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     Date: 19980915

     No T-1340-97

ENTRE:

     TÉLÉ-DIRECT (PUBLICATIONS) INC.,

     demanderesse,

ET

     CANADIAN BUSINESS ONLINE INC.

ET

     SHELDON KLIMCHUK

ET

     CANADIAN YELLOW PAGES ON THE INTERNET,

     défendeurs.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      La demanderesse, Télé-Direct (Publications) Inc. (Télé-Direct) demande à la Cour d'enjoindre à Canadian Business Online Inc. (CBO), à Sheldon Klimchuk (Klimchuk), et à Canadian Yellow Pages on the Internet Inc. (CYPI) de justifier pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal pour avoir contrevenu à plusieurs ordonnances de la Cour fédérale du Canada.

[2]      Pendant l'instruction relative à l'outrage au tribunal, la défenderesse CYPI a déposé un avis de requête en vertu des Règles de la Cour fédérale, le ou vers le 12 mai 1998, pour que la Cour détermine si la Section de première instance de la Cour fédérale a compétence pour rendre des ordonnances contre des sociétés étrangères (en l'occurrence Canadian Yellow Pages on the Internet Inc., société située au Nevada).

[3]      La défenderesse CYPI a retiré cet avis de requête.

LES FAITS

[4]      La demanderesse, Télé-Direct, est une société canadienne dont l'entreprise consiste à compiler et à publier des annuaires commerciaux et des annuaires téléphoniques ainsi qu'à fournir des services internet. Elle possède, au Canada, les marques de commerce "Pages jaunes", "Yellow Pages" et "Walking Fingers" - marque verbale et logo - ("Faites marcher vos doigts") (les marques de commerce de Télé-Direct).

[5]      Les marques de commerce susmentionnées Yellow Pages et Walking Fingers sont [TRADUCTION] "du domaine public aux États-Unis d'Amérique" (voir à la page 31 de la transcription en date du 13 mai 1998 de l'aveu de l'avocat de la demanderesse). Le témoignage de Baila H. Celedonia, avocate, et la pièce D-1 me convainquent également que ces marques appartiennent au domaine public aux États-Unis.

[6]      Le défendeur Klimchuk est l'unique administrateur de la société défenderesse canadienne CBO. Il a été l'instigateur de la constitution en société de la société défenderesse américaine CYPI et, jusqu'à récemment, il en était le président. Il y a peu de temps encore, CBO entretenait un site web, "Canadian Yellow Pages on the Internet" en liaison avec des services d'annuaires commerciaux, au nom de domaine suivant : www.cdnyellowpages.com . Sur ce site, CBO employait l'expression "Canadian Yellow Pages on the Internet" ainsi que la représentation du logo "Faites marcher vos doigts".

[7]      Dans sa déclaration déposée le 20 juin 1997, la demanderesse allègue que CBO et M. Klimchuk ont usurpé ses marques de commerce en les employant sans autorisation. Elle a également demandé une injonction interlocutoire sous le régime de ce qui était alors la règle 469 des Règles de la Cour fédérale (maintenant les règles 373 et 374). Plusieurs injonctions provisoires ont été prononcées, dans l'ordre suivant :

     1. 30 juin 1997          Le juge Noël (pièce PB-12)

     2. 14 juillet 1997          Le juge Noël (pièce PB-13)
     3. 28 juillet 1997          Le juge Teitelbaum (pièce PB-14)
     4. 12 août 1997          Le juge Joyal (pièce PB-15)
     5. 8 septembre 1997          Le juge Joyal (pièce PB-16).

[8]      Le 17 septembre 1997, le juge Joyal a prononcé une injonction interlocutoire visant CBO et M. Klimchuk (pièce PB-17).

[9]      Je suis convaincu que toutes ces ordonnances ont été régulièrement signifiées à CBO et à M. Klimchuk, et que ces derniers en connaissaient l'existence. Je suis également convaincu que les ordonnances ont été signifiées à CBO soit aux succursales de la société soit à son siège social, situé à Edmonton (Alberta). On a également établi à ma satisfaction que les ordonnances ont été signifiées à M. Klimchuk (voir pièces PB-18, en liasse).

[10] L'ordonnance du 28 juillet 1997 a été signifiée à M. Klimchuk au bureau de ses avocats, Marusyk Bourassa Miller & Swain, en vertu d'une autorisation que j'ai moi-même accordée à la même date (pièce PB-14).

[11]      Le 12 août 1997, le juge Joyal (pièce PB-15) a dispensé la demanderesse de la signification de l'ordonnance rendue la même date étant donné la présence devant la Cour des avocats des défendeurs.

[12] Le 27 octobre 1997, le protonotaire Richard Morneau a rendu une ordonnance portant que la signification dûment faite à Janice Klimchuk, l'épouse de M. Klimchuk, des ordonnances du juge Joyal en date du 12 août et du 8 septembre 1997 ainsi que de l'ordonnance et des motifs prononcés le 17 septembre 1997 avait même valeur que si elle lui avait été faite à personne à M. Klimchuk. M. Morneau a aussi rendu, à la même date, une ordonnance dispensant la demanderesse de la signification de l'ordonnance, vu le consentement des avocats des défendeurs.

