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                                                                                                                                Date : 20040423

                                                                                                                           Dossier : T-2167-00

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 597

ENTRE :

                                         PETER G. WHITE MANAGEMENT LTD.,

                                           SUNSHINE VILLAGE CORPORATION,

                                                          SKIING LOUISE LTD.,

                                             ROCKY MOUNTAIN SKIING INC. et

                                    RESORTS OF THE CANADIAN ROCKIES INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                         SHEILA COPPS, MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

                                      et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION


[1]                Les présents motifs font suite à l'audition à Calgary (Alberta) les 23 et 24 mars 2004 d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une « décision » de la ministre du Patrimoine canadien communiquée aux demanderesses le 19 octobre 2000. Dans leur demande de contrôle judiciaire, les demanderesses, qui exploitent ou exploitaient des stations de ski commerciales dans les parcs nationaux Banff et Jasper, décrivent les effets de la « décision » dans les termes suivants :

[traduction]

La décision a pour effet de contrecarrer les projets d'aménagement, y compris la construction de parcs de stationnement, d'installations récréatives et de remonte-pentes, malgré l'existence de plans à long terme et d'ententes de développement antérieurs, en plus d'interdire toute activité commerciale prévue par le bail et d'autres ententes contractuelles.

Jusqu'ici, j'ai entouré le mot « décision » de guillemets parce que la présente demande de contrôle soulève la question de savoir si la « décision » est susceptible d'examen en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales[1]. Dans les présents motifs, je référerai désormais à la décision en cause en omettant les guillemets, ce qui ne saurait indiquer la façon dont je trancherai la question de l'assujettissement au contrôle judiciaire, laquelle sera analysée plus loin.

LES PARTIES


[2]                Les demanderesses, Peter G. White Management Ltd., Sunshine Village Corporation, Rocky Mountain Skiing Inc. et Resorts of the Canadian Rockies Inc., la dernière en qualité de société remplaçante de Skiing Louise Ltd., sont les exploitantes des quatre centres de ski commerciaux que comptent les parcs nationaux Banff et Jasper. Peter G. White Management Ltd. exploite la station de ski mont Norquay, Sunshine Village Corporation la station de ski Sunshine et Resorts of the Canadian Rockies Inc. la station de ski du lac Louise, toutes situées dans le parc national Banff. Rocky Mountain Skiing Inc. exploite pour sa part la station de ski Marmot Basin, située dans le parc national Jasper. Ces quatre stations sont les seules stations de ski commerciales que comptent les parcs nationaux du Canada, hormis la station de ski du mont Agassiz, située dans le parc national du Mont-Riding, au Manitoba. Les quatre stations de ski de Banff et Jasper sont exploitées depuis au moins le début des années 1960. Toutes quatre sont situées dans des territoires cédés à bail, les baux ayant été conclus en faveur des demanderesses. À l'exception de Sunshine, toutes exercent leurs activités dans le cadre de plans à long terme, considérés pour la plupart comme dépassés. Le plan à long terme de la station de ski Sunshine, adopté en 1978, semble avoir été abandonné il y a quelques années. Une proposition relative au plan d'aménagement à long terme de 1992 de Sunshine et ayant fait l'objet d'un litige devant cette Cour[2] a aussi été abandonnée.

[3]                Les exploitantes actuelles des quatre stations de ski de Banff et Jasper seront ci-après collectivement désignées sous l'expression « demanderesses » .


[4]                Au moment où fut prise la décision visée par le présent contrôle, Mme Sheila Copps était ministre du Patrimoine canadien et, à ce titre, responsable de la gestion des parcs nationaux du Canada, aux termes de la Loi sur les parcs nationaux[3]. Les responsabilités du ministre, en vertu de cette loi et de celle qui lui a succédé, la Loi sur les parcs nationaux du Canada[4], sont circonscrites par les grandes orientations qu'il fixe pour l'Agence Parcs Canada (Parcs Canada ) en vertu de la Loi sur l'Agence Parcs Canada[5]. Le procureur général du Canada est membre du cabinet fédéral, et semble avoir été désigné comme défendeur sur le fondement de l'article 303 des Règles de la Cour fédérale (1998)[6].

LA DÉCISION À L'EXAMEN

[5]                La demande de contrôle judiciaire énonce les principaux éléments de la décision ici contestée dans les termes suivants :

[traduction]

1.             « La capacité d'accueil [aux quatre stations de ski commerciales situées dans les parcs nationaux Banff et Jasper] sera plafonnée en permanence [...] »

2.             « Toute initiative visant à accroître la capacité d'accueil devra respecter [...] le principe d'absence nette d'incidence environnementale négative. »

3.             « Seront interdits l'aménagement de nouvelles pistes de ski, l'agrandissement des pistes existantes et toutes modifications importantes de terrain, y compris pour l'aménagement de pistes sous-bois. »

4.             « Les parcs de stationnement ne pourront être agrandis. »

5.             « Aucune nouvelle installation ne sera autorisée. »

6.              « L'agrandissement des installations existantes envisagé dans le cadre d'un plan à long terme sera limité aux zones déjà perturbées [et] toute coupe d'arbres sera interdite [...] »


7.             « Les plans d'aménagement à long terme [...] doivent respecter le principe d'absence nette d'incidence environnementale négative [...] »

[6]                Les extraits précédents de la décision, quelque peu modifiés, sont tirés d'un document d'information intitulé Planification et gestion des stations de ski des parcs nationaux, publié par le ministère et apparemment lié à un communiqué de presse daté du 19 octobre 2000. Ce communiqué s'intitule : « [traduction] LA MINISTRE COPPS ANNONCE DES DÉCISIONS VISANT LA PRÉSERVATION DES PARCS NATIONAUX POUR LES GÉNÉRATIONS FUTURES » .             [Non souligné dans l'original.]

[7]                Le dossier certifié du tribunal, qui figure dans le volume 1 du dossier de la demande des défendeurs, est composé d'une note de service adressée à la ministre le 18 octobre 2000 et d'annexes, dont l'essentiel a été reproduit. La note de service débute par un résumé rédigé dans les termes suivants :

[traduction]

                                                                RÉSUMÉ

·                Le projet de loi C-27, intitulé Loi sur les parcs nationaux du Canada, recevra bientôt la sanction royale.

·                De nombreuses décisions sur la désignation des réserves intégrales, les plans directeurs des parcs, les plans communautaires, les logements commerciaux périphériques (LCP), le Rapport sur les aires patrimoniales protégées et les directives de gestion des stations de ski sont à venir.

