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     T-118-97

Entre :

     THE KUN SHOULDER REST INC.,

     demanderesse,

     - et -

     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC.,

     MARIKA KUN, MICHAEL KUN et

     M & M KUN VIOLIN MAKING AND ACC. INC.,

     défendeurs.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

     Les présents motifs découlent de requêtes de la demanderesse et des défendeurs qui ont été entendues pendant deux jours à Toronto et qui concernent des réponses à de nombreuses questions posées au cours de l'interrogatoire préalable, mais auxquelles on a refusé de répondre pour différentes raisons. À l'occasion de plusieurs ajournements, les avocats ont réglé un certain nombre de points. Ils ont présenté le reste des questions de manière claire et concise en les regroupant en catégories auxquelles pourraient s'appliquer divers principes généraux et théories. Cette classification de même que les observations, qui comprenaient des documents écrits, devraient être la façon ordinaire de procéder.

     Les avocats ont suggéré que des motifs s'imposaient peut-être. Dans les présents motifs, je n'entends pas indiquer les raisons précises et parfois limitées pour accepter ou rejeter différentes questions : cela serait d'une valeur restreinte. Par contre, il existe certains principes généraux d'application plus large qui pourraient être utiles à l'avenir.

CONTEXTE

     En guise de résumé, disons qu'il s'agit d'une action et d'une demande reconventionnelle regrettables, la première ayant été intentée par une société contrôlée par la veuve de Joseph Kun, un luthier, fabricant d'archets et inventeur et fabricant d'épaulières pour violon et alto. Mme Marina Kun, la directrice de la demanderesse, Kun Shoulder Rest Inc., poursuit les activités de l'entreprise relatives aux épaulières depuis 1993. Elle poursuit Marika et Michael Kun, les enfants issus du premier mariage de M. Kun, et qui, par l'intermédiaire de leurs sociétés, Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc. et M & M Kun Violin Making and ACC Inc., ont poursuivi les activités de l'entreprise de Joseph Kun depuis son décès survenu en 1996. Les activités des défendeurs comprennent la fabrication et la vente d'épaulières. Dans leur demande reconventionnelle, les défendeurs sollicitent essentiellement la même mesure de redressement que celle qui est décrite dans la déclaration de la demanderesse, soit une injonction concernant des marques de commerce employant le nom de famille, une action en imitation frauduleuse, des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits ainsi que des mesures semblables.

IMITATION FRAUDULEUSE

     L'avocat de la demanderesse soutient qu'en l'espèce, la prétention relative à l'imitation frauduleuse est inhabituelle en ce sens que l'intention est un facteur qui entre en jeu. À une certaine époque, une action de common law en imitation frauduleuse, même dans le cas où le défendeur avait agi frauduleusement, ne pouvait être maintenue à moins que le défendeur n'ait eu l'intention de tromper. La nécessité de prouver l'intention est disparue au milieu du XIXe siècle : voir Consumers Distributing Co. Ltd. c. Seiko Time Canada Ltd., (1985) 1 C.P.R. (3d) 1, à la page 15 (C.S.C.), et Millington v. Fox, (1838) 3 Myl. & Cr. 338, 40 E.R. 956 (Ch.) où, sans exiger de preuve de l'intention du défendeur, le lord chancelier Cottenham a accordé une injonction permanente au défendeur, qui n'était pas au courant de l'existence du demandeur. Toutefois, une analyse de la jurisprudence actuelle applicable où sont énumérés les éléments du délit d'imitation frauduleuse, comme dans Walt Disney Productions v. Triple Five Corp., (1992) 43 C.P.R. (3d) 322 (C.S. Alberta), indique que l'intention est aujourd'hui sans importance. Le demandeur n'a qu'à prouver ce qui suit :

         [TRADUCTION]         
         (1)      un achalandage ou une réputation liée à ses marchandises ou services dans l'esprit du public et au nom en question de sorte que ce nom est associé aux marchandises ou services du demandeur;         
         (2)      une déclaration trompeuse du défendeur (intentionnelle ou non) amenant ou susceptible d'amener le public à croire que les marchandises ou services sont ceux du demandeur ou que celui-ci les a autorisés; [...] (page 331)         

La suite de ce passage souligne l'exigence selon laquelle le demandeur doit avoir subi ou est susceptible de subir des dommages, et que ces dommages sont présumés si les deux premiers éléments sont réunis. Ce passage conclut que l'intention du défendeur est sans importance.

