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Date : 20000217


Dossier : T-1057-96



ENTRE :


     AMBROSE MAURICE, MERVIN MAURICE et

     THE MÉTIS SOCIETY OF SASKATCHEWAN

     SAPWAGAMIC LOCAL 176 INC.

     demandeurs


     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     représentée par

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN,

     et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeurs


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LA JUGE REED



[1]          Les présents motifs concernent une requête qu"a présentée le Ralliement national des Métis (le demandeur), qui cherche à être ajouté comme intervenant dans la présente action.



[2]          En l"espèce, les demandeurs sollicitent des jugements déclaratoires selon lesquels les défendeurs ont manqué à leurs obligations constitutionnelles et à leurs autres obligations envers les demandeurs. La demande porte sur le versement d"une indemnité moindre aux demandeurs (qui sont des Métis) qu"aux Autochtones (Indiens inscrits). Ces deux groupes ont reçu une indemnité parce qu"ils ont été déplacés de leur territoire de chasse, de pêche et de piégeage situé dans le nord de la Saskatchewan afin qu"un champ de tir puisse être créé dans la région.

[3]      Le demandeur sollicite la qualité d"intervenant, dans un premier temps, parce que la décision qui a été rendue en l"espèce est susceptible de toucher les autres Métis qui ont également été déplacés des terres en question sur lesquelles ils chassaient, pêchaient et piégeaient. Le demandeur considère qu"il s"agit d"une cause type. Le deuxième motif pour lequel le demandeur sollicite la qualité d"intervenant est qu"il possède des connaissances particulières en ce qui concerne les demandes des Métis, qui, à son avis, seront utiles à la Cour en l"espèce. La décision aura également, selon toute vraisemblance, une importance jurisprudentielle considérable parce qu"elle soulève des questions telles que la question de savoir s"il y a une obligation fiduciaire envers les Métis, qui est analogue à l"obligation qui existe envers les autres Autochtones.

[4]      Les demandeurs appuient la requête en intervention du demandeur.

[5]      Les avocats des défendeurs prétendent que le demandeur ne devrait pas obtenir la qualité d"intervenant parce qu"il ne peut satisfaire au critère établi dans la décision Conseil canadien des ingénieurs c. Memorial University of Newfoundland (1997), 135 F.T.R. 211, à la page 212 :

     (1)      L'intervenant proposé a-t-il un intérêt en ce qui concerne l'issue du procès?
     (2)      Le procès portera-t-il gravement atteinte aux droits de l'intervenant proposé?
     (3)      L'intervenant proposé fera-t-il valoir devant le tribunal un point de vue différent de celui du défendeur?

[6]      Je ne pense pas qu"il existe une grande différence entre les volets (1) et (2) mentionnés ci-dessus, si ce n"est qu"ils établissent que l"intervenant proposé doit avoir un intérêt substantiel.

[7]      Les avocats des défendeurs soutiennent que l"intérêt du demandeur en l"espèce est semblable à celui qui a été jugé insuffisant pour justifier l"octroi de la qualité d"intervenant dans des décisions telles que Tioxide Canada Inc. c. Ministre du Revenu national (1994), 174 N.R. 212 (C.A.F.) et La Reine c. Bolton, [1976] 1 C.F. 252 (C.A.F.). Dans ces affaires, des personnes ont essayé d"intervenir dans l"action des demandeurs parce qu"elles avaient des demandes pendantes de nature semblable et que les principes juridiques qui seraient énoncés dans l"action des demandeurs établiraient des précédents qui auraient un effet sur les demandes pendantes des intervenants proposés. Dans la décision Tioxide , le juge Hugessen a dit qu"il s"agissait d"un intérêt " jurisprudentiel ".

[8]      Bien que le demandeur n"ait pas lui-même un intérêt direct dans l"issue du présent litige, les personnes qu"il représente en ont un qui, selon toute vraisemblance, est substantiel. L"intérêt du demandeur est plus solide qu"un simple intérêt jurisprudentiel, même si le demandeur possède également un tel intérêt. L"intérêt des personnes que le demandeur cherche à protéger s"appuie sur la même situation de fait que celle sur laquelle se fonde l"intérêt des demandeurs. Ce fait seul permet, à mon avis, de remplir les deux premières parties du critère de la décision Conseil canadien des ingénieurs .