·                Des décisions s'imposent pour mettre en oeuvre la nouvelle orientation des parcs nationaux, définie en 1996 dans l'étude de la vallée de la Bow.

·                Votre approbation des présentes mesures est recommandée.

[8]                Après le résumé figure l'essentiel de la note de service, qui s'énonce comme suit :

[traduction]

Contexte

·                Le 26 juin 1998, vous avez annoncé, dans la foulée du processus amorcé par l'étude de la vallée de la Bow, de nouvelles mesures de protection des parcs nationaux du Canada. Vous avez notamment annoncé la mise en place d'un cadre législatif relatif aux collectivités établies dans les parcs nationaux et visant la fixation de limites juridiques à l'égard de chacune des sept collectivités qui s'y trouvent, l'établissement d'un plafond permanent pour le développement commercial et l'adoption d'un certain nombre de principes de planification axés sur l'écologie, y compris la nécessité d'appliquer le principe d'absence nette d'incidence environnementale négative à tout futur projet de développement.

·                À cette époque, un moratoire a été imposé sur toute construction de logements commerciaux à l'intérieur comme à l'extérieur des collectivités établies dans les parcs et un comité a été mis sur pied pour formuler des recommandations sur le rythme de développement approprié des LCP [logements commerciaux périphériques]. Le comité a aussi été chargé de mener des consultations publiques sur les directives de gestion des stations de ski.

·                En mars 2000, le projet de loi C-27, intitulé Loi sur les parcs nationaux du Canada, a été présenté au Parlement. Lorsqu'il sera adopté, le projet de loi consacrera légalement la préservation de l'écologie comme premier facteur à considérer dans les décisions touchant les parcs nationaux, permettra au gouverneur en conseil de désigner, par règlement, des réserves intégrales à l'intérieur des parcs nationaux et constituera le cadre réglementaire pour les collectivités des parcs énoncé dans la décision de juin 1998.

·                Le dépôt du projet de loi C-27 a rapidement été suivi par le dépôt du rapport de la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. Ce groupe d'experts, dont la mise sur pied figurait dans le Livre rouge II, avait été chargé d'examiner si les parcs nationaux du Canada se portaient bien. Ce rapport a mis en lumière la nécessité de modifier en profondeur la gestion des parcs nationaux. Vous avez accepté les recommandations du rapport d'experts et demandé au directeur général de l'Agence Parcs Canada (APC) d'amorcer leur mise en oeuvre. Vous vous êtes également engagée à désigner des réserves intégrales dans quatre parcs nationaux avant juin 2000, à rendre une décision sur le logement commercial périphérique (LCP) et à approuver les plans communautaires dans un proche avenir.

·                Tout au long de ce processus, l'APC, en consultation avec ses intervenants, a élaboré des plans directeurs pour de nombreux parcs, y compris Jasper, Kootenay, Yoho et Waterton. Les plans, qui s'inspirent du plan directeur du parc national Banff, ont été approuvés et sont prêts à être déposés devant la Chambre.


Facteurs à considérer

·                De vastes consultations ont été menées auprès des intervenants à l'égard de ces questions. Il est maintenant temps de prendre les décisions requises pour concrétiser les orientations proposées dans l'étude de la vallée de la Bow, lesquelles ont trouvé appui dans le projet de loi C-20 et auprès de la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada.

·                Le projet de loi C-27 [qui concerne la Loi sur les parcs nationaux du Canada] doit être étudié en troisième lecture au Sénat dans la semaine du 16 octobre et recevra la sanction royale peu après. Les dispositions réglementaires en vertu desquelles nombre de ces décisions pourront être prises entreront bientôt en vigueur.

·                Les décisions à l'égard de ces questions offriront un cadre sûr et clair à Parcs Canada et à ses partenaires et permettra à l'APC de se consacrer à son mandat principal, qui consiste à assurer la protection des parcs nationaux du Canada pour les générations futures.

·                Ci-jointes les recommandations que nous soumettons à votre attention [...]

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]

[9]                Les annexes A et D ainsi que l'annexe E, intitulée « [traduction] Lignes directrices provisoires concernant les stations de ski » , figurent intégralement dans le dossier du tribunal. L'annexe F, intitulée « [traduction] Politique sur les stations de ski » , n'y est reproduite que partiellement, mais les éléments de la décision à l'examen semblent être tirés des recommandations contenues dans l'annexe. Toutes les annexes figurant après l'annexe F sont reproduites en intégralité.


[10]            Il convient de souligner que le terme « politique » figure tant dans le titre de l'annexe F que dans le sous-titre énonçant la politique recommandée. Au cours de l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, des expressions telles que « [traduction] lignes directrices stratégiques » et « paramètres stratégiques » ont été utilisées à répétition pour décrire la décision en cause.

[11]            De toute façon, il n'a pas été contesté devant la Cour que la décision à l'examen, dans les termes choisis pour la présenter, est tirée des décisions à plus large portée prises par la ministre relativement à la politique sur les parcs nationaux les 18 ou 19 octobre 2000.

CONTEXTE

[12]            Tant l'affidavit déposé en faveur des demanderesses, dont l'auteur a été contre-interrogé, que l'affidavit déposé pour le compte des défendeurs, qui n'a fait l'objet d'aucun contre-interrogatoire, font état de vastes consultations et d'une longue suite de discussions entre les demanderesses - et dans un cas la société remplacée par l'une d'elles - et Parcs Canada. Il suffit de dire que l'auteur de l'affidavit déposé pour le compte des demanderesses documente ces pourparlers au moyen de 26 pièces jointes à son affidavit et présentées sur 1084 pages. L'auteur de l'affidavit des défendeurs documente les mêmes faits à l'aide de dix pièces, présentées sur 615 pages. Les éléments de la transcription du contre-interrogatoire sur l'affidavit des demanderesses qui figurent dans le dossier des défendeurs apportent quatre pièces supplémentaires, présentées sur 195 pages.


[13]            Bien que des consultations et des négociations prolongées aient eu lieu et qu'il soit généralement admis que les plans à long terme sur lesquels repose l'exploitation des quatre stations de ski sont dépassés, les documents soumis à la Cour révèlent le peu de progrès accompli dans l'atteinte d'un consensus entre les demanderesses et Parcs Canada sur de nouveaux plans à long terme. Cette situation tient peut-être en partie au fait qu'alors que les plans à long terme existants et celui, maintenant abandonné, visant Sunshine Village prévoient des capacités d'accueil, seule la station de ski du lac Louise, aussi récemment qu'en mai 2001, fonctionnait à pleine capacité. À cette époque, la station de ski du lac Louise était déjà la plus grande des stations de ski des parcs nationaux Banff et Jasper et figurait parmi les plus grands centres de ski du Canada[7].