     Par contre, l'intention est pertinente en tant que mesure des dommages-intérêts car, dans le cas d'une imitation frauduleuse innocente, la mesure appropriée est probablement, dans le meilleur des cas, des dommages-intérêts symboliques : voir le commentaire du lord juge Goddard dans Draper v. Trist (1939) 3 All E.R. 513, à la page 528 (C.A.). La Cour a analysé cette notion d'intention, quoique dans un contexte différent, soit une action en contrefaçon de brevet, dans Risi Stone Ltd. c. Groupe Permacon Inc., (1994) 56 C.P.R. (3d) 381. Le juge Nadon y a souligné que même si une action en contrefaçon est une comparaison entre les revendications d'un brevet et le produit censément contrefait et que les détails et documents se rapportant à la mise au point d'un produit ne sont donc pas pertinents, la preuve de l'intention pourrait être admissible à l'interrogatoire préalable, par exemple, pour déterminer la mens rea d'une partie, un facteur dont la Cour peut tenir compte lorsqu'elle ordonne le paiement de dommages-intérêts punitifs :

               Par ailleurs, une action en contrefaçon demeure essentiellement une comparaison des revendications du brevet avec le produit qui est allégué être en contrefaçon. Les détails et les documents concernant le développement du produit ne sont donc pas, à mon avis, pertinents au litige. Une telle preuve pourrait être admissible lors d'un interrogatoire après défense dans certaines circonstances. Cette information pourrait être pertinente, par exemple, pour permettre à la cour d'évaluer la mens rea d'une partie relativement aux allégations de contrefaçon. Ainsi, la cour pourrait tenir compte de cette information pour imposer des dommages exemplaires. (p. 387)         

     À la conclusion de cette partie de la plaidoirie, j'ai statué qu'en règle générale, les questions portant sur l'intention étaient admissibles en l'espèce en ce qu'elles pouvaient concerner le type de dommages-intérêts à accorder. Les défendeurs ont aussi fait valoir que dans le cadre d'un interrogatoire préalable, il faut toujours garder à l'esprit la teneur des actes de procédure car ceux-ci fixent les limites de l'interrogatoire préalable. Toutefois, en l'espèce, la demanderesse a clairement soulevé la question de l'intention dans le contexte de l'objectif et de la connaissance des défendeurs, au paragraphe 30 et au paragraphe 33 de la déclaration où il est allégué que les défendeurs [TRADUCTION] " ...ont eu l'intention de tirer profit de l'achalandage créé par Joseph Kun et maintenu par son successeur, la demanderesse... ". Il aurait peut-être été préférable que la demanderesse développe un peu plus l'idée d'intention dans sa déclaration mais, dans une affaire comme l'espèce, il ne faut pas être exagérément dogmatique ou doctrinaire.

MISE AU POINT DU PRODUIT

     La question intéressante qui se pose ensuite est celle de savoir si les questions concernant la mise au point du produit sont admissibles. L'avocat de la demanderesse fait valoir que les épaulières des défendeurs sont de véritables copies et que les questions portant sur la mise au point des produits constituent un champ d'enquête raisonnable, car, d'une part, il peut devenir évident que les produits des défendeurs sont des copies directes, mais, d'autre part, les défendeurs sont peut-être en mesure de produire des documents prouvant le développement indépendant de leurs épaulières.

     Il est bien établi en droit que, dans le cadre d'une action en contrefaçon, il s'agit de comparer le brevet et le produit censément contrefait, et ainsi que " les détails et les documents concernant le développement du produit ne sont donc pas [...] pertinents au litige " (Risi Stone , loc. cit.). Dans Leithiser c. Pengo Hydra Pull of Canada Ltd., (1972) 7 C.P.R. (2d) 14, le juge Heald a statué que les questions concernant le développement du dessin n'étaient pas admissibles :

         L'objet de ces questions est de savoir qui a élaboré les plans de l'appareil de la défenderesse et de quoi cette personne s'est inspirée. À mon avis, l'identité de la personne qui a élaboré les plans de l'appareil et les documents dont elle s'est inspirée n'ont rien à voir avec la question de savoir si un appareil d'une conception donnée constitue une contrefaçon du brevet des demandeurs. Je déclare donc ces questions irrecevables.         

Voir aussi Sigma Instruments Inc. c. Bach-Simpson Ltd., (1972) 5 C.P.R. (2d) 7, où le juge Heald a examiné cette question un peu plus en détail.

