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Date : 20010731

Dossier : T-954-00

Référence neutre : 2001 CFPI 842

ENTRE :

                                                                SALOMON S.A.

                                                                                                                                       Appelante

ET :

                                                         TRICOT EXCLUSIVE INC.

                                                                                                                                              Intimée

                                                          MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision du registraire des marques de commerce en date du 31 mars 2001, rejetant l'opposition de Salomon S.A. (ci-après « l'appelante » ) à la demande d'enregistrement numéro 805,808 du 29 février 1996 pour la marque de commerce « SALMONE » par Tricot Exclusive Inc. (ci-après « l'intimée » ).

[2]                L'appelante est une personne morale de droit français ayant son siège social au 74996, Annecy, Cédex 9, France. Elle exploite une entreprise de conception, fabrication, commercialisation, distribution, promotion et vente d'articles de sport.

[3]                L'appelante fait également affaire par l'entremise de filiales, succursales et agences de distribution dans plusieurs pays, incluant le Canada où elle est présente par l'intermédiaire de sa filiale Salomon Canada Sports Ltée.

[4]                Les produits et marchandises de l'appelante sont vendus à travers le monde, incluant le Canada, sous les marques de commerce « SALOMON » .

[5]                En plus du fait que les marques de commerce « SALOMON » sont enregistrées dans plus de 50 pays à travers le monde, elles font l'objet de cinq enregistrements au Canada. Ces marques de commerce sont enregistrées à l'égard des marchandises suivantes:

TMA 191,611

(1) Ski equipment, namely, edges, bindings, antifriction sole plates and safety straps, and gauges for installing said ski bindings and antifriction sole plates.

(2) Ski boots, socks, boot parts and foot measures.

(3) Cross-country ski boots.

(4) Ski brakes, ski films, bags, ski bags, boot bags, traveler bags, ski hats, tuques, caps, shirts, sweaters, turtleneck shirts, ski gloves, tools for servicing and repairing ski equipment namely jigs, drill bits, plugs, screw extractors, screwdrivers, screw shooters and glue.

TMA 267,837

(1) Vêtements de duvet de ski et de montagne, nommément coupe-vent, T-shirts, écussons, genouillères, casquettes, bonnets, cols roulés.

(2) Vêtements de sport et de ski de fond, nommément combinaisons de ski, serre-tête, gants de ski, anoraks, bretelles, couvre-oreilles, bandeau, dossard, pullovers, chemisier-tricot, survêtement une pièce, nommément salopettes, survêtements d'entraînement, sous-vêtements, articles chaussants, nommément bottes, souliers, pantoufles, chaussures de montagne et de ski ou d'après ski, surbottes, chaussettes, guêtres à neige, moufles, surmoufles, bas et mis-bas.

(3) Équipement de ski, nommément, carres, fixations, plaques antifriction pour skis et fixations de skis, lanières de sécurité, calibreurs pour installation de fixations et plaques antifriction.


(4) Freins pour skis, talonnières, courroies, films de ski, présentoirs, plots et maquettes de démonstration; mesureurs pour skis, pièces détachées et déclencheurs de skis; outils pour réparation et entretien d'équipement de ski, nommément; gabarits, mèches et tarauds, chevilles, tournevis, extrateurs de vis, perçeuses, vilebrequins, colle, couteaux et clefs d'ajustement, gabarits de perçage de skis, sacs, nommément; sacs à skis, à chaussures, de voyages, de sport, à dos, sacs banane et pochettes.

(5) Chaussons pour bottes de ski, câbles, voûtes plantaires, brides de manchettes, crémaillères de bride, semelles internes et externes, pièces pour chaussures de ski et mesureurs.

TMA 298,271

(1) Equipements de ski, nommément, carres, fixations, plaques antifriction, lanières de sécurité, et calibreurs pour installation de ces fixations et plaques anti-friction.

