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Date : 20010119

Dossier : IMM-2693-00

ENTRE :

MA YE

demandeur

et

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]                      M. Ma Ye (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Pamela Currie (l'agente des visas), du 13 mars 2000. Dans cette décision, l'agente des visas rejetait la demande de visa d'étudiant présenté par le demandeur, qui l'aurait autorisé à venir au Canada pour une période d'une année afin d'étudier l'anglais et de s'inscrire à un programme d'études préuniversitaires (OAC) au Columbia International College of Canada.


[2]                      Le demandeur, un citoyen de la Chine, a présenté sa demande d'autorisation d'études le 26 octobre 1999. Il a fourni des photocopies de certains renseignements financiers portant sur le revenu de sa famille, mais il n'a présenté aucune déclaration des employeurs de ses parents non plus que des certificats de dépôts bancaires. Le 13 mars 2000, sa demande a été examinée et rejetée par l'agente des visas, au motif qu'elle n'était pas convaincue qu'il n'était pas un immigrant ou qu'il avait les ressources financières suffisantes pour poursuivre les études visées. La lettre de refus envoyée au demandeur est rédigée comme suit :

[traduction]

...les motifs de ce refus sont les suivants :

Le droit canadien précise que toute personne qui désire venir au Canada est présumée être un immigrant, à moins qu'il soit en mesure de convaincre un agent des visas que ce n'est pas le cas. Vous n'avez pu vous décharger du fardeau de surmonter cette présomption puisque vous n'avez pas convaincu l'agente des visas qu'au moment où vous aurez complété les études proposées vous avez l'intention de revenir en République populaire de Chine.

Vous ne nous avez pas non plus convaincus du fait que vous, ou votre parrain, avez les ressources financières suffisantes pour défrayer vos dépenses lors de votre séjour au Canada[1].

[3]          Les questions à trancher dans le cadre de cette demande consistent à savoir si l'agente des visas a enfreint son obligation d'équité envers le demandeur, ou si elle a commis une erreur de droit en tenant compte de questions non pertinentes.


Le point de vue du demandeur

[4]          Le demandeur soutient que l'agente des visas a agi d'une façon non équitable en ne l'informant pas que sa demande d'autorisation d'études n'était pas correctement documentée. Le demandeur déclare que si l'agente des visas avait des préoccupations au sujet de ses ressources financières, elle aurait dû lui donner l'occasion de présenter son point de vue sur la question.

[5]          À ce sujet, le demandeur s'appuie sur l'article 4.5 du manuel de Citoyenneté et Immigration Canada qui porte sur le traitement des autorisations d'études. L'article 4.5 est rédigé comme suit :

4.5Si les documents sont incomplets ou que les droits exigibles sont inexacts, on ne peut pas commencer le traitement de la demande avant d'avoir réglé ces problèmes.

Les agents doivent faire preuve de jugement pour déterminer la façon la plus efficace de procéder. Dans certains cas, un appel téléphonique peut suffire, mais dans d'autres, il peut être nécessaire de retourner la demande et les documents au client en lui demandant par écrit les renseignements manquants.

Parfois, selon le bureau de traitement, on peut demander au client de se présenter pour une entrevue ou pour remplir les documents.

[6]          Le demandeur déclare que l'agente des visas a agi de façon non équitable lorsqu'elle a traité sa demande sans lui donner d'abord l'occasion de réagir à ses inquiétudes au sujet de ce qu'elle considérait être des lacunes dans les renseignements financiers qu'il avait fournis.


[7]          Deuxièmement, le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que la crédibilité des renseignements financiers qu'il avait fournis était mise en cause du fait que sa demande faisait partie d'un groupe d'autres demandes d'autorisation d'études. Le demandeur fonde cet argument sur la déclaration suivante, qui se trouve au paragraphe 13 de l'affidavit déposé par l'agente des visas :

[traduction]

16. J'étais aussi préoccupée du fait que cette demande faisait partie d'un groupe de demandes d'autorisation d'études, toutes présentées avec une documentation financière et des documents sur les projets d'études qui étaient semblables, ce qui venait encore diminuer la crédibilité de cette documentation.

Le point de vue du défendeur

[8]                Le défendeur nie que l'agente des visas ait commis une quelconque infraction à son obligation d'équité envers le demandeur en ne lui donnant pas l'occasion de traiter des lacunes dans les renseignements financiers qu'il avait soumis. Le défendeur nie aussi que l'agente des visas ait commis une erreur de droit lorsqu'elle a tenu compte du fait que cette demande de visa d'étudiant faisait partie d'un groupe de demandes semblables.

[9]          Quant à la première question, le défendeur déclare que le demandeur savait qu'il devait fournir tous les renseignements financiers, avec une documentation à l'appui. Le défendeur soutient que le manuel cité par le demandeur ne fait qu'énoncer des lignes directrices dont l'agente des visas peut tenir compte dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, et qu'il ne donne pas de directives précises à l'agente des visas qui auraient exigé qu'elle donne l'occasion au demandeur de compléter les renseignements financiers qu'il avait soumis.


[10]     Le défendeur soutient ensuite que le renvoi à un groupe de demandes semblables était un facteur pertinent pour l'agente des visas, étant donné qu'il fait partie de « l'ensemble des circonstances » .

ANALYSE

[11]     Le demandeur cherche à être admis au Canada en tant que visiteur. Il est donc soumis aux dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, article 9(1.2). Cet article est rédigé comme suit :


Burden on visitors

9(1.2) A person who makes an application for a visitor's visa shall satisfy a visa officer that the person is not an immigrant.

