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Date : 20050207

Dossier : T-1318-02

Référence : 2005 CF 182

Ottawa (Ontario), le 7 février 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                                    ROY ANEY

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi), en vue d'obtenir l'annulation de la décision de la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Section d'appel) datée du 15 juillet 2002, dans laquelle la Section a confirmé la décision du 22 février 2002 de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) de révoquer la libération conditionnelle du demandeur.


QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige en l'espèce sont les suivantes :

1.         La CNLC a-t-elle commis une erreur de fait?

2.         La CNLC a-t-elle fait preuve de partialité?

3.         La CNLC a-t-elle commis une erreur de droit?

4.         La CNLC a-t-elle omis de prendre en considération des renseignements pertinents?

5.         La décision de la CNLC de révoquer la libération conditionnelle du demandeur a-t-elle porté atteinte au droit garanti au demandeur par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)?

6.         La peine imposée au demandeur constitue-t-elle une « peine cruelle et inusitée » contraire à l'article 12 de la Charte?

[3]                Pour les motifs suivants, la réponse à toutes les questions susmentionnées est non. Je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

CONTEXTE


[4]                En mai 1976, le demandeur a été déclaré coupable de quatre accusations de viol et d'une accusation de tentative de viol. Il a été condamné à une peine globale de 15 ans d'emprisonnement. Le 6 mai 1977, il a été déclaré délinquant sexuel dangereux (DSD) par une cour provinciale et sa peine originale a été remplacée par une période de détention préventive.

[5]                En octobre 1977, la déclaration DSD visant le demandeur a été remplacée par une déclaration de délinquant dangereux (DD). Il a été condamné à une détention de durée indéterminée du fait des modifications apportées au Code criminel du Canada (CCC). Le demandeur n'a jamais interjeté appel de sa peine.

[6]                En 1988, la CNLC a autorisé le demandeur à participer à un programme de permission de sortir sans escorte (PSSE). Le 15 mars 1990, la libération conditionnelle de jour du demandeur a été annulée au motif que ce dernier avait en sa possession des vidéos pornographiques. Il avait acheté un total de 30 vidéos pornographiques entre avril 1989 et la suspension de sa libération conditionnelle en 1990. La CNLC a jugé que la conduite du demandeur pendant sa libération de jour comportait des similitudes avec celle qui l'avait amené à commettre des crimes et elle a conclu que le demandeur présentait un risque non contrôlable au sein de la collectivité.

[7]                Le 7 février 1992, la CNLC a accordé une libération conditionnelle totale au demandeur. À cette date, il n'était plus en détention grâce au maintien de la libération conditionnelle de jour que lui avait accordée la CNLC le 17 décembre 1990. La libération conditionnelle totale était assortie de conditions spéciales; le demandeur devait notamment s'abstenir de consommer toute substance intoxicante et il lui était interdit de posséder ou d'utiliser du matériel pornographique.


[8]                Le 10 février 1995, l'attitude et la conduite du demandeur s'étaient dégradées et, par conséquent, sa libération conditionnelle totale a été suspendue. Le demandeur refusait de communiquer avec son nouvel agent de libération conditionnelle, il n'avait pas suivi de programme pour délinquants sexuels et ne s'était pas présenté à un rendez-vous avec le psychologue de Service correctionnel Canada. Le 15 juin 1995, la CNLC a rétabli la libération conditionnelle totale du demandeur.

[9]                Le 14 décembre 2001, vers les 22 h, au parc Stanley, deux agents du service de police de Vancouver (SPV) ont interpellé le demandeur et ont effectué une vérification de routine de son véhicule. Ils ont alors constaté que le demandeur était accompagné d'une travailleuse du sexe connue. C'était la troisième fois, en 2001, que les agents du SPV le trouvaient dans des circonstances semblables.

[10]            En fait, le demandeur a admis, à son agent de libération dans la collectivité (ALC), Tim Goodsell, qu'il était un obsédé sexuel. Il a admis utiliser de la pornographie et avoir régulièrement recours aux prostituées, peut-être trois ou quatre fois par semaine. Toutefois, il a dit qu'il n'avait eu aucun fantasme de viol depuis plus de 15 ans et qu'il n'avait pas l'intention de commettre des crimes.

[11]            Le 17 décembre 2001, vers minuit, des agents du SPV, munis d'un mandat de suspension de libération conditionnelle, ont arrêté le demandeur au centre résidentiel communautaire de Dunsmuir de l'Armée du Salut, où il résidait.

[12]            La libération conditionnelle du demandeur a été révoquée le 22 février 2002 par suite d'une audience devant la CNLC.

[13]            Le 15 juillet 2002, la Section d'appel a rejeté l'appel du demandeur au motif qu'il avait eu une audition impartiale et équitable, que la décision de la CNLC était raisonnable et bien fondée et qu'aucun des droits garantis au demandeur par la Charte n'avait été violé.

[14]            La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision de la Section d'appel.

DÉCISION CONTESTÉE

La décision de la CNLC

[15]            La CNLC a décidé de révoquer la libération conditionnelle du demandeur après avoir conclu qu'il avait repris le mode de vie qui l'avait déjà amené à perpétrer des infractions d'ordre sexuel. Après l'évaluation du risque, la Commission était convaincue que le demandeur constituait un risque inacceptable pour la société.

[16]            La CNLC a mentionné qu'avant l'audience, les membres de l'équipe de gestion du cas du demandeur ne s'entendaient pas au sujet des mesures à prendre. Le surveillant communautaire recommandait l'annulation de la suspension et une réprimande, ainsi qu'une modification du plan correctionnel. En revanche, l'équipe du centre régional de santé recommandait des mesures supplémentaires afin de maîtriser les facteurs de risque. Toutefois, pendant l'audience, le surveillant communautaire du demandeur a remplacé sa recommandation en demandant la révocation de la libération conditionnelle.

[17]            Après avoir examiné toute la preuve dont elle était saisie, la CNLC a fondé sa décision sur divers facteurs. La CNLC devait tenir compte du fait que le demandeur était un obsédé sexuel déviant qui n'avait récidivé depuis plusieurs années. Le demandeur a reconnu sa dépendance au sexe, mais il a souligné qu'il avait secrètement recours aux prostituées depuis plusieurs années et que cela n'avait pas augmenté le risque de récidive. Toutefois, malgré les affirmations du demandeur, la CNLC était d'avis qu'il ne pouvait pas tout bonnement écarter la pornographie et le recours aux prostituées sans tenir compte de la sécurité du public. Après avoir soigneusement examiné le dossier du demandeur, la CNLC a mentionné que le demandeur était incapable de maîtriser ses pulsions sexuelles. Elle a donc révoqué la libération conditionnelle totale du demandeur, et a établi qu'un traitement supplémentaire pour délinquant sexuel pouvait aider le demandeur à maîtriser sa dépendance au sexe. La CNLC a conclu que le demandeur présentait un risque non contrôlable au sein de la collectivité.