[13]      Ainsi que l'affirme l'avocat de la demanderesse dans son mémoire des faits et du droit : [TRADUCTION] "Il ne fait aucun doute que la défenderesse CBO Inc. et le défendeur Sheldon Klimchuk étaient pleinement au courant des injonctions prononcées contre eux par la Cour". De plus, je ne dispose d'aucun élément de preuve établissant que l'existence de ces injonctions n'avait pas été portée à la connaissance des défendeurs. Les affidavits de signification démontrent qu'il y a bien eu signification, et cette preuve n'a pas été réfutée. Les défendeurs n'ont présenté aucun élément tendant à prouver qu'ils ignoraient l'existence des injonctions. C'est, je le sais, sur la demanderesse que repose le fardeau de la preuve, mais vu les faits susmentionnés, la seule conclusion que je puis tirer est que les défendeurs connaissaient l'existence et la teneur des injonctions rendues par la Cour.

[14]      Le 15 octobre 1997, la demanderesse a sollicité l'autorisation de modifier sa déclaration pour y ajouter une nouvelle défenderesse, Canadian Yellow Pages on the Internet Inc. Elle a produit, à l'appui de cette requête, l'affidavit souscrit par Patrick F. Crawford, son principal témoin dans la présente affaire d'outrage au tribunal, duquel il ressort que toutes les injonctions de la Cour ont été signifiées à CYPI, c'est-à-dire toutes les injonctions rendues entre le 30 juin et le 17 septembre 1997. La requête, accordée sur consentement, permettait la signification par courrier recommandé de la déclaration modifiée à Gurus Unlimited Incorporated, mandataire désigné dans l'État du Nevada aux États-Unis, pour valoir comme si elle était signifiée à personne à CYPI.

[15] Les faits suivants, relatés dans le mémoire des faits et du droit de la demanderesse, ont été prouvés hors de tout doute raisonnable par la production des pièces mentionnées dans le mémoire et par le témoignage de Patrick Crawford, lequel n'a pas été contredit puisque les défendeurs CBO, Klimchuk et CYPI n'ont présenté aucun témoin et n'ont produit aucun élément de preuve autre que la pièce D-4, dont il sera question plus loin :

         [TRADUCTION]         
         8. La déclaration modifiée a été déposée le 27 octobre 1997. Le paragraphe 16.1 de celle-ci énonce : Après le prononcé des injonctions provisoires ou interlocutoires contre le défendeur SHELDON KLIMCHUK et la défenderesse CANADIAN BUSINESS ONLINE INC., la défenderesse CANADIAN YELLOW PAGES ON THE INTERNET INC. a remplacé la défenderesse CANADIAN BUSINESS ONLINE INC. comme gestionnaire du site appelé CANADIAN YELLOW PAGES ON THE INTERNET (nom de domaine: www.cdnyellowpages.com).         
         9. Les défendeurs CBO INC., SHELDON KLIMCHUK et CYPI INC. ont déposé une défense et demande reconventionnelle le 10 décembre 1997, dans laquelle ils ont nié le paragraphe 16.1 de la déclaration modifiée.         
         10. Le 12 décembre 1997, la signification des ordonnances rendues par le juge Joyal les 12 août, 8 septembre et 17 septembre 1997 a été faite par courrier recommandé à CYPI INC. a/s Gurus Unlimited Incorporated (pièce PB-19).                 
         11. Le 29 avril 1998, le cabinet d'avocats américain de CBO INC., SHELDON KLIMCHUK et CYPI INC., Wheeler Lawson & Snyder, a reçu signification des ordonnances rendues par le juge Joyal les 12 août, 8 septembre et 17 septembre 1997 (voir pièce PB-66).         
         12. Le 30 avril 1998, les trois ordonnances du juge Joyal ont été signifiées à CYPI INC. (voir pièce PB-21).         
         13. M. Craig Snyder a informé M. Hughes G. Richard, dans une lettre adressée à Léger Robic Richard le 11 juillet 1997, que son cabinet représentait CBO INC., CYPI INC. et M. SHELDON KLIMCHUK (pièce PB-42). Il appert de cette pièce et du dossier de la requête pour cesser d'occuper déposée par Marusyk Bourassa Miller & Swain (pièce PB-52) que, pendant toute la période en cause, M. Craig Snyder, en qualité d'avocat de CYPI INC. aux États-Unis, était pleinement au courant des ordonnances prononcées par la Cour fédérale du Canada contre CBO INC. et contre M. SHELDON KLIMCHUK.         
         14. M. SHELDON KLIMCHUK est le fondateur (pièce PB-27) et, le 28 janvier 1998, il était le seul administrateur (pièce PB-28) de CYPI INC. Avant de cesser d'occuper, le cabinet Marusyk Bourassa Miller & Swain représentait les trois défendeurs, c'est-à-dire CBO INC., SHELDON KLIMCHUK et CYPI INC.         
         16. Le 27 février 1998, CBO INC. a reçu signification d'une copie conforme de l'ordonnance l'enjoignant à se justifier prononcée le 23 février 1998. Le 1er mars 1998, SHELDON KLIMCHUK a reçu signification d'une copie conforme de l'ordonnance l'enjoignant à se justifier prononcée le 23 février 1998. Le 3 mars 1998, CANADIAN YELLOW PAGES ON THE INTERNET INC. a reçu signification d'une copie conforme de l'ordonnance l'enjoignant à se justifier prononcée le 23 février 1998, le tout tel qu'il appert des pièces PB-20 et PB-20B déposées en liasse.         
         17. Le 13 mai 1998, SHELDON KLIMCHUK a reçu signification d'une copie conforme de l'ordonnance l'enjoignant à se justifier prononcée le 11 mai 1998 (pièce PB-67).         

