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Date : 20010808

Dossier : T-518-85

Ottawa (Ontario), le 8 août 2001

En présence de MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

                    GEORGE KINGFISHER, BEN WEENIE,

                     LESLIE ANGUS, LARRY CHICKNESS,

             LOLA OKEEWEEHOW et DONALD HIGGINS,

                 en leur propre nom et au nom des descendants

                          de la Bande du Chef Chipeewayan

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

                                           ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉ ET DÉCIDÉ CE QUI SUIT :

L'action est rejetée.


Les avocats sont invités à communiquer avec la Cour, dans un délai de trente (30) jours après la date des présents motifs, pour que des dispositions soient prises en vue d'un débat sur les dépens, à moins qu'ils ne s'entendent sur cet aspect. Si tel est le cas, la Cour devra en être informée sans délai.

                                                       

Juge

Ottawa (Ontario)

le 8 août 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010808

Dossier : T-518-85

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 858

ENTRE :

                    GEORGE KINGFISHER, BEN WEENIE,

                     LESLIE ANGUS, LARRY CHICKNESS,

             LOLA OKEEWEEHOW et DONALD HIGGINS,

                 en leur propre nom et au nom des descendants

                          de la Bande du Chef Chipeewayan

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                 Ces motifs disposent d'une action dont l'origine est une déclaration déposée le 15 mars 1985, dans laquelle les demandeurs sollicitaient les redressements suivants :


a)         une ordonnance selon laquelle la défenderesse avait une obligation fiduciaire envers les demandeurs et selon laquelle il y a eu contravention à cette obligation;

b)         des dommages-intérêts;

           c)         subsidiairement, une ordonnance selon laquelle la présumée cession de la réserve indienne de Stony Knoll no 107 était nulle dès l'origine;

           d)         le redressement additionnel ou subsidiaire qui sera jugé équitable; et

           e)         les dépens de l'action.

[2]                 Dans un document intitulé « Mémoire des demandeurs » , remis à la Cour durant l'audition de cette affaire, les redressements demandés sont expliqués dans les termes suivants, sous la rubrique « Quel est le redressement demandé? » :

           1)         une déclaration selon laquelle il n'y a pas eu cession licite de la R.I. no 107 (réserve de Stony Knoll) et selon laquelle le décret C.P. 1155 [1897] est illégal et sans effet en raison des règles impératives de la Loi sur les Indiens concernant les cessions;

           2)         une déclaration selon laquelle la défenderesse avait avant la cession une obligation fiduciaire envers tous les Indiens détenant un intérêt dans la R.I. no 107;

           3)         une déclaration selon laquelle la défenderesse a contrevenu à son obligation fiduciaire antérieure à la cession, en prétendant adopter le décret C.P. 1155 [1897] et en transférant par la suite à des tiers la possession et le titre des terres formant la R.I. no 107;


           4)         une déclaration selon laquelle un ou plusieurs des demandeurs ont l'intérêt pour agir dans la présente action;

           5)         une ordonnance réservant à une audition future devant la Cour la question des dommages-intérêts découlant de la contravention à l'obligation fiduciaire de la défenderesse;

           6)         une ordonnance enjoignant dans l'intervalle la défenderesse de verser aux demandeurs des sommes suffisantes pour leur permettre de préparer et présenter une évaluation de la nature et du quantum des dommages-intérêts qui seront accordés;

           7)         une ordonnance enjoignant la défenderesse de produire un compte rendu comptable de l'aliénation de la R.I. no 107, y compris le détail des conditions auxquelles la possession et le titre ont été transférés par la Couronne;

           8)         Les dépens, qui feront l'objet de conclusions.

CONTEXTE

[3]                 Le 23 août 1876, à Fort Carleton, dans ce qui faisait alors partie des Territoires du Nord-Ouest, le Chef Chipeewayan et quatre conseillers ont signé le Traité no 6 en leur propre nom et au nom des autres membres de la Bande du Chef Chipeewayan (la Bande).


[4]                 Par le Traité no 6, le gouvernement du Canada acquérait, des sept bandes dont les représentants avaient signé le Traité le 23 août 1876, et d'autres bandes qui le signèrent plus tard, le « titre juridique préexistant indépendant » sur 121 000 milles carrés de terres. En échange, le gouvernement du Canada promettait, dans le 13e paragraphe du Traité no 6, « de mettre à part des réserves propres à la culture de la terre... et d'autres réserves pour l'avantage des dits Sauvages » , et indiquait que « le surintendant en chef des Affaires des Sauvages devra députer et envoyer une personne compétente pour déterminer et assigner les réserves pour chaque bande, après s'être consulté avec les Sauvages de telle bande quant au site que l'on pourra trouver le plus convenable pour eux » .

[5]                 La réserve indienne de Stony Knoll no 107, sur la rive sud de la rivière Saskatchewan Nord, à dix milles au sud-ouest de Carlton House, fut déterminée, arpentée et mise de côté pour la Bande en 1879 par l'arpenteur fédéral George A. Simpson et en juillet 1888 par l'arpenteur fédéral John C. Nelson. Le 17 mai 1889, la réserve de Stony Knoll fut confirmée par le décret C.P. 1151/1889. La Réserve s'étendait sur environ 30 milles carrés.


[6]                 La réserve de Stony Knoll n'a jamais été peuplée par la Bande[1].

[7]                 En 1878, les membres de la Bande recevaient leurs rentes conformément au Traité no 6 dans le district de Battleford. Les livres de rentes indiquent qu'à l'époque, la Bande comprenait 69 personnes réparties dans 19 familles. La Bande est demeurée dans le district de Battleford jusqu'en 1879. Les livres de rentes de cette année-là indiquent que la Bande se composait de 52 personnes réparties dans 14 familles.

[8]                 Au cours des premières années qui ont suivi la signature du Traité no 6, de nombreuses familles sont passées d'une bande à une autre. La plupart des bandes auxquelles le Traité no 6 s'appliquait ont continué de s'adonner à leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche et donc menaient une existence nomade. Après que les réserves furent arpentées pour les diverses bandes de la région visée par le traité, les membres des bandes ont commencé de se sédentariser, mais ce fut un processus graduel freiné par l'absence de traditions agricoles parmi les membres des bandes, leur hésitation à abandonner la vie nomade, enfin un niveau de compréhension et de soutien de la part du gouvernement du Canada que l'on pourrait à tout le moins qualifier de très bas.


[9]                 La Bande était retournée dans la région de Fort Carlton en 1880 et elle recevait des rentes à cet endroit. Les livres de rentes montrent que la Bande se composait alors de 46 personnes réparties dans 10 familles.

[10]            En 1881, les membres de la Bande faisaient partie du groupe étendu des « Indiens de Battleford » , qui se dirigeait vers le Sud. Six familles de la Bande furent payées à Fort Walsh en tant que « traînards » . Deux familles ont été payées à Fort Walsh avec la Bande Piapot.

[11]            Seules quatre familles sont retournées vers le district de Battleford avec le chef d'alors, Young Chipeewayan, et ont reçu à cet endroit leurs rentes en 1882. Deux familles sont demeurées dans le Sud et ont été payées en tant que « traînards » à Fort Walsh. Une famille a été payée avec la Bande Piapot.

[12]            En 1883, selon les livres de rentes, seules deux familles furent payées comme membres de la Bande. Les autres familles qui ont à quelque moment été payées en tant que membres de la Bande étaient payées en vertu des livres de rentes d'autres bandes.

[13]                         L'extrait suivant est tiré d'un mémorandum du surintendant adjoint des Affaires indiennes en date du 15 novembre 1883 :


[TRADUCTION]

À Fish Creek, il y a trois réserves appartenant respectivement à Moosimin, Thunder Child et Young Chippewayan. Aucun d'eux sauf Moosimin ne semble s'être installé sur sa propre réserve, Thunder Child et Young Chippewayan étant également sur la réserve de Moosimin : ils sont récemment revenus du Sud avec leurs partisans. Le Commissaire a pensé qu'il valait mieux les mettre sur la réserve de Moosimin, mais les deux sont insatisfaits et s'en sont entretenus avec le soussigné, Thunder Child affirmant que, pour sa part, le travail qu'il faisait sur la réserve de Moosimin n'avait aucune valeur pour lui-même ou pour la Bande, car il se faisait sur la terre de ce chef, et qu'il voulait se mettre au travail et améliorer sa propre réserve. L'instructeur reconnaissait à ce chef un très bon caractère. Il le décrit comme très industrieux et comme un exemple à suivre pour les autres Indiens. Moosimin s'oppose énergiquement à ce que ces bandes indiennes soient situées sur sa réserve, et elles n'ont strictement parlant aucun droit de s'y trouver, puisque le Traité prévoit une réserve pour chaque chef[2].

Comme on l'a dit auparavant, lorsque les lignes ci-dessus ont été rédigés, aucune réserve n'avait été officiellement confirmée en faveur de la Bande.

[14]                         En réponse à une demande de renseignements concernant la Bande et ses membres, le même auteur écrivait le 8 juillet 1884 que :

[TRADUCTION]

... il serait extrêmement difficile de les retrouver, et des moyens sont pris aujourd'hui pour faire en sorte que les quelques membres qui sont encore ses partisans [les partisans du chef Young Chipeewayan] se joignent à d'autres bandes, car ils ne valent pas cher[3].

[15]                         Lorsque les membres de la Bande ont reçu leurs rentes le 17 octobre 1884, ils se trouvaient dans la réserve Thunder Child. Il s'agissait de 18 personnes réparties dans deux familles. D'autres personnes qui étaient semblent-ils membres de la Bande étaient payées comme « traînards » dans d'autres réserves.


[16]                         En 1885, après la rébellion de cette année-là, et malgré ce qui suit immédiatement, les membres de la Bande furent inscrits comme « rebelles » et n'ont pas reçu de rentes. Les deux familles considérées alors comme constituant la Bande vivaient dans la réserve Thunder Child. Ni elles ni les membres de la Bande Thunder Child n'étaient considérés comme ayant pris une part directe à la rébellion. Les autres personnes considérées plus généralement comme « membres » de la Bande n'étaient pas non plus considérées comme ayant pris une part directe à la rébellion.

[17]                         La Bande fut inscrite comme bande se trouvant dans la réserve Thunder Child pour 1886 et 1887.

[18]                         Les rentes furent rétablies pour les membres de la Bande en 1888. Encore une fois, on jugea que les membres de la Bande se trouvaient sur la réserve Thunder Child, et leurs rentes ont été payées à cet endroit. La Bande était considérée comme comprenant alors deux familles, composées de femmes et d'enfants.

[19]                         Lorsque la réserve de Stony Knoll fut confirmée par décret en mai 1889, comme on l'a dit précédemment, la Bande était alors considérée comme comprenant trois femmes et neuf enfants, répartis dans deux familles, qui vivaient dans la réserve Thunder Child. Les rentes de 1889 ont été payées aux membres des deux familles, considérées comme partie de la Bande Thunder Child.


[20]                         Aucun particulier n'a reçu de rente en tant que membre de la Bande après 1889.

[21]                         Par décret C.P. 1155/1897[4], et apparemment sans consultation préalable avec les membres de la Bande et sans que des moyens soient pris pour identifier les membres de la Bande à des fins de consultation, une autorisation fut accordée [TRADUCTION] « ... pour l'abandon par le ministère des Affaires indiennes... du contrôle des terres formant... » la réserve de Stony Knoll. Le contrôle passa au ministère de l'Intérieur. La réserve de Stony Knoll cessa en fait d'exister comme réserve pour la Bande ou une autre bande. Aucune indemnité n'a été payée ou attribuée d'une autre manière à un membre de la Bande.