[14]            Le 26 avril 1999, M. Andy Mitchell, alors Secrétaire d'État (Parcs), a publié les recommandations du Comité sur le logement commercial périphérique portant sur les directives de gestion des stations de ski des parcs nationaux. Un communiqué de presse publié le même jour[8] indiquait que le ministre avait annoncé de nombreuses décisions fondées sur les recommandations du Comité. Les décisions qui figurent dans le communiqué de presse comprennent les mesures suivantes :

[traduction]

·                Aucune nouvelle station de ski ne pourra être aménagée dans les parcs nationaux. Cependant, les stations de ski existantes sont reconnues comme le pivot du tourisme hivernal dans les parcs des Rocheuses et pourront continuer d'exercer leurs activités.

·                Il nous incombe avant tout de maintenir l'intégrité écologique des parcs nationaux et la gestion des stations de ski visera cet objectif. Les plans à long terme doivent prendre en compte l'incidence cumulative du développement des stations de ski.


·                La gestion des stations de ski sera conforme aux principes énoncés dans la décision, rendue publique le 26 juin 1998, sur les nouvelles mesures de protection des parcs nationaux du Canada, à savoir : a) l'utilisation adéquate des lieux; b) l'établissement de limites claires au développement; c) l'application de pratiques de gestion appropriées; d) l'absence nette d'incidence environnementale négative.

·                Des pratiques d'exploitation satisfaisant aux normes environnementales et de qualité les plus rigoureuses seront élaborées et mises en oeuvre par les exploitants des centres de ski.

·                Les installations existantes ne pourront être remplacées ni modernisées si de tels changements ont pour effet d'accroître la capacité d'accueil des stations de ski prévue dans les plans à long terme actuels.

·                Aucun nouvel aménagement ne sera autorisé s'il a pour effet d'accroître la capacité d'accueil des stations de ski prévue dans les plans à long terme actuels.

·                Seuls les projets de développement prévus dans les plans à long terme actuels seront étudiés.

·                L'évaluation de l'incidence cumulative des nouveaux projets de développement doit tenir compte de l'incidence des projets actuels et futurs.

·                Seuls les terrains dévégétalisés ou déjà perturbés pourront servir à l'agrandissement des parcs de stationnement des stations de ski.

·                Un examen visant à confirmer la capacité d'accueil actuelle de toutes les stations de ski sera effectué au cours des quatre prochains mois.

·                Des règlements visant les stations de ski seront élaborés et porteront notamment sur les aspects suivants :

-               la conformité,

-               l'application,

-               les pénalités,

-               la garantie d'exécution.

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]

[15]            On ajoute plus loin dans le communiqué :

[traduction]

M. Mitchell a également annoncé que Parcs Canada mettra à contribution une équipe spéciale de conseillers devant recueillir les points de vue et les commentaires sur les autres recommandations du groupe d'experts sur le LCP. Les travaux de l'équipe prendront fin le 30 juin 1999 et serviront de fondement à l'élaboration de lignes directrices pour les centres de ski, qui seront connues d'ici la fin septembre 1999. Les travaux de l'équipe permettront en outre aux exploitants des stations de ski de concevoir un guide d'entretien et d'exploitation qui sera terminé au cours de la prochaine année [...]

[16]            Suivant ce qui ressort du volumineux dossier dont la Cour a été saisie, aucune des étapes énoncées dans la citation précédente ne semble avoir été franchie dans les délais prévus. Les demanderesses ou, dans un cas, la société remplacée par l'une d'elles, ont en effet sollicité le contrôle judiciaire de certains éléments de la décision rendue publique le 26 avril 1999[9]. Les demanderesses se sont par la suite désistées de cette demande de contrôle judiciaire.

[17]            Voici ce qu'indique l'auteur de l'affidavit des défendeurs au sujet de l' « impasse » découlant de la décision annoncée le 26 avril 1999 :

[traduction]

J'ai pris part aux discussions visant à dénouer l'impasse. Ces discussions, en particulier celles engagées avec les représentants des demanderesses, m'ont donné à comprendre que celles-ci acceptaient les paramètres contestés dans le présent et plus récent litige - sauf peut-être les paramètres sur les parcs de stationnement[10].


[18]            Dans le paragraphe suivant, l'auteur de l'affidavit explique qu'à la suite de la décision à l'examen, les défendeurs prévoyaient que les demanderesses, probablement en collaboration avec Parcs Canada, achèveraient l'élaboration de nouveaux plans à long terme au plus tard en octobre 2002. Encore une fois, cette prédiction s'est avérée très optimiste. Rien dans les documents dont dispose la Cour ni rien dans les observations de l'avocat soumises à la Cour se rapportant à la présente demande de contrôle judiciaire n'indique que des progrès importants ont été réalisés dans l'élaboration des plans à long terme des quatre stations de ski exploitées par les demanderesses.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]            Les questions en litige en l'espèce, telles que formulées dans le mémoire des faits et du droit des demanderesses, sont les suivantes :

1)         La décision à l'examen est-elle susceptible de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales?

2)         Dans l'affirmative, quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

3)         Les défendeurs ont-ils agi sans compétence, outrepassé leur compétence ou refusé d'exercer leur compétence en prenant la décision contestée en l'espèce?

4)         En prenant la décision en cause, les défendeurs ont-ils violé les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale, y compris la règle audi alteram partem?


5)          Les défendeurs ont-ils commis une erreur de droit et de compétence en décidant de modifier, désaffecter ou fermer les ouvrages visés par les projets aux quatre centres de ski sans d'abord satisfaire aux exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

[20]            L'avocat des défendeurs s'est montré d'accord avec la formulation des questions précédentes.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[21]            Les parties pertinentes de la Loi sur la Cour fédérale, maintenant la Loi sur les Cours fédérales, s'énoncent comme suit :


2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

2. (1) In this Act,

[...]

[...]

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion de la Cour canadienne de l'impôt et ses juges, d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

"federal board, commission or other tribunal" means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

[...]

[...]

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

[...]

[...]


(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

[...]                                          [Non souligné dans l'original.]

[...]                                                              [emphasis added]


[22]            Les dispositions suivantes de la Loi sur les parcs nationaux sont pertinentes aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire :


4. Les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien afin que celui-ci puisse les utiliser pour son plaisir et l'enrichissement de ses connaissances, dans le cadre de la présente loi et de ses règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.

4. The National Parks of Canada are hereby dedicated to the people of Canada for their benefit, education and enjoyment, subject to this Act and the regulations, and the National Parks shall be maintained and made use of so as to leave them unimpaired for the enjoyment of future generations.