La décision de la Section d'appel

[18]            Après avoir entendu la transcription sonore de l'audience, la Section d'appel a conclu que la CNLC avait examiné tous les aspects pertinents du dossier de l'appelant d'une manière juste et équitable. Elle n'a rien trouvé, ni à l'audience ni dans les motifs écrits de la CNLC, qui lui permette de conclure que la CNLC était partiale ou qu'elle avait tranché en fonction des pressions exercées par le public ou les médias concernant les prostituées de Vancouver portées disparues. La Section d'appel était d'avis que la CNLC avait longuement discuté de la question des prostituées et qu'aucun renseignement au dossier ne permettait de penser que le demandeur avait joué un rôle dans la disparition de ces femmes. La Section d'appel était également convaincue que le demandeur avait eu l'occasion de répondre aux préoccupations de la CNLC, d'exprimer son opinion et de présenter sa cause.


[19]            La Section d'appel a conclu que la décision de la CNLC de révoquer la libération conditionnelle totale du demandeur était raisonnable même si le demandeur a vécu à Vancouver pendant plus de dix ans sans commettre d'infractions alors qu'il était en libération conditionnelle. En fait, la CNLC connaissait parfaitement le comportement du demandeur et elle en avait fait mention dans sa décision. Toutefois, la Section d'appel a tenu compte des préoccupations de la CNLC concernant le comportement sexuel du demandeur. Selon la CNLC, la conduite sexuelle du demandeur présentait un risque élevé à cause de ses antécédents criminels et de la déclaration de DSD. Non seulement le demandeur avait violé les conditions de sa libération conditionnelle, mais il refusait également de participer au programme intensif destiné aux délinquants sexuels qui avait été recommandé.

[20]            La Section d'appel a conclu que la CNLC avait effectué une évaluation équitable du risque, conformément aux critères applicables aux décisions post-suspension et aux principes établis dans l'arrêt Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2 R.C.S. 1385. La Section était d'avis que la décision de la CNLC de révoquer la libération conditionnelle du demandeur était justifiée et conforme à la loi, à la politique de la CNLC et aux principes de justice fondamentale.

[21]            La Section d'appel n'a pas tenu compte des allégations du demandeur concernant la déclaration de son agent de libération en établissement (Ray Anderson), la question ne relevant pas de la compétence de la CNLC.

[22]            Enfin, la Section d'appel n'a pas reconnu le bien-fondé des observations du demandeur selon lesquelles la révocation de sa libération conditionnelle et sa réincarcération violaient ses droits garantis par la Charte.

ANALYSE

La suspension de la liberté conditionnelle


[23]            La CNLC dispose d'un pouvoir discrétionnaire absolu en vertu de l'alinéa 107(1)b) et de l'article 135 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.R.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC) de mettre fin à la libération conditionnelle d'un délinquant (voir l'annexe). Selon le libellé de l'article 135, la libération conditionnelle peut être suspendue pour deux raisons : 1) inobservation des conditions de la libération conditionnelle ou 2) pour protéger la société.

[24]            John A. Winterdyk explique, aux pages 287 et 288 de son ouvrage intitulé « Correction in Canada : Social Reactions to Crime » , Prentice Hall, Toronto, 2001, que l'inobservation d'une condition n'entraîne pas nécessairement la réincarcération du délinquant. L'inobservation peut être telle que l'agent de libération décide qu'un avertissement ou du counselling seraient plus opportuns. Toutefois, l'inobservation peut s'avérer suffisamment grave pour que l'agent recommande la suspension de la libération conditionnelle et, par voie de conséquence, la réincarcération du délinquant pendant que le surveillant de libération évalue la gravité de l'inobservation. Si le surveillant estime que l'inobservation ne constitue pas un risque inacceptable pour la société et qu'il n'est pas vraisemblable qu'elle entraîne une récidive, il peut décider de ne pas imposer la suspension (paragraphe 135(3) de la LSCMLC). Toutefois, la suspension n'est qu'une mesure temporaire.


[25]            Dans les 30 jours qui suivent, la suspension doit être annulée ou le dossier renvoyé devant la CNLC qui décidera s'il y a lieu de révoquer la libération conditionnelle (alinéa 135(3)b) de la LSCMLC). Lorsqu'une suspension a été renvoyée devant la CNLC pour examen, la Commission évalue les circonstances entourant l'inobservation. Si la CNLC conclut que la mise en liberté ne constituerait pas un risque inacceptable, elle annule la suspension et le délinquant est libéré. Toutefois, si la CNLC estime que le risque de récidive est inacceptable, pour des raisons qui ne sont pas imputables au délinquant, la CNLC révoque la libération conditionnelle. Le paragraphe 163(3) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition DORS/92-620 (RSCMLC) exige que la CNLC rende une décision dans les 90 jours du renvoi du dossier devant elle ou qu'elle ordonne la réincarcération du délinquant.

[26]            L'article 147 de la LSCMLC prévoit que le délinquant peut interjeter appel de la décision de la CNLC auprès de la Section d'appel pour divers motifs (voir l'annexe).

La compétence de la Cour

[27]            La Cour fédérale est créée par la loi et elle tire sa compétence en matière de contrôle judiciaire des lois. L'article 18.1 de la Loi, qui établit le cadre juridique du contrôle judiciaire, se lit comme suit :


Demande de contrôle judiciaire

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

Application for judicial review

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.


Délai de présentation

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

Time limitation

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

Grounds of review

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(f) acted in any other way that was contrary to law.


Vice de forme

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.

Defect in form or technical irregularity

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or order, make an order validating the decision or order, to have effect from such time and on such terms as it considers appropriate.


[28]            Le défendeur prétend qu'il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel et qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle audience. Par conséquent, le défendeur prétend que le contrôle ne doit viser que les conclusions de la Section d'appel plutôt que de constituer un examen complet de la décision de la Commission.

[29]            Je ne suis pas d'accord avec le défendeur. Sur ce point, j'ai examiné soigneusement la jurisprudence et j'estime que le commentaire de la Cour dans Cartier c. Canada (Procureur général), [2003] 2 C.F. 317 (C.A.), au paragraphe 10, est très instructif :

La situation inusitée dans laquelle se trouve la Section d'appel rend nécessaire une certaine prudence dans l'application des règles habituelles du droit administratif. Le juge est théoriquement saisi d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision de la Section d'appel, mais lorsque celle-ci confirme la décision de la Commission, il est en réalité appelé à s'assurer, ultimement, de la légalité de cette dernière. [Non souligné dans l'original.]


Dans la même veine, la Cour est saisie de la décision de la CLNC de révoquer la libération conditionnelle du demandeur ainsi que de la décision de la Section d'appel confirmant l'ordonnance. Compte tenu de l'arrêt Cartier, précité, lorsque la Section d'appel a confirmé une décision de la CNLC, la Cour ne doit pas commencer par une analyse de la décision de la Section d'appel; elle doit d'abord analyser la décision de la CNLC et décider de sa légitimité. Si la Cour conclut que la décision de la Commission est légitime, il est inutile d'examiner la décision de la Section d'appel.

Norme de contrôle

[30]            Dans Cartier, précité, au paragraphe 9, la Cour d'appel fédérale a statué que la Section d'appel doit, en tout temps, être guidée par la norme de la raisonnabilité au moment de décider si la décision de la Commission est légitime :

Si la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité lorsque la Section d'appel infirme la décision de la Commission, il me paraît improbable que le législateur ait voulu que la norme soit différente lorsque la Section d'appel confirme. Je crois que le législateur, encore que maladroitement, n'a fait que s'assurer à l'alinéa 147(5)a) que la Section d'appel soit en tout temps guidée par la norme de raisonnabilité.