     À cela s'ajoute le fait que s'il est jugé que les défendeurs ont copié l'épaulière plutôt que de la mettre au point eux-mêmes, cela pourrait donner lieu à une majoration des dommages-intérêts. Toutefois, la présente instance doit aboutir à une audition accélérée le mois prochain. Même s'il faut que le processus d'interrogatoire préalable soit complet, il doit être raisonnable en ce sens qu'il doit prendre fin à une date raisonnable avant l'audience. Enfin, le juge du procès peut facilement examiner les produits concurrents et déterminer la probabilité que les défendeurs aient fabriqué de véritables copies des épaulières de la demanderesse. En résumé, je ne vois aucune raison de m'écarter de la règle claire selon laquelle les questions relatives à la mise au point d'un produit censément contrefait ne sont pas pertinentes.

ORGANISATION FINANCIÈRE DES DÉFENDEURS

     Les défendeurs ont refusé, en grande partie, de répondre à un groupe de questions portant sur l'aspect financier et opérationnel de leur organisation. La demanderesse affirme que ces questions visent à déterminer qui sont les parties concernées et à étudier les revenus et dépenses qui se rapportent à sa demande de dommages-intérêts et de comptabilisation. À cet égard, je souligne l'ajout récent de M & M Kun Violin Making and ACC Inc. à titre de défenderesse et le fait que la demanderesse ne désire pas obtenir une référence pour déterminer la question des dommages-intérêts et des profits, mais sollicite ces chiffres et mesures de redressement à l'audience. L'avocat des défendeurs affirme que cette intrusion dans les finances et la structure d'entreprise des défendeurs va trop loin.

     Je serais peut-être du même avis que l'avocat des défendeurs s'il devait y avoir une référence relativement aux dommages-intérêts, qui n'aurait lieu que si le juge du procès concluait à la responsabilité. Malheureusement, comme il ne s'agit pas d'une procédure en deux étapes aboutissant à une référence, les deux parties doivent révéler leurs affaires financières et les défendeurs la structure de leur organisation afin de fournir les renseignements à partir desquels le juge pourrait tirer une conclusion quant à la mesure appropriée des profits.

EMBALLAGE ET FORME DU PRODUIT

     L'interrogatoire préalable des défendeurs par la demanderesse au sujet de l'emballage et de la forme du produit mène à un point intéressant, celui de la manière dont les sociétés défenderesses comprennent les phrases employées sur les emballages des épaulières, sur lesquels sont louées la qualité supérieure et l'apparence élégante des épaulières. Dans Control Data Canada c. Senstar Corporation, (1989) 24 C.P.R. (3d) 117, le juge Collier a fait la distinction entre, d'une part, l'interprétation d'un document, et, d'autre part, sa signification. Certes, il ne faudrait pas demander à un témoin d'interpréter un document ou de se livrer à des conjectures sur la signification de ce dernier, mais une question par laquelle il est demandé à une société ce qu'elle comprend d'un certain libellé est admissible :

         Je vais ordonner qu'on réponde à la question suivante : [TRADUCTION] " Qu'est-ce que la compagnie croit comprendre que l'on veut dire par là? ". Si la compagnie n'a pas cru comprendre quelque chose, très bien, mais elle ne demande à personne de faire des conjectures ou de demander des renseignements. Si elle croit comprendre quelque chose, qu'elle le précise. (page 117)         

OPPOSITIONS AU BREVET ET ALLÉGATIONS D'INVALIDITÉ

     Cet aspect des oppositions au brevet et des allégations d'invalidité a donné lieu à la question de l'interrogatoire préalable sur des questions auxquelles il serait préférable qu'un expert réponde en vertu de la procédure établie à la règle 482. Les défendeurs sont disposés à fournir à la demanderesse des références quant à l'antériorité, mais non quant à des questions qu'un expert devrait expliquer. L'avocat des défendeurs estime que des questions de ce genre sont prématurées et devraient être laissées à un expert.

     Dans Aerlinte Eireann Teoranta c. Canada, une décision non publiée du juge Strayer (tel était alors son titre), datée du 25 juillet 1984, dossier nE T-1250-80, le point en litige était le lien entre les droits d'atterrissage dans un aéroport et le coût de la prestation de services d'atterrissage connexes pour différents types de vols dans les principaux aéroports canadiens. Il ne s'agissait pas d'une comparaison que le défendeur avait faite, même s'il y avait des données à partir desquelles il était possible de faire des estimations et de fonder des opinions. Le juge Strayer a conclu qu'il serait possible d'étudier en détail cet aspect en évaluant les opinions des experts au procès. Un paragraphe du raisonnement qu'il a suivi pour en arriver à cette conclusion mérite d'être cité :