LA PREUVE

                  1) Preuve généalogique d'expert


[22]                         Deux rapports d'expert décrivant la généalogie des demandeurs et autres ont été produits. Au nom des demandeurs, un rapport préparé par « Four Arrows » et portant la date du 20 juin 1995 a été produit le 26 août 1999. Il est intitulé : [TRADUCTION] « La Nation crie de Chipeewayan : Ses terres et son peuple, de 1876 à 1995. Histoire d'un peuple dispersé qui s'est réuni. Rapport généalogique » . Le deuxième rapport, en deux volumes, a été préparé au nom de la défenderesse par Barbara Shanahan, de Shanahan Research Associates Inc., à Ottawa, et porte la date du 15 janvier 1992. Un troisième volume, qui est un additif au rapport, porte la date du 31 janvier 1992. Les trois volumes ont été reçus par la Cour le 23 décembre 1999. Le rapport d'expert de la défenderesse est intitulé « Rapport sur les descendants de la Bande Young Chipeewayan tels qu'ils sont précisés dans la déclaration déposée dans l'affaire Alfred Snake et al c. La Reine » [5]. Les deux rapports sont très approfondis.

[23]                         Durant le procès, le 11 janvier 2000, un troisième rapport, préparé par Alexander Dietz et intitulé « Alfred Snake c. la Reine - Faits historiques affirmés par le rapport Shanahan et par le rapport Four Arrows » (le sommaire Dietz) a été reçu comme pièce déposée par consentement au nom des deux parties. Ce dernier rapport, de quatre pages seulement, est décrit ainsi par l'auteur :

[TRADUCTION]

Ce sommaire décrit les faits historiques affirmés par le rapport Shanahan et par le rapport Four Arrows dans la mesure où ces faits se rapportent aux ancêtres des demandeurs.


[24]                         Aucun des auteurs des trois rapports n'a été appelé comme témoin expert au procès de la présente affaire, et cela semble-t-il par entente entre les avocats. Les avocats se sont aussi entendus pour que la Cour considère le sommaire Dietz comme un document reproduisant fidèlement la preuve pertinente à tirer du rapport Four Arrows et du rapport Shanahan concernant la généalogie de chacun des demandeurs[6].

[25]                         La substance du sommaire Dietz se présente ainsi :

Alfred Snake

Le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows s'accordent sur les faits suivants :

1.                      Ispimikkakeetoot (Young Chipeewayan) apparaît dans les livres de rentes de la Bande de 1876 à 1886.

2.                      Les livres de rentes de 1876 et 1877 de la Bande Young Chipeewayan n'énumèrent pas de fils parmi les enfants d'Ispimikkakeetoot, et les livres de la période allant de 1876 à 1886 inclusivement montrent qu'aucun des fils d'Ispimikkakeetoot n'a quitté le cercle familial.

3.                      À partir de 1888, Ispimikkakeetoot lui-même et un enfant sont payés en tant que membres de la Bande Thunderchild et, en 1889, ils sont rejoints par le reste de sa famille. La famille demeure par la suite sur les livres de la Bande Thunderchild.

4.                      Une femme nommée Emma Snake apparaît pour la première fois en 1885 sur les livres de rentes de la Bande Mistawasis (comme no 118), la note de l'agent indiquant « non payée l'an dernier, très vieille avec un petit-fils, originaire des Plaines » .

5.                      Albert Snake reçoit son propre billet de rente no 133 en 1889, mais cette fois il est inscrit en tant que fils d'Emma Snake.

6.                      En 1890, Albert Snake est transféré à la Bande Ahtahkakoops où on lui donne le traité no 126 et où il demeure par la suite.

7.                      Alfred Snake est le fils d'Albert Snake.


Le rapport Shanahan contient les affirmations factuelles suivantes :

8.                      Les livres de la période allant de 1876 à 1886 inclusivement montrent d'une manière concluante qu'aucun fils d'Ispimikkakeetoot n'a quitté la Bande.

9.                      Aucun élément de preuve ne corrobore l'affirmation d'Alfred Snake selon laquelle il est le petit-fils d'Ispimikkakeetoot (Young Chipeewayan) et d'Omamees.

Le rapport Four Arrows contient les affirmations factuelles suivantes :

10.                    Si Albert Snake est un fils d'Ispimikkakeetoot (Young Chipeewayan), il a dû quitter la maison de son père avant 1876.

Ben Weenie

Les rapports Shanahan et Four Arrows s'entendent sur les faits suivants :

11.                    Mahchahchekoos apparaît sur le livre des rentes de Young Chipeewayan durant l'année 1882, sous le billet no 11, où l'agent note qu'il avait été payé à Fort Walsh en 1881.

12.                    Mahchahchekoos est inscrit sur les livres de rentes de 1883 de la Bande Strike Him on the Back (comme no 76).

13.                    Mahchahchekoos apparaît sur le livre des rentes de la Bande Little Pine en 1884 (comme no 78) et demeure avec cette Bande jusqu'à son décès en 1892.

14.                    Winnie Manon est un enfant de Mahchahchekoos et il a reçu son propre traité no 159 en 1891.

15.                    Winnie Manon, avec sa famille, a été transféré à la Bande Poundmaker en 1903 (comme no 147), où il est demeuré jusqu'à son décès en 1914.

16.                    Ben Weenie est un descendant direct de Winnie Manow [sic].

Le rapport Shanahan contient les affirmations factuelles suivantes :

17.                    Mahchahchekoos n'a pas été admis au Traité comme membre de la Bande Young Chipeewayan, il n'était pas membre de la Bande lorsque la réserve a été arpentée pour la Bande en 1879, et il apparaît sur le livre de la Bande seulement pour une année (c.-à-d. en 1882).

Le rapport Four Arrows contient les affirmations factuelles suivantes :

18.                    Mahchahchekoos est peut-être identique à Mahahtikoos, dont la famille a été admise au Traité avec la Bande Young Chipeewayan en 1876 et qui apparaît d'une manière continue sur le livre des rentes de cette Bande jusqu'en 1880.

19.                    Mahchahchekoos de la Bande Young Chipeewayan apparaît comme Mahchahchecoose (Bad Antelope) dans le livre des rentes de 1881 pour la Bande Lucky Man, payée à Fort Walsh (comme no 115).

Leslie Angus

Les rapports Shanahan et Four Arrows s'entendent sur les faits suivants :

20.                    Pahpahmootaywin a pris le traité avec la Bande Young Chipeewayan en 1877.

21.                    Pahpahmootaywin apparaît sur les livres de rentes de la Bande Young Chipeewayan pour la première et la dernière fois en 1877.

Le rapport Shanahan contient les affirmations factuelles suivantes :

22.                    Les livres de rentes des bandes et des traînards dans les registres qui ont été examinés n'ont donné aucune indication sur les allées et venues de Pahpahmootaywin après 1877.

23.                    Il n'existe aucune preuve quelle qu'elle soit indiquant le lien entre Pahpahmootaywin et Eliza Watchusk.

Le rapport Four Arrows contient les affirmations factuelles suivantes :

24.                    Pahpahmootayin [sic] est probablement identique à The Man Who is Walking About (connu aussi sous le nom de Paymotaywein) qui a reçu des rentes de traité avec la Bande Little Pine en 1884 (comme no 2) et a continué d'être inscrit auprès de cette Bande jusqu'à son décès vers 1887. Sa veuve (Keheoquimick) a continué d'être inscrite ou de recevoir des rentes auprès de la Bande Little Pine jusqu'en 1890.

Larry Chickness

Les rapports Shanahan et Four Arrows s'entendent sur les faits suivants :

25.                    Keeyewwahkapimwaht (Shooting Eagle) a été admis au Traité, en tant que chef, avec la Bande Young Chipeewayan en 1876 et a reçu ses rentes auprès de la Bande jusqu'en 1882.


26.                    Keeyewwahkapimwaht a été payé en tant que chef de la Bande Young Chipeewayan dans les livres de rentes de la Bande Poundmaker pour les années 1883 (comme no 66) et 1884 (comme no 67).

27.                    En 1888 et par la suite, Keeyewwahkapimwaht (appelé aussi David Keokapamot) a continué de recevoir ses rentes en tant que membre de la Bande Poundmaker (comme no 67).

28.                    En 1889, l'une des filles de Keeyewwahkapimwaht s'est mariée avec Kasokwayo (Sahsookoowayo) de la Bande Poundmaker (no 9), avec qui elle se serait rendue aux États-Unis en 1893, Kasokwayo revenant en 1916 au Canada sans son épouse et ses enfants et étant transféré à la Bande Sweetgrass.

29.                    En 1896, une deuxième fille de Keeyewwahkapimwaht a épousé Harry Chickness, de la Bande Poundmaker (no 124).

30.                    Larry Chickness est un descendant direct de Harry Chickness.

Lola Okeeweehow

Les rapports Shanahan et Four Arrows s'entendent sur les faits suivants :

31.                    Ookeewahow et son épouse ont été admis au Traité avec la Bande Young Chipeewayan en 1876 et sont payés avec cette Bande jusqu'en 1879, année où l'arrivée d'un garçon est notée.

32.                    En 1885, un homme appelé Ookeewahow apparaît comme no 121 dans le livre des rentes de la Bande Piapot et il est noté qu'il « a touché des rentes avec le no 43 en 1884, qu'il en reçoit maintenant avec sa mère veuve du Magpie no 153, feuille de rémunération 1883 » .

33.                    En 1906, le livre des rentes de la Bande Piapot contient la note « payé la dernière fois en 1902, a vécu à Maple Creek jusqu'au décès de son épouse, est le fils de Piapot » .

34.                    En 1917, Ookeewahaw a été transféré à la Bande Muscowpetung (comme no 98).

Le rapport Shanahan contient les affirmations factuelles suivantes :

35.                    Il n'existe aucune raison plausible ou impérieuse de croire qu'Okeewahaw de la Bande Young Chipeewayan, étant marié et ayant un enfant, et payé d'après son propre numéro comme membre de la Bande jusqu'en 1879, aurait quelque raison de passer les six années suivantes de sa vie comme membre de la Bande Piapot et d'être payé sous le numéro de rente de son père, The Magpie.


36.                    Il n'y a pas lieu de croire que l'Ookeewahaw mentionné dans les livres de rentes de la Bande Piapot ait été à quelque moment payé avec la Bande Young Chipeewayan ou rattaché de quelque façon à cette Bande.

Famille Higgins

Les rapports Shanahan et Four Arrows s'entendent sur les faits suivants :

37.                    Ooseechekwahn (Moving Stone) (appelé aussi Oostiquan) et son épouse ont été admis au Traité avec la Bande Young Chipeewayan en 1876 (comme no 18) et il a continué d'être payé ou inscrit sur les livres de rentes de la Bande Young Chipeewayan jusqu'en 1886.

38.                    Ooseechekwahn est décédé vers 1886 et sa veuve et sa famille ont été transférés en 1888 à la Bande Thunderchild (comme no 111).

39.                    Une fille d'Ooseechekwahn, appelée Emma Apistatim, s'est retirée du Traité en 1890 après son mariage à Peter Higgins.