[9]      Les avocats des défendeurs prétendent que le demandeur n"apportera pas un point de vue différent à l"instance et, subsidiairement, que le demandeur en tant qu"intervenant va étendre la portée du litige de façon à le transformer en une revendication très complexe de droits ancestraux.

[10]      En ce qui concerne la deuxième assertion, il y a des affirmations dans certains des affidavits qui, je peux comprendre, conduisent les avocats à adopter ce point de vue. À titre d"exemple, dans son affidavit, Gérald Morin affirme que [TRADUCTION] " nous pouvons aider la cour à comprendre ... les problèmes constants que connaissent les Métis parce que, depuis plus de cent ans, le gouvernement se montre récalcitrant à reconnaître leurs droits ". J"estime qu"il s"agit d"une déclaration creuse, plutôt que d"une déclaration d"intention d"étendre la portée de la demande en cause.

[11]      Il est bien établi qu"un intervenant doit prendre les actes de procédure et le dossier tels qu"ils sont. Bien qu"il puisse apporter à l"instance de nouvelles opinions et une connaissance particulière à une instance, l"intervenant ne peut pas introduire de nouvelles questions litigieuses (Bande indienne Yale c. Bande indienne Aitchelitz (1998), 151 F.T.R. 36 (protonotaire). Je suis persuadée que l"avocat du demandeur est pleinement conscient du rôle que les intervenants peuvent jouer, et que le demandeur ne cherchera pas à étendre la portée de la demande, ce que, d"ailleurs, il ne peut pas faire en toute hypothèse.

[12]      Je me penche maintenant sur l"argument selon lequel le demandeur n"apportera pas un point de vue différent à l"instance et qu"il n"ajoutera rien de nouveau au point de vue que soumettront les demandeurs. Comme l"intervenant doit se limiter aux questions qu"a déjà soulevées le demandeur, son intervention sera inévitablement limitée quant aux éléments de preuve qu"il peut présenter. (Une personne peut bien entendu avoir la qualité d"intervenant sans avoir le droit de présenter des éléments de preuve). En conséquence, un argument selon lequel l"intervenant ne peut pas déposer des éléments de preuve différents de ceux que le demandeur a l"intention de produire peut être correct. Cela ne signifie pas, toutefois, que le point de vue de l"intervenant quant à ces éléments de preuve n"est pas différent.

[13]      Dans Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 1 C.F. 90, à la page 92, la Cour d"appel, alors qu"elle traitait avec un groupe de défense de l"intérêt public, a exposé une méthode qui, à mon avis, est pertinente en l"espèce :

     ... dans une affaire comme en l"espèce [une affaire relative à la Charte ], où la principale et peut-être même la seule question sérieuse concerne un moyen de défense, fondé sur l"article premier, contre la contestation d"une loi d"intérêt public, il n"y a pas de raison de limiter indûment les interventions au niveau du procès de la façon que les tribunaux l"ont toujours fait à juste titre pour d"autres genres de litiges. [...] nous estimons que [...] le juge Rouleau a eu raison de dire [à la page 79] que "les tribunaux considèrent que possède l"intérêt requis pour intervenir dans une poursuite où l"intérêt public est en jeu l"organisme qui est véritablement intéressé par les questions soulevées dans le cadre du litige et qui possède des connaissances et une compétence pertinentes. [Non souligné dans l"original.]


[14]      Dans l"arrêt Renvoi : Workers' Compensation Act, 1983 (T.-N.) , [1989] 2 R.C.S. 335, la Cour suprême a été appelée à se prononcer sur le droit d"intervenir dans un pourvoi dont elle était saisie. La Cour a affirmé, à la page 340, que le critère des allégations utiles et différentes est :

     largement respecté lorsque le requérant a fait face à la question et en a acquis une connaissance approfondie qui peut donc lui permettre d"apporter un point de vue nouveau ou de fournir des renseignements supplémentaires à son sujet.
     une intervention est bienvenue lorsque l"intervenant peut fournir à la Cour des renseignements nouveaux et un point de vue nouveau sur une importante question constitutionnelle ou publique. [Non souligné dans l"original.]