              L'objet de l'interrogatoire préalable est de vérifier les faits sur lesquels l'autre partie entend se fonder et non pas d'obliger cette dernière à communiquer les moyens de preuve qui lui permettront d'établir ces faits : voir notamment l'affaire Beloit Canada Ltée/Ltd. et autres c. Valmet Oy, (1981) 60 C.P.R. (2d) 145. Le témoignage d'opinion équivaut précisément à cela : c'est un moyen d'établir un fait, mais il ne s'agit pas du fait en soi. À moins que la qualité même de l'expert ne soit contestée, son opinion ne peut être sondée au cours de l'interrogatoire préalable : La Reine c. Irish Shipping Ltd. et autres, [1976] 1 C.F. 418 (C.A.); Rivtow Straits Limited c. B.C. Marine Shipbuilders Limited, [1977] 1 C.F. 735 (C.A.). Fondamentalement, les faits dont on peut prendre connaissance au cours de l'interrogatoire préalable sont ceux qui [TRADUCTION] " tombent sous le sens " : Bestway Lath & Plastering Co. Ltd. v. McDonald Construction Co. Ltd. et al. , (1972) 31 D.L.R. (3d) 47 (C.A. de la N.-É.). Dans la présente espèce, les faits sont les coûts enregistrés tels qu'ils apparaissent dans les données fournies par les détenteurs. On semble reconnaître de part et d'autre que toute " répartition " de ces coûts entre les trois secteurs doit être fondée sur une estimation. Si bien documentée ou si logique que puisse être cette estimation, je suis d'avis qu'il s'agit toujours d'une opinion. Elle fera partie de la preuve au moyen de laquelle les demandeurs chercheront vraisemblablement à établir la discrimination et les droits excessifs allégués dans leur demande.         

La Cour d'appel a confirmé cette opinion, dans une décision non publiée (dossier nE A-972-84) rendue le 26 février 1985.

QUESTIONS DE DROIT

     L'avocat de la demanderesse a posé un certain nombre de questions pour s'informer auprès du témoin de l'interrogatoire préalable des faits sur lesquels sont fondées certaines allégations que renferment les actes de procédure.

     Dans le cadre d'un interrogatoire préalable, il est possible de demander à un témoin de parler de tous les faits entourant un certain incident et dont il a connaissance ou dont il doit normalement s'informer. Il n'est toutefois jamais permis de poser à un témoin des questions sur des faits invoqués au soutien d'une allégation donnée car cela exige du témoin qu'il choisisse les faits et révèle comment son avocat pourrait prouver une allégation donnée. Même s'il se peut qu'un témoin connaisse la démarche générale que son avocat entend suivre, il ne peut savoir quels faits seront utiles à moins de connaître les règles de droit applicables. Les faits particuliers qui seront invoqués sont fondés sur l'opinion du droit qu'a l'avocat. L'interrogatoire préalable d'un témoin vise à découvrir des faits et non des arguments sur ce qui est pertinent pour prouver un argument donné.

     La règle fondamentale selon laquelle l'interrogatoire préalable vise les faits et non le droit est sous-jacente à cette notion de la manière appropriée d'étudier les faits pertinents. Permettre de poser une question qui oblige le témoin à choisir les faits sur lesquels il se fondera pour étayer une allégation donnée, c'est tenter d'éluder cette règle fondamentale en exigeant du témoin qu'il prenne en considération le droit applicable, puis s'en serve pour choisir les faits et faire part du résultat auquel il parvient. Ces règles sont décrites en détail et de manière simple dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Can-Air Services Ltd. c. British Aviation Insurance Co., (1989) 30 C.P.C. 1.

TERMINOLOGIE RELATIVE AUX BREVETS

     Le dernier point d'intérêt concerne des questions relatives à une certaine terminologie de base en matière de brevets, mais une terminologie qu'un fabricant qui possède une expérience pratique du domaine pourrait employer pour décrire ou expliquer son produit. À différents moments au cours de son interrogatoire préalable, Mme Kun a fait preuve à tout le moins d'une bonne compréhension de ces mots et elle a semblé en fait à l'aise avec l'emploi de certains termes techniques qui décrivent naturellement différents aspects des épaulières que la demanderesse produit, non pas nécessairement pour analyser le brevet applicable mais, comme je l'ai dit, pour décrire le produit que fabrique sa société. Les défendeurs veulent qu'elle décrive les différents aspects de ces épaulières, notamment pour faire un parallèle entre les descriptions que renferment les actes de procédure et les objets réels.