[16]      Je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que CYPI était pleinement au courant des injonctions prononcées par la Cour entre le 30 juin 1997 et le 17 septembre 1997 (voir les pièces PB-12 à PB-17), et j'ai aussi l'entière conviction que CBO, M. Klimchuk et CYPI savaient que deux ordonnances leur enjoignant de se justifier avaient été rendues contre eux et qu'ils devaient comparaître devant la Cour fédérale du Canada pour entendre la preuve des faits qui leur étaient reprochés.

[17]      Ainsi qu'il en a déjà été fait mention, les défendeurs, comme ils en ont le droit, n'ont cité aucun témoin pour réfuter la preuve présentée par la demanderesse. Ils ont présenté un unique témoin, Mme Baila H. Celedonia, et seulement afin de démontrer que les marques de commerce déposées de la demanderesse au Canada appartiennent au domaine public aux États-Unis.

[18]      La demanderesse a fait la preuve, au moyen du témoignage de David Rayner et de Michelle Verony, de la confusion que causait l'utilisation par les défendeurs des marques de commerce de la demanderesse au Canada. Ce fait ne revêt pas beaucoup d'importance.

[19]      La seule question que je dois trancher est la question de savoir si les défendeurs, connaissant pleinement l'existence des injonctions, ont, pendant la période visée, désobéi aux ordonnances qui leur étaient faites. Je n'ai pas à statuer sur la validité des ordonnances de la Cour.


LE DROIT EN MATIÈRE D'OUTRAGE AU TRIBUNAL

[20] Je ne pourrais mieux présenter l'état de la jurisprudence sur la question de l'outrage au tribunal qu'en citant le mémoire de la demanderesse :

         [TRADUCTION]         
         LA CHARGE DE LA PREUVE         
         69.      Il incombe à la partie qui allègue la violation d'une ordonnance de prouver la désobéissance. Les instances en outrage au tribunal ayant une dimension quasi criminelle, le défendeur n'a pas à présenter de preuve.         
                 - Bhatnager c. Canada (M.E.I.), [1990] 2 R.C.S. 217, à la p. 225         
         70.      Le demandeur n'a qu'à faire la preuve de l'outrage au tribunal; il n'est pas tenu d'établir le bien-fondé de l'injonction. L'audience tenue en matière de justification ne porte pas sur la question de la validité de l'injonction dont le demandeur allègue la violation. Pour les fins d'une telle audience, on tient l'ordonnance pour valide.         
                 - Syndicat des employés de l'hôpital St-Michel Archange c. Procureur général de la province de Québec, (1977) C.A. 537.

         LE FARDEAU DE LA PREUVE

         71.      Une allégation d'outrage au tribunal a une dimension criminelle (ou du moins quasi criminelle). C'est donc dire que le demandeur doit démontrer les éléments constitutifs de l'outrage hors de tout doute raisonnable.         
                 - Bhatnager c. Canada (M.E.I.), [1990] 2 R.C.S. 217, à la p. 224                 