[26]                         Comme il est indiqué dans la note 5 des présents motifs, Alfred Snake était l'un des demandeurs initiaux dans cette action. Au moment du procès, Alfred Snake était décédé. Par ordonnance judiciaire, le fils d'Alfred Snake, George Kingfisher, lui a été substitué comme demandeur. Les avocats ont reconnu que la partie du sommaire précédent qui se rapporte à Alfred Snake s'applique intégralement à George Kingfisher.

2) Témoignages au procès

                        a)         George Kingfisher


[27]                         Dans son témoignage devant la Cour, George Kingfisher a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Chipewayan Snake Alexander[7] et a confirmé que les enfants désignés sur cet organigramme comme les siens sont les siens. Il a ensuite corrigé l'organigramme, en faisant observer qu'Alfred Snake et Eva Kingfisher étaient ses parents et qu'Albert Snake et Jemima Starblanket étaient ses grands-parents.

[28]                         George Kingfisher a relaté les conversations qu'il avait eues à l'adolescence avec son grand-père, Albert Snake. Durant ces conversations, Albert Snake avait parlé d'une « réserve qu'ils avaient perdue » , appelée Stony Knoll, d'une « expédition de chasse vers le Sud » et des « temps durs dont il avait été témoin » durant sa propre enfance. Il a raconté comment son arrière-arrière-grand-père, le chef Chipeewayan, et d'autres membres de la bande, y compris Albert et sa grand-mère, l'épouse du chef Chipeewayan, étaient partis vers le Sud depuis la région de Fort Carlton pour chasser le buffle parce que le bureau des Affaires indiennes leur avait donné de la viande qui était « non comestible » . C'est durant cette expédition que le chef Chipeewayan avait trépassé, aux environs de Maple Creek. Les membres restants de la bande étaient alors revenus dans la région de Fort Carlton, mais leur terre était déjà occupée à leur arrivée, et alors ils se dispersèrent. Selon Albert Snake, sa grand-mère s'était occupée de lui durant l'expédition.


[29]                         George Kingfisher a témoigné qu'il est inscrit à la réserve One Arrow, la réserve de sa mère, et qu'il y avait vécu pendant environ dix (10) mois au début des années 1980. Il a aussi confirmé qu'il avait vécu pendant quelque temps dans la réserve Sandy Lake[8], comme l'avait fait son père, Alfred Snake, et son grand-père, Albert Snake, mais il ne croyait pas que l'un ou l'autre y était inscrit. Il a raconté que son grand-père, Albert Snake, faisait un peu d'agriculture et avait des terres à foin, mais que le chef d'alors, Alan Ahenakew, avait pris les terres à foin, affirmant que Albert Snake « n'était pas de la collectivité » . George Kingfisher a témoigné qu'il avait eu lui-même une expérience semblable lorsqu'il était jeune, le jour où le chef de la réserve Sandy Lake lui avait refusé une aide au motif qu'il « n'était pas de la collectivité » .

[30]                         M. Kingfisher et ses enfants vivent hors réserve. Il n'a pu se souvenir d'une procédure entreprise en 1951, alors qu'il avait environ six ans, durant laquelle des listes de bande avaient été affichées sur les réserves et des Indiens avaient été inscrits.

                        b)         Harry Michael


[31]                         Harry Michael[9] a confirmé qu'il avait été le témoin de déclarations faites par Albert Snake et Alfred Snake[10]. Il a indiqué qu'il avait eu de nombreuses conversations avec Albert Snake à propos de la « terre qu'ils ont perdue » et il a témoigné que tout le monde savait que « quelque chose n'allait pas bien avec cette réserve qu'on leur avait enlevée » . Il a exprimé la conviction que le jeune Chipeewayan était le père d'Albert Snake et que Maria Standingwater était la cousine d'Alfred Snake, pour l'avoir entendu dire semble-t-il d'Albert Snake lui-même. M. Michael a aussi parlé d'un événement qui s'est produit lorsqu'il était chef de la réserve Beardys, quelque part entre 1951 et 1954, lorsqu'Albert Snake avait semble-t-il rencontré le Premier ministre du Canada, le très honorable M. Diefenbaker, et lui avait dit « Je suis le chef » [11].

[32]                         Harry Michael n'a pu se souvenir d'une procédure entreprise en 1951 durant laquelle des listes de bande avaient été affichées sur les réserves et des Indiens avaient été inscrits.

                        c)         Doris Chickness


[33]                         Durant sa déposition devant la Cour, Doris Chickness a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Chickness[12] et a confirmé que les enfants et petits-enfants nommés sont les siens et que le demandeur Larry Chickness est son neveu, qu'il figure sur l'organigramme sous le simple nom de « Larry » et qu'il est le fils de son frère Alphonse et de son épouse Hazel Brown. Elle a témoigné que John et Louisa Weenie étaient ses parents et que Harry Chickness et Ashlee, indiquée comme « seconde fille de Kee Yew Wah Ka Pim Waht » étaient ses grands-parents. Elle a identifié Harry et Ashlee sur une photo de famille[13]. Doris Chickness a témoigné qu'elle avait demeuré chez ses grands-parents de temps à autre lorsqu'elle avait environ sept ou huit ans. Elle a indiqué que son grand-père, Harry Chickness, était originaire de la réserve Poundmaker et que sa grand-mère, le père d'Ashlee, était Shooting Eagle ou Kee-Yew-Wah-Ka-Pim-Waht[14].

[34]                         Doris Chickness n'a pu se souvenir d'un processus entrepris en 1951 au cours duquel des listes de bande avaient été affichées sur les réserves et des Indiens avaient été inscrits.

                        d)         Jimmy Myo


[35]                         Jimmy Myo, un ancien Cri originaire de Saskatchewan, a raconté ce qu'il croyait connaître de la coutume du mariage à la fin des années 1800 et au début des années 1900, coutume dont il avait eu connaissance à la faveur de conversations avec ses parents, ses tantes et ses oncles. Il n'y avait pas de cérémonie officielle de mariage, mais dans de nombreuses régions il y avait une fête, et les parents donnaient au jeune couple une tente neuve ou un tipi ou d'autres possessions pour les aider dans leur vie. Jimmy Myo a affirmé que les couples étaient tout à fait libres de vivre où ils le voulaient, selon leurs circonstances propres. Souvent, le nouveau mari s'en allait vivre dans la région où habitait son épouse, mais parfois ils revenaient dans la réserve du mari, comme ce fut le cas pour les parents de Jimmy Myo et les grands-parents de Doris Chickness[15].

                        e)          Leslie Angus


[36]                         Dans sa déposition devant la Cour, Leslie Angus a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Angus[16] et a confirmé sa relation avec les frères et soeurs, les enfants et les petits-enfants nommés. Il a témoigné que Julia Tootoosis et Harry Angus étaient ses parents et que Mary Louise Favel et John Tootoosis étaient ses grands-parents. La mère de Leslie Angus lui a dit qu'il était né sur la réserve Poundmaker et que le nom de son arrière-grand-mère était Eliza Watchusk, ou « Muskrat » en cri[17], et que le nom de son arrière-grand-père était Basil Favel. Le témoin a dit que sa mère lui avait souvent parlé aussi, depuis qu'il était enfant, de son oncle John Tootoosis[18], qui avait l'habitude d'aller sans but, tout comme l'arrière-arrière-grand-père de Leslie Angus, Pah Pah Mootawin, qui, en cri, signifie paraît-il « Homme qui marche » . Il a déclaré que sa mère lui disait souvent qu'il était parent avec Pah Pah Mootawin de son côté de la famille.

[37]                         La famille du père de Leslie Angus était originaire de Beardys, mais un membre de la famille avait épousé une femme originaire de la Bande Thunder Child. Il a déclaré que sa famille du côté de sa mère, grands-parents et arrière-grands-parents, étaient originaires de la Bande Poundmaker. Il s'est souvenu que sa famille n'était pas toujours la bienvenue dans la réserve Thunder Child. Par exemple, une fois, certains habitants de la réserve ont recueilli des noms en vue d'une pétition pour que sa famille quitte la réserve. Plus récemment, Leslie Angus a été prié d'écrire une lettre expliquant s'il envisageait de rester dans la réserve « ... parce que ses descendants n'étaient pas originaires de la réserve Thunder Child » [19].


[38]                         Leslie Angus a indiqué comment il avait eu connaissance de la revendication concernant la réserve de Stony Knoll. Il a parlé de son frère, qui faisait son stage dans un cabinet d'avocats de Regina, ainsi que d'anciennes cartes provinciales qui indiquaient l'ancienne réserve. Il a dit aussi que tout le monde parlait de la situation, parce que « ... pas mal de familles de la réserve Thunder Child sont originaires de la Bande Young Chipeewayan » et que « ... Young Chipeewayan est enterré dans la réserve ThunderChild » [20]. Ces histoires lui avaient été transmises par ses parents, ses oncles et son grand-père Joe Angus, ou après des parties de soccer et aussi lorsque « ... les anciens s'asseyaient ensemble... » [21]. Selon Leslie Angus, tout le monde savait dans la réserve qui était parent avec qui. « Par exemple, le vieux Alfred Snake avait l'habitude de rendre visite à Mme Standingwater. Il était de sa famille » [22].

                        f)          Ben Weenie


[39]                         Dans sa déposition devant la Cour, Ben Weenie a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Weenie[23] et a confirmé sa relation avec les frères et soeurs et les enfants indiqués, ainsi qu'avec Doris Chickness, qui est la cousine de son père. Il a témoigné que Charles Weenie et Emma Paskimin sont ses parents et que Ada Atcheynum et John Weenie sont ses grands-parents, qui, avec ses grands-parents du côté de sa mère, avaient aidé à l'élever. Le grand-père de Ben Weenie, John Weenie, lui avait parlé plusieurs fois de la réserve perdue ou de la revendication territoriale, ainsi que des enseignements traditionnels et des relations traditionnelles. John Weenie, qui avait été admis dans la réserve Sweetgrass en 1918, lui avait raconté que beaucoup craignaient d'être expulsés d'une réserve qui n'était pas traditionnellement la leur, en lui disant qu'ils dissimulaient leurs origines pour se protéger. Une lutte avait eu lieu entre les Indiens traditionnels signataires de traités dans leur réserve, qui descendaient de signataires de traités, et les autres, appelés « squatters » . La famille de Ben Weenie du côté de son grand-père n'appartenait pas au groupe traditionnel Sweetgrass, mais était venue d'une région différente, bien que sa grand-mère fût un membre traditionnel de la Bande Sweetgrass. Il avait entendu dire que sa famille n'était pas autorisée à occuper des postes de commande dans la Bande Sweetgrass parce qu'elle appartenait traditionnellement à une autre bande.

[40]                         Ben Weenie a témoigné qu'il avait appris de son grand-père qu'il était un descendant d'un membre de la Bande du Chef Chipeewayan, par Mah Chah Che Koos, ou « Grand Caribou » [24], et il croyait qu'il était le « ... cinquième descendant du nom par les mâles » . Il a aussi témoigné que son arrière-grand-père, Weenie Mahon, et son arrière-grand-mère, Betsy Chatsees, habitaient la réserve Poundmaker.


[41]                         Ben Weenie ne se souvenait pas directement de la procédure de 1951 où des listes de bande avaient été affichées sur les réserves et où des Indiens avaient été inscrits. Cependant, il a eu connaissance plus tard de cette procédure, qu'il a décrite comme une « opération de nettoyage » .