(2) Freins pour skis, talonnières, courroies, films de ski, sacs, nommément, des sacs pour ski, pour chaussures, sacs de voyages, chapeaux pour le ski, tuques, chemises, chandails, blousons, gants de ski, présentoirs, outils pour réparations et entretiens d'équipements de ski, nommément, gabarits, mèches et tarauds, chevilles, tournevis, extracteurs de vis, perceuses, vilebrequins et colle.

(3) Chaussures pour skis de descente, chaussons câbles, voutes plantaires, brides de manchette, crémaillère de bride, semelles internes, semelles externes, pièces pour chaussures et mesureurs.

(4) Chaussures pour ski de randonnée.

(5) Fixations pour ski de randonnée et couvre chaussures pour chaussures de ski de randonnée.

TMA 348,589

Equipement de ski, nommément: fixations, plaques antifriction pour skis et fixations de ski, lanières de sécurité, calibreurs pour installation de fixation et de plaques antifriction; freins pour skis, tanière courroies, films de skis; sacs, nommément: sacs pour skis et pour chaussures, sacs de voyage; chapeaux pour le ski, tuques, chemises, chandails, blousons, gants de ski; présentoirs; outils pour la réparation et entretien d'équipement de ski, nommément: gabarits, mèches et tarots, chevilles, tourne-vis, extracteurs de vis, perçeuses, vilebrequins et colles; chaussures pour ski de descente, chaussons, câbles, voûtes plantaires, brides de manchettes, crémaillères de brides, semelles internes et externes, pièces pour chaussures et mesureurs, nommément: vis micrométriques, curseurs, crochets de fermeture, mesureurs pointure-volume.

TMA 377,191

Service de promotion et publicité, nommément distribution d'échantillons, de prospectus, de matériel promotionnel (cartes postales, cartes de voeux, calendriers), distribution de catalogues produits et pièces détachées, notices techniques, argumentaires de vente, brochures diverses, cassettes et films vidéo; service de publicité et de promotion avec distribution de catalogues, brochures, auto-collants, posters, matériel promotionnel; service d'assistance technique et service après-vente; service d'éducation et enseignement de toutes les techniques de ski sur neige, ainsi que la formation des détaillants portant sur le réglage, montage, mise au point des fixations et sur le réglage et mise au point des chaussures de ski, formation aux techniques de vente; service d'assistance aux détaillants faisant l'objet de réclamations en provenance des consommateurs; service d'assurance.

[6]        L'intimée a son siège social à la Place du Canada, bureau 900, Montréal, Québec. Elle exploite une entreprise de fabrication et de distribution de vêtements, de chaussures et de divers couvre-têtes.


[7]        Le 29 février 1996, l'intimée a demandé l'enregistrement de la marque de commerce « SALMONE » à l'égard des marchandises suivantes:

men's women's and children's clothing, namely, pants, trousers, shorts, bermuda shorts, shirts, sweatshirts, T-shirts, handkerchiefs, track suits, jumpsuits, overalls, cardigans, sweaters, jackets, blazers, suits, vests, coats, raicoats, scarves, socks, gloves, pyjamas and swimsuits; ladies' and children's skirts, dresses, blouses, pantsuits, pant dresses, halters, tank tops, shorts and housecoats; footwear, namely, men's, women's and children's shoes, slippers, socks and stockings; men's women's and children's caps, hats, toques and headbands.

[8]        Le 14 février 1997, l'appelante a produit auprès du registraire une déclaration d'opposition qui se fondait sur les alinéas a), b) et d) du paragraphe 38(2) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13 (ci-après « la Loi » ).

[9]        Au soutient de son opposition, l'appelante a produit un affidavit souscrit par Robert Langlois, président de Salomon Canada Sports Ltée.

[10]      L'intimée a produit un affidavit souscrit par Domenico Putorti, président de Tricot Exclusive Inc.

[11]      Ni Monsieur Langlois ni Monsieur Putorti n'ont été contre-interrogés sur leur affidavit.