[...]

5. (1) Sous réserve de l'article 8.2, les parcs sont placés sous l'autorité du ministre

5. (1) Subject to section 8.2, the administration, management and control of the parks shall be under the direction of the Minister.

(1.1) Dans les cinq ans suivant la proclamation portant création d'un parc sous le régime d'une loi fédérale, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement un plan de gestion du parc en ce qui touche la protection des ressources, le zonage, les modalités d'utilisation par les visiteurs et toute autre question qu'il juge indiquée.

(1.1) The Minister shall, within five years after the proclamation of a park under any Act of Parliament, cause to be laid before each House of Parliament a management plan for that park in respect of resource protection, zoning, visitor use and any other matter that the Minister considers appropriate.

(1.2) En ce qui concerne le zonage du parc et l'utilisation par les visiteurs, il importe en premier lieu de préserver l'intégrité écologique et, à cette fin, de protéger les ressources naturelles.

(1.2) Maintenance of ecological integrity through the protection of natural resources shall be the first priority when considering park zoning and visitor use in a management plan.

(1.3) Le ministre réexamine le plan de gestion de chaque parc tous les cinq ans et le fait déposer - avec ses modifications, le cas échéant - devant chaque chambre du Parlement.

(1.3) The Minister shall review the management plan of a park every five years and shall cause any amendments to the plan to be laid with the plan before each House of Parliament.


(1.4) Le ministre favorise, dans les cas indiqués, la participation du public, à l'échelle nationale, régionale et locale, à l'élaboration de la politique et des plans de gestion des parcs ainsi que des autres mesures qu'il juge utiles.

(1.4) The Minister shall, as appropriate, provide opportunities for public participation at the national, regional and local levels in the development of parks policy, management plans and such other matters as the Minister deems relevant.

(1.5) Tous les deux ans, le ministre fait rapport au Parlement sur la situation des parcs et sur les mesures prises en vue de la création de parcs.

(1.5) The Minister shall report to Parliament every two years on the state of the parks and progress towards establishing new parks.

[...]

[...]

8.3 (1) Les zones mentionnées à l'annexe III constituent des stations commerciales de ski.

8.3 (1) The portions of parks specified in Schedule III are hereby designated commercial ski areas.

(2) Le ministre ne peut accorder de baux ou de permis d'occupation pour d'autres installations commerciales de ski.

(2) The Minister may not grant a lease or licence of occupation of public lands in a park, other than lands situated within a commercial ski area referred to in subsection (1), for the purpose of a commercial ski facility.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par décret, modifier l'annexe III une fois pour y ajouter la délimitation de la station de ski de Mont Norquay et de Sunshine Village, parc national Banff.

                                                [Non souligné dans l'original.]

(3) The Governor in Council may, by an order amending Schedule III, designate a portion of Banff National Park in the vicinity of Mount Norquay and in the vicinity of Sunshine Village Ski Area a commercial ski area, but that Schedule is not subject to subsequent amendment by the Governor in Council.

                                                                    [emphasis added]


[23]            L'article 8.2 de la Loi sur les parcs nationaux, visé par le paragraphe 5(1), n'est pas pertinent aux fins de la présente affaire. Toutes les stations de ski des demanderesses sont mentionnées à l'annexe III de la Loi et constituent donc des stations commerciales de ski au sens de celle-ci. Bien que l'article 7 confère un vaste pouvoir réglementaire, l'avocat qui a comparu devant moi m'a assuré qu'aucun règlement pris en vertu de ce pouvoir n'est directement pertinent aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire.

[24]            Les dispositions suivantes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale[11] s'appliquent à la présente affaire :


Attendu :

que le gouvernement fédéral vise au développement durable par des actions de conservation et d'amélioration de la qualité de l'environnement ainsi que de promotion d'une croissance économique de nature à contribuer à la réalisation de ces fins;

que l'évaluation environnementale constitue un outil efficace pour la prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision, de façon à promouvoir un développement durable;

WHEREAS the Government of Canada seeks to achieve sustainable development by conserving and enhancing environmental quality and by encouraging and promoting economic development that conserves and enhances environmental quality;

WHEREAS environmental assessment provides an effective means of integrating environmental factors into planning and decision-making processes in a manner that promotes sustainable development;

que le gouvernement fédéral s'engage à jouer un rôle moteur tant au plan national qu'au plan international dans la prévention de la dégradation de grande valeur qu'accordent les Canadiens à l'environnement;

WHEREAS the Government of Canada is committed to exercising leadership within Canada and internationally in anticipating and preventing the degradation of environmental quality and at the same time ensuring that economic development is compatible with the high value Canadians place on environmental quality;

que le gouvernement fédéral s'engage à favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projets à entreprendre par lui ou approuvés ou aidés par lui, ainsi qu'à fournir l'accès à l'information sur laquelle se fonde cette évaluation,

WHEREAS the Government of Canada is committed to facilitating public participation in the environmental assessment of projects to be carried out by or with the approval or assistance of the Government of Canada and providing access to the information on which those environmental assessments are based;

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

2. (1) In this Act,

[...]

[...]

« autorité fédérale »

a) Ministre fédéral;

"federal authority" means

(a) a Minister of the Crown in right of Canada,

[...]

[...]

« évaluation environnementale » Évaluation des effets environnementaux d'un projet effectuée conformément à la présente loi et aux règlements.

[...]

"environmental assessment" means, in respect of a project, an assessment of the environmental effects of the project that is conducted in accordance with this Act and the regulations;

[...]


« projet » Réalisation - y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture - d'un ouvrage ou

"project" means

(a) in relation to a physical work, any proposed construction, operation, modification, decommissioning, abandonment or other undertaking in relation to that physical work, or

[...]

[...]

« promoteur » Autorité fédérale ou gouvernement, personne physique ou morale ou tout organisme qui propose un projet.

"proponent", in respect of a project, means the person, body, federal authority or government that proposes the project;

[...]

[...]

« autorité responsable » L'autorité fédérale qui, en conformité avec le paragraphe 11(1), est tenue de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation environnementale d'un projet.

[...]

"responsible authority", in relation to a project, means a federal authority that is required pursuant to subsection 11(1) to ensure that an environmental assessment of the project is conducted;

[...]