                        g)         Joanne Gude

[42]                         Dans sa déposition devant la Cour, Joanne Gude a indiqué qu'elle se considérait membre du groupe familial Okeeweehow et elle a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Okeeweehow[25]. Elle a confirmé sa relation avec les frères et soeurs, les enfants et les petits-enfants indiqués sur l'organigramme et elle a déclaré que Lola Gabriella Okeweehow, appelée « Louise-Anne Larose » , et Frank Larose étaient ses parents et que Lola Gabriella Dubois et Norman Okeeweehow étaient ses grands-parents maternels.

[43]                         Joanne Gude a relaté certaines des choses que sa mère Louise-Anne lui avait racontées. Lorsque Louise-Anne avait quatre ans et demi, elle avait assisté aux funérailles de son grand-père, qu'on lui avait désigné sous le nom de « moosum Okeeweehow » . Louise-Anne s'est souvenue des gens qui étaient aux funérailles et qui semble-t-il aidaient à diriger la circulation. Plus tard, lorsqu'elle avait 12 ou 13 ans, Louise-Anne avait appris de sa propre mère, Lola Gabriella, que « moosum avait une terre là haut dans le Nord » .


[44]                         Joanne Gude a témoigné que son grand-père, Norman Okeeweehow, était né à Maple Creek, mais avait emménagé dans la Réserve Piapot parce qu'il n'y avait plus de terre dans le Nord. Plus tard, il a épousé Lola Gabriella Dubois, de la réserve Musquopeeting, et il a emménagé alors dans cette réserve avec son père.

                        h)         Donald Higgins

[45]                         Dans sa déposition devant la Cour, Donald Higgins a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Higgins[26] et a déclaré que Harris Colin Leonard Higgins était son père et Emma Apistatim sa grand-mère. Selon lui, son grand-père, Peter A. Higgins, était dans la Police montée du Nord-Ouest, sa grand-mère était membre de la Bande du Chef Chipeewayan, et ils s'étaient mariés durant les années 1880. Par la suite, sa grand-mère a été supprimée de la liste du traité et a travaillé dans un pensionnat, où elle fut plus tard enterrée[27]. Donald Higgins a affirmé qu'il avait obtenu une bonne part de ces renseignements d'un certain M. Bullard, un historien âgé, qui était propriétaire d'un musée à Battleford. M. Higgins a dit qu'il avait aussi rencontré Alfred Snake, durant les années 1970, qui lui avait donné davantage de renseignements et avait comblé certaines des « lacunes » , mais « pas outre mesure » .


i)          Joseph Albert Angus

[46]                         Joseph Albert Angus, avocat et membre du Barreau de la Saskatchewan, est l'un des frères de Leslie Angus. Il a grandi sur la réserve Thunder Child et a étudié à l'Université de la Saskatchewan et à l'Université de Winnipeg. M. Angus a témoigné que, alors qu'il faisait son stage dans le cabinet Griffin, Beke, Thorson et Maddigan, à Regina, en février 1984, une délégation s'était présentée dans les bureaux du cabinet pour se faire représenter à propos d'une revendication de la réserve de Stony Knoll. La délégation avait semble-t-il déjà tenté de négocier avec le gouvernement du Canada, mais on lui avait répondu qu'elle n'avait aucune revendication prouvable. Ainsi, n'ayant pas d'autre solution, la délégation demandait au cabinet de la représenter devant la Cour fédérale, et cette action fut alors introduite.

j)          Sidney Fineday


[47]                         Sidney Fineday, qui approchait l'âge de 76 ans lors de son témoignage, et qui vivait dans la réserve Sweetgrass, a fait état de son association avec les anciens de son « groupe » depuis qu'il avait environ 17 ans. Évoquant l'exemple de son grand-père, qui s'était marié vers 1885, il a décrit la coutume du mariage à cette époque et expliqué que l'usage voulait que le nouveau mari vive avec le groupe de la mariée. Il a déclaré que [TRADUCTION] « En règle générale, après la célébration du mariage, la mariée restait auprès de ses parents, de ses frères et de ses soeurs » [28]. Il semble que cette pratique s'est développée en partie parce que le mari s'en irait chasser, ou combattre, et que son épouse serait en mesure de rester auprès de sa propre famille durant son absence. Il a reconnu que cette pratique pouvait être différente si le mari n'était pas un « pourvoyeur » de nourriture ou un guerrier. Cependant, il a indiqué que, sur les 1 500 personnes habitant la réserve Sweetgrass au moment du procès de la présente affaire, quatre (4) seulement étaient des agriculteurs viables, et les autres devaient s'en aller chercher des occupations et quitter la réserve pour survivre.

[48]                         Sidney Fineday a décrit la place des enfants dans la collectivité, affirmant qu'ils « ... étaient la possession la plus précieuse de la bande... » et qu'ils « ... représentaient l'avenir et le succès de la bande ou du campement... » La bande s'occupait des enfants sans se demander qui étaient leurs parents[29].

[49]                         Sidney Fineday a parlé de sa grand-mère, Emma, qui avait trépassé et avait été enterrée à Battleford, à l'école technique. Il a témoigné qu'elle était la grand-mère de Donald Higgins.


QUESTIONS

[50]                         L'exposé suivant des questions s'inspire en grande partie des arguments écrits de la défenderesse, encore qu'il recoupe un bon nombre des questions indiquées dans les arguments écrits présentés au nom des demandeurs. La mention, dans la première question, de descendants « ... en ligne directe... » n'a pas été utilisée par les avocats au procès, que ce soit dans les témoignages ou dans les arguments écrits, mais la notion a été évoquée tout au long des arguments présentés au nom de la défenderesse.

1) D'après la preuve présentée à la Cour, les demandeurs, ou l'un quelconque d'entre eux, ont-ils établi qu'ils sont les descendants en ligne directe de membres de la Bande du Chef Chipeewayan?

                  2) Dans l'affirmative, les demandeurs, ou l'un quelconque d'entre eux, sont-ils fondés à introduire cette action, non seulement en leur propre nom, mais également au nom de ceux désignés dans l'intitulé « ... les descendants de la Bande du Chef Chipeewayan?


                  3) La participation à des ententes récentes de règlement de revendications territoriales fondées sur des traités modifie-t-elle le droit des demandeurs, ou de l'un quelconque d'entre eux, au redressement recherché dans la présente action?

                  4) La revendication des demandeurs est-elle rendue irrecevable par la Limitation of Actions Act[30] ou par le délai immotivé des demandeurs à faire valoir leurs droits?

5) Le décret C.P. 1155 de 1897, censé transférer l'administration des terres formant la réserve de Stony Knoll, est-il valide?

ANALYSE

                  1) D'après la preuve présentée à la Cour, les demandeurs, ou l'un quelconque d'entre eux, ont-ils établi qu'ils sont les descendants en ligne directe de membres de la Bande du Chef Chipeewayan?

                        a)         Problèmes de preuve - La preuve de droits ancestraux


[51]                         Dans l'affaire Bande indienne de Squamish c. Canada[31], ma collègue Madame le juge Simpson a résumé dans les termes suivants, aux paragraphes 29 à 34 de ses motifs, les indications qui avaient été données par la Cour suprême du Canada, au moment où elle a rédigé ses motifs, sur la question de la preuve orale historique :

Dans l'arrêt Delgamuukw c. Colombie-Britannique, ... (Delgamuukw), au par. 80, la Cour suprême du Canada a répété une directive qu'elle avait déjà donnée dans R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, au par. 68. Dans cet arrêt, la Cour avait dit :

Pour déterminer si un demandeur autochtone a produit une preuve suffisante pour établir que ses activités sont un aspect d'une coutume, pratique ou tradition qui fait partie intégrante d'une culture autochtone distinctive, le tribunal doit appliquer les règles de preuve et interpréter la preuve existante en étant conscient de la nature particulière des revendications des autochtones et des difficultés que soulève la preuve d'un droit qui remonte à une époque où les coutumes, pratiques et traditions n'étaient pas consignées par écrit. Les tribunaux doivent se garder d'accorder un poids insuffisant à la preuve présentée par les demandeurs autochtones simplement parce que cette preuve ne respecte pas de façon précise les normes qui seraient appliquées dans une affaire de responsabilité civile délictuelle par exemple.

Dans l'arrêt Delgamuukw, la cour a décrit l'histoire orale en faisant référence au Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones dans lequel l'histoire orale est décrite comme « les légendes, histoires et récits mythiques [qui] sont transmis de vive voix aux générations subséquentes » . De même, la Cour suprême a mentionné ... la description que le juge Dickson avait donnée de l'histoire orale dans Kruger c. La Reine... Il y avait dit que l'histoire orale était constituée de « déclarations extrajudiciaires, qui ont été transmises de façon ininterrompue jusqu'à nos jours, au fil des générations d'une nation autochtone » .

La Cour suprême dans l'arrêt Delgamuukw a dit que les éléments de preuve fondés sur l'histoire orale de cette nature doivent être placés sur un pied d'égalité avec d'autres types d'éléments de preuve historique quand on cherche à découvrir la vérité historique. Elle a ajouté que cela doit être le cas même si les éléments de preuve découlant de l'histoire orale peuvent ne pas satisfaire aux exigences d'une exception à la règle du ouï-dire, peuvent ne pas être historiquement exacts, peuvent manquer de détails, et ne peuvent qu'être vérifiés par la communauté qui les présente en preuve.


Par conséquent, malgré ses défauts possibles, l'histoire orale portant sur la pratique, les coutumes et les traditions antérieures à l'affirmation de la souveraineté a été acceptée par nécessité parce qu'il s'agit des seuls éléments de preuve que des demandeurs indiens ont été capables de présenter dans une instance qui a une incidence importante sur leurs droits. Cette acceptation a été tout à fait raisonnable dans des affaires comme Delgamuukw dans lesquelles les questions ou les vérités historiques en litige étaient des questions larges qui portaient sur de longues périodes de temps. Dans Delgamuukw, les vérités historiques recherchées étaient des réponses aux questions relatives à l'utilisation et à l'occupation de terres par des bandes, aux frontières internes entre les terres des bandes et aux modes de tenure des terres indiennes antérieures à l'affirmation de la souveraineté britannique et à la date de cette affirmation.

Dans R. c. Marshall, ... (Marshall) et dans R. c. Badger ... (Badger), la Cour suprême du Canada a tenu compte des éléments de preuve provenant de l'histoire orale portant sur des vérités historiques à des époques postérieures au contact et postérieures à l'affirmation de la souveraineté. Dans les deux cas, la vérité recherchée consistait en des renseignements relatifs au contexte historique et culturel dans lequel des traités avaient été négociés et signés (en 1760 et 1761 et en 1899 respectivement). Des éléments de preuve tirés de l'histoire orale sur ces sujets ont été acceptés pour permettre à la cour de parvenir à des conclusions relativement à l'intention des Indiens. Les éléments de preuve portaient sur la situation avant la date de la signature des traités et à cette date. Le domaine traité visait les coutumes et les pratiques ancestrales.

Par opposition à des affaires comme Marshall, Badger et Delgamuukw, l'exactitude historique est importante dans la présente affaire...         [Je souligne, références omises]

[52]                         Comme dans l'affaire dont était saisie Madame le juge Simpson, l'exactitude historique est importante en l'espèce, où la capacité des demandeurs d'obtenir gain de cause dépend de leur aptitude à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils sont descendants en ligne directe de membres de la Bande.

