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                                                                                                                                     IMM-2248-96

 

 

E n t r e :

 

 

                                                      HIBO FARAH MOHAMED

                                                                             et

                                                           ARDO ABDI OMER,

 

                                                                                                                                           requérants,

 

 

                                                                             et

 

 

                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                               (version révisée des motifs prononcés à

                                             l'audience à Toronto le lundi 7 avril 1997)

 

LE JUGE ROTHSTEIN

 

            La question en litige dans la présente instance en contrôle judiciaire est celle de savoir si les requérants échappent à l'application de la définition que la Loi sur l'immigration donne du réfugié au sens de la Convention en raison de la section E de l'article premier de la Convention de Genève. La section E de l'article premier de la Convention de Genève dispose :

 

 

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

            La requérante est originaire de Somalie. Elle a quitté la Somalie en 1991, s'est rendue au Kenya, puis en Russie, et finalement en Suède en janvier 1993. Après avoir quitté la Somalie mais avant d'arriver en Suède, elle a donné naissance au requérant mineur. Les requérants ont revendiqué le statut de réfugiés au sens de la Convention en Suède. En mars 1994, alors que leurs revendications étaient en instance, ils ont quitté la Suède pour le Canada, où ils ont revendiqué le statut de réfugiés dès leur arrivée.

 

            En avril 1994, la Suède a refusé de leur reconnaître le statut de réfugiés, mais leur a accordé le statut de résidents permanents pour des raisons d'ordre humanitaire. La question à résoudre est celle de savoir s'ils possèdent les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité suédoise, de sorte qu'ils tombent sous le coup de la section E de l'article premier de la Convention.

 

            L'avocat des requérants affirme qu'ils ont abandonné la Suède. Il fait valoir que, suivant la Loi sur les étrangers de la Suède, le certificat de résidence permanente doit être révoqué si l'étranger cesse d'être domicilié en Suède. Il soutient que, comme ils ont abandonné la Suède, les requérants ont perdu leur domicile dans ce pays et qu'en conséquence, leur certificat de résidence permanente doit être révoqué. Ils ne possèdent donc pas les droits des ressortissants suédois et ils ne sont pas soustraits à l'application de la définition que la Loi sur l'immigration donne du réfugié au sens de la Convention en raison de la section E de l'article premier de la Convention.

 

            L'avocat des requérants affirme que la SSR a commis une erreur en n'interprétant pas correctement le terme « domicile » contenu dans la Loi sur les étrangers de la Suède. Le tribunal a examiné la question de même que les éléments de preuve portés à sa connaissance. Il semble que la preuve était contradictoire. Le tribunal a choisi d'accepter le témoignage de la délégation canadienne en Suède, qui a affirmé :

 

[TRADUCTION]

 

                Notre délégation de Stockholm nous informe que le statut de résident permanent confère aux personnes à qui il est attribué le même type de droits que ceux dont jouissent les résidents permanents au Canada (c.-à-d. le droit de résider, de travailler et d'étudier dans le pays en cause sans restrictions ni réserves et le droit de demander la citoyenneté au terme de la période de cinq ans prévue par la loi). Le certificat de résidence permanente des intéressés (06-777256/01) est valide jusqu'au 12 avril 1997. À condition que les intéressés se trouvent toujours en Suède à ce moment-là, le certificat sera automatiquement renouvelé. Si, en revanche, les intéressés ont abandonné la Suède comme lieu de résidence à la date du renouvellement du certificat, ils perdent leur statut. Pour conclure, les intéressés seraient admis et autorisés à demeurés en Suède à condition qu'ils se présentent à un point d'entrée suédois pendant que leur certificat de résidence permanente est en cours de validité.

 

L'élément de preuve contradictoire provient de l'ambassade suédoise à Ottawa. Toutefois, ce document concerne les revendicateurs du statut de réfugié. Or, les requérants se sont vus refuser le statut de réfugiés au sens de la Convention en Suède, mais y ont obtenu le statut de résidents  permanents pour des raisons d'ordre humanitaire. Le tribunal administratif avait le droit de se fier au témoignage de la délégation canadienne selon lequel le moment pertinent pour déterminer si les requérants ont abandonné la Suède est la date de renouvellement de leur certificat de résidence permanente. Or, ce moment ne surviendra que le 12 avril 1997. Le tribunal n'a donc pas commis d'erreur en concluant que les requérants n'avaient pas perdu leur domicile en Suède.