[31]            Selon moi, lors d'un contrôle judiciaire, la Cour ne doit pas appliquer une norme de contrôle plus rigoureuse que celle que doit appliquer la Section d'appel. Par conséquent, je suis d'avis que les observations de la Cour dans Desjardins c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1989] A.C.F. no 910 (C.F. 1re inst.) (QL), s'appliquent en l'espèce :

En l'espèce, où l'emprisonnement et le privilège de la libération conditionnelle sont visés, je suis d'avis que cette Cour ne doit pas intervenir dans une décision administrative en l'absence d'éléments de preuve clairs et non équivoques que celle-ci est tout a fait injuste et entraîne une injustice à l'égard du détenu. Ceci étant dit, je souscris entièrement à l'opinion suivante exprimée par le juge Strayer dans l'arrêt Lathan c. Solliciteur général du Canada et autres [1984] 2 C.F. 734, à la page 744 :


Certes, la libération conditionnelle n'est pas un droit, mais un privilège, et, par conséquent, sa révocation n'exige pas de suivre le processus de type judiciaire qu'on associe plus communément avec le concept de justice naturelle. Néanmoins, elle exige effectivement que l'on applique les règles de l'équité. En déterminant les conditions d'équité dans une situation donnée, j'estime qu'il est nécessaire d'examiner les conséquences que cela entraîne pour la personne qui a, semble-t-il, fait l'objet d'un déni d'équité. [Non souligné dans l'original.]

[32]            La norme de la décision raisonnable a été mentionnée et définie pour la première fois dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam, [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56, dans lequel le juge Iacobucci a dit que :

[...] Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion [...]

[33]            Dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C. S. 247, le juge a expliqué comment il fallait appliquer la norme. Contrairement à la norme de la décision correcte, celle de la décision raisonnable ne concerne pas la question de savoir si le tribunal a pris la bonne décision. En fait, la cour de révision ne doit même pas se demander qu'elle serait la bonne décision. Au contraire, elle doit examiner les motifs invoqués et décider si la preuve a fait l'objet d'une analyse raisonnable de manière à ce que le tribunal arrive à la conclusion qu'il a tirée.

Les questions en litige

1.          La CNLC a-t-elle commis une erreur de fait?


[34]            Le demandeur soutient que la conclusion de la Commission concernant les facteurs de risque était erronée. Il allègue que le seul membre de l'équipe de traitement qui était à l'audience, Ray Anderson, n'a pas présenté ses observations au nom de l'équipe, mais qu'en fait, il a émis une opinion dissidente que la CNLC a mal interprétée.

[35]            L'observation écrite de Ray Anderson était fondée sur le consensus de l'équipe et il ne s'agissait pas de sa seule recommandation (affidavit de Ray Anderson). Il a dit qu'il s'agissait d'une « opinion dissidente » puisqu'il croyait que la recommandation de M. Goodsell était différente de la sienne. Toutefois, au début de l'audience, M. Goodsell a mentionné qu'il modifiait sa recommandation. Par conséquent, la recommandation de M. Anderson n'était plus dissidente.

[36]            Le demandeur soutient que la Commission a apprécié la preuve d'une manière arbitraire et abusive sans tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait. Il allègue que la CNLC n'a pas tenu compte du fait qu'il avait vécu dans la collectivité pendant dix ans sans récidiver. Au soutien de l'allégation, il mentionne une observation du Dr Brink dans sa recommandation.


[37]            Après examen de l'opinion du Dr Brink, j'estime qu'il ne faut pas prendre cette observation hors contexte. Le Dr Brink a mentionné que le demandeur passe toutes ses journées à penser au sexe. En outre, il souligne que le demandeur a refusé de reconnaître son obsession sexuelle et que l'intérêt qu'il porte à la pornographie et aux prostituées sont des facteurs reliés à un mode de vie dysfonctionnel et à une sexualité déviante qui présentent un risque de récidive. En outre, le Dr Brink a clairement dit qu'il était extrêmement important que le demandeur comprenne mieux les facteurs de risque, les forces en présence et la nécessité de tout avouer.

[38]            La CNLC, en qualité de juge des faits, a toute la compétence nécessaire pour apprécier la preuve produite et décider du poids qu'il faut lui accorder. Elle a compétence pour tirer la conclusion qu'elle a tirée.

[39]            Le demandeur fait valoir que son agent de libération dans la collectivité (ALC) ne croyait pas qu'il y avait un lien entre son comportement sexuel déviant et le risque de récidive. Il prétend donc que la recommandation de l'ALC était contraire à l'opinion que l'agent avait présentée dans son rapport. Une lecture du rapport de l'ALC du demandeur démontre que l'ALC était d'avis que la conduite sexuelle déviante du demandeur influait sur son mode de vie.

[40]            Le demandeur affirme qu'il n'y a aucune preuve que la pornographie et la prostitution auxquelles il s'adonne augmentent les risques de récidive. Malgré cette allégation, la CNLC disposait d'éléments de preuve qu'il existait un lien entre la pornographie, les prostituées et le risque de récidive.

[TRADUCTION]


[...] il appert clairement d'une partie de la déclaration d' [Aney], de son refus de reconnaître qu'une sexualité déviante est associée à un risque de perpétration de nouvelles infractions d'ordre sexuel et du fait qu'il n'a pas suivi un programme pour délinquants sexuels, qu'il a beaucoup de chance d'être un libéré conditionnel. Il n'y a aucun doute qu'aujourd'hui, un délinquant dangereux n'obtiendrait pas une libération conditionnelle sans avoir suivi au moins un programme pour délinquants sexuels en sus d'un programme de prévention de récidive et sans qu'il connaisse assez bien les cycles de la criminalité et du comportement, les facteurs de risque, et les stratégies d'intervention. Il est donc très important qu'il comprenne davantage ces facteurs, la dynamique sous-jacente et la nécessité d'avouer franchement ses gestes et d'en discuter en groupe [...] (Rapport du Dr Brink, à la page 55 du dossier de l'intimé).

Mon avis ne plaira pas à M. Aney, mais j'estime que sa personnalité, pour l'essentiel de nature narcissique, manipulatrice et exigeante, l'a amené ou l'a incité, au cours des onze dernières années, à séparer les questions de sexualité et les questions de risque [...] (rapport du Dr Brink à la page 56 du dossier de l'intimé).

[41]            Après avoir examiné toute la preuve dont était saisie la CNLC, j'estime que sa conclusion est raisonnable. Par conséquent, je ne saurais conclure que les conclusions de fait qu'elle a tirées justifient l'intervention de la Cour.

2.          La CNLC a-t-elle fait preuve de partialité?

[42]            Le demandeur prétend qu'il existe une crainte raisonnable de partialité puisque deux des membres de la Commission avaient déjà participé à l'examen d'une demande de libération conditionnelle, en septembre 2001, et qu'ils avaient fait des commentaires préjudiciables au demandeur concernant le résultat de l'examen de sa demande de libération conditionnelle de 2002.