4. La présente loi a pour objet :

a) de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l'égard de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets;

b) d'inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l'environnement et à la santé de l'économie;

4. The purposes of this Act are

(a) to ensure that the environmental effects of projects receive careful consideration before responsible authorities take actions in connection with them;

(b) to encourage responsible authorities to take actions that promote sustainable development and thereby achieve or maintain a healthy environment and a healthy economy;



b.1) de faire en sorte que les autorités responsables s'acquittent de leurs obligations afin d'éviter tout double emploi dans le processus d'évaluation environnementale;

c) de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites;

d) de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d'évaluation environnementale.

(b.1) to ensure that responsible authorities carry out their responsibilities in a coordinated manner with a view to eliminating unnecessary duplication in the environmental assessment process;

(c) to ensure that projects that are to be carried out in Canada or on federal lands do not cause significant adverse environmental effects outside the jurisdictions in which the projects are carried out; and

(d) to ensure that there be an opportunity for public participation in the environmental assessment process.



5. (1) L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes :

5. (1) An environmental assessment of a project is required before a federal authority exercises one of the following powers or performs one of the following duties or functions in respect of a project, namely, where a federal authority

a) une autorité fédérale en est le promoteur et le met en oeuvre en tout ou en partie;

(a) is the proponent of the project and does any act or thing that commits the federal authority to carrying out the project in whole or in part;


b) une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l'aider à mettre en oeuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d'emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l'aide financière est accordée sous forme d'allègement - notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise - d'une taxe ou d'un impôt qui est prévu sous le régime d'une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en oeuvre d'un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l'allègement;

(b) makes or authorizes payments or provides a guarantee for a loan or any other form of financial assistance to the proponent for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part, except where the financial assistance is in the form of any reduction, avoidance, deferral, removal, refund, remission or other form of relief from the payment of any tax, duty or impost imposed under any Act of Parliament, unless that financial assistance is provided for the purpose of enabling an individual project specifically named in the Act, regulation or order that provides the relief to be carried out;

c) une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d'une province l'administration et le contrôle, en vue de la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;

[...]

(c) has the administration of federal lands and sells, leases or otherwise disposes of those lands or any interests in those lands, or transfers the administration and control of those lands or interests to Her Majesty in right of a province, for the purpose of enabling the project to be carried out in whole or in part; or

[...]


[25]            Il n'a pas été contesté devant la Cour que dans le cadre d'un « projet » visant l'une des stations de ski en cause, la demanderesse concernée serait considérée comme le promoteur et le ministère comme l' « autorité responsable » . Il n'a pas non plus été contesté que tout nouveau plan à long terme visant une station commerciale de ski envisagerait des « projets » et nécessiterait une « étude approfondie » .

ANALYSE

1)         La décision à l'examen est-elle susceptible de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur les Cours fédérales?

[26]            Comme il en a été fait mention dans les présents motifs, la décision à l'examen relève de « lignes directrices stratégiques » et de « paramètres stratégiques » visant l'élaboration de nouveaux plans à long terme pour les stations de ski situées dans les parcs nationaux Banff et Jasper. En conséquence, on peut considérer que la décision en cause n'émane pas d'un « office fédéral » au sens du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

[27]            Dans l'arrêt Morneault c. Canada (Procureur général)[12], le juge Stone, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit au paragraphe [42] :

[...] Le contrôle judiciaire prévu à l'article 18.1 n'est pas limité à « une décision ou une ordonnance » . C'est ce qui ressort clairement du paragraphe 18.1(1), qui permet au procureur général du Canada et à « quiconque est directement touché » de solliciter le contrôle judiciaire. Il ressort clairement de la disposition dans son ensemble que, si d'une part une décision ou une ordonnance est une question qui peut être examinée, d'autre part une question autre qu'une décision ou une ordonnance peut également être examinée. [...] Je suis convaincu que l'intimé [l'équivalent des demanderesses en l'espèce] est directement touché par les conclusions et que celles-ci peuvent être examinées en vertu de l'article 18.1. Les conclusions sont exceptionnellement importantes pour l'intimé à cause des conséquences qu'elles ont sur sa réputation. [...]

                                                                                        [Renvoi et certains passages omis.]

[28]            Je suis convaincu que la décision en cause revêt une importance exceptionnelle pour les demanderesses non en raison de l'atteinte que celle-ci porte à leur réputation, mais en raison de l'incidence négative que cette décision est susceptible d'avoir sur leurs intérêts commerciaux.

[29]            La Cour a ensuite examiné le sujet concernant l'origine de la question dont elle était saisie. Le juge Stone a écrit au paragraphe [43] :

Pour pouvoir être examinée en vertu de l'article 18.1, une question doit néanmoins émaner d'un « office fédéral » . Tel était le cas dans l'affaire Krause [...] L'expression « office fédéral » est définie au paragraphe 2(1) de la Loi comme s'entendant d'un « Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne [...] ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale. [...] » .

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]

[30]            Compte tenu des faits de la présente demande de contrôle judiciaire, j'estime que la ministre, en prenant la décision en cause, était une personne exerçant ou censée exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale, en l'occurrence la Loi sur les parcs nationaux. Elle est donc visée par l'expression « office fédéral » . En outre, dans le cadre du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, je suis convaincu que la ministre, en prenant la décision à l'examen, a traité d'une « question » et que les demanderesses ont été « [...] directement touché[ées] » par celle-ci, la décision en cause revêtant une importance exceptionnelle pour elles. En conséquence, j'estime que la décision à l'examen est susceptible de contrôle judiciaire de la part de notre Cour en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Je n'ai pas entendu l'avocat des défendeurs s'opposer vigoureusement à une telle conclusion. Celui-ci a plutôt soutenu que dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire comme la présente et compte tenu de la nature de la décision, celle-ci appelle une grande retenue de la Cour.

[31]            Je suis persuadé que ma conclusion au sujet de la compétence est compatible avec l'arrêt plus récent de cette Cour Larny Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de la santé)[13], où le juge Nadon, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, a écrit au paragraphe [18] :


Les remarques formulées par le juge Stone dans l'arrêt Morneault, [...] tout comme celles formulées par le juge Décary dans l'arrêt Gestion Complexe, [...], indiquent que le contrôle judiciaire, en vertu de l'article 18 de la Loi, doit être interprété de façon englobante et libérale, donc qu'une grande gamme de procédures administratives feront partie du mandat de contrôle judiciaire de la Cour. Il est également clair que le contrôle judiciaire n'est plus limité aux décisions ou aux ordonnances dont un décideur avait été chargé selon la loi habilitante. Au lieu de cela, le contrôle judiciaire touchera les décisions ou les ordonnances qui déterminent les droits d'une partie, même si la décision en question ne constitue pas la décision finale. Il s'ensuit également, depuis la décision rendue par la Cour d'appel dans l'arrêt Morneault, [...], que « matter » (objet de la demande ou question) que l'on retrouve à l'article 18.1 de la Loi n'est pas limité aux « décisions » ou [aux] ordonnances » , mais englobe toute question pour laquelle une réparation pourrait être possible en vertu de l'article 18 ou du paragraphe 18.1(3).