[12]      Dans sa décision du 31 mars 2000, Myer Herzig, membre de la Commission des oppositions agissant pour le registraire en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, a jugé que la preuve de Monsieur Langlois à l'égard des activités commerciales constituait du ouï-dire inadmissible. De plus, il a jugé insuffisante la preuve relative à l'utilisation des marques de commerce « SALOMON » par Salomon Canada Sports Ltée. Il s'exprimait de la façon suivante:

Mr. Langlois' evidence pertains to the opponent's use of its mark "SALOMON" in Canada and around the world. I take it that Mr. Langlois, by referring to the singular mark SALOMON in his affidavit, is referring collectively (as I have done) to the seven marks relied on by the opponent in the statement of opposition (although he has not explicitely so stated). The applicant, in its written argument, alleges that Mr. Langlois' evidence is " ... fatally deficient and that it is of no use to the opponent ..." for several reasons. Firstly, the applicant notes that Mr. Langlois is President of Salomon Canada Sports Ltée and that there is no evidence explaining how Mr. Langlois is connected to opponent Salomon S.A. (other than Salomon Canada Sports Ltée being a subsidiary of the opponent):

Obviously, employees of the Opponent who have direct access to its books and records would have been in the best position to swear their own affidavits attesting to the Opponent's activities. Mr. Langlois is not an employee, an officer, a director or a shareholder of the Opponent. Furthermore, there is nothing in the record of these proceedings to the effect that Mr. Langlois had access to and personally verified the books and records of the Opponent in order to obtain information pertaining to the Opponent's activities. The Opponent does not explain why its own employees could not provide the Opposition Board with direct evidence of its activities nor why the Opponent chose to rely on the affidavit of the president of another corporation in the present proceedings.

Accordingly, the applicant submits that Mr. Langlois' evidence relating to the opponent's activities are "hearsay evidence of no probative value." I agree that Mr. Langlois' evidence concerning opponent's business activities is inadmissible hearsay for the reason that the opponent has not explained why (or even attempted to explain why) Mr. Langlois is in a position to testify about the opponent's activities: see Budget Rent A Car Int'l v. Discount Car & Truck Rentals (1997), 70 C.P.R. (3d) 411 at 414 (TMOB). Further, Mr. Langlois' evidence of the opponent's history and world-wide business activities are not particularly relevant to the opponent's rights in the trade-mark SALOMON in Canada. Therefore, such evidence would have been of little assistance to the opponent in any event.


Mr. Langlois also testifies as to his company's (that is, Salomon Canada Sports Ltée) use of the SALOMON mark in Canada. However, Mr. Langlois' evidence is uninformative as to whether his company is an importer of the opponent's wares (or a retailer or distributor), or whether SALOMON ski wares sold in Canada have been manufactured by the opponent in Canada or manufactured by some other party (possibly Salomon Canada Sports Ltée) under licence, or whether such licence conforms to Section 50 of the Act. Mr. Langlois' evidence regarding his company's use of the mark SALOMON is insufficient for me to conclude that such use of the mark SALOMON in Canada inures to the benefit of the opponent Salomon S.A. The mere fact that Salomon Canada Sports Ltée is a subsidiary of the opponent is not sufficient to draw such a conclusion. It is the responsibility of each party to prove all aspects of its case, and neither party should expect this Board to draw inferences convenient to fill in gaps in their evidence.

The opponent has also taken issue with the exhibit material attached to Mr. Langlois' affidavit for the following reason:

it is respectfully submitted that the evidence filed by the Opponent does not meet the requirements of the Federal Court Rules, 1998 and more particularly of Rule 80(3) which states that: "Where an affidavit referes to an exhibit, the exhibit shall be accurately identified by an endorsement on the exhibit or on a certificate attached to it, signed by the person before whom the affidavit is sworn." Since the exhibits filed with the Langlois affidavit were not properly identified by an endorsement signed by the Commissioner of Oaths before whom the Langlois affidavit was sworn, it is respectfully submitted that the said exhibits must be disregarded.