         LA CONNAISSANCE

         72.      La connaissance de l'existence de l'injonction suffit pour obliger à l'obéissance.                 
                 - Nintendo of America Inc. c. 131865 Canada Inc. (1991), 34 C.P.R. (3d) 559 (C.F. 1re inst.)                 
                 - Canada Metal Co. Ltd. c.Société Radio-Canada (no 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641                 
         73.      Bien qu'une instance en outrage au tribunal s'apparente à une instance criminelle, il n'est pas nécessaire que la mens rea ait été prouvée pour que le tribunal conclue qu'il y a eu outrage. L'intention d'enfreindre une ordonnance n'est pas essentielle; la connaissance de l'injonction suffit pour entraîner la responsabilité en cas de désobéissance, qu'il y ait eu ou non intention de la défier.         
                 - Commission canadienne des droits de la personne c. Heritage Front et Droege (1994), 78 F.T.R. 241, à la p. 247                 
         74.      Il n'est pas nécessaire de prouver l'intention de désobéir à l'ordonnance en cause ou l'intention d'entraver l'administration de la justice. Ni la mens rea ni la bonne foi n'entrent en ligne de compte dans une telle instance; elles ne peuvent qu'être prises en considération comme circonstances atténuantes relativement à l'application de sanctions.         
                 - Baxter Laboratories of Canada Ltd. c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 S.C.R. 388                 
                 - Miller c. Service communautaire de Kahnawake (1996), 124 F.T.R. 243, à la p. 245 (C.F. 1re inst.)                 
                 - Penthouse International Ltd. c. 163564 Canada Inc. (1993) 63 C.P.R. (3d) 328, à la p. 333 (F.C.T.D.)                 
         75.      La personne accusée d'outrage au tribunal ne peut invoquer comme moyen de défense qu'elle ignorait que ses gestes contrevenaient à l'ordonnance.         
                 - Stockwood, David, "Injunctions", Toronto, Carswell, 1985, à la p. 130                 
         INJONCTION         
         76.      La personne visée par une injonction doit exercer toute la diligence possible pour en observer non seulement la lettre mais aussi l'esprit.         
                 - Canada Metal Co. Ltd. c.Société Radio-Canada (no 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641, à la p. 659                 
         77.      L'invalidité d'une ordonnance ne peut être invoquée comme moyen de défense à une accusation d'outrage au tribunal.         
                 La personne liée par l'ordonnance d'un tribunal doit s'y soumettre tant que cette ordonnance reste en vigueur, quelque imparfaite qu'elle puisse lui paraître ou qu'elle puisse être en réalité. C'est par l'application régulière de la loi qu'on rend une ordonnance inopérante, non en y désobéissant.                         
                 - Commission canadienne des droits de la personne c. Heritage Front et Droege (1994), 78 F.T.R. 241, à la p. 247                 
         78.      Même des personnes non parties à l'action doivent se conformer à une injonction s'ils en connaissent la substance ou la nature. Il n'est pas nécessaire que les termes "toute personne qui a connaissance de la présente ordonnance" figurent dans le libellé de l'injonction pour que celle-ci s'applique aux tiers;         
                 - Canada Metal Co. Ltd. c.Société Radio-Canada (no 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641, à la p. 659                 
         VIOLATION DE L'INJONCTION
         79.      Est coupable d'outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour.         
                 - Règle 355(1) (maintenant 466) des Règles de la Cour fédérale, C.R.C. (1978), ch. 663                 
         80.      Il y a contravention à une ordonnance, telle une injonction, lorsque la partie qui y est visée y désobéit.         
         81.      Souvent, l'injonction lie non seulement les parties nommées à l'action mais également leurs employés, préposés, courtiers, mandataires et ayant droits ainsi que toutes les personnes placées sous leur autorité. Il s'ensuit qu'il est interdit au défendeur contre qui une injonction est prononcée d'accomplir les actes mentionnés à l'injonction, quelle que soit la modalité qu'il pourrait employer pour le faire. Le défendeur désobéira à l'injonction non seulement s'il déroge lui-même à l'ordonnance mais également si son mandataire, son employé, son préposé ou toute autre personne agissant pour son compte y contrevient.         
                 - Valmet Oy c. Beloit Canada Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, à la p. 11 (C.A.F.)                 
         82.      Si le tribunal conclut que le défendeur se sert d'une personne morale pour accomplir ce qui lui est interdit par injonction, il ne prendra pas en considération la personnalité juridique distincte de la société et condamnera pour outrage au tribunal la personne à qui elle sert de paravent.         
                 - Valmet Oy c. Beloit Canada Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, à la p. 11 (C.A.F.)                 
         83.      Des personnes non désignées dans une injonction peuvent être citées pour outrage au tribunal si elles agissent sciemment à la place d'une personne qui y est nommée et commettent un acte interdit.         
                 - Profekta International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16 C.P.R. (3d) 97, à la p. 101 (C.F. 1re inst.)                 
         86.      Un défendeur visé par une injonction commet un outrage au tribunal s'il ne fait pas tout ce qu'il peut pour que les sociétés qu'il contrôle se conforment à l'ordonnance.         
                 - Rohm & Haas Co. v. Polycast Technology Corp., 174 U.S.P.Q. 293 (1972)                 
         87.      Une société qui se contente essentiellement de changer de dénomination sociale et dont l'entreprise continue à être exploitée d'une façon qui contrevient à l'ordonnance commet un outrage au tribunal. C'est ce qu'a conclu le juge Strayer lorsqu'il a statué :         
                 "En raison de leur association étroite et continue dans l'exploitation de ce qui était essentiellement la même entreprise dotée d'une nouvelle raison sociale, les deux compagnies et les trois intimés doivent être considérés comme ayant été au courant de l'injonction ainsi que de sa violation et comme ayant participé à la violation de cette injonction.                 
                 - Apple Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988] 2 C.F. 265, à la p. 280 (1re inst.)                 
         L'ENTRAVE À LA JUSTICE         
         88.      [...] est coupable d'outrage au tribunal quiconque [] agit de façon à gêner la bonne administration de la justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour         
                 - Règle 355(1) (maintenant 466) des Règles de la Cour fédérale                 
         89.      Les pouvoirs de la cour en matière d'outrage ont pour but général d'assurer le fonctionnement harmonieux du système judiciaire. Par conséquent, bien qu'une personne non liée personnellement à une injonction ne peut, techniquement, y contrevenir, elle peut quand même commettre un outrage au tribunal si elle a connaissance de l'injonction et si elle agit d'une façon qui tend à entraver le cours de la justice. Il peut également y avoir outrage lorsqu'une personne prête assistance à des actes défiant l'ordonnance de la Cour et traite délibérément cette ordonnance comme si elle n'était pas digne d'être prise en considération.         
                 - Baxter Laboratories of Canada Ltd.c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388                 
                 - Miller c.Service communautaires de Kahnawake (1996), 124 F.T.R. 243, à la p. 245 (C.F. 1re inst)                 
                 - Polo Ralph Lauren Corp. c. Ashbee (1990), 31 C.P.R. (3d) 129                 
         90.      Des personnes non parties à une action et qui ne sont donc pas nommées dans l'injonction doivent s'y conformer s'ils en connaissent la substance et la nature.         
                 - Canada Metal Co. Ltd. c.Société Radio-Canada (no 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641, à la p. 659                 
         91. "Un tiers qui s'est sciemment fait le complice d'une partie pour désobéir à une injonction peut être déclaré coupable d'outrage, non pas parce qu'il a violé l'injonction, mais plutôt parce qu'il a agi de manière à entraver le cours de la justice." Un défendeur peut donc commettre un outrage en aidant ou en incitant un tiers à transgresser une injonction.         
                 - Valmet Oy c. Beloit Canada Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, à la p. 11 (C.A.F.)                 
                 - Profekta International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16 C.P.R. (3d) 97, à la p. 101 (C.F. 1re inst.)                 