                                                                                                                       [Renvois omis.]

[32]            Il n'a pas été contesté devant la Cour que si les demanderesses obtenaient gain de cause dans la présente demande de contrôle judiciaire, elles pourraient obtenir réparation en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

2)         Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

[33]            L'avocat des demanderesses a fait valoir que la norme de contrôle appropriée en l'espèce est celle de la décision correcte alors que l'avocat des défendeurs a soutenu que cette norme est celle de la décision manifestement déraisonnable. Pour les fins de la présente question, j'estime que la décision à l'examen comporte deux aspects distincts, soit la question de savoir si la ministre avait compétence pour prendre la décision en cause et la question de savoir si, dans l'affirmative, celle-ci peut être maintenue.

[34]            La première question en litige, soit celle de savoir si la ministre était autorisée à prendre la décision en cause, est, j'en suis convaincu, une pure question de droit, qui a trait à l'interprétation à donner au rôle qui lui était confié par la Loi sur les parcs nationaux. Sur cette question, je suis d'avis que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.



[35]            Appliquant la méthode pragmatique et fonctionnelle et les quatre facteurs contextuels sur lesquels celle-ci est fondée, à savoir la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel, l'expertise du tribunal - en l'espèce la ministre - sur la question en litige par rapport à l'expertise de la cour de révision, l'objet de la loi dans son ensemble et de la ou des dispositions particulières en vertu desquelles la ministre a prétendu agir et, enfin, la nature de la question - question de droit, question de fait ou question mixte de fait et de droit[14] - , j'en arrive aux conclusions suivantes. Premièrement, il n'y a pas de clause privative ou de droit d'appel prévus par la Loi sur les parcs nationaux. Deuxièmement, on ne peut guère affirmer, en toute déférence, que l'expertise de la ministre en matière d'interprétation législative soit plus grande que celle de la Cour. Par contre, son expertise à l'égard des politiques sur les parcs nationaux et celle relative à leur gestion à titre de ministre responsable appelle un degré élevé de retenue. Troisièmement, j'estime que la Loi sur les parcs nationaux et la disposition à large portée qui place les parcs nationaux sous l'autorité du ministre pour s'assurer qu'ils sont entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures appelle, ici encore, une grande retenue à l'égard des décisions du ministre, dans l'exercice du pouvoir qui lui est conféré. Cela étant dit, ce pouvoir ne s'étend pas en soi à l'interprétation, en droit, du mandat que lui confère la loi. Ceci nous amène au quatrième et dernier facteur contextuel, soit la nature de la question : l'interprétation de la Loi sur les parcs nationaux elle-même. Je suis d'avis qu'il s'agit du facteur déterminant en ce qui concerne la question de la norme de contrôle applicable au pouvoir de la ministre d'agir comme elle l'a fait. Comme je l'ai dit plus tôt, je suis convaincu que cette question doit être examinée selon la norme de la décision correcte.

[36]            Je tire une conclusion différente relativement à l'examen de la décision même de la ministre, en présumant que celle-ci avait le pouvoir de la prendre. Comme le paragraphe précédent le laisserait prévoir, j'estime indiqué un haut degré de retenue à ce sujet.

[37]            Dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Government of Canada[15], le juge McIntyre, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit aux pages 6 à 8 :

Il n'y a rien d'illégal ou d'anormal à ce que le Ministre chargé d'appliquer le plan général établi par la Loi et les règlements formule et publie des conditions générales de délivrance de licences d'importation. Il est utile que les demandeurs de licences connaissent les grandes lignes de la politique et de la pratique que le Ministre entend suivre. Donner aux lignes directrices la portée que l'appelante allègue qu'elles ont équivaudrait à attribuer un caractère législatif aux directives ministérielles et entraverait l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre. Le juge Le Dain a analysé cette question et dit, à la p. 513 :

Le Ministre est libre d'indiquer le type de considérations qui, de façon générale, le guideront dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire [...], mais il ne peut pas entraver ce pouvoir discrétionnaire en tenant les lignes directrices pour obligatoires et en excluant tous les autres motifs valides ou pertinents pour lesquels il peut exercer son pouvoir discrétionnaire [...].

[...]


En interprétant des lois semblables à celles qui sont visées en l'espèce et qui mettent en place des arrangements administratifs souvent compliqués et importants, les tribunaux devraient, pour autant que les textes législatifs le permettent, donner effet à ces dispositions de manière à permettre aux organismes administratifs ainsi créés de fonctionner efficacement comme les textes le veulent. À mon avis, lorsqu'elles examinent des textes de ce genre, les cours devraient, si c'est possible, éviter les interprétations strictes et formalistes et essayer de donner effet à l'intention du législateur appliquée à l'arrangement administratif en cause. C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

                                                                                      [Renvois et certains passages omis.]

[38]            Dans l'arrêt Assoc. canadienne des importateurs réglementés c. Canada (Procureur général)[16], le juge Linden, s'exprimant au nom de la Cour, a écrit à la page 255 :

La première question est de savoir si la délivrance par le ministre de l'avis aux importateurs [...] était une décision discrétionnaire de la nature d'une politique ou d'une action législative qui ne donne pratiquement pas ouverture au contrôle judiciaire ou s'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi, susceptible de contrôle judiciaire selon les principes ordinaires du droit administratif. Le juge de première instance a conclu qu'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi et par conséquent susceptible de contrôle dans le sens ordinaire, ce sur quoi elle s'est fondée pour annuler la décision. Avec égards, je ne partage pas son avis - selon moi, la promulgation de l'avis constituait un acte discrétionnaire de la nature d'une ligne directrice en matière de politique et était donc en grande partie exclue du contrôle.

[39]            Le juge Linden a poursuivi à la page 257 :

Après tout, ces lignes directrices en matière de politique ne constituent pas des règlements; elles peuvent facilement être changées à l'occasion, selon le climat économique et politique ainsi que la situation internationale. Il s'agit seulement de guides utiles comme cela devrait être le cas.

[...]

Bien que le juge de première instance ait, à bon droit, souligné que ces lignes directrices entraîneraient des pertes économiques pour certaines parties, il s'agissait, néanmoins, à mon avis, de lignes directrices discrétionnaires en matière de politique, qui relevaient donc du pouvoir du ministre et n'étaient pas assujetties au contrôle ordinaire, sauf en ce qui a trait aux trois exceptions énoncées dans l'arrêt Maple Lodge Farms.

