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Date : 20001205

Dossier : T-2115-98

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 5 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                     NORMAN RAFUSE

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LA COMMISSION D'APPEL DES PENSIONS et

le MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES

HUMAINES DU CANADA

                                                                                          défendeurs

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du juge Dureault est annulée et le demandeur est autorisé à interjeter appel devant la Commission d'appel des pensions.

          « Danièle Tremblay-Lamer »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20001205

Dossier : T-2115-98

ENTRE :

                                     NORMAN RAFUSE

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

LA COMMISSION D'APPEL DES PENSIONS et

le MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES

HUMAINES DU CANADA

                                                                                          défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1] (la LCF) en vue de faire annuler une décision de la Commission d'appel des pensions (la Commission) par laquelle le juge Dureault a refusé, en date du 15 juillet 1998, l'autorisation d'interjeter appel d'une décision rendue par le tribunal de révision en date du 16 avril 1997. Le tribunal de révision a statué que le demandeur était invalide, au sens du paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada[2] (la Loi), depuis octobre 1994.


[2] Le demandeur, M. Norman Rafuse, est un homme de 63 ans qui a douze ans de scolarité et qui a travaillé pour la London Life, dans la vente d'assurance-vie, de janvier 1962 à septembre 1991.

[3] En janvier 1992, le demandeur a demandé des prestations d'invalidité au Régime de pension du Canada (RPC) parce qu'il souffrait notamment du syndrome de fatigue chronique.

[4] Avec sa demande de prestations d'invalidité, le demandeur a remis un questionnaire dans lequel il précisait que le syndrome de fatigue chronique avait limité sa capacité de travailler de 1988 à 1991. En 1991, le demandeur était devenu complètement incapable de travailler.

[5] Dans une lettre en date du 18 février 1992, le RPC a informé le demandeur que sa demande était rejetée. Le demandeur a porté cette décision en appel au moyen d'une lettre en date du 15 mai 1992. Son appel a été rejeté par une lettre en date du 13 septembre 1994.

[6] Il a interjeté appel devant le Tribunal de révision (le Tribunal), qui a entendu l'affaire en janvier 1997.


[7]         Le Tribunal a rendu sa décision le 16 avril 1997. Il a reconnu l'invalidité du demandeur, mais uniquement à compter du mois d'octobre 1994. Le Tribunal a choisi cette date parce c'est à ce moment que le Dr McSherry, le témoin expert du demandeur, a examiné personnellement le demandeur pour la première fois.

[8]         En juillet 1997, le demandeur a déposé une demande d'autorisation d'appel devant la Commission d'appel des pensions.

[9]         Les appels devant la Commission d'appel des pensions sont considérés comme des procédures de novo.

[10]       Le 15 juillet 1998, le président de la Commission d'appel des pensions, le juge Dureault, a rejeté la demande d'autorisation d'appel.

[11]       L'avocat des intimés a traité expressément de la norme de contrôle applicable. Il a soutenu que l'analyse fonctionnelle pragmatique laisse croire que la Cour ne devrait pas intervenir dans la décision du juge Dureault à moins qu'elle soit déraisonnable au point d'être illégale. Selon les intimés, cette norme se situe entre celles du « caractère raisonnable simpliciter » et celle du « caractère manifestement déraisonnable » .


[12]       Mon collègue, le juge Teitelbaum, s'est prononcé précisément sur cette question dans l'affaire Davies c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines)[3]. Il a soupesé les facteurs énumérés dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4] et il est parvenu à la conclusion suivante :

Lorsque ces quatre facteurs sont soupesés pour déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à une décision de la CAP, je suis convaincu qu'un niveau moyen à faible de retenue judiciaire est de mise à l'égard des décisions de la CAP.[5]

[13]       J'estime que la première étape de la présente analyse consiste à déterminer quel critère la Commission d'appel des pensions doit appliquer pour décider si elle doit accorder l'autorisation de former un appel. La Cour d'appel fédérale a examiné cette question dans l'affaire Martin c.Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) :[6]

Le juge Reed a conclu [dans Kerth c. Canada] que la demande d'autorisation d'interjeter appel est une étape préliminaire à une audition du fond de l'affaire. Ainsi, « [c]'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond » (voir page 6 de la décision). La Cour s'est fondée sur l'arrêt Kurniewicz c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration)(1974) 6 N.R. 225, à la page 230 (C.A.F.) pour étayer sa proposition selon laquelle, pour que l'autorisation soit accordée, il doit exister un motif défendablede faire éventuellement droit à l'appel.[7]


[14]       Le critère que la Commission d'appel des pensions doit appliquer pour décider d'accorder ou non l'autorisation de former un appel consiste donc à se demander s'il existe un moyen défendable susceptible d'être retenu en appel. Ce critère est moins exigeant pour le demandeur que celui auquel il doit satisfaire à l'audition de l'appel sur le fond.

