Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-123-97

Ottawa (Ontario), le lundi 29 septembre 1997

En présence de : Monsieur le juge Gibson

ENTRE :

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérant,

     - et -

     KUSHWINDER KAUR GILL,

     intimée.

     ORDONNANCE

     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     La question suivante est certifiée :

     Un conjoint qui signe un " Engagement d'aide " comme conjoint et qui satisfait aux exigences prévues dans la section 4.5, chapitre 4, du Guide de l'immigration - Traitement des demandes au Canada, peut-il être considéré comme un " corépondant " investi des droits et des responsabilités d'un " répondant " au sens de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration?         

                                 FREDERICK E. GIBSON

                                     Juge

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     IMM-123-97

ENTRE :

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérant,

     - et -

     KUSHWINDER KAUR GILL,

     intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

     Les présents motifs se rapportent à la demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 4 décembre 1996 par laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accueilli l'appel interjeté par l'intimée contre le refus par un agent des visas de la demande parrainée du droit d'établissement au Canada de la fille adoptive présumée de l'intimée.

     Le contexte dans lequel s'inscrit l'appel dont la section d'appel a été saisie peut être résumé brièvement de la manière suivante. Le 11 mars 1992, le mari de l'intimée (" Kuldip ") a signé un engagement d'aide comme répondant pour que sa fille adoptive (" Bhawandeep ") puisse obtenir le droit d'établissement au Canada. L'intimée a signé le formulaire d'engagement d'aide comme conjointe de Kuldip. Au soutien de sa demande de parrainage, Kuldip a fourni au requérant un exemplaire de sa fiche relative au droit d'établissement, un formulaire d'évaluation de la situation financière et des documents ayant à la vérification d'emploi. L'intimée a une fois de plus signé le formulaire d'évaluation de la situation financière, qui contenait des renseignements sur son emploi et son revenu, comme " conjointe du répondant ". Ce formulaire était accompagné d'une lettre de l'employeur de l'intimée précisant le salaire horaire et le nombre d'heures de la semaine normale de travail de l'intimée. Une procuration signée le 31 janvier 1992 et un acte d'adoption de Bhawandeep signé le 9 mars 1992 ont été fournis au requérant, également à l'appui de la demande de parrainage1.

     Le 22 juin 1992, le Haut-commissariat du Canada à New Delhi a reçu une demande de résidence permanente au Canada au nom de Bhawandeep. Le 5 août 1994, Kuldip a retiré son engagement de parrainage de Bhawandeep. En conséquence, la demande de résidence permanente présentée au nom de Bhawandeep a été refusée par lettre en date du 15 novembre 1994. Kuldip a été informé du refus de sa demande de parrainage de Bhawandeep par lettre en date du 6 janvier 1995.

     La décision exposée dans la lettre en date du 6 janvier 1995 adressée à Kuldip a été portée en appel devant la section d'appel au moyen d'un avis d'appel en date du 8 février 1995. Cet avis précisait que Kuldip et l'intimée étaient les appelants, et tous deux l'avaient apparemment signé.

     Kuldip n'a pas comparu à la date et au lieu fixés pour l'audition devant la section d'appel. Son avocat a comparu et a demandé la permission de se retirer de l'affaire. Il a été autorisé à le faire. Un représentant de l'intimée a comparu et a soutenu qu'il devrait être autorisé à poursuivre l'appel au motif que l'intimée avait coparrainé la demande de résidence permanente de Bhawandeep. L'avocat du requérant a demandé par voie de requête que l'appel soit rejeté au motif que, puisque Kuldip avait retiré son engagement de parrainage, la section d'appel n'avait pas compétence pour entendre l'appel au nom de l'intimée vu que celle-ci n'était pas une corépondante de la demande de résidence permanente.

     La section d'appel a examiné deux décisions antérieures de la section d'appel portant sur des situations de fait assez similaires. Elle a conclu que la démarche suivie dans ces deux décisions était compatible avec la démarche de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sidhu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)2, qu'elle a exposée en ces termes :

     [TRADUCTION] [...] régler des questions comme le coparrainage ou les demandes conjointes du droit d'établissement comme des questions de fait en fonction de la preuve soumise au tribunal visé.         