[40]            Dans l'arrêt Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien)[17] le juge Evans, s'exprimant au nom de la Cour, s'est longuement penché sur la norme de contrôle applicable à une décision prise par la même ministre du Patrimoine canadien que celle en cause en l'espèce. Dans cette affaire, la décision discrétionnaire de la ministre, prise en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, concernait la délivrance d'un permis pour la construction d'une route d'hiver dans le parc national Wood Buffalo. Après avoir cité l'arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia[18], le juge Evans a appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[41]            Alors qu'au plan des faits, l'arrêt Société pour la protection des parcs traite d'une décision discrétionnaire précise, j'estime que les trois décisions précitées cadrent avec les faits d'espèce, la décision à l'examen étant de nature générale et s'apparentant bien davantage à des orientations ou paramètres stratégiques qu'à une décision discrétionnaire précise.

[42]            Pour les motifs qui précèdent, j'estime que la norme de contrôle applicable à la question de savoir s'il était loisible à la ministre de prendre la décision à l'examen est celle de la décision manifestement déraisonnable.


3)         Les défendeurs ont-ils agi sans compétence, outrepassé leur compétence ou refusé d'exercer leur compétence en prenant la décision contestée en l'espèce?

[43]            Au vu des circonstances de la présente affaire, cette question se limite à savoir si les défendeurs ont agi sans compétence ou en outrepassant leur compétence. La question de savoir s'ils ont refusé d'exercer leur compétence ne se pose pas.

[44]            L'article 4 et le paragraphe 5(1) de la Loi sur les parcs nationaux ont déjà été cités dans les présents motifs. L'article 4, en plus de disposer que les parcs nationaux du Canada sont créés à l'intention du peuple canadien, porte que ceux-ci doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures. Le paragraphe 5(1) dispose que, sous réserve de l'article 8.2, les parcs sont placés sous l'autorité du ministre. Les avocats qui ont plaidé devant moi ont convenu que l'article 8.2 n'est pas pertinent aux fins de la présente affaire.

[45]            Dans l'arrêt Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada c. Canada[19], le juge Evans a écrit aux paragraphes [40] et [41] :

[...] En soi, l'octroi d'une responsabilité ne confère pas un pouvoir, bien qu'il ne servira pas souvent à grand-chose d'octroyer une responsabilité sans l'assortir du pouvoir requis pour s'en acquitter. À défaut d'un pouvoir d'action, la responsabilité pour la gestion des parcs, y compris celle des terres domaniales qui y sont situées, rendrait, selon moi, l'octroi d'une responsabilité dans la Loi quasi inutile en pratique.

En général, il est admis que le législateur a l'intention d'octroyer les pouvoirs nécessaires pour réaliser les objectifs des régimes administratifs qu'il crée. Un des meilleurs exposés judiciaires de notre époque sur la façon d'aborder l'interprétation de la législation se trouve dans les motifs du juge McIntyre, s'exprimant au nom de la Cour dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada [...] :


En interprétant des lois [...] qui mettent en place des arrangements administratifs souvent compliqués et importants, les tribunaux devraient, pour autant que les textes législatifs le permettent, donner effet à ces dispositions de manière à permettre aux organismes administratifs ainsi créés de fonctionner efficacement comme les textes le veulent. À mon avis, lorsqu'elles examinent des textes de ce genre, les cours devraient, si c'est possible, éviter les interprétations strictes et formalistes et essayer de donner effet à l'intention du législateur appliquée à l'arrangement administratif en cause.

               [Renvoi omis.]

[46]            Le passage précédent des propos formulés par le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms[20], cité plus tôt dans une perspective globale, préconise une interprétation des dispositions pertinentes de la Loi sur les parcs nationaux qui donne effet à l'intention du législateur de conférer des responsabilités administratives au ministre. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms, la Cour souligne qu'un ministre ne peut pas entraver l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou celui de ses successeurs en tenant pour obligatoires les lignes directrices qu'il a émises. La Cour souligne en outre la nécessité que les lignes directrices ou paramètres ministériels tels ceux dont il est question en l'espèce soient établis de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle et non en fonction de considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi. Hormis ces restrictions, la Cour souscrit à l'opinion voulant que l'exercice d'un vaste pouvoir légal, à l'appui d'un mandat tout aussi vaste assigné par la loi ou d'une responsabilité comme celle énoncée au paragraphe 5(1) de la Loi sur les parcs nationaux et conforme à l'objectif prévu à l'article 4 de celle-ci, ne devrait pas faire l'objet d'une intervention judiciaire.

[47]            Compte tenu des faits de la présente affaire et appliquant le bien-fondé comme norme de contrôle, je suis convaincu que la responsabilité confiée au ministre par le paragraphe 5(1) de la Loi sur les parcs nationaux à l'appui de l'objectif énoncé à l'article 4 de celle-ci confère au ministre les pouvoirs nécessaires pour émettre ce que j'estime être des lignes directrices ou paramètres stratégiques en l'espèce. Il va sans dire que le ministre ne pourrait pas entraver l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire ou celui de ses successeurs, si on démontrait dans une affaire que les lignes directrices et paramètres à l'examen produisent des résultats insatisfaisants. La Cour n'est cependant pas saisie de cette question. Malgré la nature assez absolue et arbitraire de certains aspects des lignes directrices ou paramètres en cause, rien n'indique que le ministre ou ses successeurs s'empêcheraient de les adapter au besoin à une situation particulière.

[48]            Au regard de la norme du bien-fondé - ou de la décision correcte -, je suis convaincu qu'il était loisible à la ministre de prendre une décision comme celle faisant l'objet du présent contrôle. Appliquant la norme cette fois de la décision manifestement déraisonnable, je suis convaincu que la ministre pouvait prendre la décision particulière qui nous occupe.


4)         La ministre a-t-elle violé les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale, y compris la règle audi alteram partem?

[49]            Selon moi, il faut répondre par la négative à cette question. Comme je l'ai déjà précisé, la décision à l'examen a été précédée par de vastes consultations publiques auxquelles ont pris part les demanderesses et de longues discussions bilatérales entre les demanderesses et Parcs Canada. Les lignes directrices et paramètres précédents, établis par le Secrétaire d'État Andy Mitchell en avril 1999, laissaient présager l'orientation du ministre. Bien que la décision ait également fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire, celle-ci a ensuite été retirée. Comme il en a été fait mention ci-dessus, l'auteur de l'affidavit des défendeurs a certifié avoir été partie prenante aux consultations engagées avec les demanderesses, désireuses de dénouer l'impasse à laquelle cette décision antérieure avait donné lieu. Voici de nouveau ce qu'il a déclaré :

Ces discussions, en particulier celles engagées avec les représentants des demanderesses, m'ont donné à comprendre que celles-ci acceptaient les paramètres contestés dans le présent et plus récent litige - sauf peut-être les paramètres sur les parcs de stationnement.