[43]            Le demandeur cite, à bon escient, le critère applicable en matière de partialité établi dans Devries c. Canada (National Parole Board), [1993] B.C.J. no 966 (C.S. C.-B.), à la page 6 :

[TRADUCTION]


Le critère en matière de partialité n'est pas de savoir s'il est possible de démontrer une réelle partialité mais de savoir s'il y a une crainte raisonnable de partialité. Il faut se demander si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique en arriverait à la conclusion qu'il y a probabilité de partialité : Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie (1976), 68 D.L.R. (3d) 716. [...]

[44]            Le demandeur est allé encore plus loin et il s'est fondé sur la même décision pour prétendre que :

[TRADUCTION]

Il est incontestable qu'une personne qui participe à un examen ou à un réexamen de sa propre décision antérieure, même lorsqu'elle dispose de nouveaux éléments de preuve, ne peut agir avec le degré d'impartialité dont on s'attendrait d'une personne qui entend l'affaire pour la première fois.

[45]            Par contre, la présente affaire ne vise pas un nouvel examen ou le contrôle d'une décision rendue par les membres de la Commission en 2001. Au contraire, les membres de la Commission siégeaient dans le cadre d'un examen différent de la libération conditionnelle. Le défendeur soutient que la LSCMC ne contient aucune disposition interdisant à un membre de la Commission de siéger lors d'examens subséquents d'une demande de libération conditionnelle concernant le même délinquant. La seule restriction se trouve au paragraphe 146(2) et cette disposition n'a aucune application en l'espèce.


[46]            Il est à prévoir qu'un membre de la Commission sera nécessairement, tôt ou tard, appelé à entendre une autre demande de libération conditionnelle du même demandeur puisque les détenus subissent un examen de la libération conditionnelle tous les deux ans et que la Commission des libérations conditionnelles comprend un nombre limité de membres. Si le législateur avait voulu éviter cette situation par ailleurs inévitable, il aurait adopté une loi à cet effet.

[47]            J'ai lu la transcription de l'audience pour m'assurer qu'il n'y avait eu aucune preuve de partialité de la part des membres de la Commission. Je suis convaincu qu'il n'y a aucune crainte raisonnable de partialité en l'espèce.

3.          La CNLC a-t-elle commis une erreur de droit?

[48]            Le demandeur allègue que la décision de la CNLC aurait dû respecter l'alinéa 35)a) qui prévoit :


a) soit annulé la suspension si elle est d'avis, compte tenu de la conduite du délinquant depuis sa libération conditionnelle ou d'office, qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

(a) cancel the suspension, where the Board is satisfied that, in view of the offender's behaviour since release, the offender will not, by reoffending before the expiration of the offender's sentence according to law, present an undue risk to society;


[49]            Le demandeur fait valoir que même si sa conduite ne répondait pas aux attentes de la Commission, aucune preuve produite n'établissait qu'il allait récidiver. Il a dit que la CNLC avait révoqué sa libération conditionnelle pour qu'il collabore et non parce qu'il présentait un risque inacceptable pour la société.


[50]            Je suis convaincu que la CNLC a appliqué régulièrement la norme décrite à l'alinéa 135(5)a) de la LSCMC. En réalité, la très grande majorité des motifs invoqués par la Commission visent l'évaluation du risque que présente le demandeur pour la société. À mon avis, la libération conditionnelle du demandeur n'a pas été révoquée pour le seul motif qu'il avait un comportement qui ne correspondait pas aux attentes de la CNLC et qu'il avait violé les conditions de sa libération.

4.          La CNLC a-t-elle omis de prendre en considération des renseignements pertinents?

[51]            Le demandeur allègue que la CNLC aurait dû reporter l'audience en sachant qu'il n'avait pas subi le test polygraphique. Il a invoqué les motifs dissidents du juge Major dans l'arrêt Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75, au paragraphe 82, pour dire qu'il faut que : « le juge des faits tienne compte des seuls éléments pertinents et, sous réserve de quelques exceptions limitées, de tous les éléments pertinents. » Il a également souligné l'obligation de la CNLC en vertu de la loi de tenir compte de tous les renseignements pertinents disponibles :

Exigences en matière d'information

La qualité des renseignements contenus dans le dossier d'un délinquant est très importante pour la prise de décision. Durant l'examen du dossier, la Commission peut en venir à estimer qu'il lui est impossible de faire une évaluation raisonnable du risque présenté par le délinquant parce que des renseignements susceptibles d'être importants, qui devraient être disponibles, ne lui ont pas été fournis. Par exemple :

-               il manque certains renseignements qui, à son avis, pourraient influer sur la décision;

-               les renseignements donnés n'en comportent pas l'analyse nécessaire pour évaluer les changements favorables qui se sont produits chez le délinquant et(ou) s'appuient trop sur les propos du délinquant lui-même;

-               le plan de libération conditionnelle ne renferme pas certains renseignements qui s'avèrent essentiels, comme la confirmation de l'hébergement, ou l'enquête communautaire est inadéquate.


Dans une telle situation, la Commission prendra l'une ou l'autre des mesures suivantes :

-               elle demandera au SCC ou à d'autres autorités correctionnelles d'obtenir les renseignements, si cela est possible, avant l'audience requise, le cas échéant, ou avant la prise de décision;

-               elle reportera l'audience/l'examen, si elle peut le faire sans risquer de perdre sa compétence à l'égard du cas;

-               elle ajournera l'examen si les renseignements seront disponibles dans deux mois;

-               elle refusera la mise en liberté et informera les autorités correctionnelles et le délinquant qu'elle examinera le cas une fois qu'elle aura obtenu les renseignements nécessaires.

La Commission est consciente que, dans certains cas, des renseignements ne seront pas disponibles et qu'elle devra alors rendre la décision en se fondant sur l'information concernant les antécédents du délinquant que les autorités correctionnelles seront arrivées à recueillir en faisant de leur mieux et sur les évaluations qu'elles auront faites du délinquant durant l'exécution de sa peine (Manuel des politiques de la CNLC, 2.1 Évaluation du risque en vue des décisions prélibératoires - Critères et processus de la prise de décisions www.npb-cnlc.gc.ca/infocntr/policym [Non souligné dans l'original.]

[52]            L'utilisation du terme « peut » , au premier paragraphe de cette partie de la politique, illustre clairement que la non-disponibilité de l'information n'entraînera pas automatiquement l'ajournement ou le report de l'audience. La CNLC ne prendra cette décision que si elle estime que les renseignements manquants sont suffisamment importants pour qu'il lui soit impossible d'apprécier raisonnablement le risque en leur absence.

[53]            En outre, le demandeur a décidé de se présenter à l'audience même si son ALC avait changé sa recommandation au motif que le demandeur n'avait pas subi un test polygraphique. La commissaire a expressément demandé à M. Aney s'il voulait poursuivre.


[TRADUCTION]

Mme VAN KEITH :                Bien. M. Aney vous savez que la recommandation a été modifiée. Voulez-vous toujours que l'audience se poursuive?

M. ANEY :                             Oui.

[54]            En conclusion, je suis d'avis que la CNLC a bien tenu compte de tous les renseignements pertinents. Le test polygraphique devait permettre de savoir si le demandeur avait perpétré une quelconque infraction depuis l'obtention de sa libération conditionnelle totale en 1992. Je crois que les résultats du test polygraphique n'auraient rien changé à la décision de la CNLC. Le critère le plus important dont la CNLC devait tenir compte lors de l'audience était le risque que présentait l'appelant pour la société.