     La section d'appel a tiré la conclusion suivante :

     [TRADUCTION] En l'espèce, la section d'appel décide de suivre la démarche fondée sur les faits mentionnée plus haut. Tant l'appelant [Kuldip] que sa femme [l'intimée en l'espèce] ont signé la procuration autorisant Darshan Singh Gill à adopter la requérante [Bhawandeep] en leur nom. Darshan Singh Gill a signé l'acte d'adoption en leur nom. Ils ont tous deux signé l'acte d'adoption. Ils ont tous deux signé l'engagement d'aide. Leurs signatures apparaissent sur le formulaire d'évaluation de la situation financière[...], et ils ont signé l'avis d'appel ensemble. Ce n'est que la déclaration statutaire retirant l'engagement de parrainage de la requérante qui a été signée par l'appelant seulement.         
     Sur la base de tous les faits dont elle a été saisie, la section d'appel conclut que l'appelant et sa femme sont tous deux des appelants dans le cadre du présent appel.         
     Par conséquent, la requête du ministre intimé tendant au rejet de l'appel pour défaut de compétence est rejetée. Il est fait droit à la requête de Mme Gill visant à l'autoriser à remplacer son mari comme appelante.         
     Comme c'est l'appelant seulement qui a retiré l'engagement de parrainage de la demande de la requérante, la femme de ce dernier n'était pas partie à ce retrait. Par conséquent, le refus de la demande parrainée du droit d'établissement de Bhawandeep Kaur Gill n'est pas valable en droit, et l'appel est accueilli.         

     L'avocat du ministre requérant a prétendu que la section d'appel a outrepassé sa compétence en procédant à l'instruction de l'appel, au motif que seul un répondant peut interjeter appel devant la section d'appel, et que le répondant en l'espèce, à savoir Kuldip, a retiré son appel. De plus, l'avocat a soutenu que la section d'appel a commis une erreur de droit en décidant que l'intimée était la corépondante de Bhawandeep.

     Dans l'arrêt Sidhu, la Cour d'appel fédérale a été saisie de la décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration avait conclu, sur la base des faits de l'espèce, qu'un mari et une femme n'étaient pas des codemandeurs du droit d'établissement au Canada, mais plutôt que la femme avait " simplement accepté certaines responsabilités concernant la divulgation de renseignements médicaux, la véracité de ses déclarations et d'autres responsabilités que doivent assumer ceux qui désirent entrer au pays ". Le juge Heald, qui a prononcé les motifs de la Cour, a déclaré :

     J'estime que la Commission ne pouvait logiquement arriver à une telle conclusion. À la page 9 du dossier d'appel, le père et la mère de l'appelant ont tous deux consenti par écrit à la divulgation de détails relatifs à leur état de santé. À la page 10, ils ont tous deux signé une déclaration statutaire attestant la véracité des renseignements donnés dans "la demande susdite" et, à la page 9, ils ont tous deux reconnu par écrit que de fausses déclarations ou la dissimulation d'un fait pertinent pouvaient entraîner leur exclusion permanente du Canada. Quand on garde à l'esprit le fait, déjà mentionné, que l'appelant pouvait parrainer son père et sa mère, il me semble que la conclusion évidente qui ressort de la preuve documentaire et des circonstances est que la demande dont il est question aux pages 7 à 10 du dossier d'appel était, en fait, une demande conjointe du père et de la mère.         

     Bien que la section d'appel dans cette affaire ait examiné la question de savoir s'il existait un coparrainage plutôt que la question de savoir s'il existait une demande conjointe du droit d'établissement, je suis convaincu qu'il convient en l'espèce de suivre une démarche similaire à celle de la Cour d'appel dans l'arrêt Sidhu. Sur le fondement d'une analyse parallèle, la section d'appel a conclu dans l'affaire qui nous intéresse, d'après les faits qui lui ont été soumis, que Kuldip et l'intimée étaient des corépondants et des coappelants devant la section d'appel, que puisqu'ils étaient des corépondants, l'intimée pouvait interjeter appel devant la section d'appel de plein droit, et, par conséquent, que la section d'appel avait compétence pour entendre son appel. Je suis convaincu que, sur la base des documents et des autres éléments de preuve qui lui ont été soumis, la section d'appel pouvait raisonnablement conclure que Kuldip et l'intimée étaient des corépondants et des coappelants devant la section d'appel.