[53]                         Comme le notait Madame le juge Simpson au paragraphe 39 de ses motifs, « ... les vérités historiques recherchées dans la présente affaire sont des questions limitées et spécifiques » . C'est le cas également ici.


[54]                         Plus récemment, dans l'arrêt Mitchell c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.)[32], le juge en chef McLachlin a revisité la question des problèmes de preuve dans les revendications autochtones. Elle s'est exprimée ainsi aux paragraphes 27 et 28 :

La revendication de droits ancestraux soulève des difficultés de preuve intrinsèques et uniques. Les demandeurs doivent établir les caractéristiques de leur société avant le contact avec les Européens, par delà des siècles et sans l'aide d'écrits. Reconnaissant ces difficultés, notre Cour a fait une mise en garde contre la possibilité de rendre illusoires les droits protégés par le par. 35(1) en imposant un fardeau de preuve impossible à ceux qui revendiquent cette protection (Simon c. La Reine, ...). Ainsi, dans Van der Peet, ... la Cour affirme que « le tribunal doit appliquer les règles de preuve et interpréter la preuve existante en étant conscient de la nature particulière des revendications des autochtones et des difficultés que soulève la preuve d'un droit qui remonte à une époque où les coutumes, pratiques et traditions n'étaient pas consignées par écrit...

Ce principe s'applique à la fois à l'admissibilité de la preuveet à l'appréciation des récits oraux autochtones... [Je souligne, références omises]

[55]                         Sur la question de l'admissibilité, le juge en chef McLachlin écrivait, aux paragraphes 29 et suivants :

Les tribunaux rendent leurs décisions en se fondant sur la preuve. Ce principe fondamental s'applique aux revendications autochtones comme à toute autre revendication. Van der Peet et Delgamuukw réaffirment la continuité des règles de preuve avec la mise en garde de les appliquer avec souplesse, d'une façon adaptée aux difficultés inhérentes à de telles réclamations et à la promesse de conciliation confirmée au par. 35(1). Cette souplesse d'application des règles de preuve permet, par exemple, l'admission de preuve d'activités postérieures au contact avec les Européens, qui visent à établir la continuité avec les pratiques, coutumes et traditions antérieures au contact (Van der Peet, ...) et l'examen utile des diverses formes de récits oraux (Delgamuukw, ...).


L'adaptation souple des règles traditionnelles de preuve au défi de rendre justice dans les revendications autochtones n'est qu'une application du principe traditionnel selon lequel les règles de preuve n'ont rien d' « immuable et n'ont pas été établies dans l'abstrait » (R. c. Levogiannis, ...). Elles s'inspirent plutôt de principes larges et souples, appliqués dans le but de promouvoir la recherche de la vérité et l'équité. Les règles de preuve devraient favoriser la justice, et non pas y faire obstacle. Les différentes règles d'admissibilité de la preuve reposent sur trois idées simples. Premièrement, la preuve doit être utile au sens où elle doit tendre à prouver un fait pertinent quant au litige. Deuxièmement, la preuve doit être raisonnablement fiable; une preuve non fiable est davantage susceptible de nuire à la recherche de la vérité que de la favoriser. Troisièmement, même une preuve utile et raisonnablement fiable peut être exclue à la discrétion du juge de première instance si le préjudice qu'elle peut causer l'emporte sur sa valeur probante.

Dans Delgamuukw, la majorité, tenant compte de ces principes, conclut que les règles de preuve doivent être adaptées aux récits oraux, mais elle n'impose pas leur admissibilité générale ni la valeur que devrait leur accorder le juge des faits; elle souligne plutôt que l'admissibilité doit être décidée cas par cas... Les récits oraux sont admissibles en preuve lorsqu'ils sont à la fois utiles et raisonnablement fiables, sous réserve toujours du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance de les exclure.

Les récits oraux autochtones peuvent satisfaire au critère de l'utilité de deux façons. Premièrement, ils peuvent offrir une preuve de pratiques ancestrales et de leur importance, qui ne pourrait être obtenue autrement. Il peut n'exister aucun autre moyen d'obtenir la même preuve, compte tenu de l'absence d'archives contemporaines. Deuxièmement, les récits oraux peuvent fournir le point de vue autochtone sur le droit revendiqué...      [Je souligne, références omises]

Quant à la fiabilité comme facteur permettant de dire si la preuve est admissible, le juge en chef McLachlin poursuivait ainsi, aux paragraphes 33 et 34 :

Le deuxième facteur à examiner dans la détermination de l'admissibilité de la preuve dans les affaires autochtones est la fiabilité : le témoin est-il une source raisonnablement fiable pour l'histoire du peuple en cause? Le juge de première instance n'est pas tenu de rechercher une garantie spéciale de fiabilité. Cependant, pour les questions de l'admissibilité de la preuve et, si elle est admise, du poids à lui accorder, il peut être approprié de s'enquérir de la connaissance du témoin des traditions et de l'histoire autochtones transmises oralement et de sa capacité de témoigner sur celles-ci.

Pour déterminer l'utilité et la fiabilité des récits oraux, les juges doivent se garder de faire des suppositions faciles fondées sur les traditions eurocentriques de collecte et de transmission des traditions et des faits historiques. Les récits oraux reflètent les perspectives et les cultures distinctives des communautés dont ils sont issus et ne devraient pas être écartés pour le simple motif qu'ils ne sont pas conformes aux attentes d'un point de vue non autochtone. D'où les mises en garde énoncées dans Delgamuukw de ne pas rejeter à la légère des récits oraux pour la simple raison qu'ils ne transmettent pas la vérité « historique » , comportent des éléments mythologiques, manquent de détails précis, renferment des données tangentielles au processus judiciaire ou se limitent à la communauté dont ils retracent l'histoire.


[56]                         Le juge en chef McLachlin est ensuite passée à la question de l'interprétation et de l'appréciation de la preuve au soutien de revendications autochtones, en présumant que le critère de l'admissibilité a été rempli. Sur ce point, elle s'est exprimée ainsi, aux paragraphes 36 à 39 :

Le deuxième aspect de la démarche de l'arrêt Van der Peet en matière de preuve, un aspect plus litigieux en l'espèce, se rapporte à l'interprétation et à l'appréciation de la preuve présentée à l'appui de revendications autochtones une fois qu'elle a satisfait au critère d'admissibilité. Pour la plupart, les règles de preuve concernent les questions d'admissibilité et les moyens par lesquels les faits peuvent être établis. J. Sopinka et S.N. Lederman font remarquer que [TRADUCTION] « la question de la valeur à accorder à de tels faits ne... se prête pas facilement à l'établissement de règles précises. En conséquence, il n'existe pas de principes absolus qui régissent l'appréciation de la preuve par le juge de première instance » ... Notre Cour n'a pas essayé d'établir des « règles précises » ou des « principes absolus » régissant l'interprétation ou l'appréciation de la preuve dans les revendications autochtones. Cette réticence est appropriée parce que cette tâche relève généralement du juge de première instance, qui est le mieux placé pour apprécier la preuve présentée et qui possède donc une grande latitude à cet égard. En outre, l'appréciation de la preuve est un exercice propre à l'affaire dont le tribunal est saisi.

Quoi qu'il en soit, la présente affaire nous oblige à clarifier les principes généraux énoncés dans Van der Peet et Delgamuukw quant à l'appréciation de la preuve dans les revendications de droits ancestraux. L'obligation pour les tribunaux d'interpréter et d'apprécier la preuve en étant conscients de la nature particulière des revendications autochtones est essentielle à la protection réelle des droits prévus au par. 35(1). Comme le juge en chef Lamer l'a noté dans Delgamuukw, l'admission en preuve de récits oraux représente une reconnaissance creuse du point de vue autochtone lorsque ces éléments de preuve sont par la suite systématiquement sous-estimés ou privés de toute valeur probante indépendante... Il est donc impératif que les règles de preuve garantissent que « les tribunaux accordent le poids qui convient » au point de vue des autochtones » ...

Encore une fois, cependant, il faut souligner qu'être conscient de la nature particulière des revendications autochtones n'empêche pas d'appliquer les principes généraux de preuve. S'il ne faut pas sous-estimer la preuve présentée à l'appui des revendications autochtones, il ne faut pas non plus l'interpréter ou l'apprécier d'une manière fondamentalement contraire aux principes du droit de la preuve qui, en matière d'appréciation de la preuve, correspondent souvent aux [TRADUCTION] « principes généraux de bon sens » ... Comme le souligne le juge en chef Lamer dans Delgamuukw, ... :


Les droits ancestraux sont véritablement des droits sui generis qui exigent, quant au traitement de la preuve, une approche unique, accordant le poids qu'il faut au point de vue des peuples autochtones. Toutefois, l'adaptation doit se faire d'une manière qui ne fasse pas entorse à « l'organisation juridique et constitutionnelle du Canada » ... Les deux principes exposés dans Van der Peet - premièrement, le fait que les tribunaux de première instance doivent aborder les règles de preuve en tenant compte des difficultés de preuve inhérentes à l'examen des revendications de droits ancestraux, et, deuxièmement, le fait que les tribunaux de première instance doivent interpréter cette preuve dans le même esprit - doivent être compris dans ce contexte ...

Il y a une limite à ne pas franchir entre l'application éclairée des règles de preuve et l'abandon complet de ces règles. Comme le note le juge Binnie dans le contexte des droits issus de traités, « il ne faut pas confondre les règles « généreuses » d'interprétation avec un vague sentiment de largesse a posteriori » ... En particulier, la démarche de l'arrêt Van der Peet n'a pas pour effet d'augmenter la force probante de la preuve soumise à l'appui d'une revendication autochtone. La preuve à l'appui des revendications autochtones, comme la preuve produite dans n'importe quelle affaire, peut couvrir toute la gamme des forces probantes, de la preuve hautement convaincante à la preuve hautement contestable. Il faut encore établir le bien-fondé des revendications sur la base d'une preuve convaincante qui démontre leur validité selon la prépondérance des probabilités. Dire qu'il faut accorder « le poids qui convient » au point de vue autochtone ou s'assurer que la preuve à l'appui de ce point de vue est placée sur un « pied d'égalité » avec les types de preuve plus familiers, c'est précisément dire ce que cela veut dire : un traitement égal et approprié. Si la preuve des demandeurs autochtones ne devrait pas être sous-estimée « simplement parce [qu'elle] ne respecte pas de façon précise les normes qui seraient appliquées dans une affaire de responsabilité civile délictuelle par exemple » ..., on ne devrait pas non plus la faire ployer artificiellement sous plus de poids que ce qu'elle peut raisonnablement étayer. Si cette proposition est évidente, il faut néanmoins l'énoncer.        [références omises; un soulignement indiqué dans l'original est également omis]


[57]                         Vu ce qui précède, je suis persuadé que la preuve historique orale qui m'a été présentée par les demandeurs et au nom des demandeurs, autres que Donald Higgins, en ce qui a trait à leur ascendance, ainsi que la preuve historique orale additionnelle produite par Sidney Fineday et Jimmy Myo devraient être admises. Elle est d'ailleurs utile pour la solution des « questions limitées et spécifiques » soulevées ici, surtout eu égard au fait que les auteurs des rapports d'expert sur la lignée de chacun des demandeurs n'ont pas comparu devant moi, et je n'étais donc pas en mesure d'évaluer, à la faveur d'un contre-interrogatoire, le bien-fondé respectif des conclusions antagonistes adoptées par les auteurs de ces rapports. D'ailleurs, ayant eu l'occasion d'observer la conduite des témoins qui ont comparu devant moi lorsqu'ils ont fait leurs dépositions et se sont prêtés à un contre-interrogatoire raisonnable et respectueux, je suis persuadé que leurs témoignages étaient raisonnablement fiables et avaient une force probante en ce sens qu'il s'agissait dans chaque cas de la relation honnête de conversations et d'événements qui avaient eu lieu invariablement bien des années auparavant et qui étaient attestés par des écrits épars, voire inexistants.