5.         La décision de la CNLC de révoquer la libération conditionnelle du demandeur a-t-elle porté atteinte au droit garanti au demandeur par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte)?

[55]            L'article 7 de la Charte prévoit :


             Vie, liberté et sécurité

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Life, liberty and security of person

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.


[56]            Dans Renvoi sur la Motor Vehicle Act (B.C.), [1985] 2 R.C.S. 486, à la page 515, le juge Lamer a dit :


[...] Manifestement, l'emprisonnement (y compris les ordonnances de probation) prive les personnes de leur liberté. Une infraction peut avoir cet effet dès que le juge peut imposer l'emprisonnement. Il n'est pas nécessaire que l'emprisonnement soit obligatoire [...]

[57]            Dans l'arrêt R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, au paragraphe 85, le juge La Forest a dit, au nom de la majorité des juges, que les dispositions relatives aux délinquants dangereux étaient justifiées en vertu de la Charte. Toutefois, il a dit qu'il ne fallait pas généraliser :

[...] Il est également clair que les exigences de la justice fondamentale ne sont pas immuables; elles varient selon le contexte dans lequel on les invoque. Ainsi, certaines garanties en matière de procédure pourraient être requises par la Constitution dans une situation donnée et ne pas l'être dans une autre [...]

[58]            Pour que le demandeur ait gain de cause en l'espèce, il doit démontrer : 1) qu'il a été privé de sa liberté; 2) que telle privation de sa liberté était contraire aux principes de justice fondamentale. La première question en soulève deux autres : 1) le demandeur a-t-il établi qu'il a été privé de liberté; 2) le cas échéant, cette privation est-elle suffisamment grave pour justifier la protection de la Charte (Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143, aux paragraphes 7 et 9).

Le demandeur a-t-il été privé de sa liberté?

[59]            Dans Dumas c. Centre de détention Leclerc, [1986] 2 R.C.S. 459, à la page 464, la Cour suprême a dit :

[...] Dans le contexte de la libération conditionnelle, la détention continue d'un détenu ne deviendra illégale que s'il a acquis le statut de libéré conditionnel [...]


En l'espèce, le demandeur a obtenu sa libération conditionnelle et il est donc privé de sa liberté en raison de la révocation de cette libération.

[60]            La deuxième question qui se pose est de savoir si la privation est suffisamment grave pour justifier la protection de la Charte. La libération d'un détenu ne déclenche pas nécessairement l'application de l'article 7 de la Charte. La qualification doit être suffisamment importante pour justifier la protection de la Constitution. Selon le juge Lamer dans l'arrêt Dumas, précité, à la page 464, il faut « une modification importante des conditions d'incarcération qui équivaut à une nouvelle privation de liberté » .

[61]            En l'espèce, le demandeur avait eu l'occasion de purger sa peine dans la collectivité à certaines conditions. La révocation de sa libération conditionnelle est suffisamment importante pour équivaloir à une nouvelle privation de liberté. Ce changement a été reconnu comme justifiant la protection de l'article 7 dans R. c. Gamble, [1988] 2 R.C.S. 595.

La privation de sa liberté est-elle contraire aux principes de justice fondamentale?

[62]            Dans l'arrêt Cunningham, précité, la Cour suprême du Canada a réitéré la position adoptée par le juge Lamer dans Renvoi sur la Motor Vehicle Act (B.C.), précité, aux pages 502 et 503, selon laquelle les principes de justice fondamentale ne sont pas uniquement régis par l'intérêt de la personne qui prétend avoir été privée de sa liberté, mais également par la protection du public. La justice fondamentale exige un juste équilibre entre ces intérêts.


[63]            Lors d'une audition en matière de révocation, la Commission doit mettre en balance l'intérêt du délinquant et la sécurité du public. Le comportement du libéré conditionnel dans la collectivité est le facteur le plus important pour décider s'il est un danger pour la sécurité du public.

[64]            Je suis convaincu que la CNLC n'a commis aucune erreur dans l'appréciation du risque que représente le comportement du demandeur. Elle a accordé une importance suffisante à tous les facteurs pertinents. Il n'y a eu aucune violation de l'article 7 de la Charte en l'espèce.

6.         La peine du demandeur est-elle une « peine cruelle et inusitée » contrairement à l'article 12 de la Charte?

[65]            Le demandeur prétend que les dispositions législatives concernant les DD sont présumées ne pas violer l'article 12 de la Charte puisque le processus de libération conditionnelle « permet vraiment d'adapter la peine à la situation de chaque délinquant » (Lyons, précité, à la page 31). Il prétend que sa peine de durée indéterminée est une peine cruelle et inusitée contrairement à l'article 12 de la Charte puisqu'elle n'était pas adaptée à sa situation.

[66]            Dans Lyons, précité, à la page 341, le juge La Forest a dit :


À mon avis, si la peine imposée sous le régime de la partie XXI était pour une période indéterminée, purement et simplement, il en résulterait certainement, du moins parfois, des peines exagérément disproportionnées à ce que mériteraient des délinquants. Toutefois, j'estime que le processus de la libération conditionnelle vient empêcher que les dispositions législatives en cause ne puissent être contestées avec succès en vertu de l'art. 12, car ce processus est le gage d'une incarcération qui ne durera dans chaque cas que le temps dicté par les circonstances.

Le juge Cory a donc conclu que la détention de durée indéterminée ne contrevenait pas à l'article 12 de la Charte (Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2 R.C.S. 1385, au paragraphe 58).

[67]            Dans la présente affaire, le demandeur a obtenu la libération conditionnelle à quelques reprises. Néanmoins, il n'a pas respecté les conditions de sa libération. Dans l'arrêt Steele, précité, au paragraphe 65, la Cour suprême a dit que la CNLC devait examiner soigneusement les critères suivants avant d'accorder la libération conditionnelle : 1) l'effet positif maximal de l'emprisonnement a été atteint par le détenu, 2) la libération conditionnelle facilitera son amendement et sa réadaptation, 3) sa mise en liberté ne constitue pas un risque trop grand pour la société.

[68]            En l'espèce, non seulement la mise en liberté du demandeur constituait un risque inacceptable pour la société, mais la CNLC avait également conclu que le demandeur devait suivre un programme supplémentaire pour délinquants sexuels pour qu'il puisse maîtriser ses pulsions sexuelles dysfonctionnelles qu'elle jugeait poser un risque élevé.

[69]            Après avoir examiné toute la preuve dont la Cour est saisie, je ne saurais conclure que la peine pour une période indéterminée infligée au demandeur constitue une peine cruelle et inusitée contrairement à l'article 12 de la Charte.

Arguments divers

[70]            Aux pages 455 à 482 de son dossier, le demandeur soulève plusieurs allégations relativement à la désignation de délinquant dangereux, à son transfert et à la suspension et la révocation antérieures de sa libération conditionnelle. Ces questions auraient pu faire l'objet d'un contrôle judiciaire en soi. Toutefois, à cette époque, le demandeur a décidé, pour une raison quelconque, de ne pas demander le contrôle judiciaire. Il est évident que la demande est prescrite. La Cour n'a pas compétence pour traiter de ces questions dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[71]            Le demandeur sollicite le retrait de la désignation de délinquant dangereux, ce qui n'est pas du ressort de la Cour. Le contrôle judiciaire ne vise que la décision de la Section d'appel et celle de la CNLC.