ANALYSE

[21]      Le 23 février 1998, le juge Richard (tel était alors son titre) a ordonné que les défendeurs justifient pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal, en motivant ainsi sa décision :

     [TRADUCTION]
     (1) Canadian Business Online Inc. et Sheldon Klimchuk ont désobéi aux ordonnances prononcées par le juge Noël les 30 juin et 14 juillet 1997, à l'ordonnance du juge Teitelbaum datée du 28 juillet 1997 et aux ordonnances du juge Joyal datées du 12 août, du 8 septembre et du 17 septembre 1997, en utilisant et en aidant un tiers, savoir Canadian Yellow Pages on the Internet Inc., à utiliser les marques de commerce de Télé-Direct ou des imitations de ces marques, portant ainsi atteinte à l'achalandage y afférent et diminuant sa valeur, et en utilisant les logos et expressions qui suivent (voir la page 2 de l'ordonnance portant obligation de se justifier, pour les prétendues contrefaçons);
     (2) Canadian Business Online Inc. et Sheldon Klimchuk ont désobéi aux ordonnances prononcées par le juge Noël les 30 juin et 14 juillet 1997, à l'ordonnance du juge Teitelbaum datée du 28 juillet 1997 et aux ordonnances du juge Joyal datées du 12 août, du 8 septembre et du 17 septembre 1997 en ne remettant pas à la demanderesse ou à son représentant :
         a) toutes les marchandise, y compris les ordinateurs, les diquettes, les CD Rom, les fournitures, les catalogues, les boîtes, les cartons, les affiches, les enseignes, les cartes d'affaires et autres documents promotionnels ou commerciaux portant de quelque façon les marques de commerce de Télé-Direct ou toute imitation de celles-ci, actuellement en la possession ou sous la garde des défendeurs, pour qu'ils soient consignés en attendant l'issue du procès,         
         b) copie des bons de commande, des factures, des reçus de caisse, des bordereaux de livraison, des connaissements, des documents de courtage en douane et des registres comptables ayant trait à l'entreprise des défendeurs, pour servir dans le renvoi visant à établir les dommages-intérêts ou les profits à verser à la demanderesse;         
     (3) Canadian Business Online Inc. et Sheldon Klimchuk ont entravé la bonne administration de la justice ou porté atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour en prenant des mesures, après l'introduction de la présente instance, pour assister et inciter un tiers, Canadian Yellow Pages on the Internet Inc., à utiliser les marques de commerce de Télé-Direct ou des imitations de ces marques, portant ainsi atteinte à l'achalandage y afférent et diminuant sa valeur, et à utiliser les logos et expressions reproduites ci-dessous (voir la page 3 de l'ordonnance portant obligation de se justifier);
     (4) Canadian Yellow Pages on the Internet Inc. a désobéi aux ordonnances prononcées par le juge Noël les 30 juin et 14 juillet 1997, à l'ordonnance du juge Teitelbaum datée du 28 juillet 1997 et aux ordonnances du juge Joyal datées du 12 août, du 8 septembre et du 17 septembre 1997, en utilisant, alors qu'elle connaissait l'existence des ordonnances, les marques de commerce de Télé-Direct ou des imitations de ces marques, portant ainsi atteinte à l'achalandage y afférent et diminuant sa valeur, et en utilisant les logos et expressions qui suivent (voir la page 4 de l'ordonnance portant obligation de se justifier);
     (5) Canadian Yellow Pages on the Internet Inc. a désobéi aux ordonnances prononcées par le juge Noël les 30 juin et 14 juillet 1997, à l'ordonnance du juge Teitelbaum datée du 28 juillet 1997 et aux ordonnances du juge Joyal datées du 12 août, du 8 septembre et du 17 septembre 1997 en ne remettant pas à la demanderesse ou à son représentant, alors qu'elle connaissait l'existence des ordonnances, :
         a) toutes les marchandise, y compris les ordinateurs, les diquettes, les CD Rom, les fournitures, les catalogues, les boîtes, les cartons, les affiches, les enseignes, les cartes d'affaires et autres documents promotionnels ou commerciaux portant de quelque façon les marques de commerce de Télé-Direct ou toute imitation de celles-ci, actuellement en la possession ou sous la garde des défendeurs, pour qu'ils soient consignés en attendant l'issue du procès,         
         b) copie des bons de commande, des factures, des reçus de caisse, des bordereaux de livraison, des connaissements, des documents de courtage en douane et des registres comptables ayant trait à l'entreprise des défendeurs, pour servir dans le renvoi visant à établir les dommages-intérêts ou les profits à verser à la demanderesse;         
     (6) Canadian Yellow Pages on the Internet a entravé la bonne administration de la justice ou a porté atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour en prenant des mesures, après l'introduction de la présente instance, pour utiliser les marques de commerce de Télé-Direct ou des imitations de ces marques, portant ainsi atteinte à l'achalandage y afférent et diminuant sa valeur, et pour utiliser les logos et expressions reproduites ci-dessous (voir la page 6 de l'ordonnance portant obligation de se justifier);

[22]      Le juge Richard (maintenant juge en chef adjoint de la Section de première instance) constate, aux paragraphes 2 à 5 de son ordonnance portant obligation de se justifier, que les défendeurs ont désobéi aux ordonnances de la Cour [TRADUCTION] "en ne remettant pas à la demanderesse ou à son représentant : a ) toutes les marchandises [...] b) copie de tous les bons de commande [...] voir l'ordonnance ci-haut.

