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Date : 20020822

Dossier : IMM-5951-00

Toronto (Ontario), le jeudi 22 août 2002

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rothstein

ENTRE :

LAU TING MING, STEPHEN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante pour appel est certifiée :

Les mots « les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada » , au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, englobent-ils les retraités dont le seul critère économique est d'avoir un actif suffisant pour subvenir à leurs besoins?

          « Marshall Rothstein »          

             Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020822

                        Dossier : IMM-5951-00

                                                       Référence neutre : 2002 CFPI 870

ENTRE :

LAU TING MING, STEPHEN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN (d'office)

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas qui avait refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire, prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, de délivrer un visa d'immigrant au demandeur. Le paragraphe 11(3) est formulé ainsi :


(3) L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

b)[...],

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

(3) A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

(b) [...],

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

[2]                 Le demandeur avait aussi sollicité une dispense de l'obligation de demander le droit d'établissement depuis l'extérieur du Canada, et cela pour des raisons d'ordre humanitaire, ainsi que le prévoit le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. La demande de dispense a été rejetée, et la demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par le juge Blanchard dans l'affaire Stephen c. MCI, 2001 CFPI 1253.

[3]                 Les faits propres à cette demande de contrôle judiciaire peuvent être brièvement décrits. Le demandeur, qui est originaire de Hong Kong, a émigré aux États-Unis en 1995 et il est devenu un résident de ce pays. Il a ensuite demandé la résidence permanente au Canada, en indiquant qu'il n'avait pas l'intention de travailler au Canada. L'agent des visas l'a évalué comme une personne à la retraite.


[4]                 Le demandeur dit qu'il peut réussir son installation au Canada, sur le plan économique, parce qu'il a de la famille dans ce pays et parce qu'il a un patrimoine dont la valeur dépasse 1 million de dollars.

[5]                   L'agent des visas a estimé que les considérations économiques ou autres facteurs ne permettaient pas d'affirmer que le demandeur allait « réussir son installation » selon ce que prévoit le paragraphe 11(3) du Règlement. L'agent des visas s'est appuyé sur les motifs dissidents du juge Robertson dans l'arrêt Chen c. Canada (MCI), [1994] 1 C.F. 639, à la page 650 (C.A.) :[...] on doit, pour décider si une personne est en mesure ou non de s'établir avec succès au Canada, ne tenir compte que des facteurs qui influent sur sa capacité de gagner sa vie.

Infirmant la décision majoritaire rendue dans cette affaire, la Cour suprême du Canada approuva les motifs du juge Robertson (Chen c. Canada (MCI), [1995] 1 R.C.S. 725, au paragraphe 1).

[6]                 L'agent des visas n'était pas persuadé que le demandeur allait gagner sa vie au Canada et il a refusé d'exercer en faveur du demandeur le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 11(3) du Règlement.

[7]                 Le demandeur invoque les motifs du juge Strayer (tel était alors son titre) dans le jugement de la Section de première instance concernant l'affaire Chen c. MCI, [1991] 3 C.F. 350 (1re inst.), où il s'exprimait ainsi, à la page 360 :

Les normes de sélection ainsi adoptées [...] semblent être essentiellement liées à la capacité d'un immigrant de gagner sa vie au Canada ou d'y être soutenu financièrement par d'autres personnes que l'État.


[8]                 Le demandeur affirme que la Cour suprême a aussi approuvé ce prononcé et que les mots « ou d'y être soutenu financièrement par d'autres personnes que l'État » engloberaient les personnes retraitées disposant d'un avoir suffisant pour vivre grâce au revenu généré par cet avoir.

[9]                 Il convient d'abord de noter que le jugement rendu par la Section de première instance dans l'affaire Chen était fondé sur le texte du Règlement sur l'immigration de 1978, qui à l'époque conférait l'admissibilité, selon les critères de sélection en matière d'immigration, à certains retraités qui avaient les moyens de subvenir à leurs besoins. Cependant, à la suite de modifications édictées par le décret CP 1991-1204 en date du 21 juin 1981, l'admissibilité des retraités fut éliminée du Règlement. Dans la mesure où le juge Strayer parlait sans doute de retraités qui avaient la capacité « d'être soutenus financièrement par d'autres personnes que l'État » , ses propos doivent aujourd'hui être interprétés d'une manière qui tienne compte de la modification apportée au Règlement. Je ne crois pas que l'on puisse dire aujourd'hui qu'ils se rapportent aux personnes retraitées dont le seul critère économique est la capacité de subvenir à leurs besoins grâce à leurs propres épargnes.


[10]            Les critères de sélection énoncés au paragraphe 8(1) du Règlement parlent justement de la possibilité de travailler, d'être un travailleur autonome, d'investir ou d'établir une entreprise. Les mots « les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada » , tels qu'ils sont employés dans le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, impliquent nécessairement l'une des catégories de sélection prévues au paragraphe 8(1). Il n'y a pas, au paragraphe 8(1), de dispositions spéciales prévoyant une catégorie d'immigrants retraités, qu'ils soient ou non en mesure de subvenir à leurs besoins grâce à des épargnes personnelles.

[11]            Les retraités ne sont pas empêchés évidemment de se qualifier pour l'immigration s'ils répondent aux critères prévus pour la catégorie des investisseurs, celle des entrepreneurs ou celle des travailleurs autonomes. (Cependant, selon le paragraphe 8(3), être travailleur autonome signifie exercer un métier ou exploiter une entreprise, et pas simplement disposer d'un revenu qui provient d'investissements passifs.) Mais, selon le Règlement sur l'immigration de 1978 tel qu'il existait à l'époque qui intéresse la présente affaire, les retraités dont le seul critère économique est le fait qu'ils disposent d'actifs suffisants pour subvenir à leurs besoins ne sont pas admissibles à l'immigration au Canada.

[12]            Le demandeur a soutenu aussi que, selon le paragraphe 11(3) du Règlement, l'agent des visas doit avoir de bonnes raisons pour exercer son pouvoir discrétionnaire et que, ici, l'agent des visas n'a pas dit qu'il avait de bonnes raisons, mais plutôt que les considérations économiques ou autres facteurs ne permettaient pas d'affirmer que le demandeur allait réussir son installation, aux fins du paragraphe 11(3) du Règlement. Je suis d'avis qu'il s'agit là de bonnes raisons selon ce qu'envisage le paragraphe 11(3).


[13]            Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Je certifierais la question suivante pour appel :

Les mots « les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada » , au paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, englobent-ils les retraités dont le seul critère économique est d'avoir un actif suffisant pour subvenir à leurs besoins?

« Marshall Rothstein »

ligne

                                                                                                             Juge                         

Toronto (Ontario)

le 22 août 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                              IMM-5951-00

INTITULÉ :                           LAU TING MING, STEPHEN

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

  

LIEU DE L'AUDIENCE :    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 13 AOÛT 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

DATE DES MOTIFS :         LE JEUDI 22 AOÛT 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Cecil L. Rotenberg                      pour le demandeur

M. Jamie Todd                                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil Rotenberg                                 pour le demandeur

Avocat

255, chemin Duncan Mill

Bureau 808

Don Mills (Ontario)

M3B 3H9

  

Morris Rosenberg                              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20020822

                Dossier : IMM-5951-00

ENTRE :

LAU TING MING, STEPHEN

demandeur

   

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                défendeur

                                                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                     

  
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