[72]            Le demandeur n'a pas établi que la décision de la Section d'appel et celle de la CNLC sont susceptibles de contrôle.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                              _ Michel Beaudry _                     

                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Annexe

Suspension, cessation, révocation et ineffectivité de la libération conditionnelle ou d'office ou de la surveillance de longue durée



Suspension, cessation, révocation et ineffectivité de la libération conditionnelle ou d'office ou de la surveillance de longue durée

Suspension

135. (1) En cas d'inobservation des conditions de la libération conditionnelle ou d'office ou lorsqu'il est convaincu qu'il est raisonnable et nécessaire de prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces conditions ou pour protéger la société, un membre de la Commission ou la personne que le président ou le commissaire désigne nommément ou par indication de son poste peut, par mandat :

a) suspendre la libération conditionnelle ou d'office;

b) autoriser l'arrestation du délinquant;

c) ordonner la réincarcération du délinquant jusqu'à ce que la suspension soit annulée ou que la libération soit révoquée ou qu'il y soit mis fin, ou encore jusqu'à l'expiration légale de la peine.

Transfèrement

(2) La personne désignée en vertu du paragraphe (1) peut, par mandat, ordonner le transfèrement dans un pénitencier du délinquant réincarcéré, aux termes de l'alinéa (1)c), ailleurs que dans un pénitencier.

Examen de la suspension

(3) La personne qui a signé le mandat visé au paragraphe (1), ou toute autre personne désignée en vertu de ce paragraphe, doit, dès que le délinquant mentionné dans le mandat est réincarcéré, examiner son cas et :

a) dans le cas d'un délinquant qui purge une peine d'emprisonnement de moins de deux ans, dans les quatorze jours qui suivent si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi étant accompagné d'une évaluation du cas;b) dans les autres cas, dans les trente jours qui suivent, si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi étant accompagné d'une évaluation du cas et, s'il y a lieu, d'une liste des conditions qui, à son avis, permettraient au délinquant de bénéficier de nouveau de la libération conditionnelle ou d'office.

Examen par la Commission

(4) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui purge une peine de moins de deux ans, la Commission examine le cas et, dans le délai réglementaire, soit annule la suspension, soit révoque la libération ou y met fin.

Annulation de la suspension ou révocation

(5) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui purge une peine de deux ans ou plus, la Commission examine le cas et, dans le délai réglementaire, à moins d'accorder un ajournement à la demande du délinquant :

a) soit annule la suspension si elle est d'avis, compte tenu de la conduite du délinquant depuis sa libération conditionnelle ou d'office, qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

b) soit, si elle n'a pas cette conviction, met fin à la libération si celle-ci a été suspendue pour des raisons qui ne sont pas imputables au délinquant ou la révoque, dans le cas contraire;

c) soit révoque la libération ou y met fin si le délinquant n'y est plus admissible ou n'y a plus droit.

Idem

(6) Dans le cas où elle annule une suspension, la Commission peut, si elle l'estime nécessaire et raisonnable afin de protéger la société ou de favoriser la réinsertion sociale du délinquant :

a) l'avertir qu'elle n'est pas satisfaite de son comportement depuis sa libération;

b) modifier les conditions de la libération;

c) ordonner que l'annulation n'entre en vigueur qu'à l'expiration du délai maximal de trente jours qu'elle fixe à compter de la date de la décision, si la violation des conditions de la libération qui a donné lieu à la suspension constituait au moins la seconde violation entraînant une suspension au cours de la peine que purge le délinquant.

Transmission de la décision d'annulation de la suspension

(6.1) La personne visée au paragraphe (3) ou la Commission, selon le cas, notifie l'annulation de la suspension, ou transmet électroniquement une copie de la notification, au responsable du lieu où le délinquant est sous garde.

Pouvoir additionnel de la Commission

(7) En outre, la Commission peut, à tout moment lorsqu'elle est convaincue qu'une récidive -- avant l'expiration légale de la peine -- durant la libération conditionnelle ou d'office du délinquant présentera un risque inacceptable pour la société :

a) révoquer ou mettre fin à cette libération si le délinquant n'y est plus admissible ou n'y a plus droit;

b) s'il y est admissible ou y a droit, mettre fin à la libération lorsque le risque pour la société dépend de facteurs qui ne sont pas imputables au délinquant ou la révoquer, dans le cas contraire.

Idem

(8) La Commission dispose des pouvoirs que lui confère le paragraphe (7) même si le délinquant bénéficie d'une libération conditionnelle ou d'office et est condamné à une autre peine d'emprisonnement pour une infraction commise avant ou après cette mise en liberté.

Révision

(9) En cas de révision d'une décision rendue en vertu du paragraphe (7), la Commission doit, au cours de la période prévue par règlement, confirmer ou annuler celle-ci.

Révocation de la libération conditionnelle ou d'office

(9.1) Lorsque la libération conditionnelle ou d'office d'un délinquant n'a pas été révoquée ou qu'il n'y a pas été mis fin et que celui-ci est réincarcéré pour une peine d'emprisonnement supplémentaire pour une infraction à une loi fédérale, sa libération conditionnelle ou d'office est révoquée à la date de cette nouvelle incarcération.

Exception

(9.2) Le paragraphe (9.1) ne s'applique pas si la peine supplémentaire n'est pas à purger à la suite de la peine en cours et se rapporte à une infraction commise avant le début de l'exécution de cette dernière.

Ineffectivité

(9.3) Lorsqu'un délinquant en liberté conditionnelle est condamné au type de peine supplémentaire visé au paragraphe (9.2) et que la date d'admissibilité à la libération conditionnelle déterminée conformément aux articles 119, 120 ou 120.2 est postérieure à celle de la condamnation à la peine supplémentaire, la libération conditionnelle devient ineffective et le délinquant est réincarcéré.

Non-application du paragraphe (9.1)

(9.4) Sauf déclaration contraire, au titre du paragraphe 113(1), du lieutenant-gouverneur en conseil d'une province où a été instituée une commission provinciale, le paragraphe (9.1) ne s'applique pas aux délinquants qui relèvent de cette dernière, à l'exception de ceux qui :

a) soit purgent une peine d'emprisonnement dans un établissement correctionnel de la province en vertu d'un accord visé au paragraphe 16(1);

b) soit, en raison de leur condamnation à une peine supplémentaire du type visé au paragraphe (9.1), sont tenus, aux termes de l'article 743.1 du Code criminel, de purger leur peine dans un pénitencier.

Ineffectivité de la libération conditionnelle

(9.5) Lorsque la libération conditionnelle d'un délinquant auquel le paragraphe (9.1) ne s'applique pas n'a pas été révoquée ou qu'il n'y a pas été mis fin et que le délinquant est condamné à une peine d'emprisonnement -- à purger à la suite de la peine en cours -- pour une infraction à une loi fédérale, la libération conditionnelle devient ineffective et le délinquant est réincarcéré pour une période, déterminée à compter de la date de la condamnation, égale au temps d'épreuve sur la peine supplémentaire. Le délinquant, à l'expiration de cette période et sous réserve de la présente loi, est remis en liberté conditionnelle, à moins que celle-ci ait été révoquée ou qu'il y ait été mis fin.