[15]       L'admissibilité aux prestations d'invalidité est assujettie à trois conditions. Premièrement, le demandeur doit avoir versé des cotisations valables pendant la période minimale d'admissibilité, élément non litigieux en l'espèce. Deuxièmement, le demandeur doit être invalide au sens du paragraphe 42(2) de la Loi lorsqu'il répond aux exigences concernant les cotisations. Le seul aspect de ce deuxième facteur qui est en litige touche la question de savoir si le demandeur était invalide au sens du paragraphe 42(2) de la Loi avant 1994. Troisièmement, le demandeur doit demeurer invalide, élément qui n'est pas litigieux non plus.

[16]       En ce qui a trait à la question de savoir si le demandeur était invalide au sens du paragraphe 42(2) de la Loi avant 1994, la preuve présentée à la Commission d'appel des pensions comprend une opinion du Dr McSherry portant que le demandeur était vraisemblablement invalide depuis 1992, et deux rapports du Dr Irving Salit, en date du 18 juillet 1991 et du 30 août 1991, versés au dossier de l'audition. Voici comment le Tribunal a résumé les rapports du Dr Salit :

[Traduction] [...] Dans le premier rapport le Dr Salit émet l'opinion que M. Rafuse n'est pas invalide relativement à tout type d'emploi, mais a de la difficulté à fournir un rendement correspondant à ses normes habituelles. Dans le dernier rapport, le Dr Salit indique que M. Rafuse souffre de [...] déficience cognitive, manque d'intérêt, désespoir et symptômes de dépression. Le Dr Salit a conclu que les anomalies constatées en laboratoire étayent un diagnostic de SFC. Il estimait que M. Rafuse était frappé d'une assez grande incapacité au cours du printemps 1991 et qu'il y avait peu de temps que son état s'était amélioré suffisamment pour lui permettre de travailler plus d'une demi-journée de façon efficace.[8]

[17]       Par ailleurs, la seule preuve qui étaye la décision du Tribunal de révision de fixer au mois d'octobre 1994 la date du début de l'invalidité du demandeur réside dans le fait que c'est en octobre 1994 que le Dr McSherry a examiné personnellement le demandeur pour la première fois.


[18]       Étant donné que le critère à appliquer pour décider d'accorder ou non l'autorisation de former un appel consiste à déterminer si le demandeur a un moyen défendable à faire valoir qui est susceptible d'être retenu en appel, je suis d'avis que le demandeur a satisfait à ce critère. Il existe des éléments de preuve qui appuient la prétention du demandeur qu'il était invalide au sens du paragraphe 42(2) de la Loi avant 1994, y compris l'opinion du Dr McSherry et le rapport écrit du Dr Salit en date du 30 août 1991. La question de savoir si cette preuve est suffisante pour satisfaire au paragraphe 42(2) de la Loi touche au fond de l'affaire, qui ne doit pas être examiné à la présente étape. Comme le demandeur détient des éléments de preuve suffisants qui pourraient lui permettre d'avoir gain de cause en appel, je crois que la décision de la Commission d'appel des pensions de refuser l'autorisation d'appel est déraisonnable.

[19]       La décision du juge Dureault est annulée et le demandeur est autorisé à interjeter appel devant la Commission d'appel des pensions.

                                                                 « Danièle Tremblay-Lamer »                 

JUGE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

5 décembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20001205

Dossier : T-2115-98

ENTRE :

NORMAN RAFUSE

demandeur

- et -

LA COMMISSION D'APPEL DES PENSIONS et le MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

défendeurs

                                                                                                                      

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                       


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2115-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             NORMAN RAFUSE

            demandeur

ET

LA COMMISSION D'APPEL DES PENSIONS et

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

            défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 5 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                                   Le 5 décembre 2000

ONT COMPARU :

Me Alexandre Paradissis                        POUR LE DEMANDEUR

Me Thomas Pastous                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alexandre Paradissis                        POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                  POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)



     [1]       L.R.C. (1985), ch. F-7.

     [2]           L.R.C. (1985), ch. C-8.

     [3]       (1999) 177 F.T.R. 88.

     [4]       [1998] 1 R.C.S. 982.

     [5]       Précité, note 3, à la p. 98.

     [6]       (1999) 252 N.R. 141.

     [7]       Ibid., à la p. 143.

     [8]       Dossier du demandeur, aux p. 67 et 68.

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