[23]      M. Crawford, cité par la demanderesse, a témoigné que ni lui ni un autre représentant de la demanderesse n'avait reçu l'un quelconque des articles mentionnés dans les paragraphes 2 à 5 de l'ordonnance.

[24]      Je ne dispose d'aucun élément de preuve contredisant ce témoignage. En fait, l'avocat des défendeurs l'a confirmé lorsque, dans son argumentation, il a déclaré que rien n'avait été "remis" parce qu'il n'y avait rien à "remettre".

[25]      C'est possible, mais je ne puis considérer une telle affirmation, faite dans l'argumentation, autrement que comme l'aveu que rien n'a été "remis".

[26]      Puisque le témoignage de M. Crawford et les pièces déposées me convainquent, ainsi que j'en ai déjà fait état, que tous les défendeurs étaient au courant des injonctions prononcées par la Cour, je conclus qu'ils ont commis un outrage au tribunal en n'obtempérant pas à l'ordre de "remettre".

[27]      Il me faut maintenant statuer sur la question de savoir si la demanderesse a prouvé hors de tout doute raisonnable que CBO et M. Klimchuk ont désobéi aux ordonnances du juge Noël datées du 30 juin et du 14 juillet 1997, à mon ordonnance du 28 juillet 1997 et aux ordonnances du juge Joyal en date du 12 août, du 8 septembre et du 17 septembre 1997 "en utilisant et en aidant un tiers, savoir CYPI, à utiliser les marques de commerce de Télé-Direct ou des imitations de ces marques".

[28]      Je le répète, la preuve établit clairement que CBO et M. Klimchuk connaissaient pleinement l'existence des injonctions dont ils faisaient l'objet. Le témoignage de Patrick Crawford et les affidavits de signification des injonctions ne laissent, encore une foi, aucun doute à ce sujet.

[29]      La pièce PB-15 énumère les actes interdits aux défendeurs :

     [TRADUCTION]
     (i) utiliser ou aider quiconque à utiliser les MARQUES DE COMMERCE DE TÉLÉ-DIRECT ou toute autre marque similaire propre à créer de la confusion;
     (ii) porter de nouveau atteinte ou aider quiconque à porter atteinte aux droits de propriété de la demanderesse à l'égard des marques de commerce déposées au Canada "YELLOW PAGES", no TMA 2466988 et TMA 2055312, "PAGES JAUNES", no TMA 2446989 et TMA 266549, "WALKING FINGERS" (marque verbale et dessin), no TMA 238688, TMA 246212, TMA 231876 et TMA 2331096;
     (iii) utiliser les "MARQUES DE COMMERCE DE TÉLÉ-DIRECT" ou des imitations de ces marques d'une façon qui pourrait vraisemblablement diminuer la valeur de l'achalandage y afférent;
     (iv) utiliser le logo et l'expression reproduits au paragraphe 14 de la déclaration;
     [...]
     (i) faire de nouvelles déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l'entreprise, la marchandise ou les services de la demanderesse;
     (ii) continuer à appeler l'attention du public sur leur marchandise, leurs services et leur entreprise de manière à causer de la confusion avec ceux de la demanderesse;
     (iii) continuer à faire passer leur marchandise, leurs services et leur entreprise pour ceux de la demanderesse;
     (iv) continuer à accomplir tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de la demanderesse.

[30]      Bien que CYPI n'ait pas été désignée comme partie aux injonctions provisoires ou interlocutoires, elle peut quand même être condamnée pour outrage au tribunal pour avoir aider à contrevenir à ces ordonnances (voir Polo Ralph Lauren Corp. c. Cato, [1990] 3 C.F. 541 (1re inst.)). Dans l'arrêt Beloit Canada Ltée/Ltd c. Valmet Oy (1988), 18 C.I.P.R. 1 (C.A.F.), le juge Pratte a fait les commentaires suivants au sujet des circonstances pouvant faire en sorte qu'une personne non désignée dans une injonction soit condamnée pour outrage au tribunal (à la p. 14) :

     Il ressort de la règle 355(1) des Règles de la Cour fédérale qu'une personne peut se rendre coupable d'outrage au tribunal soit en désobéissant à une ordonnance de la Cour soit en entravant le cours de la justice.         
     La seule personne qui puisse désobéir à une ordonnance d'un tribunal est la partie que vise cette ordonnance. Toutefois, un tiers qui s'est sciemment fait le complice d'une partie pour désobéir à une injonction peut être déclaré coupable d'outrage, non pas parce qu'il a violé l'injonction, mais plutôt parce qu'il a agi de manière à entraver le cours de la justice.         

     [...]

     Il faut respecter strictement les termes de l'injonction d'un tribunal. Toutefois, il est interdit au défendeur que vise une injonction de commettre les actes interdits quelle que soit la méthode qu'il peut suivre pour les commettre. Il s'ensuit qu'un défendeur violera l'injonction prononcée contre lui non seulement s'il viole lui-même l'ordonnance de la Cour, mais aussi si la violation de cette ordonnance est le fait de son mandataire, de son ouvrier, de son préposé ou d'une autre personne agissant en son nom.         