Présomption

(10) Pour l'application de la présente partie, le délinquant qui est réincarcéré est réputé purger sa peine.

Présomption

(11) En cas d'annulation de la suspension de la libération conditionnelle ou d'office, le délinquant est réputé, pour l'application de la présente loi, avoir purgé sa peine pendant la période commençant à la date de la suspension et se terminant à la date de l'annulation.

Suspension, Termination, Revocation and Inoperativeness of Parole, Statutory Release or Long-Term Supervision

Suspension of parole or statutory release

135. (1) A member of the Board or a person, designated by name or by position, by the Chairperson of the Board or by the Commissioner, when an offender breaches a condition of parole or statutory release or when the member or person is satisfied that it is necessary and reasonable to suspend the parole or statutory release in order to prevent a breach of any condition thereof or to protect society, may, by warrant,

(a) suspend the parole or statutory release;

(b) authorize the apprehension of the offender; and

(c) authorize the recommitment of the offender to custody until the suspension is cancelled, the parole or statutory release is terminated or revoked or the sentence of the offender has expired according to law.

Transfer of offender

(2) A person designated pursuant to subsection (1) may, by warrant, order the transfer to penitentiary of an offender who is recommitted to custody pursuant to subsection (1) in a place other than a penitentiary.

Cancellation of suspension or referral

(3) The person who signs a warrant pursuant to subsection (1) or any other person designated pursuant to that subsection shall, forthwith after the recommitment of the offender, review the offender's case and

(a) where the offender is serving a sentence of less than two years, cancel the suspension or refer the case to the Board together with an assessment of the case, within fourteen days after the recommitment or such shorter period as the Board directs; or

(b) in any other case, within thirty days after the recommitment or such shorter period as the Board directs, cancel the suspension or refer the case to the Board together with an assessment of the case stating the conditions, if any, under which the offender could in that person's opinion reasonably be returned to parole or statutory release.

Review by Board

(4) The Board shall, on the referral to it of the case of an offender serving a sentence of less than two years, review the case and, within the period prescribed by the regulations, either cancel the suspension or terminate or revoke the parole.

Idem

(5) The Board shall, on the referral to it of the case of an offender serving a sentence of two years or more, review the case and, within the period prescribed by the regulations, unless the Board grants an adjournment at the offender's request,

(a) cancel the suspension, where the Board is satisfied that, in view of the offender's behaviour since release, the offender will not, by reoffending before the expiration of the offender's sentence according to law, present an undue risk to society;

(b) where the Board is not satisfied as provided in paragraph (a), terminate the parole or statutory release of the offender if it was suspended by reason of circumstances beyond the offender's control or revoke it in any other case; or

(c) where the offender is no longer eligible for the parole or entitled to be released on statutory release, terminate or revoke it.

Terms of cancellation

(6) If in the Board's opinion it is necessary and reasonable to do so in order to protect society or to facilitate the reintegration of the offender into society, the Board, when it cancels a suspension of the parole or statutory release of an offender, may

(a) reprimand the offender in order to warn the offender of the Board's dissatisfaction with the offender's behaviour since release;

(b) alter the conditions of the parole or statutory release; and

(c) order the cancellation not to take effect until the expiration of a specified period not exceeding thirty days after the date of the Board's decision, where the offender violated the conditions of parole or statutory release on the occasion of the suspension and on at least one previous occasion that led to a suspension of parole or statutory release during the offender's sentence.

Transmission of cancellation of suspension

(6.1) Where a person referred to in subsection (3) or the Board cancels a suspension under this section, the person or the Board, as the case may be, shall forward a notification of the cancellation of the suspension or an electronically transmitted copy of the notification to the person in charge of the facility in which the offender is being held.

Additional power of the Board

(7) Independently of subsections (1) to (6), where the Board is satisfied that the continued parole or statutory release of an offender would constitute an undue risk to society by reason of the offender reoffending before the expiration of the sentence according to law, the Board may, at any time,

(a) where the offender is no longer eligible for the parole or entitled to be released on statutory release, terminate or revoke the parole or statutory release; or

(b) where the offender is still eligible for the parole or entitled to be released on statutory release,

(i) terminate the parole or statutory release, where the undue risk to society is due to circumstances beyond the offender's control, or

(ii) revoke the parole or statutory release, where the undue risk to society is due to circumstances within the offender's control.

Power not affected by new sentence

(8) The Board may exercise its power under subsection (7) notwithstanding any new sentence to which the offender becomes subject after being released on parole or statutory release, whether or not the new sentence is in respect of an offence committed before or after the offender's release on parole or statutory release.

Review by Board

(9) Where the Board exercises its power under subsection (7), it shall review its decision at times prescribed by the regulations, at which times it shall either confirm or cancel its decision.

Revocation of parole or statutory release

(9.1) Where an offender whose parole or statutory release has not been terminated or revoked is incarcerated as a result of an additional sentence for an offence under an Act of Parliament, the parole or statutory release, as the case may be, is revoked on the day on which the offender is incarcerated as a result of the additional sentence.

Exception

(9.2) Subsection (9.1) does not apply where the additional sentence is to be served concurrently with, and is in respect of an offence committed before the commencement of, the sentence to which the parole or statutory release applies.

Parole inoperative where parole eligibility date in future

(9.3) Where an offender who is released on parole receives an additional sentence described in subsection (9.2) and the day determined in accordance with section 119, 120 or 120.2, as the case may be, on which the offender is eligible for parole is later than the day on which the offender received the additional sentence, the parole becomes inoperative and the offender shall be reincarcerated.

Non-application of subsection (9.1)

(9.4) Unless the lieutenant governor in council of a province in which there is a provincial parole board makes a declaration under subsection 113(1) that subsection (9.1) applies in respect of offenders under the jurisdiction of that provincial parole board, subsection (9.1) does not apply in respect of such offenders, other than an offender who

(a) is serving a sentence in a provincial correctional facility pursuant to an agreement entered into under paragraph 16(1)(a); or

(b) as a result of receiving an additional sentence referred to in subsection (9.1), is required, pursuant to section 743.1 of the Criminal Code, to serve the sentence in a penitentiary.

Parole inoperative where consecutive sentence

(9.5) Where an offender to whom subsection (9.1) does not apply who is on parole that has not been revoked or terminated receives an additional sentence, for an offence under an Act of Parliament, that is to be served consecutively with the sentence the offender was serving when the additional sentence was imposed, the parole becomes inoperative and the offender shall be reincarcerated until the day on which the offender has served, from the day on which the additional sentence was imposed, the period of ineligibility in relation to the additional sentence and, on that day, the parole is resumed, subject to the provisions of this Act, unless, before that day, the parole has been revoked or terminated.

Continuation of sentence

(10) For the purposes of this Part, an offender who is in custody by virtue of this section continues to serve the offender's sentence.

Time at large during suspension

(11) For the purposes of this Act, where a suspension of parole or statutory release is cancelled, the offender is deemed, during the period beginning on the day of the issuance of the suspension and ending on the day of the cancellation of the suspension, to have been serving the sentence to which the parole or statutory release applies.