Again, I must agree with the applicant that the opponent' identification of the exhibit material is wholly deficient, and I have therefore not had regard to the exhibit material. Part of the exhibit material was comprised of copies of the opponent's trade-mark registrations pleaded under the second ground of opposition. Although the exhibit material is to be disregarded, nevertheless, the Registrar has discretion to check the trade-marks register, in the public interest, in order to confirm the existence of trade-mark registrations relied on by an opponent in its pleadings. I have done so and I have confirmed that the registrations pleaded by the opponent are extant and stand in the name of the opponent: see Quaker Oats of Canada Ltd. / La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée v. Menu Foods Ltd.(1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (TMOB). Thus, I am able to conclude that the marks relied on by the opponent are in fact owned by the opponent.

[13]      Le membre a conclu que la preuve dont il était saisi était manifestement déficiente. Il a rejeté l'opposition de l'appelante et a conclu comme suit:


As noted earlier, the second ground of opposition, based on Section 16(3)(a) of the Act, alleges that the applicant is not entitled to register the applied for mark SALMONE because, at the date of filing the application (February 29, 1996), the mark SALMONE was confusing with the opponent's mark SALOMON previously used and made known in Canada by the opponent in association with clothing. Sections 16(5) and 17(1) of the Act impose evidential burdens on an opponent who pleads that an applicant is not entitled to register a mark. Those burdens are to show that (i) the opponent has not abandoned the mark(s) it relies on as of the date of advertisement of the opposed mark and that (ii) the opponent has in fact used the mark(s) it relies on (or that use of the mark(s) by another party inures to the benefit of the opponent). The consequence of the above-mentioned statutory burdens is that an opponent pleading Section 16 of the Act as a ground of opposition cannot rely on third party use of a mark to support its ground of opposition alleging non-entitlement. As discussed earlier, I am satisfied that Mr. Langlois' evidence establishes that his company used the mark SALOMON in Canada in association with various ski wares. However, there is nothing in Mr. Langlois' evidence that explains how his company's use of the mark SALOMON inures to the benefit of the opponent. Nevertheless, having reviewed the opponent's trade-marks registrations, I might be prepared to find that the opponent did at one time use its mark SALOMON in Canada. In this regard, regn. no. 267,837 indicates that a declaration of use for the mark was filed in November 1981. However, condition (i), above, remains unsatisfied even if condition (ii), above, is satisfied. In this regard, the opponent has failed to demonstrate that it used its mark SALOMON in Canada between 1981 and December 25, 1996 (that is, the date of advertisement of the opposed mark SALMONE). Thus, the opponent has not demonstrated that it did not abandon its mark SALOMON in Canada as of December 25, 1996. Accordingly, the second ground of opposition need not be considered further and is therefore rejected.

The third ground of opposition, pursuant to Section 16(3)(c), alleges that the applied for mark SALMONE was confusing, at the date of filing the application, with the opponent's trade-names Salomon S.A., Salomon and Salomon Canada Sports Ltd.. There would not appear to be any merit to the opponent's reliance on the trade-name Salomon Canada Sports Ltd. as that name appears to identify a company other than the opponent namely, Mr. Langlois' company. With respect to the trade-names Salomon S.A. and Salomon, the statutory burdens imposed by Sections 16(5) and 17(1), previously discussed, apply similarly when an opponent relies on the use of its trade-name(s) in support of a ground of opposition alleging non-entitlement I do not consider that Mr. Langlois' hearsay evidence establishes that the opponent has used its trade-names in Canada. Accordingly, the opponent has not met its evidential burdens to put the third ground of opposition into issue and the third ground is therefore rejected.

The last ground of opposition alleges that the applied for mark SALMONE is not distinctive of the applicant's wares in view of the opponent's use and making known of its famous marks and trade-names. Of course, it is not sufficient for an opponent to merely make allegations of fact in the statement of opposition; the opponent must evidence the facts which have been alleged in support of its ground of opposition. In the instant case, as discussed previously, Mr. Langlois' evidence is insufficient to establish that the opponent has not pleaded that the applied for mark SALMONE is not distinctive of the applicant's wares because of third party use of the mark SALOMON. Thus, use of the mark SALOMON by Salomon Canada Sports Ltée is irrelevant in this proceeding: see Imperial Developments Ltd. v. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (2d) at 19-21 (F.C.T.D.). As the opponent has not met its evidential burden to put the last ground of opposition in issue, it too is rejected.