[31]      La preuve démontre incontestablement que les ordonnances provisoires et interlocutoires de la Cour ont été signifiées à CBO et à M. Klimchuk.

[32]      Il ressort clairement de la pièce PB-18 (en liasse), ainsi que je l'ai déjà mentionné, que les ordonnances ont été signifiées à M. Klimchuk et à CBO soit au 133, 10342-107 Street à Edmonton (Alberta) ou au 905, 5555 Calgary Trail Southbound à Edmonton (Alberta).

[33]      L'affidavit de Michael Geis, souscrit le 24 septembre 1997, me convainc également que M. Klimchuk avait une connaissance personnelle de l'ordonnance du 12 août 1997 et de l'ordonnance du 8 septembre 1997 ainsi que des motifs de cette dernière (voir la pièce PB-18). Plus particulièrement, j'accepte, en l'absence de preuve contredisant les déclarations de Michael Geis faites aux paragraphes 6 et 7, que M. Klimchuk avait reçu copie de ces ordonnances :

     [TRADUCTION]         
     6. Conformément aux instructions supplémentaires du cabinet d'avocats Bennett Jones Verchere, je me suis rendu à la résidence du défendeur le 23 septembre 1997 pour lui signifier les documents à personne ou les apposer sur la porte de son domicile.         
     7. J'ai appelé le défendeur avec mon téléphone cellulaire. Il m'a dit qu'il n'ouvrirait pas sa porte et qu'il n'accepterait pas les documents, ajoutant qu'il avait déjà reçu copie desdits documents, et il m'a intimé de cesser de le harceler lorsque je lui ai expliqué que je devais soit lui signifier les documents à personne soit les fixer à sa porte avec du ruban adhésif. Mme Klimchuk est alors venue à la porte de la résidence et je lui ai signifié une copie conforme de l'ORDONNANCE rendue le 12 août 1997, de l'ORDONNANCE rendue le 8 septembre 1997 et le l'ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE rendus le 17 septembre 1997, joints au présent affidavit comme pièces A, B et C, au 229 Breckenwoods, 51308 Range Road 224, Sherwood Park (Alberta).         

[34]      En outre, l'affidavit souscrit par Monique Daoust, secrétaire de l'avocat de la demanderesse, atteste du fait que, le 14 août 1997, elle a télécopié une copie d'une ordonnance au cabinet d'avocats Marusyk Bourassa Miller et Swain qui, à cette date, représentait CBO et M. Klimchuk.

[35]      En plus des affidavits de signification déposés en liasse sous la cote PB-18, la pièce 19 démontre clairement que CYPI a reçu signification, par le truchement de son mandataire désigné, des ordonnances du 17 septembre, du 8 septembre et du 12 août 1997 prononcées par le juge Joyal.

[36]      La pièce PB-20(A) établit que les ordonnances enjoignant à CBO et à M. Klimchuk de se justifier ont été signifiées l'une au siège social de l'entreprise, au 10342-107 Street à Edmonton (Alberta), pièce 133 et l'autre au 229 Breckenwoods, 51308 Range Road 224, Sherwood Park (Alberta).

[37]      La pièce PB-21, un affidavit de signification souscrit par Bob Vigil, indique de manière formelle que tous les documents nécessaires ont été signifiés à CYPI, par leur remise à [TRADUCTION] "CAROL CHRISTOFFERSON, du bureau de GURUS UNLIMITED, INC., agent autorisé de CANADIAN YELLOW PAGES ON THE INTERNET, INC., qui a accepté les documents en son nom, au 376 SMITHRIDGE, RENO (NEVADA)".

[38]      La déposition faite devant moi par M. Crawford indique qu'au moment de l'audience ni M. Klimchuk personnellement ni CBO ne désobéissaient encore aux ordonnances mais que CYPI continuait à les enfreindre.

[39]      La défenderesse CYPI a déposé la pièce D-4. Il s'agit d'une liste annuelle des dirigeants, administrateurs et mandataires de l'entreprise pour la période allant d'avril 1998 à avril 1999. Cette pièce indique également que le mandataire désigné dans l'État du Nevada à qui les significations peuvent être faites est Gurus Unlimited Inc., 376 Smithridge, Reno (Nevada). Étant donné qu'aucune preuve contraire n'a été présentée, j'estime que cela confirme que toutes les ordonnances de la Cour relatives aux injonctions provisoires et interlocutoires ont été régulièrement signifiées à CYPI et que cette dernière en avait connaissance.

[40]      Je conclus également de la pièce D-4, en l'absence d'élément de preuve contradictoire satisfaisant, que M. Klimchuk a été président de CYPI au moins jusqu'au 2 avril 1998. Il appert de cette pièce que le nom de M. Klimchuk a été rayé. Je ne sais pas quand cela a été fait ni par qui. Il ressort également de ce document et du témoignage de M. Crawford que Craig J.J. Snyder, l'avocat actuel de M. Klimchuk est maintenant le secrétaire de la société.

[41]      L'injonction interlocutoire prononcée par le juge Joyal exprime clairement qu'il est interdit à M. Klimchuk d'aider quiconque à utiliser les marques de commerce de Télé-Direct.

[42]      J'ai la conviction que M. Klimchuk a aidé CYPI à utiliser illégalement les marques de commerce de Télé-Direct et qu'il continue à le faire puisque les dirigeants actuels de CYPI sont les avocats ou mandataires de M. Klimchuk.