[15]      Les décisions suivantes sont également pertinentes : Bande indienne Tsartlip c. Fondation du saumon du Pacifique, [1990] 1 C.F. 609 (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) c. Katriuk (1998), 150 F.T.R. 137 et Alberta Wilderness Association et autres c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) et autre (1998), 146 F.T.R. 257 (protonotaire).

[16]      Le demandeur en l"espèce n"est pas un groupe de défense de l"intérêt public. Il représente des personnes qui ont un intérêt plus direct dans le litige que celui que possèdent de tels groupes ou les membres de tels groupes. Le présent litige soulève des questions relatives à la Charte . Je ne saurais admettre que le demandeur se trouve dans une situation moins favorable en tant qu"intervenant proposé que celle dans laquelle se trouvent les groupes de défense de l"intérêt public qui ont obtenu la qualité d"intervenant dans les affaires Rothmans et Workers' Compensation.

[17]      En conséquence, je suis convaincue que le demandeur apporte au litige un point de vue suffisamment différent de celui des demandeurs pour lui donner droit à la qualité d"intervenant, et, ce qui est plus important, son intervention à l"instance sera utile à la Cour pour trancher le litige qui oppose les parties. La qualité d"intervenant a donc été accordée.




                  B. Reed
                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 février 2000

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1057-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AMBROSE MAURICE et autres c.
                     SA MAJESTÉ LA REINE et autre
LIEU DE L"AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)
DATE DE L"AUDIENCE :          Le 9 février 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MADAME LA JUGE REED

DATE DES MOTIFS :          Le 17 février 2000

ONT COMPARU :         

M. DALE GIBSON et RANJI JEERAKATHIL              POUR LES DEMANDEURS

M. PATRICK HODGKINSON et MME

BRENDA KAMINSKI                          POUR LES DÉFENDEURS
M. JEAN TEILLET                              POUR L"INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dale Gibson Associates

Edmonton (Alberta)                              POUR LES DEMANDEURS
MINISTÈRE DE LA JUSTICE, EDMONTON              POUR LES DÉFENDEURS

Ruby & Edwardh

Toronto (Ontario)                              POUR L"INTERVENANT





Date : 20000217


Dossier : T-1057-96


OTTAWA (Ontario), le jeudi 17 février 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE B. REED


ENTRE :


     AMBROSE MAURICE, MERVIN MAURICE et

     THE MÉTIS SOCIETY OF SASKATCHEWAN

     SAPWAGAMIC LOCAL 176 INC.

     demandeurs

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     représentée par

     LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN,

     et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeurs


- et -


RALLIEMENT NATIONAL DES MÉTIS


intervenant



ORDONNANCE

     Comme suite à la conférence de gestion de l"instruction du 9 février 2000;
     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. .      Les demandeurs communiqueront aux défendeurs une liste de questions écrites au plus tard le 17 avril 2000;

  2. .      Dans les 60 jours de la réception de la liste de questions des demandeurs, les défendeurs communiqueront leurs réponses ainsi qu"une liste de questions écrites auxquelles devront répondre les demandeurs;

  3. .      Dans les 60 jours de la réception des questions écrites des défendeurs, les demandeurs communiqueront leurs réponses;

  4. .      Si des questions découlent des réponses qu"ont données les demandeurs ou les défendeurs, elles doivent être communiquées dans les 60 jours de la réception des réponses. Les questions additionnelles doivent recevoir une réponse dans les 60 jours de leur signification. Sous réserve du droit des parties de signifier des questions additionnelles, aucune autre question ne doit être signifiée par la suite sans le consentement des parties ou une ordonnance de la Cour;

  5. .      La procédure énoncée précédemment ne porte pas atteinte au droit des parties de tenir un interrogatoire préalable oral dans les 30 jours de la réception de la dernière série de réponses;

  6. .      Les parties peuvent convenir de proroger l"un ou l"autre des délais énoncés précédemment sans qu"il soit nécessaire de rendre une autre ordonnance.


                                 B. Reed
                                     Juge


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

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