     Il s'agit de questions dont a traité madame le juge Reed dans une affaire récente, James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards Inc., (1997) 72 C.P.R. (3d) 157. Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer si le papier utilisé pour la fabrication d'assiettes de papier était homogène, si les plis formés sur les assiettes constituaient des portions densifiées espacées suivant la circonférence et disposés selon un rayon couvrant la paroi latérale et le bord, et si les plis étaient des structures fibreuses solidement intégrées. Ces questions ont fait l'objet d'objections sur le fondement d'une série de décisions portant que, dans le cadre d'un interrogatoire préalable, il ne convient pas de poser à un témoin des questions sur sa compréhension et son interprétation d'un brevet. Madame le juge Reed a souligné que les questions n'étaient pas de cette nature mais qu'elles concernaient plutôt les assiettes de la défenderesse et leurs caractéristiques, selon la compréhension qu'en avait la défenderesse. Dans ce contexte, il s'agissait de faits connus de Hallmark. À l'égard de ces questions, la protection accordée à la défenderesse était que si celle-ci n'employait pas certains termes et que des réponses significatives n'étaient pas données, les réponses refléteraient ce fait :

              L'avocat de la défenderesse fait valoir que le protonotaire adjoint n'aurait pas dû ordonner qu'on réponde à ces questions parce qu'elles sont formulées à l'aide de termes qui ne sont pas employés par Hallmark. Suivant les décisions Owens-Illinois, Inc. et al. c. AMCA International Ltd. et al. (1987), 14 C.P.R. (3d) 536 (C.F.P.A.), 12 C.I.P.R. 209, Corning Glass Works c. Canada Wire and Cable Co. (1983), 74 C.P.R. (2d) 105 (C.F.1re inst.) et Geo Vann Inc. c. N.L. Industries, Inc. (1983), 75 C.P.R. (2d) 68 (C.F.1re inst.), il n'est pas approprié de poser à une personne faisant l'objet d'un interrogatoire préalable des questions qui font appel à sa compréhension ou à son interprétation du brevet.         
              Les questions en litige ne sont pas de cette nature. Elles portent sur les assiettes de la défenderesse, et leurs caractéristiques, en fonction de la compréhension qu'en a cette partie. Elles visent donc des faits qui relèvent des connaissances de Hallmark. Elles ne sont pas si différentes d'autres questions qui ont été posées et auxquelles on a répondu, questions qui ont été formulées à l'aide de termes employés dans le brevet, comme [TRADUCTION] languette, bord, pliure, paroi latérale, découpe du fond. Si les termes employés dans les questions en litige ne sont pas utilisés par la défenderesse, et que celle-ci ne peut y répondre de façon intelligible, ses réponses refléteront ce fait. La défenderesse n'est pas tenue de procéder à des examens pour fournir les réponses. Mais les questions elles-mêmes sont telles qu'on devrait y répondre. (page 163)         

     Un nombre important de questions posées par l'avocat des défendeurs visent à obtenir des réponses qui décrivent les épaulières de la demanderesse et tombent sous le coup de la règle énoncée dans James River au sujet des questions qui visent à faire décrire par un témoin, lors d'un interrogatoire préalable, les caractéristiques du produit, telles qu'il les comprend. Toutefois, d'autres questions vont au-delà des limites de la règle établie dans James River, notamment le parallèle entre, d'une part, les aspects des échantillons d'épaulières de la demanderesse et, d'autre part, la terminologie en matière de brevets et une description technique des épaulières produites par des tiers concurrents: non seulement s'agit-il d'un domaine qui relève des experts, mais il s'agit aussi d'un travail que les défendeurs devraient faire pour eux-mêmes.

CONCLUSION

     Ainsi que je l'ai indiqué au début des présents motifs, les avocats ont présenté leurs dossiers de manière claire et concise. Les requêtes ont été bien présentées et plaidées. Le succès est partagé. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                             (Signé) " John A. Hargrave "

                        

                                 Protonotaire

12 septembre 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme         
                         Suzanne Bolduc, LL.B.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      THE KUN SHOULDER REST INC.

                     c.

                     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC., MARIKA KUN, MICHAEL KUN et M & M KUN VIOLIN MAKING and ACC. INC.

NE DU GREFFE :              T-118-97

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          3 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

prononcés par le protonotaire John A. Hargrave

le 12 septembre 1997

ONT COMPARU :

     Matthew R. Snell          pour la demanderesse

     Henry Lue              pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     McCarthy Tétrault

     Toronto (Ontario)          pour la demanderesse

     Dimock Stratton Clarizio

     Toronto (Ontario)          pour les défendeurs


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