[58]                         Les éléments du témoignage de Donald Higgins sont d'un caractère différent. Il a reconnu devant la Cour que c'est d'un historien âgé, propriétaire d'un musée de Battleford, qu'il a obtenu une bonne partie des renseignements dont il a fait état à propos de l'histoire de sa famille. Les connaissances de cet historien n'ont pas été établies. Il n'a pas comparu devant la Cour de telle sorte que la fiabilité des renseignements qu'il a transmis à M. Higgins n'a pu être évaluée. Il n'a pas été mentionné devant la Cour qu'il était lui-même un Indien en possession d'une connaissance de première main provenant de sources historiques orales de l'histoire familiale de M. Higgins, en particulier pour ce qui concernait la grand-mère de M. Higgins, Emma Apistatim, et son héritage. Dans ces conditions, je conclus que certains éléments de la déposition de M. Higgins concernant son passé familial ne devraient pas être admis, encore que je sois persuadé que cette conclusion a peu d'incidence, voire aucune, sur l'issue de sa revendication.


[59]                         Selon les mots du juge en chef McLachlin, le point le plus litigieux, et certainement le plus difficile, concerne l'interprétation et l'appréciation de l'ensemble de la preuve au soutien de la revendication de chacun des demandeurs, et la question de savoir si chacun d'eux est un descendant en ligne directe d'un membre de la Bande. J'examinerai maintenant cette question.

                  b) Appréciation de la preuve


[60]                         George Kingfisher, le premier des demandeurs à avoir témoigné, a affirmé qu'il descendait directement du Chef Chipeewayan par son père, Alfred Snake, par son grand-père, Albert Snake, et par Young Chipeewayan, fils du Chef Chipeewayan. Son témoignage historique oral s'accordait tout à fait avec la vie itinérante attestée des membres de la Bande, tant avant qu'après la signature du Traité no 6, avec le thème commun et la preuve documentaire concernant une réserve perdue, et avec la dispersion des membres de la Bande face aux terribles difficultés et aux circonstances troublantes, sinon déconcertantes, qu'ont connues les Indiens des Plaines au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Cela étant dit, il a été prompt à admettre une erreur importante dans sa propre lignée familiale, au vu de l'organigramme de la famille Chipewayan Snake Alexander, reproduit à l'Annexe 1. De plus, les éléments du rapport Shanahan et du rapport Four Arrows, à propos desquels le rapport Dietz indique qu'il y a entente, jettent un sérieux doute sur son affirmation selon laquelle Young Chipeewayan était le père de son grand-père, Albert Snake.

[61]                         Le plus favorable de ces rapports à l'égard de la revendication de M. Kingfisher, soit le rapport Four Arrows, reconnaît que, si Albert Snake est un fils de Young Chipeewayan, selon les mots du rapport Dietz, Albert « ... a dû quitter la maison de son père avant 1876 » . L'organigramme de la famille Chipewayan Snake Alexander indique que le grand-père de M. Kingfisher, Albert Snake, est né en 1872. Si Albert a dû quitter la maison de son père avant 1876, il serait parti alors qu'il avait quatre (4) ans. Aucune preuve ne m'a été présentée qui permettrait d'établir, autrement que par des conjectures, comment et pourquoi cela aurait pu se produire. Des témoignages concernant l'acceptation générale de la responsabilité collective à l'égard des enfants des membres de la collectivité auraient pu rendre possible un tel départ de la maison de Young Chipeewayan, et cela suffirait à autoriser des conjectures. Le témoignage de Harry Michael tendait à corroborer la revendication de George Kingfisher, mais uniquement dans les termes les plus généraux. Encore une fois, ses connaissances lui étaient venues d'Albert Snake et elles n'étaient pas plus utiles en ce qui concernait le lien entre Albert Snake et Young Chipeewayan que ne l'était la preuve de M. Kingfisher lui-même. Je ne suis pas disposé à conjecturer sur ce qui, d'après moi, constitue une rupture fatale de la chaîne.


[62]                         Vu la charge qui incombe à M. Kingfisher dans cette affaire, je ne puis conclure, selon la norme de la prépondérance des probabilités, qu'Albert Snake, grand-père de M. Kingfisher, si disposé que je sois à l'accepter, est lui-même un fils de Young Chipeewayan. En définitive, l'affirmation de M. Kingfisher selon laquelle il est un descendant en ligne directe d'un membre de la Bande n'a pas été établie.

[63]                         Doris Chickness a été très hésitante dans sa déposition. Les avocats des demandeurs l'ont dirigée d'une manière appréciable dans sa déposition. Cela étant dit, elle a clairement et sans équivoque désigné le demandeur Larry Chickness sur l'organigramme de la famille Chickness, Annexe 2, où il est simplement appelé « Larry » . Elle a aussi désigné ses parents et ses grands-parents à elle sur l'organigramme, où sa grand-mère est mentionnée simplement comme « deuxième fille » . En réponse à la question de l'avocat :

Votre grand-mère, d'où venait-elle?

Mme Chickness a répondu :

Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que son père - son père, Shooting Eagle, ils ont dû se rencontrer quelque part, et elle a épousé mon grand-père. C'est tout ce que je sais.

L'avocat a insisté et il y a eu l'échange suivant :

Q                      Vous avez mentionné son père. Pourriez-vous me dire cela encore, que son père était...?

R                      Shooting Eagle.

Q.                      Shooting Eagle?

R                      Oui.

Q                      Shooting Eagle, c'était un nom qu'avait le père de votre grand-mère, est-ce bien cela?

R                      Oui.

Q                      En cri, cela donnait-il un autre nom? Si vous disiez Shooting Eagle en cri, quel serait le nom?

R                      Oui. Kee-Yeu-Ah -Tiah-Pim-Waht.

Q                      Bon, je vais vous montrer encore [le diagramme familial, Annexe 2] de l'exposé conjoint des documents. Il y a un nom ici, Kee-Yeu-Ah-Tiah-Pim-Waht.

R                      Oui. C'est le nom. Oui.

Q                      Votre grand-mère a dit que c'était son père?

R                      Oui[33].


[64]                         Selon le « sommaire Dietz » , les rapports Shanahan et Four Arrows disent tous deux que Larry Chickness est un descendant direct de Harry Chickness, qu'une deuxième fille de Shooting Eagle ou Kee-Yeu-Wah-Ka-Pim-Waht a épousé Harry Chickness, de la Bande Poundmaker, en 1896 et que Shooting Eagle a été admis au Traité comme chef auprès de la Bande du Chef Chipeewayan en 1876 et qu'il a reçu ses rentes avec la Bande jusqu'en 1882. Son nom figurait sur les livres de rentes de la Bande Poundmaker en 1883 et 1884, mais il a continué d'être payé comme chef de la Bande du Chef Chipeewayan. Par la suite, il a reçu des rentes en tant que membre de la Bande Poundmaker.

[65]                         Je passe maintenant à l'incidence de la loi applicable après le mariage de la deuxième fille de Shooting Eagle à Harry Chickness en 1896. Le chapitre 18 des Statuts du Canada de 1876, intitulé « Loi modifiant et regroupant les lois relatives aux Indiens » , prévoyait ce qui suit en son alinéa 3d) :

[TRADUCTION]

d)                       Toutefois, une femme indienne qui épouse un Indien d'une autre bande, ou un Indien autre qu'un Indien soumis à un traité, cessera d'être membre de la bande à laquelle elle appartenait auparavant et elle deviendra un membre de la bande ou de la bande irrégulière dont son mari est membre :

Cette disposition ou une disposition essentiellement semblable est demeurée applicable lorsque la deuxième fille de Shooting Eagle a épousé Harry Chickness, qui fut alors reconnu comme un membre de la Bande Poundmaker. En raison de son mariage, la deuxième fille de Shooting Eagle a cessé en droit d'être membre de la Bande du Chef Chipeewayan et elle est devenue membre de la Bande Poundmaker. En définitive, la chaîne entre Larry Chickness et la Bande était rompue, encore que, vu la preuve dont je dispose, je sois persuadé qu'il est un descendant direct d'un membre de la Bande. Il n'est pas un descendant en ligne directe.


[66]                         Vu ce qui précède, je suis persuadé que, selon la prépondérance des probabilités, Larry Chickness n'a pas démontré qu'il est en droit un descendant en ligne directe d'un membre de la Bande.

[67]                         La déposition du demandeur Leslie Angus a été honnête et franche en ce qui a trait à sa relation avec ses frères et soeurs, ses enfants et ses petits-enfants telle qu'elle apparaît sur l'organigramme de la famille Angus, Annexe 3, et elle a été directe également en ce qui a trait à sa relation avec ses parents et grands-parents. Après cela, sa déposition est devenue plutôt vague et compliquée et je constate que ma difficulté sur ce point est accentuée par le fait que l'organigramme de la famille est notablement incomplet. Plus exactement, la preuve concernant la relation entre l'arrière-grand-mère des témoins, Eliza Watchusk, et la personne indiquée comme le père d'Eliza Watchusk, Pah Pah Mootawin, a été vague. Le rapport Dietz indique que le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows s'accordent pour dire que Pah Pah Mootawin a été admis au Traité avec la Bande en 1877 et n'est pas apparu sur les livres de la Bande après cette date. Le rapport Shanahan affirme qu'il n'existe absolument aucun document montrant l'existence d'un lien entre Pah Pah Mootawin et Eliza Watchusk. Selon le rapport Dietz, le rapport Four Arrows ne conteste pas la conclusion du rapport Shanahan concernant l'absence de preuve d'une relation parent-enfant entre Pah Pah Mootawin et Eliza Watchusk.


[68]                         Vu mes doutes à propos de la déposition de M. Angus, et vu l'affirmation du rapport Shanahan selon laquelle la parenté entre Leslie Angus et un membre de la Bande est sans doute rompue entre Eliza Watchusk et Pah Pah Mootawin, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, M. Angus n'a pas établi qu'il est un descendant direct d'un membre de la Bande. Même si je me trompe sur ce point, il se trouve que l'arrière-grand-mère, la grand-mère et la mère de M. Angus se sont mariées en dehors de la Bande, dans les deux premiers cas avec des membres de la Bande Poundmaker, et dans le cas de sa mère, avec un membre de la Bande Thunder Child. Vu le raisonnement ci-dessus concernant Larry Chickness, M. Angus n'a pas réussi non plus à établir une relation directe avec un membre de la Bande.