     Bien que la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration ne prévoient pas expressément des coparrainages semblables à celui qui a été fait en l'espèce, ces deux textes ne les interdisent pas non plus. D'après les faits de l'espèce, non seulement l'intimée a signé tous les documents relatifs à la demande de parrainage, mais son revenu a été décisif pour que Kuldip et elle-même soient acceptés comme répondants. En d'autres termes, si l'intimée n'avait pas promis de faire face aux obligations de l'engagement de parrainage et contribué au revenu familial, Kuldip n'aurait pas lui-même été admissible comme répondant de Bhawandeep.

     L'avocat du requérant m'a instamment demandé d'établir une distinction entre l'espèce et l'arrêt Sidhu, et de me fonder sur l'arrêt Bruan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)3, dans lequel le juge Nadon a fait la remarque suivante :

     La section d'appel a également conclu que l'intimé croyait honnêtement que son parrainage était un parrainage conjoint, c'est-à-dire que sa soeur appuyait sa mère.         

Le juge Nadon lui-même n'a pas tiré de conclusion sur la question de savoir si un coparrainage est fondé en droit ou si les faits soumis à la section d'appel dans cette affaire appuyaient sa conclusion de coparrainage. La décision rendue dans l'affaire Bruan repose sur des motifs entièrement différents. Je conclus donc qu'elle n'est pas pertinente pour statuer sur la présente demande de contrôle judiciaire.

     En dernier lieu, comme je l'ai indiqué plus haut, on ne m'a renvoyé à aucune disposition de la Loi sur l'immigration ou du Règlement sur l'immigration prévoyant expressément le coparrainage, ni à aucune disposition s'opposant à la possibilité d'un coparrainage, mais le Guide de l'immigration - Traitement des demandes au Canada du requérant mentionne explicitement que des corépondants peuvent parrainer une demande. La référence dans ce guide est un peu ambivalente, mais, pour parler simplement, elle ne prétend pas s'opposer à cette possibilité.

     Compte tenu des remarques qui précèdent, je conclus que la section d'appel pouvait raisonnablement rendre la décision qu'elle a rendue. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

     Les deux avocats ont recommandé que soit certifiée une question formulée en grande partie ainsi qu'il suit :

     Un conjoint qui signe un " Engagement d'aide " comme conjoint et qui satisfait aux exigences prévues dans la section 4.5, chapitre 4, du Guide de l'immigration - Traitement des demandes au Canada, peut-il être considéré comme un " corépondant " investi des droits et des responsabilités d'un " répondant " au sens de la Loi sur l'immigration et du Règlement sur l'immigration?         

Je suis convaincu qu'une question ainsi formulée qui, comme je viens de le mentionner, ne diffère que sur le plan de la forme du libellé de la question recommandée par les deux avocats, est une question grave de portée générale qui serait décisive dans le cadre d'un appel de la décision que je rends en l'espèce. Une question ainsi formulée sera certifiée.

                                 FREDERICK E. GIBSON

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 septembre 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  IMM-123-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Kushwinder Kaur Gill

LIEU DE L'AUDIENCE :          Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 18 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON en date du 29 septembre 1997

ONT COMPARU :

M. B. Blain                          POUR LE REQUÉRANT

M. C. Darwent                          POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada          POUR LE REQUÉRANT

M. Charles R. Darwent

Calgary (Alberta)                      POUR L'INTIMÉE

__________________

     1      Il est permis de douter que la procédure d'adoption ait fait de l'intimée la mère adoptive de Bhawandeep. Comme cette question n'a pas été soumise à la section d'appel, j'ai refusé d'entendre les arguments s'y rapportant dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. La section d'appel a instruit l'affaire en présumant que l'intimée est la mère adoptive de Bhawandeep. J'ai fait de même.

     2      (11 avril 1983), no du greffe : A-1013-82 (C.A.F.) (décision non publiée).

     3      [1995] 3 C.F. 231, à la p. 239 (1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.