In view of the foregoing, the opponent's opposition is rejected.

   

[14]      L'appelante a déposé un avis d'appel le 30 mai 2000. Au soutien de son appel, elle a produit la preuve supplémentaire suivante:

Affidavit de Jean-Luc Diard

Affidavit de Maryvonne Lazzarotto

Affidavit de Elke Laur

Affidavit de M. Sargisson


[15]      L'appelante invoque les moyens suivants pour démontrer que la décision rendue par le registraire est mal fondée en faits et en droit, soit que:

(1)                La demande d'enregistrement 805,808 n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi;

(2)                La marque « SALMONE » n'est pas enregistrable et crée de la confusion avec les marques de commerce « SALOMON » enregistrées et utilisées par l'appelante au Canada;

(3)                L'intimée n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce « SALMONE » ;

(4)                La marque « SALMONE » n'est pas et ne peut être distinctive des marchandises de l'intimée qui font l'objet de cette demande;

(5)                Le registraire a erré en faits et en droit en jugeant que les passages de l'affidavit de monsieur Langlois, président de Salomon Canada Sports Ltée, relatifs aux activités de l'opposante Salomon S.A. constituent du ouï-dire;

(6)                Le registraire a également erré en faits et en droit dans son appréciation des parties de l'affidavit de monsieur Langlois établissant d'une manière incontestable l'utilisation par Salomon S.A. de ses marques de commerce « SALOMON » au Canada;

(7)                Le registraire a également erré en faits et en droit en rejetant les pièces O-1 à O-19 de l'affidavit de monsieur Langlois;

(8)                Le registraire a également erré en faits et en droit dans son appréciation des inscriptions portées au Registre canadien des marques de commerce et de la copie des certificats d'enregistrement au Canada des marques « SALOMON » produits au soutien de l'affidavit de monsieur Langlois comme pièce O-6 qui établissent clairement l'utilisation et l'usage des marques « SALOMON » par l'appelante Salomon S.A., notamment du fait que Salomon Canada Sports Ltée, filiale canadienne de l'appelante, est inscrite comme usager inscrit des marques de commerce « SALOMON » ;

(9)                Le registraire a également erré en faits et en droit dans son appréciation du fardeau de la preuve qui reposait sur l'appelante, à titre d'opposante et sur l'intimée, à titre de requérante à l'enregistrement, de même que la portée générale de la preuve factuelle soumise par l'appelante.


[16]       Tel que je l'ai énoncé dans l'affaire Cordon Bleu International Ltée c. Renaud Cointreau & Cie, (le 9 juin 2000) T-964-93, T-966-93 et T-970-93 (C.F. 1ère inst.) « la Cour fédérale est habituellement réticente à substituer sa propre décision à celle rendue par le registraire à moins qu'il n'y ait au dossier, devant la Cour, des éléments de preuve que le registraire n'aurait pas considérés » . D'ailleurs, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée, la Cour considérera généralement cette affaire comme s'il s'agissait d'un procès de novo (voir Glen-Warren Productions Ltée. c. Gertex Hosiery Ltée. (1990), 29 C.P.R. (3e ed) 7 (C.F.) et Molson Breweries, A Partnership c. John Labatt Ltée. (2000), 5 C.P.R. (4e ed.) 180 (C.A.F.), .

[17]       En l'espèce, la preuve déposée lors de l'audience devant le registraire, plus particulièrement l'affidavit de Monsieur Langlois, et la preuve supplémentaire déposée devant cette Cour démontrent l'emploi des marques de commerce au Canada par l'appelante et que les marques de commerce « SALOMON » et « SALMONE » portent à confusion, justifiant ainsi l'intervention de cette Cour.