[50]            Bien que les demanderesses brossent un tableau différent de l'étendue et de la teneur des consultations menées entre elles et les représentants de Parcs Canada à la suite de la décision antérieure relative aux lignes directrices ou paramètres, elles ont décidé de ne pas contre-interroger le déposant pour le compte des défendeurs sur le passage précité de son affidavit ni d'ailleurs sur aucun aspect de celui-ci. Je ne trouve aucun élément me permettant de mettre en question la déclaration du déposant sur les consultations menées à la suite de la décision du 26 avril 1999 ni l'impression qu'il a gardée de celles-ci. Le déposant pour le compte des défendeurs était haut fonctionnaire à l'Agence Parcs Canada et il exerçait des fonctions de gestion à l'égard des parcs nationaux Banff et Jasper ainsi que d'autres parcs des Rocheuses. Je suis disposé à présumer qu'il s'occupait de conseiller la ministre qui a pris la décision à l'examen et qu'en définitive, elle a eu connaissance de ses impressions sur l'issue des consultations menées auprès des demanderesses à la suite de la décision du 26 avril 1999.

[51]            Sur cette question et vu l'ensemble des faits de la présente affaire, je ne suis en définitive pas convaincu que les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale, y compris la règle audi alteram partem, imposaient à la ministre l'obligation de communiquer aux demanderesses la version préliminaire de la décision en cause et de leur offrir la possibilité d'y réagir avant l'adoption de la décision finale. Il est bien établi en droit que le devoir d'équité procédurale varie selon les circonstances de chaque affaire. En l'espèce, étant donné les vastes consultations publiques et les longues discussions privées qui se sont déroulées au préalable entre les demanderesses et l'Agence Parcs Canada, la décision antérieure du 26 avril 1999 et la nature de la décision à l'examen et des lignes directrices ou paramètres, je suis convaincu que l'obligation d'équité de la ministre envers les demanderesses n'était pas absolue et qu'elle a été respectée.


5)         Les défendeurs ont-ils commis une erreur de droit et de compétence en décidant de modifier, désaffecter ou fermer les ouvrages visés par les projets aux quatre stations de ski sans d'abord satisfaire aux exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

[52]            Au regard des dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale citées plus tôt et d'autres dispositions qu'il tient pour complémentaires au vu des faits de la présente affaire, l'avocat des demanderesses avance que la ministre a commis une erreur susceptible de révision en publiant la décision à l'examen sans d'abord satisfaire aux exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Plus particulièrement, l'avocat fait valoir que la décision de la ministre a entraîné la modification en profondeur, la désaffectation ou l'abandon forcé des ouvrages visés par les projets sans la tenue au préalable d'une étude approfondie en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Pour sa part, l'avocat des défendeurs soutient que la décision à l'examen n'a occasionné la modification, la désaffectation ou la fermeture forcée d'aucun des ouvrages visés par les projets aux quatre stations de ski commerciales des parcs nationaux Banff et Jasper.


[53]            Dans les présents motifs, j'ai souligné que les expressions « lignes directrices stratégiques » et « paramètres stratégiques » ont été utilisées à maintes reprises pendant l'instruction pour décrire la décision à l'examen. J'estime que ces expressions décrivent adéquatement la décision en cause. Compte tenu de l'ensemble de la preuve produite devant la Cour et la nature de la décision à l'examen, je ne puis conclure que celle-ci a entraîné la modification, la désaffectation ou la fermeture forcée d'un ouvrage, quel qu'il soit, visé par les « projets existants » et situé à l'une ou l'autre des quatre stations de ski commerciales des parcs nationaux Banff et Jasper. En conséquence, je conclus que la décision à l'examen n'était aucunement incompatible avec l'application intégrale de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

[54]            Par conséquent, la réponse à cette dernière question en litige est un « non » catégorique.

CONCLUSION

[55]            Conformément à l'analyse qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

DÉPENS

[56]            Les avocats des demanderesses et des défendeurs ont convenu à l'audience que les dépens devraient suivre l'issue de la cause. L'avocat des défendeurs a notamment soutenu que si ceux-ci avaient gain de cause, les dépens devraient leur être adjugés. Selon ce dernier, les dépens devraient être fixés plutôt que taxés et s'élever à 2 000 $ ou 3 000 $.


[57]            Dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, les dépens sont adjugés en faveur des défendeurs et fixés à 3 000 $, tous débours inclus.

                                                                       _ Frederick E. Gibson _              

                                                                                                     Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 23 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-2167-00

INTITULÉ :               PETER G. WHITE MANAGEMENT LTD. ET AL. c.

SHEILA COPPS ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LES 23 ET 24 MARS 2004

MOTIFS RENDUS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Daniel P. Carroll                                                POUR LES DEMANDERESSES

Kirk N. Lambrecht                                            POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Field LLP - Edmonton (Alberta)                                    POUR LES DEMANDERESSES

Morris Rosenberg                                              POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada



[1]         L.R.C. 1985, ch. F-7.

[2]         Voir Sunshine Village Corp. c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien) [1998] A.C.F. No. 1779 (Q.L.)(C.F. 1re inst.).

[3]         L.R.C. 1985, ch. N-14.

[4]         L.C. 2000, ch. 32.

[5]         L.C. 1998, ch. 31.

[6]         DORS/98-106.

[7]         Affidavit de Charles Zinkan, paragraphe 12, dossier des défendeurs, volume II, page 029.

[8]         Dossier des demanderesses, volume III, onglet V, pages 1001et 1002.

[9]         Dossier du tribunal : T-928-99.

[10]      Dossier des défendeurs, volume II, page 031, paragraphe 31.

[11] L.C. 1992, ch. 37.

[12]       (2000), 189 D.L.R. (4e) 96 (C.A.F.).

[13]       [2003] 1 C.F. 541.

[14]       Se reporter à Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] R.C.S. 982, aux paragraphes [29] à [38].

[15]       [1982] 2 R.C.S. 2.

[16]       [1994] 2 C.F. 247 (C.A.).

[17]      [2003] 4 C.F. 672 (C.A.F.)

[18]       [2003] 1 R.C.S. 226.

[19]       Supra, note 17.

[20]       Supra, note 15.


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