[69]                         Ben Weenie a été très ouvert et très franc sur les difficultés que ses grands-parents et les personnes comme eux avaient vécues dans une réserve où ils n'étaient pas considérés comme des Indiens traditionnels soumis à un traité et ayant le droit de résider dans cette réserve, mais plutôt comme des « squatters » . Il a parlé des renseignements que son grand-père, John Weenie, lui avait transmis sur son ascendance et sa relation avec la Bande. Toutefois, lorsqu'est venu le temps de donner le détail de cette ascendance, il est devenu très vague et a contesté la partie de l'organigramme de la famille Weenie, Annexe 4, pour qui l'ancêtre de la famille au sein de la Bande est Mah Chah Che Koos.


[70]                         S'agissant de M. Weenie, le rapport Dietz indique que le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows reconnaissent tous deux que Mah Chah Che Koos figurait sur les livres de rentes de la Bande durant l'année 1882, sous le billet no 11, où l'agent avait noté que Mah Chah Che Koos avait été payé à Fort Walsh en 1881. Mah Chah Che Koos n'apparaît pas de nouveau sur les livres de la Bande.

[71]                         Je suis persuadé, vu la déposition de M. Weenie, l'organigramme de la famille Weenie et le rapport Dietz, que Ben Weenie est tout probablement un descendant direct de Mah Chah Che Koos, mais je ne suis pas disposé à accepter l'idée mentionnée dans le rapport Dietz, et provenant du rapport Four Arrows, selon laquelle Mah Chah Che Koos pourrait être identique à un individu portant un autre nom dont la famille a été admise au Traité avec la Bande en 1876 et a figuré d'une manière continue sur les livres de cette Bande jusqu'en 1880.

[72]                         Selon la prépondérance des probabilités, je conclus que Ben Weenie n'a pas établi qu'il est un descendant direct d'un membre de la Bande.


[73]                         Joanne Gude a témoigné au nom de la famille Okeeweehow, représentée dans cette action par la demanderesse Lola Okeeweehow. Comme il est indiqué plus haut dans les présents motifs, Mme Gude a indiqué sa position sur l'organigramme de la famille Okeeweehow, Annexe 5, et elle a confirmé sa relation avec ses frères et soeurs et les enfants et petits-enfants nommés sur l'organigramme. Elle a désigné Lola Gabriella Okeeweehow et Frank Larose comme ses parents et elle a aussi désigné Lola Gabriella Dubois et Norman Okeeweehow comme ses grands-parents maternels.

[74]                         Mme Gude a parlé du souvenir qu'elle avait des funérailles de son arrière-grand-père, lorsqu'elle était une très jeune fille, et elle a désigné son arrière-grand-père comme le Oo Kee Wa Haw indiqué au sommet de l'organigramme de la famille Okeeweehow. Elle a aussi témoigné que sa grand-mère avait parlé d'une manière très générale devant elle de l'arrière-grand-père de Mme Gude, qui avait « ... une terre dans le Nord » . Mme Gude n'a pas dit que son arrière-grand-père lui avait été désigné en tant que membre de la Bande.

[75]                         Le rapport Dietz indique que le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows reconnaissent tous deux que Oo Kee Wa Haw et son épouse ont été admis au Traité avec la Bande en 1876 et qu'ils ont été payés avec la Bande jusqu'en 1879, année où, selon les registres, un fils était né à Oo Kee Wa Haw et à son épouse. Il est très improbable que ce fils fût le grand-père de Mme Gude, étant donné que son grand-père est indiqué sur l'organigramme de la famille Okeeweehow comme né en 1898.


[76]                         Selon le rapport Dietz, le rapport Shanahan affirme que les apparitions ultérieures d'une personne nommée Oo Kee Wa Haw sur les livres de rentes de la Bande Piapot ne peuvent autoriser la conclusion selon laquelle les deux Oo Kee Wa Haw sont une seule et même personne.

[77]                         Étant donné la disparition manifeste du Oo Kee Wa Haw indiqué sur l'organigramme de la famille Okeeweehow bien avant la naissance du grand-père de Mme Gude telle qu'elle figure sur cet organigramme, laquelle naissance semblerait concorder raisonnablement avec la date mentionnée du mariage de son grand-père, indiquée elle aussi sur cet organigramme, je conclus là encore que la ligne qui va de la demanderesse Lola Okeeweehow à un membre désigné de la Bande est rompue entre le père de Lola Okeeweehow et le membre désigné de la Bande, Oo Kee Wa Haw. En définitive, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la demanderesse Lola Okeeweehow n'a pas établi qu'elle est une descendante directe d'un membre de la Bande.


[78]                         Finalement, Donald Higgins a témoigné à propos de l'organigramme de la famille Higgins, Annexe 6. Il a désigné ses parents sur l'organigramme et, abstraction faite d'une certaine confusion dans sa déposition, il a aussi désigné ses grands-parents sur cet organigramme. Il a déclaré avoir lui-même fait une recherche considérable dans l'histoire familiale, le résultat étant que je suis persuadé que son témoignage, fondé sur cet examen des registres, ne pouvait être considéré comme une récitation de l'histoire orale qui lui avait été transmise dans un milieu culturel où l'écrit était pour ainsi dire inexistant. Cela étant dit, il a clairement désigné sa grand-mère, Emma Apistatim, comme descendante directe d'un membre de la Bande à propos duquel, selon le rapport Dietz, le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows s'accordent pour dire qu'il avait été admis ainsi que son épouse au Traité avec la Bande en 1876, et qui a continué d'être payé ou de figurer sur les livres de rentes de la Bande jusqu'en 1886. Ainsi, à l'exception d'un obstacle important, je suis persuadé que son témoignage, sans tenir compte de ce que lui a dit un directeur de musée, et la preuve documentaire établissent un lien direct et ininterrompu entre M. Higgins et un membre de la Bande.

[79]                         L'obstacle important est celui-ci. Encore une fois, le rapport Dietz mentionne que le rapport Shanahan et le rapport Four Arrows s'accordent pour dire qu'Emma Apistatim s'est retirée du Traité en 1890 après son mariage avec le grand-père de M. Higgins, Peter A. Higgins. M. Higgins a reconnu ce fait dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Je crois qu'elle - - lorsqu'elle a épousé mon grand-père, elle a été retirée de la liste du Traité, et je crois qu'elle a travaillé pour l'école, si je ne me trompe pas. Elle a travaillé pour l'école[34].

[80]                         L'article 11 de la Loi sur les Indiens[35], qui était en vigueur à l'époque où Emma Apistatim a épousé Peter Higgins, était rédigé ainsi :


[TRADUCTION]

Toute Indienne qui épouse une personne autre qu'un Indien, ou un Indien non soumis à un traité, cessera d'être une Indienne à tous égards au sens de la présente Loi, sauf qu'elle aura droit de partager, à égalité avec les membres de la bande à laquelle elle appartenait auparavant, la distribution annuelle ou semestrielle de leurs rentes, de leurs intérêts et de leurs loyers; mais ce revenu pourra en ce qui la concerne être converti à tout moment selon un rachat de dix ans, avec le consentement de la bande.

[81]                         Je suis persuadé que, peu importe qu'Emma Apistatim se soit « retirée du Traité » , comme l'indiquent les rapports Shanahan et Four Arrows, ou ait été « enlevée de la liste du Traité » , sans doute en raison de la disposition légale précédente, le résultat est le même, la chaîne a été rompue. Lorsque Donald Higgins est né, il était un descendant en ligne directe, par sa grand-mère, d'un membre désigné de la Bande, mais il ne pouvait prétendre être un descendant d'un membre de la Bande parce que sa grand-mère s'était retirée ou avait été enlevée de la Bande à la suite de son mariage avec le grand-père de M. Higgins.

                        c)         Conclusion quant à la question 1


[82]                         Eu égard à ce qui précède, je conclus que, au vu des preuves dont dispose la Cour, aucun des demandeurs n'a établi qu'il ou elle est un descendant en ligne directe d'un membre de la Bande de Young Chipeewayan. Dans certains cas, l'ascendance en ligne directe entre un demandeur et un membre de la Bande n'est tout simplement pas établie. Dans un cas, une ligne généalogique est rompue par un retrait volontaire du Traité ou parce qu'une aïeule du demandeur a été « enlevée » de la liste du Traité par l'effet de la loi. Dans d'autres cas, les aïeules d'une ligne généalogique ont cessé d'être membres de la Bande par le seul effet de la loi. Dans chaque cas, le résultat est que, si une ligne généalogique a été établie, cette ligne se trouve à un certain moment rompue parce qu'un membre de la Bande est devenu membre d'une autre bande, ou a cessé d'être un Indien inscrit, et donc le demandeur concerné a fait remonter sa famille à une autre bande ou à une personne qui n'était pas un Indien inscrit et, dans chaque cas, le droit du demandeur de prendre part à cette action était éteint.

[83]                         La conclusion qui précède suffit à disposer de cette action. Toutefois, pour le cas où il serait fait appel de cette conclusion et où ma conclusion serait infirmée, je me pencherai maintenant sur certaines des autres questions.

2)              Un demandeur considéré comme descendant en ligne direct d'un membre de la Bande du Chef Chipeewayan est-il fondé à introduire cette action en son propre nom et au nom de ceux qui sont désignés dans l'intitulé « ... les descendants de la Bande du Chef Chipeewayan » ?

[84]                         Dans l'arrêt R. c. Marshall[36], M. le juge Binnie, s'exprimant pour la majorité, a fait des observations sur l'interprétation des traités. Aux paragraphes 11 et 12, il a tenu les propos suivants :


... même dans le cas d'un document censé contenir toutes les conditions d'un traité, notre Cour a clairement indiqué dans des arrêts récents que des éléments de preuve extrinsèques relatifs au contexte historique et culturel d'un traité pouvaient être admis même en l'absence d'ambiguïté ressortant à la lecture même du traité. Le juge en chef adjoint MacKinnon de la Cour d'appel de l'Ontario a énoncé le principe suivant dans Taylor and Williams, ..: :

[TRADUCTION] ... si la conduite des parties ou d'autres faits apportent des éléments de preuve concernant la manière dont celles-ci comprenaient les conditions du traité, cette façon de comprendre et d'agir est utile pour donner corps aux conditions visées.

Cette proposition est mentionnée avec approbation dans les arrêts Delgamuukw c. Colombie-Britannique... et R. c. Sioui...