1.                   Emploi de la marque de commerce au Canada par l'appelante               

[18]       Tel que discuté dans l'affaire Philip Morris c. Imperial Tobacco (1987) 8 F.T.R. 310 (C.F. 1ère inst.) à la page 315, le poste et l'expérience d'un témoin déposant doivent être pris en considération lors de son évaluation:

Counsel for the appellant also objects that the first affidavit of Mr. Bouchard is inadmissible by reason that the evidence of the Smoke Shoppe sale in Regina must be taken to have been based on hearsay, rather than firsthand knowledge.


...

The Bouchard affidavit is not replete with statements made on information and belief nor do the statements therein clearly manifest any flagrant lack of personal knowledge. Under the circumstances and from the fact that the alleged hearsay defect was not raised as a specific ground of appeal, it would be wrong, in my view, to treat the affidavit as being inadmissible. It seems to me on balance that Mr. Bouchard was manifestly in a position from the standpoint of his office and experience with the respondent "to know whereof he deposed": Union Electric Supply Co. Ltée. v. Registrar of Trademarks (1982), 63 C.P.R. (2d) 56, per Mahoney J., at pp. 59-60. In my opinion, the evidence in its entirety is sufficient to establish the sale of the four cartons of cigarettes to the retail tobacco outlet in Regina.

(C'est moi qui souligne)

[19]      D'ailleurs, Monsieur le juge Rothstein (tel était alors son titre) constate ce qui suit dans l'affaire CIBA-Geigy Canada Ltée. c. Novopharm Ltée. et al. (1994) 83 F.T.R. 161 (C.F. 1ère inst.) à la page 176:

Counsel for the plaintiff relies upon Smith, Kline & French Laboratories Ltée. v. Novopharm Ltée. et al. (1984), 53 N.R. 68; 79 C.P.R. (2d) 103 (F.C.A.). That case stands for the proposition that, in order to determine whether the facts deposed to by an affiant are within his or her personal knowledge or are based on information and belief, regard should be had to the affiant's office or qualifications and whether it is probable that a person holding such office or having such qualifications would, of his or her own knowledge, be aware of the particular facts. If such a probability is apparent on the fact of the affidavit, its exhibits or the application to which it pertains, it may be admissible.


[20]      En l'espèce, tel que le soutient l'appelante, la décision du registraire est essentiellement fondée sur des questions relatives à la preuve de l'usage par l'appelante au Canada des marques de commerce « SALOMON » au moment de la demande d'enregistrement de la marque « SALMONE » par l'intimée. Cependant, à mon avis, la décision n'est pas bien fondée en droit étant donné que le registraire a erré en déterminant que l'affidavit de Monsieur Langlois constitue en partie du ouï-dire et n'établit pas la relation entre l'appelante Salomon S.A. et Salomon Canada Sports Ltée.

[21]      Le fait que Monsieur Langlois était le président de Salomon Canada Sports Ltée, une filiale à part entière de Salomon S.A. depuis le 19 septembre 1975, qui est liée à cette dernière par un contrat de distribution est suffisant pour rendre son affidavit non seulement admissible mais également d'une valeur importante. Monsieur Langlois a bien établi que la filiale Salomon Canada Sports Ltée utilisait les marques de commerce « SALOMON » en relation avec diverses marchandises au moment de la publication de la marque de commerce sous opposition. D'ailleurs, le registraire a concédé que la preuve établit que la filiale canadienne utilisait les marques de commerce en question. Plus particulièrement, le registraire dit ce qui suit:

As discussed earlier, I am satisfied that Mr. Langlois' evidence establishes that his company uses the mark SALOMON in Canada in association with various ski wares.

[22]      Le registraire continua et conclut, erronément, à mon avis, ce qui suit:

However, there is nothing in Mr. Langlois' evidence that explains how his company's use of the mark SALOMON inures to the benefit of the opponent.


