révision des loyers.

13      Pièce 2, page 9.

14      Transcription, p. 240-241.

15      La valeur de récupération était négligeable ou négative une fois que les frais de démolition et de déblaiement étaient déduits. Transcription, p. 111 à 113.

16      Au cours des plaidoiries, l'avocat des demandeurs a soutenu que la Cour devrait retenir les évaluations plus prudentes de M. Grant, par opposition à celles de M. Johnston (transcription, p. 1800-1801). L'estimateur des défendeurs, George Oikawa, n'a pas utilisé la technique de parité à l'aide de propriétés en fief simple des environ aux fins de l'évaluation. Toutefois, il a convenu que, si les propriétés en question devaient être évaluées comme s'il s'agissait de propriétés en fief simple, leurs valeurs foncières correspondraient à peu près aux montants déterminés par M. Grant (transcription, p. 1484).

17      Pièce 3, page 8.

18      Pièce 3, page 35.

19      Pièce 3, page 36.

20      Pièce 3, page 39.

21      Pièce 3, p. 43.

22      Pièce 3, pages 46 à 49.

23      Notamment l'incertitude imputable à la révision des loyers, la diminution de la période à écouler des baux et le taux annuel de 6 % (voir mes conclusions à la fin de cette section).

24      Les demandeurs ont également soutenu que l'entente que Sa Majesté a conclue au nom de la bande de Musqueam et selon laquelle celle-ci recevrait des loyers devant progressivement diminuer au cours de la durée des baux (99 ans) va à l'encontre de l'obligation fiduciaire de Sa Majesté, qui consiste à obtenir une bonne valeur marchande au moment de louer les terres indiennes cédées. Comme j'en suis arrivé à la conclusion que la diminution de la durée des baux n'est pas pertinente quant à la valeur courante du terrain, il n'est pas nécessaire que j'examine cet argument.

25      Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.     

26      Voir la transcription, aux pages 41 et 42.

27      Voir, par exemple, le témoignage de Grant, pièce 23, page 35, transcription, page 650; témoignage de Johnston, transcription, p. 231.

28      Voir, par exemple, le témoignage de Johnston, transcription, pages 290 à 292.

29      Témoignage de Johnston, transcription, pages 296 à 299, et pièce 14, pages 18 à 20.

30      Pièce 15.

31      Transcription, page 326.

32      Pièce 11, page 14.

33      Pièce 4, page 3.

34      Transcription, page 231.

35      Pièce 23, page 35.

36      Pièce 16, pages 140 et 170, pièce 23, pages 33 et 34.

37      Pièce 3, page 36.

38      Pièce 3, onglet 2, pages 6-7.

39      Pièce 22, onglet A, page 1.

40      Transcription, page 1031.

41      Transcription, page 793.

42      Pièce 11, pages 6, 7 et 18.

43      Pièce 22, page 4.

44      Transcription, page 1653.

45      Pièce 23, page 7.

46      Transcription, page 839.

47      Pièce 34, page 393.

48      Il se peut fort bien que les habitations du parc Salish aient subi une dépréciation physique et fonctionnelle. Cependant, il est tenu compte de ces deux types de dépréciation dans les calculs que M. Oikawa a faits. Pièce 3, page 45.

49      Transcription, page 1538.

50      Transcription, page 838.

51      Pièce 23, page 11.

52      Témoignage de M. Johnston, page 231 de la transcription, témoignage de M. Oikawa, pages 1208 et 1209.

53      Transcription, page 1484.

54      Pièce 28, page 2.

55      De l'avis de M. Oikawa, la valeur hypothétique moyenne des terrains considérés comme des propriétés en fief simple que M. Grant avait calculée s'établissait à 592 000 $, mais je crois qu'il s'agit d'une erreur. La moyenne exacte sur le plan mathématique s'élève à 607 000 $.

56      Transcription, page 2116.

57      Pièce 3, page 49.

58      Cette somme est fondée sur le montant obtenu en retranchant du montant estimatif dont les parties ont convenu à l'égard des frais de service afférents aux lots, les frais des travaux routiers et en divisant le résultat par 75 (pièce 41).

59      D'après le montant estimatif que M. Oikawa a calculé au titre des frais de service (pièce 3, vis-à-vis la page 50, et page 1279 de la transcription) et qui a été modifié suivant l'entente des parties à ce sujet (pièce 41), les frais de service totaux prévus à l'entente remplaçant les estimations de M. Oikawa au titre des « frais essentiels » et des « frais de conception et d'arpentage » , lequel montant total est ensuite divisé par 75.

60      Transcription, pages 1829 et 2072.

61      Selon M. Grant, même si les travaux relatifs aux services n'étaient pas tous achevés au moment où les baux ont été signés, ils l'ont été au cours des deux mois suivants. Je ne crois pas que les données autres que celles des baux eux-mêmes soient admissibles en preuve sur ce point. Les baux énoncent que le terrain a été viabilisé et, en l'absence d'ambiguïté, comme c'est le cas en l'espèce, les dispositions des baux s'appliquent.

62      Transcription, page 954.

63      Transcription, page 955.

64      Transcription, pages 952, 953 et 1279.

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