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Date : 19990604


Dossier : T-827-99

ENTRE :


FREDERICK GORDON PEET,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES DU CANADA,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Le demandeur a déposé un avis de demande le 12 mai 1999, en vue d'obtenir le contrôle judiciaire du refus du défendeur de lui transmettre certains documents en réponse à une demande qu'il lui avait faite en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. La même date, le demandeur a déposé la présente requête en vue d'obtenir des renseignements supplémentaires sur ces documents.

[2]      Le défendeur refuse de divulguer les documents réclamés, invoquant le secret professionnel de l'avocat. Le demandeur veut obtenir des renseignements sur les documents semblables à ceux qui doivent être fournis lorsqu'une partie invoque ce privilège dans le cadre de la communication de documents aux fins d'une action. Le demandeur soutient que, sans ces renseignements, il se trouve dans l'impossibilité de préparer correctement et complètement sa preuve. Voici la teneur de l'avis de requête du demandeur :

         [Traduction] LA REQUÊTE VISE à obliger le défendeur à fournir au demandeur et à la Cour, pour chaque document énuméré dans l'AVIS DE DEMANDE, les renseignements suivants ainsi que tout renseignement additionnel que la Cour peut exiger :         
              (1)      le nom de l'auteur du document         
              (2)      le nom des destinataires du document         
              (3)      le nom des personnes auxquelles une copie du document a été transmise         
              (4)      la date du document         
              (5)      l'objet du document         
              (6)      le moyen utilisé pour transmettre le document (courrier électronique, enveloppe scellée, etc.)         
              (7)      la nature du document         
              (8)      des précisions suffisantes pour identifier le document         
              (9)      les motifs qui fondent le privilège du secret professionnel de l'avocat         
         au moment où le défendeur produira son avis de comparution s'il a l'intention de contester la demande.         
         LES MOTIFS DE LA REQUÊTE SONT LES SUIVANTS : pour préparer correctement et complètement sa preuve, le demandeur doit obtenir les explications requises par l'article 47 de la Loi sur la protection des renseignements personnels avant de présenter ses affidavits à l'appui et ses pièces documentaires et avant de déposer son mémoire des faits et du droit, et non à quelque autre moment.         

[3]      Le demandeur cite les décisions suivantes, qui portent toutes sur les renseignements qui doivent être fournis relativement aux documents à l'égard desquels un privilège est invoqué dans un affidavit de documents préparé aux fins d'une action : Grossman v. Toronto General Hospital (1983), 41 O. R. (2d) 457 (J.H.C.); Creaser v. Warren (1987), 36 D.L.R. (4th) 147 (C.A. N.-É.); Gilbert c. Brown, [1991] A.C.F. no 1164 (T-1457-90); Jones (Guardian ad litem of) v. Stephens (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 31.

[4]      L'avocat du défendeur fait valoir que fournir au demandeur les renseignements qu'il demande équivaut à lui communiquer les documents. Je ne suis pas persuadée qu'il en est ainsi. Ces renseignements sont de la nature de ceux qui sont susceptibles d'être communiqués publiquement lors de l'audience portant sur le fond de la demande. Ils ne s'agit évidemment pas de renseignements détaillés sur le contenu des documents, qui feraient échec à la revendication valable d'un privilège.

[5]      Je ne suis pas convaincue que la requête du demandeur peut être accueillie. Comme je l'ai mentionné, la jurisprudence citée par le demandeur porte sur un privilège revendiqué dans des affidavits de documents (voir la règle 223 de la Cour fédérale). Dans la décision Gilbert, monsieur le juge Joyal a statué que l'obligation de fournir des renseignements dans un affidavit de documents déposé aux fins d'une action avait pour objet de permettre au demandeur de " décider s'il existe effectivement une apparence de droit d'invoquer le caractère confidentiel privilégié ". Ainsi, cette obligation est reliée à une étape de la procédure qui précède la contestation de la revendication du privilège. Elle a pour but de démontrer à l'avocat de la partie opposée que la revendication de privilège est raisonnable, du moins, à première vue. Si l'avocat de la partie opposée n'est pas convaincu que la revendication est valable, il peut la contester en présentant une requête à la Cour, et les documents seront déposés à la Cour pour que celle-ci rende une décision.

[6]      En l'espèce, la nature privilégiée des documents a déjà été contestée par le dépôt de la demande de contrôle judiciaire. Les documents seront remis à la Cour, qui rendra une décision quant à la validité du privilège revendiqué. Dans ce contexte, il n'est pas nécessaire que le défendeur démontre que sa revendication est bien fondée à première vue. Il a invoqué le privilège et cette allégation a été contestée.

[7]      De plus, règle générale, les parties sont incitées à ne pas présenter de requêtes préliminaires dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, compte tenu de la nature sommaire de cette procédure; voir Pharmacia Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1994), 58 C.P.R. (3d) 209, plus particulièrement à la page 215 (C.A.F.). En appliquant l'obligation relative aux affidavits de documents, déposés en vertu de la règle 223 de la Cour fédérale, à la demande de contrôle judiciaire introduite pour contester le refus de communiquer des documents en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels on ajouterait une étape inutile à la procédure.

[8]      Il existe des affaires dans lesquelles le tribunal a accordé, dans certaines circonstances, la divulgation des documents en litige dans ce type de demande à l'avocat du demandeur pour lui permettre de plaider; voir Hunter c. Canada (Consommation et Affaires commerciales), [1991] 3 C.F. 186 (C.A.) et Steinhoff c. Canada (Ministre des Communications) (1996), 114 F.T.R. 108.

[9]      Ces décisions ne portent pas sur une situation dans laquelle le demandeur n'est pas représenté par avocat - lorsque les documents sont remis à l'avocat, celui-ci doit s'engager envers la Cour à ne les divulguer à personne, y compris à son client. De plus, ces affaires ne concernent pas le privilège du secret professionnel de l'avocat, mais la non-divulgation fondée sur d'autres raisons décrites dans les exemptions prévues par la Loi sur l'accès à l'information. En outre, elles touchent des demandes de communication de documents en entier, et non simplement de renseignements limités les concernant. Par ailleurs, il est clair que pour décider si elle accordera la divulgation conditionnelle afin qu'un avocat puisse plaider sa cause en matière d'accès à l'information ou de protection des renseignements personnels, la Cour doit disposer des documents en litige pour déterminer si la divulgation est vraiment nécessaire. Les documents en litige en l'espèce n'ont pas encore été déposés devant la Cour, à cette étape de la procédure. Ils le seront en temps et lieu lorsque le défendeur répondra à l'affidavit du demandeur.

[10]      En résumé, le fait d'incorporer à la présente instance des règles applicables à la revendication du privilège du secret professionnel de l'avocat dans les affidavits de documents déposés dans le cadre d'une action compliquera et allongera inutilement la procédure. Le dossier ne me permet pas non plus de conclure que les renseignements additionnels réclamés par M. Peet sont nécessaires pour lui permettre de poursuivre convenablement sa demande.

[11]      La requête sera donc rejetée.

     " B. Reed "

                                             juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

4 juin 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-827-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Frederick Gordon Peet

                         c.

                         Le ministre des Ressources naturelles du Canada

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED

le 4 juin 1999

ONT COMPARU :

M. F. Peet                      en son propre nom

Me J. Hayes

Worthington, Simm & David          au nom du défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Morris Rosenberg              au nom du défendeur

Sous-procureur général

du Canada

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