 

            L'avocat des requérants affirme que le tribunal aurait dû se demander s'il existait une possibilité que le certificat de résidence permanente des requérants ne soit pas renouvelé. J'estime toutefois que le critère qui a été posé par le juge Pratte dans l'arrêt Mahdi c. M.C.I., no du greffe A-632-94, 1er décembre 1995 (C.A.F.), et sur lequel le tribunal administratif s'est fondé est plus approprié :

 

 

La preuve a révélé que l'intimée, après être devenue un résident permanent des États-Unis, avait agi de telle sorte qu'il était désormais très possible, voire probable, que les autorités américaines ne la reconnaîtraient plus comme un résident permanent et pour cette raison lui refuseraient le droit de retourner aux États-Unis. La Commission devait certainement prendre en considération cette possibilité pour savoir s'il était établi, selon la prépondérance des preuves, que les autorités américaines reconnaissaient encore l'intimée comme un résident permanent.

 

La décision du tribunal administratif est conforme avec les propos formulés par le juge Pratte dans l'arrêt Mahdi.

 

            L'avocat des requérants affirme que, lorsqu'ils ont présenté leur revendication du statut de réfugié au Canada, les requérants n'avaient pas le statut de résidents permanents en Suède. Se fondant sur l'arrêt Mahdi, l'avocat des requérants soutient que la date pertinente pour déterminer si une personne possède un statut dans un autre pays est celle de la présentation de sa revendication du statut de réfugié. Je suis d'accord avec lui pour dire que, dans certains cas, il y a lieu de considérer le statut à cette date. Dans d'autres cas, la date pertinente serait celle à laquelle la SSR examine la revendication. Chaque cas doit être jugé en fonction de la question de savoir si l'intéressé avait un statut à la date pertinente. En l'espèce, les requérants ont obtenu le statut de résidents permanents en Suède quelques semaines après être arrivés au Canada et y avoir revendiqué le statut de réfugié. Ils n'avaient pas ce statut à leur arrivée au Canada, mais ils le possédaient à la date de l'audience, date qui est le moment pertinent en l'espèce. Le tribunal a donc eu raison de tenir compte de leur statut en Suède au moment de l'audience.

 

            L'avocat des requérants fait valoir que le statut que les requérants possèdent en Suède est susceptible d'expirer. Ils ne possèdent donc pas le droit d'un ressortissant visé par la section E de l'article premier de la Convention. Toutefois, suivant la preuve, comme les requérants ont obtenu le statut de résidents permanents en Suède, ce n'est que leur certificat qui doit être renouvelé périodiquement. Rien ne permet de penser que le statut de résident permanent en Suède soit sujet à une sorte d'annulation arbitraire.

 

            La présente affaire soulève le problème troublant des personnes qui comparent les pays en vue de trouver celui où elle vont réclamer l'asile. Si le moyen invoqué par l'avocat des requérants au sujet du domicile était bien fondé, les requérants pourraient, de leur propre gré, rejeter la protection d'un pays en l'abandonnant unilatéralement pour un autre. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit en l'espèce. L'objet de la Convention de Genève est d'aider les personnes qui ont besoin de protection et non de venir en aide aux personnes qui préfèrent tout simplement demander asile dans un pays de préférence à un autre. La Convention et la Loi sur l'immigration devraient être interprétées en tenant compte de leur objectif véritable.

 

            Bien que j'eusse préféré consacrer plus de temps à l'élaboration des présents motifs, je les prononce à l'audience aujourd'hui même, parce qu'il semble, d'après la preuve, que les requérants devraient être en mesure de conserver leur statut de résidents permanents en Suède s'ils y retournent avant le 12 avril 1997.

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

                                                                                                                   « Marshall E. Rothstein »         

Juge

 

 

Toronto (Ontario)

Le 9 avril 1997.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                    

 

François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-2248-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :HIBO FARAH MOHAMED et autre

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :7 AVRIL 1997

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Rothstein le 9 avril 1997

 

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Nainesh Kotakpour les requérants

 

 

Me Kevin Lunneypour l'intimé

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me Nainesh Kotakpour les requérants

203-1058A, chemin Albion

Rexdale (Ontario)

M9V 1A7

 

 

Me George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

No du greffe :IMM-2248-96

 

 

E n t r e :

 

HIBO FARAH MOHAMED et autre,

 

                                                                                                                                        demandeurs,

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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