[23]      Le Registre des marques de commerce, sur lequel s'est basé le registraire, indique clairement que Salomon Sports Canada Ltée est l'usager inscrit des marques de commerce de Salomon S.A et donc son usage des marques de commerce « SALOMON » devait profiter au titulaire de la marque dont Salomon S.A. Contrairement à la conclusion du registraire, la preuve établit qu'il était à propos pour Monsieur Langlois, attestant comme le président de la filiale canadienne, de souscrire à l'affidavit à l'appui de l'opposition de Salomon S.A.

[24]      Cette preuve est clairement suffisante afin d'établir l'emploi de la marque de commerce. Dans l'affaire Union Electric Supply Co. c. Registraire des marques de commerce, [1982] 2 C.F. (1ère inst.) 263, le juge Mahoney constate ce qui suit à la page 264:

Il est absolument injustifiable de demander au propriétaire d'une marque de commerce de faire des dépenses et des efforts pour indiquer, par une preuve surabondante, l'emploi qu'il fait de sa marque de commerce, lorsque cet emploi peut être facilement prouvé de manière simple et directe. C'est l'emploi qui doit être indiqué, et non un exemple de tous les emplois.

[25]      Monsieur Langlois n'a pas été contre-interrogé sur son affidavit. Tel que le soutient l'appelante, le fait de ne pas avoir contre-interrogé un témoin déposant ne permet pas de questionner ou de mettre en doute la connaissance personnelle des faits allégués par celui-ci (voir Edelweiss Food Products Inc. c. Worlds Finest Chocolate Canada Ltée., (2000) 5 C.P.R. (4e ed.) 256.



[26]      La preuve supplémentaire déposée devant cette Cour par l'appelante établit clairement son utilisation des marques de commerce au Canada. Plus particulièrement, l'affidavit de Jean-Luc Diard, directeur général de Salomon S.A., contient entre autres les chiffres de vente des produits fabriqués par Salomon S.A. couverts par les marques de commerce « SALOMON » et commercialisés, distribués et vendus au Canada des années 1988/89 à l'année 1999. L'affidavit de Julian Sargisson, directeur des relations aux consommateurs et aux entreprises de Salomon Canada Sports Ltée, établit que Salomon S.A. exporte au Canada divers produits fabriqués, tels que des ski alpins, des fixations et des chaussures pour skis alpins et skis nordiques, des chaussures de randonnée, des planches à neige, des vêtements, des gants, des casquettes, des bonnets, des sacs de ski et des chaussures autres que des chaussures de randonnée, sur lesquels sont apposées ses marques de commerce « SALOMON » . Les produits sont achetés par Salomon Canada Sports Ltée qui les distribue à des magasins de vente au détail qui les revendent aux consommateurs canadiens. L'affidavit de Monsieur Sargisson fait état des chiffres de ventes au Canada par Salomon Canada Sports Ltée de skis alpins, de fixations de skis alpins, de chaussures de skis alpins, de fixations de skis de fond, de chaussures de skis de fond, planches à neige, fixations et chaussures à planches à neige, de chaussures de randonnée et autres produits distribuées par Salomon Canada Sports Ltée et vendues sous les marques « SALOMON » pour les années 1987 à 2000. Cette preuve de distribution par Salomon Canada Sports Ltée constitue sans aucun doute une utilisation des marques de commerce « SALOMON » par Salomon S.A. (Voir Industrie Alimentari Molisane S.R.L. c. Distributions Rosalba J.D. Inc. (1995), 61 C.P.R. (3e ed) 149 (C.F.) aux pages 153-154).

2.                   Les deux marques de commerce portent à confusion

[27]       Étant donné que l'appelante a bien démontré que les marques de commerce « SALOMON » étaient employées au Canada au moment où l'avis du registraire a été envoyé, la question dans le présent pourvoi est de déterminer si la marque de commerce « SALMONE » porte à confusion avec les marques de commerce « SALOMON » .