Compétence de la Commission


Compétence

107. (1) Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, de la Loi sur le transfèrement des délinquants, de la Loi sur la défense nationale, de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et du Code criminel, la Commission a toute compétence et latitude pour :

a) accorder une libération conditionnelle;

b) mettre fin à la libération conditionnelle ou d'office, ou la révoquer que le délinquant soit ou non sous garde en exécution d'un mandat d'arrêt délivré à la suite de la suspension de sa libération conditionnelle ou d'office;

c) annuler l'octroi de la libération conditionnelle ou la suspension, la cessation ou la révocation de la libération conditionnelle ou d'office;

d) examiner les cas qui lui sont déférés en application de l'article 129 et rendre une décision à leur égard;

e) accorder une permission de sortir sans escorte, ou annuler la décision de l'accorder dans le cas du délinquant qui purge, dans un pénitencier, une peine d'emprisonnement, selon le cas :

(i) à perpétuité comme peine minimale ou à la suite de commutation de la peine de mort,

(ii) d'une durée indéterminée,

(iii) pour une infraction mentionnée à l'annexe I ou II.

Jurisdiction of Board

107. (1) Subject to this Act, the Prisons and Reformatories Act, the Transfer of Offenders Act, the National Defence Act, the Crimes Against Humanity and War Crimes Act and the Criminal Code, the Board has exclusive jurisdiction and absolute discretion

(a) to grant parole to an offender;

(b) to terminate or to revoke the parole or statutory release of an offender, whether or not the offender is in custody under a warrant of apprehension issued as a result of the suspension of the parole or statutory release;

(c) to cancel a decision to grant parole to an offender, or to cancel the suspension, termination or revocation of the parole or statutory release of an offender;

(d) to review and to decide the case of an offender referred to it pursuant to section 129; and

(e) to authorize or to cancel a decision to authorize the unescorted temporary absence of an offender who is serving, in a penitentiary,

(i) a life sentence imposed as a minimum punishment or commuted from a sentence of death,

(ii) a sentence for an indeterminate period, or

(iii) a sentence for an offence set out in Schedule I or II.


Appel



Section d'appel

Constitution de la Section d'appel

146. (1) Est constituée la Section d'appel composée d'un maximum de six membres de la Commission -- dont le vice-président -- choisis par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre, parmi les membres à temps plein nommés en vertu de l'article 103.

Indépendance

(2) Un membre de la Section d'appel ne peut siéger en appel d'une décision qu'il a rendue.

Idem                       

(3) De même, le membre d'un comité de la Section d'appel qui ordonne un nouvel examen en vertu du paragraphe 147(4) ne peut faire partie d'un comité de la Commission qui procède au réexamen ni d'un comité de la Section d'appel qui par la suite est saisi du dossier en appel.

Appel auprès de la Section d'appel

Droit d'appel

147. (1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d'appel pour l'un ou plusieurs des motifs suivants :

a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;

b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;

c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;

d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;

e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l'exercer.

Décision du vice-président

(2) Le vice-président de la Section d'appel peut refuser d'entendre un appel sans qu'il y ait réexamen complet du dossier dans les cas suivants lorsque, à son avis :

a) l'appel est mal fondé et vexatoire;

b) le recours envisagé ou la décision demandée ne relève pas de la compétence de la Commission;

c) l'appel est fondé sur des renseignements ou sur un nouveau projet de libération conditionnelle ou d'office qui n'existaient pas au moment où la décision visée par l'appel a été rendue;                            

d) lors de la réception de l'avis d'appel par la Section d'appel, le délinquant a quatre-vingt-dix jours ou moins à purger.

Délais et modalités

(3) Les délais et les modalités d'appel sont fixés par règlement.

Décision

(4) Au terme de la révision, la Section d'appel peut rendre l'une des décisions suivantes :

a) confirmer la décision visée par l'appel;

b) confirmer la décision visée par l'appel, mais ordonner un réexamen du cas avant la date normalement prévue pour le prochain examen;

c) ordonner un réexamen du cas et ordonner que la décision reste en vigueur malgré la tenue du nouvel examen;

d) infirmer ou modifier la décision visée par l'appel.

Mise en liberté immédiate

(5) Si sa décision entraîne la libération immédiate du délinquant, la Section d'appel doit être convaincue, à la fois, que :

a) la décision visée par l'appel ne pouvait raisonnablement être fondée en droit, en vertu d'une politique de la Commission ou sur les renseignements dont celle-ci disposait au moment de l'examen du cas;

b) le retard apporté à la libération du délinquant serait inéquitable.

Appeal Division

Constitution of Appeal Division

146. (1) There shall be a division of the Board known as the Appeal Division, consisting of not more than six full-time members designated by the Governor in Council on the recommendation of the Minister from among the members appointed pursuant to section 103, and one of those members shall be designated Vice-Chairperson, Appeal Division.

Disqualification

(2) A member of the Appeal Division may not sit on an appeal from a decision in which the member participated.

Idem

(3) A member of a panel of the Appeal Division that orders a new review of a case pursuant to subsection 147(4) may not sit on the panel of the Board that reviews the case or on a panel of the Appeal Division that subsequently reviews the case on an appeal.

Appeal to Appeal Division

Right of appeal

147. (1) An offender may appeal a decision of the Board to the Appeal Division on the ground that the Board, in making its decision,

(a) failed to observe a principle of fundamental justice;

(b) made an error of law;

(c) breached or failed to apply a policy adopted pursuant to subsection 151(2);

(d) based its decision on erroneous or incomplete information; or

(e) acted without jurisdiction or beyond its jurisdiction, or failed to exercise its jurisdiction.

Decision of Vice-Chairperson

(2) The Vice-Chairperson, Appeal Division, may refuse to hear an appeal, without causing a full review of the case to be undertaken, where, in the opinion of the Vice-Chairperson,

(a) the appeal is frivolous or vexatious;

(b) the relief sought is beyond the jurisdiction of the Board;

(c) the appeal is based on information or on a new parole or statutory release plan that was not before the Board when it rendered the decision appealed from; or

(d) at the time the notice of appeal is received by the Appeal Division, the offender has ninety days or less to serve before being released from imprisonment.

Time and manner of appeal

(3) The time within which and the manner in which a decision of the Board may be appealed shall be as prescribed by the regulations.

Decision on appeal

(4) The Appeal Division, on the completion of a review of a decision appealed from, may

(a) affirm the decision;

(b) affirm the decision but order a further review of the case by the Board on a date earlier than the date otherwise provided for the next review;

(c) order a new review of the case by the Board and order the continuation of the decision pending the review; or

(d) reverse, cancel or vary the decision.

Conditions of immediate release

(5) The Appeal Division shall not render a decision under subsection (4) that results in the immediate release of an offender from imprisonment unless it is satisfied that

(a) the decision appealed from cannot reasonably be supported in law, under the applicable policies of the Board, or on the basis of the information available to the Board in its review of the case; and

(b) a delay in releasing the offender from imprisonment would be unfair.



                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                      T-1318-02

INTITULÉ :                                     ROY ANEY

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU               CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 2 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :              LE 7 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Roy Aney                                           DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Edward Burnet                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roy Aney                                           DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Vancouver (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)


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