Charge de la preuve

(1.2) La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.


[12]     L'article 15 du Règlement sur l'immigration de 1978 est pertinent. Il est rédigé comme suit :


15(1) Every application for a student authorization shall be accompanied by

(b) sufficient documentation to enable an immigration officer to satisfy himself that the applicant has sufficient financial resources available to him, without engaging in employment in Canada,

15(1) Toute demande présentée afin d'obtenir une autorisation d'étude doit être accompagnée

b) des documents voulus pour convaincre l'agent d'immigration que le requérant possède, sans qu'il lui soit nécessaire d'exercer un emploi au Canada, des ressources financières suffisantes



[13]     Premièrement, le demandeur conteste le fait que l'agente des visas ne l'a pas informé que les renseignements financiers qu'il avait présentés n'étaient pas complets. Il soutient que le manuel précité impose une obligation à l'agente des visas de lui donner l'occasion de présenter un complément de renseignements.

[14]     Je ne peux faire droit à cet argument. Plusieurs décisions de notre Cour sont venues préciser que le manuel de l'immigration a d'abord et avant tout le statut de lignes directrices, dont l'objectif est d'aider les agents des visas à évaluer les demandes de visas d'étudiant; voir : Jebnoun c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 68 F.T.R. 14; Pinto c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1990), 39 F.T.R. 273; et Mittal (Tuteur à l'instance de) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 147 F.T.R. 285. Dans Mittal, le juge Lutfy (alors juge puîné) déclare ceci, au paragraphe 2 :

...Bien sûr, il faut faire preuve de vigilance en utilisant les lignes directrices. Elles peuvent servir de « politique générale » ou de « règles empiriques grossières » lorsqu'il s'agit pour l'agent des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré. Toutefois, les lignes directrices ne devraient pas entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire que possède l'agent des visas en devenant des règles obligatoires et décisives.

[15]     Cette affaire portait sur une demande de visas d'étudiant pour deux enfants mineurs en provenance de l'Inde. La section pertinente du manuel portait précisément que lorsqu'un agent des visas avait des doutes ou des inquiétudes quant à la bonne foi d'un demandeur, il devait lui accorder l'occasion de régler la question.


[16]     Le juge Lutfy a conclu que la formulation du manuel en cause dans Mittal, précité, imposait à l'agent des visas la même obligation d'équité que celle qui s'applique à l'égard de l'examen d'une demande de résidence permanente[2]. Dans la section du manuel en cause ici on ne trouve aucune disposition spécifique de ce genre.

[17]     Il est clair au vu de la demande d'autorisation d'études que le demandeur savait qu'il devait fournir des renseignements détaillés au sujet des ressources financières dont il disposait pour assumer les frais de son année d'études au Canada. Dans les circonstances, le demandeur avait le fardeau de présenter la documentation requise à l'appui de sa demande. Bien que l'agente des visas aurait pu demander une information additionnelle ou des précisions, ce qui est suggéré dans le passage cité du manuel en cause, elle n'était pas obligée de le faire.

[18]     Je vais maintenant traiter de la deuxième question soulevée par le demandeur, savoir que l'agente des visas se serait appuyée sur des considérations non pertinentes.

[19]     Je n'accepte pas les arguments du défendeur portant que l'agente des visas était autorisée à examiner des demandes semblables de visas d'étudiant afin d'évaluer la validité de celle du demandeur. Le défendeur soutient que l'agente des visas a le droit d'examiner « l'ensemble des circonstances » , ce qui comprendrait un examen des demandes semblables.


[20]     Le renvoi à un examen de « l'ensemble des circonstances » , que l'on trouve dans l'arrêt Wong (Tutrice à l'instance de) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 246 N.R. 377 (C.A.F.), doit selon moi se rapporter aux circonstances du demandeur et non à un groupe général de demandeurs dont on ne sait rien. Le fait d'autoriser l'agente des visas à tenir compte des circonstances d'un groupe anonyme de personnes alors qu'elle évalue une demande précise pourrait avoir un impact sur ses conclusions quant à l'aspect suffisant des renseignements financiers présentés par le demandeur. Je conclus qu'elle a tenu compte de questions non pertinentes dans le cadre de sa décision. Ceci constitue une erreur de droit et sa décision ne peut donc être maintenue.

[21]     En conclusion, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée à un agent des visas différent pour nouvel examen.

[22]     Les avocats n'ont présenté aucune question à certifier

                                             E. Heneghan

                                   J.C.F.C.                      

Toronto (Ontario)

Le 19 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                    IMM-2693-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :            MA YE

demandeur

                                  et

LE MINISTRE DE

                           LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :               LE MERCREDI 10 JANVIER 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :               OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DE :            Mme LE JUGE HENEGHAN

EN DATE DU :                  VENDREDI 19 JANVIER 2001

ONT COMPARU                   M. Cary Chiu

pour le demandeur

Mme Patricia Johnson

                           

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER Cary Chiu

Avocat et procureur

100-1145, Huntclub Rd.

Ottawa (Ontario)

K1V 0Y3

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

       Date : 20010119

                             Dossier : IMM-2693-00

Entre :

MA YE

demandeur

                                  et

LE MINISTRE DE LA

                           CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                       



     [1] Mémoire des faits et du droit du demandeur, Dossier du demandeur, onglet 4, page 4, paragraphe 9.

     [2]Mittal, précité, paragraphe 12.

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