[28]       Tel que discuté dans l'affaire Miss Universe Inc. c. Bohna [1995] C.F. 614 (C.A.) à la page 621, les principes applicables pour décider si l'emploi d'une marque de commerce entraîne la confusion avec une autre marque de commerce ou un nom commercial sont les suivants:

PRINCIPES APPLICABLES

Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale.


En décidant s'il y a vraisemblance de confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances, y compris celles visées au paragraphe 6(5) précité.

Il appartient toujours à celui qui demande à enregistrer une marque de commerce d'établir que, selon la prépondérance des probabilités, il n'y a aucune probabilité de confusion avec une autre marque de commerce déjà employée et enregistrée.

Plus la marque est solide, plus grande est l'étendue de la protection qui devrait lui être accordée et plus il sera difficile au requérant de se décharger de l'obligation qui lui incombe. Comme l'a remarqué le juge Mahoney (tel était alors son titre) dans l'arrêt Carson c. Reynolds, une marque de commerce peut être:

...si généralement associée à [une personne] que l'emploi de celle-ci avec d'autres marchandises ou services, même s'ils n'ont absolument rien à voir avec des services de divertissement, créerait de la confusion en ce que ce double emploi donnerait vraisemblablement à entendre que toutes ces marchandises et services, quels qu'ils soient, ont un rapport direct avec [cette personne] ...

Nombreux sont les exemples, dans la jurisprudence relative aux oppositions à l'enregistrement des marques de commerce, de l'étendue de la protection à accorder à des marques qui sont solides. Il en est de même dans les actions en contrefaçon et les affaires relatives aux injonctions, dans lesquelles des marques plus faibles ont également obtenu gain de cause.

Les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)a) à e) n'ont pas à être interprétés comme ayant le même poids en toutes circonstances. Lorsque par exemple, on compare une marque de commerce qui est forte et une marque de commerce projetée, les critères c) et d), c'est-à-dire le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce, ne sont pas particulièrement déterminants.

...

Pour que l'on conclue à la vraisemblance de la confusion, il n'est pas nécessaire que les parties exercent dans le même domaine ou la même industrie, ni que les services soient du même genre ou de la même qualité. Les marques de commerce utilisées en liaison avec des marchandises et des services d'une certaine qualité, destinés à une catégorie d'acheteurs, peuvent causer de la confusion avec les marques de commerce désignant des marchandises et des services d'un genre ou d'une qualité différents, destinés à une catégorie différente d'acheteurs.


[29]      En appréciant l'existence d'un risque de confusion raisonnable entre les marques de commerce « SALOMON » et « SALMONE » , je suis persuadé par la preuve abondante présentée par l'appelante a établi que les marques « SALOMON » sont bien connues au Canada en liaison avec les articles de sport. Les marques de commerce « SALOMON » sont des marques notoires qui sont utilisées par Salomon S.A. au Canada depuis octobre 1957 jusqu'à nos jours. Je suis également convaincu que l'on tiendrait pour acquis que les marchandises énumérées sur la demande d'enregistrement de l'intimée sont affiliées à l'appelante.

[30]      À mon avis, Salomon S.A. et Tricot Exclusive Inc. appartiennent au même secteur d'activité ou opèrent dans le même ou à tout le moins dans des secteurs de commerce très semblables pour ce qui est de la vente de marchandises de sports, plus particulièrement, les vêtements de sports qui sont très similaires. Ces marchandises portent des marques de commerce qui par l'aspect visuel et l'aspect phonétique se ressemblent, ce qui ne peut qu'entraîner de la confusion.

[31]      Le fardeau incombe à l'intimée de prouver l'absence de risque que l'enregistrement de la marque de commerce « SALMONE » ne crée dans l'esprit du consommateur moyen une confusion avec les marques de commerce « SALOMON » incombe à l'intimée. Tenant compte des faits en l'espèce et de la preuve déposée par les parties, je suis d'avis que l'intimée n'a pas établi l'absence d'un tel risque.


[32]      Par conséquent, l'appel est accueilli.

      JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 31 juillet 2001

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