[43]      Sans répéter la totalité des pièces et éléments de preuve, je suis aussi convaincu que Canadian Advertisers Network LLC, qui connaissait l'existence des injonctions interlocutoires, est également coupable d'outrage au tribunal.

[44]      La pièce PB-55 se compose des documents constitutifs de la société Canadian Advertisers Network LLC. Il est intéressant de constater que M. Craig J.J. Snyder est, comme je l'ai indiqué, l'avocat de M. Klimchuk et qu'il l'a représenté dans les affaires Télé-Direct.

[45]      La pièce PB-56 indique que M. Snyder est le gestionnaire ou la personne autorisée de Canadian Advertisers Network LLC.

[46]      Comme aucun élément ne preuve n'établit le contraire, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que M. Snyder, agissant pour le compte de Canadian Advertisers Network et pour les autres défendeurs, connaissait l'existence des injonctions et que, malgré cela, il a continué à utiliser les marques de commerce de Télé-Direct.

[47]      Pour résumer, et sans m'attarder à chaque pièce déposée par la demanderesse, je puis dire que le témoignage de M. Crawford et les pièces qu'il a déposées pour le compte de la demanderesse me convainquent hors de tout doute raisonnable que chacun des défendeurs et Canadian Advertisers Network LLC ont désobéi aux ordonnances de la Cour et, plus particulièrement, à l'injonction interlocutoire prononcée par le juge Joyal.

LA COMPÉTENCE

[48]      On a soulevé la question de la compétence de la Cour fédérale pour ce qui est de CYPI et de Canadian Advertisers Network LLC.

[49] CYPI est une société américaine, constituée et établie à Reno (Nevada) (voir pièce D-4).

[50]      Canadian Advertisers Network LLC est une société américaine, constituée au Delaware. Son siège social au Delaware se trouve au Corporation Trust Center, 1209 Orange Street, dans la ville de Wilmington, comté de New Castle (voir pièce PB-55). Aux termes de la pièce PB-56, la société a un bureau dans l'État de New-York et, le 24 septembre 1997, le gestionnaire et le mandataire autorisé de l'entreprise était M. Craig J.J. Snyder.

[51]      J'ai la certitude que la Cour fédérale n'a pas compétence au-delà de la frontière du Canada. Il ne s'ensuit pas toutefois qu'il lui est impossible de condamner une personne morale ou physique étrangère pour outrage au tribunal relativement à l'une de ses ordonnances, c'est-à-dire si la personne morale ou physique, après avoir été informée de l'existence de l'injonction, a contrevenu à ses termes en continuant à faire, au Canada, ce que l'ordonnance lui interdisait de faire.

[52]      Comme je l'ai dit, la preuve présentée me convainc que CBO, CYPI, Canadian Advertisers Network LLC et M. Klimchuk sont, hors de tout doute raisonnable, coupables d'avoir commis les actes interdits par l'ordonnance prononcée le 17 septembre 1997 et d'avoir omis de "remettre" "toutes les marchandises [...] et les copies des bons de commande [...]".

[53]      Je conclus donc qu'ils sont coupables d'outrage à la Cour pour avoir désobéi à ses ordonnances.

[54]      La Cour fédérale n'a peut-être pas compétence à l'égard de sociétés ou de citoyens des États-Unis mais elle a compétence pour les condamner s'ils contreviennent aux termes des ordonnances de la Cour, après en avoir eu connaissance.

[55]      En l'espèce, la preuve démontre nettement que les sociétés américaines, contrôlées soit par M. Klimchuk ou par des personnes agissant en son nom, visent délibérément le Canada avec l'utilisation des marques de commerce de la demanderesse, c'est-à-dire que les sociétés américaines utilisent sciemment les marques de commerce Yellow Pages et Walking Fingers dans leur site internet et essaient délibérément de recruter des clients en employant les marques de commerce de la demanderesse au Canada. Cela ressort du témoignage de David Rayner et de Michelle Verony.

[56]      Les défendeurs "ne peuvent faire de façon détournée ce qu'elles ne peuvent faire directement", c'est-à-dire tenter, par le truchement de sociétés américaines, d'utiliser au Canada les marques de commerce déposées de la demanderesse.

CONCLUSION

[57]      La preuve me convainc hors de tout doute raisonnable de la culpabilité des défendeurs.

[58]      J'invite les avocats des parties à comparaître devant moi à Montréal à une date qui leur conviendra de même qu'à la Cour pour débattre de la sanction et des dépens.

                             "Max M. Teitelbaum"

                                     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 15 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1340-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          TÉLÉ-DIRECT (PUBLICATIONS) INC. c.
                         CANADIAN BUSINESS ONLINE INC.
                         et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL
DATES DE L'AUDIENCE :          Le 15 avril 1998,
                         les 13, 14 et 15 mai 1998,
                         les 25 et 26 août 1998

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Teitelbaum, le 15 septembre 1998

ONT COMPARU

     Me Hughes Richard                  pour la demanderesse
     Me Pierre-Paul Roy                  pour les défendeurs
     Me Harold Ashenmil                  pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

     Léger, Robic & Richard              pour la demanderesse
     Montréal (Québec)
     Sternthal, Katznelson, Montigny      pour les défendeurs
     Montréal (Québec)
     Philips, Friedman, Kotler          pour les défendeurs
     Montréal (Québec)
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