Troisièmement, lorsqu'un traité a été conclu oralement et subséquemment couché par écrit par des représentants de la Couronne, il serait inacceptable que cette dernière fasse fi des conditions dont les parties ont convenu oralement, alors qu'elle se fonde sur celles qui ont été consignées par écrit, le juge Dickson (plus tard juge en chef) dans Guerin c. La Reine... S'exprimant pour la majorité, le juge Dickson a dit ceci... :

J'estime néanmoins que l'acte de cession n'autorisait pas Sa Majesté à ignorer les conditions verbales qui, selon ce que la Bande avait cru comprendre, seraient incluses dans le bail. C'est en fonction de ces représentations verbales que doit être appréciée la conduite adoptée par Sa Majesté en s'acquittant de son obligation de fiduciaire. Elles définissent et limitent la latitude dont jouissait Sa Majesté dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Après que les mandataires de Sa Majesté eurent amené la Bande à céder ses terres en lui faisant entendre qu'elles seraient louées à certaines conditions, il serait déraisonnable de permettre à Sa Majesté d'ignorer tout simplement ces conditions.                                                                                                               [références omises]

[85]                         M. le juge Binnie a poursuivi ainsi, au paragraphe 14 :

Dans des arrêts ultérieurs, notre Cour s'est écartée d'une règle « stricte » d'interprétation des traités, comme l'a récemment mentionné le juge Cory dans Badger... au par. 52 :


... le tribunal qui examine un traité doit tenir compte du contexte dans lequel les traités ont été négociés, conclus et couchés par écrit. En tant qu'écrits, les traités constataient des accords déjà conclus verbalement, mais ils ne rapportaient pas toujours la pleine portée de ces ententes verbales : voir Alexander Morris, The Treaties of Canada with the Indians of Manitoba and the North-West Territories (1880), ... Sioui ..., Report of the Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba (1991); Jean Friesen, Grant me Wherewith to Make my Living (1985). Les traités, qui ont été rédigés en anglais par des représentants du gouvernement canadien qui, on le présume, connaissaient les doctrines de common law, n'ont toutefois pas été traduits, par écrit, dans les diverses langues (en l'espèce le cri et le déné) des nations indiennes qui en étaient signataires. D'ailleurs, même s'ils l'avaient été, il est peu probable que les Indiens, qui communiquaient exclusivement oralement, les auraient interprétés différemment. Par conséquent, il est bien établi que le texte d'un traité ne doit pas être interprété suivant son sens strictement formaliste, ni se voir appliquer les règles rigides d'interprétation modernes.                                                                                                     [Je souligne]

Il ne faut pas confondre les règles « généreuses » d'interprétation avec un vague sentiment de largesse a posteriori.           [références omises]

[86]                         Vu ce qui précède, et au regard du Traité dont il est question ici, c'est-à-dire le Traité no 6, signé au nom de la Bande et d'autres bandes et au nom du gouvernement du Canada à Fort Carlton le 23 août 1876, les extraits suivants du texte d'Alexander Morris évoqué par le juge Cory présentent de l'intérêt[37]. On y mentionne à la page 202 que le gouverneur Morris s'est adressé ainsi à l'assemblée des Indiens, à la fin de la première journée de débats, le 18 août 1876 :

[TRADUCTION]

Ce que je voudrais que nous fassions ne se limite pas à aujourd'hui ou à demain; ce que je promettrai, et ce que je crois et espère que vous prendrez, doit durer aussi longtemps que le soleil brillera et que la rivière là-bas coulera. Vous devez penser à ceux qui viendront après vous...

Le jour suivant, le gouverneur Morris aurait donné la garantie suivante aux Indiens, qui apparaît à la page 205 du texte :


[TRADUCTION]

Mais comprenez moi, une fois que la réserve sera mise de côté, elle ne pourra être vendue sauf avec le consentement de la Reine et des Indiens; tant que les Indiens le souhaiteront, elle sera là, pour leur bien...

Le gouverneur Morris aurait déclaré ce qui suit à la fin de la même journée, et cela apparaît à la page 209 du texte :

[TRADUCTION]

C'est un grand jour pour nous tous. J'ai proposé au nom de la Reine ce que je crois être pour votre bien, et pas seulement pour votre bien, mais aussi pour celui des enfants de vos enfants, et, lorsque vous partirez, rappelez-vous ce que j'ai dit.

[87]                         Le 9 septembre 1876, à Fort Pit, le gouverneur Morris se serait adressé ainsi aux Indiens :

[TRADUCTION]

... Les années passeront, et nous avec elles, mais le travail que nous avons fait aujourd'hui subsistera comme les collines... mes promesses faites à Carlton ont été couchées par écrit et ne pourrons être effacées...

[88]                         Vu ce qui précède, je ne trouve pas le moindrement surprenant que les demandeurs, au nom de leurs présumés ancêtres ainsi que des générations à venir, soient troublés par le mode de disposition de la réserve de Stony Knoll en 1897 et que finalement, même s'ils ont tardé à le faire, ils aient engagé cette action. Pour reprendre les observations finales du juge Dickson (charge qu'il occupait alors), cité par le juge Binnie dans l'arrêt R. c. Marshall, et reproduit ci-dessus, les demandeurs doivent juger inacceptable de permettre que la Couronne ignore tout simplement les propos précédents du gouverneur Morris. Je souscris à une telle idée, mais là n'est pas la question dont, à mon sens, cette affaire doit dépendre.


[89]                         Il n'est pas contesté que la Bande n'a jamais établi la réserve de Stony Knoll. Je considère d'ailleurs que la preuve qui m'a été présentée atteste absolument que la Bande s'est dispersée durant les années 1880 et que, au cours des dernières années de cette décennie, il a cessé d'exister un livre des rentes pour les membres de la Bande, même si des personnes qui avaient été membres de la Bande ou, comme le voudraient les demandeurs, qui continuaient d'être membres de la Bande, figuraient sur les livres d'autres bandes.

[90]                         L'avocat de la défenderesse fait valoir, dans ses arguments écrits, que, selon la preuve, la Bande n'a jamais été un groupe vraiment cohésif, que les familles et les personnes tantôt se joignaient à la Bande, tantôt la quittaient, que la population de la Bande a fortement diminué après l'adhésion de la Bande au Traité no 6, que la Bande comprenait dix-neuf familles pour une population totale de 84 personnes au moment de l'adhésion, alors que sa population était tombée à quinze ou seize personnes en 1884. Je suis persuadé que, sauf une exception sans conséquence se rapportant aux personnes qui se joignaient à la Bande de temps à autre, les arguments qui précèdent s'accordent avec la preuve dont je dispose.


[91]                         Vu ce qui précède, l'avocat de la défenderesse a fait valoir que, à mesure que les membres de la Bande se dispersaient, ils devenaient membres d'autres bandes. J'ai davantage de difficulté à saisir cet argument. Comme on l'a indiqué précédemment, les noms des membres de la Bande ont commencé d'apparaître sur les livres d'autres bandes, mais je ne suis pas persuadé que cela prouve qu'ils sont devenus membres de ces bandes. Pour moi, ce fait n'atteste rien de plus qu'une commodité administrative mise en place par ceux qui devaient distribuer les rentes, et pour leur avantage.


[92]                         Je suis sûr qu'il n'y avait avant 1895 aucune disposition légale se rapportant au transfert de membres d'une bande à une autre, sauf par mariage, comme on l'a dit plus haut. S'ils avaient lieu, les transferts étaient effectués d'une manière informelle, et prenaient le plus souvent la forme d'une réinstallation physique d'une personne ou d'une famille. La réinstallation physique s'accordait tout à fait avec l'histoire des Indiens des Plaines. Cela étant dit, la réinstallation physique d'une personne ou d'une famille sur la réserve d'une bande dont les nouveaux arrivants n'étaient pas des membres traditionnels ne s'accordait pas, d'après la preuve produite, avec l'acquisition de la qualité de membre de la bande à laquelle la réserve avait été affectée, ni avec l'octroi ou la reconnaissance de la qualité de membre de la bande par les membres de celle-ci. Toute la preuve produite donne à penser que les personnes qui arrivaient sur la réserve d'une bande dont ils n'étaient pas des membres traditionnels n'étaient pas acceptées pleinement par les membres traditionnels de la bande, ne recevaient pas tous les droits et privilèges, propres à la réserve, des membres traditionnels de la bande et étaient, à leurs propres yeux comme aux yeux des membres traditionnels de la bande, considérées comme l'équivalent de « squatters » . Les dépositions de plusieurs des témoins qui ont comparu devant moi donnent à penser que cette tradition s'est poursuivie jusqu'au moment du procès dans cette affaire.

[93]                         En 1895, un article a été ajouté à la Loi sur les Indiens, dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

140. Lorsque, par le vote majoritaire d'une bande, ou du conseil d'une bande, un Indien d'une bande est admis comme membre d'une autre bande et que son admission dans l'autre bande est agréée par le surintendant général, cet Indien cesse d'avoir un intérêt dans les terres ou les deniers de la bande dont il était auparavant membre, et il a le droit de partager les terres et les deniers de la bande à laquelle il est ainsi admis; mais le surintendant général peut faire déduire du capital de la bande dont cet Indien était auparavant membre sa part individuelle de ce capital et verser cette part au crédit du capital de la bande dont il a été admis comme membre de la manière susmentionnée[38].

Ce qui précède semblerait s'accorder avec un usage selon lequel l'admission dans une bande nécessitait l'agrément de la bande. Il ne m'a été présenté absolument aucune preuve d'un consentement à l'admission, au sein d'autres bandes, de personnes qui étaient membres de la Bande et qui se sont néanmoins établis sur les réserves d'autres bandes.

[94]                         Le même texte modifiant la Loi sur les Indiens ajoutait à cette Loi une disposition qui essentiellement a subsisté jusque dans l'actuelle Loi sur les Indiens[39]. La disposition actuelle, le paragraphe 16(2), est rédigé ainsi :


(2) Une personne qui cesse de faire partie d'une bande du fait qu'elle est devenue membre d'une autre bande n'a aucun droit sur les terres ou sommes d'argent détenues par Sa Majesté au nom de la bande dont elle faisait partie, mais elle jouit des mêmes droits en commun, sur les terres et les sommes d'argent détenues par Sa Majesté au nom de l'autre bande, que les membres de cette dernière.


(2) A person who ceases to be a member of one band by reason of becoming a member of another band is not entitled to any interest in the lands or moneys held by Her Majesty on behalf of the former band, but is entitled to the same interest in common in lands and moneys held by Her Majesty on behalf of the latter band as other members of that band.


[95]                         Je suis persuadé que cette disposition ne s'applique pas à certains des demandeurs dans cette action puisque, comme je l'ai indiqué plus haut, il ne m'a pas été démontré, sauf pour certaines aïeules de certains des demandeurs qui avaient épousé des membres d'autres bandes, qu'un ancêtre quelconque d'un demandeur est devenu membre d'une autre bande.

[96]                         La preuve dont je dispose s'accorde certainement avec la conclusion selon laquelle la Bande s'est retrouvée sans chef au cours de la décennie 1880[40]. Je suis persuadé, vu la preuve, que ce fait, ainsi que les conditions qui avaient cours dans les Prairies pour les membres de la Bande et d'autres bandes à l'époque pertinente, explique à lui seul la dispersion des membres de la Bande. Compte tenu des témoignages, et sous réserve de ce qui suit, je conclus que les membres de la Bande avec lesquels les demandeurs allèguent un lien de parenté ne sont pas devenus, sauf par l'effet de la loi, membres d'autres bandes, à titre officiel ou non.


[97]                         L'avocat de la défenderesse note que, en 1951, le législateur a modifié[41] la Loi sur les Indiens pour y ajouter une définition de « membres d'une bande » , pour prévoir l'établissement de listes de bande et de listes générales et pour instituer un mécanisme en vertu duquel un particulier ou une bande pouvait s'opposer à l'inclusion de personnes sur une liste de bande ou une liste générale. Il est fait brièvement mention de ce processus dans plusieurs des comptes rendus de témoignages produits au nom des demandeurs et qui apparaissent au début des présents motifs.

[98]                         Il vaut la peine de noter qu'aucun des demandeurs n'a produit de témoignages établissant que, par suite de la modification de 1951, il a été décidé que lui-même ou l'un de ses ascendants directs n'était pas membre d'une bande autre que la Bande du Chef Chipeewayan. En l'absence d'une telle preuve, je ne puis que présumer que ceux des demandeurs qui sont des Indiens inscrits figuraient de ce fait, directement ou par l'entremise d'un de leurs ancêtres, sur une liste de bande pour une bande autre que la Bande du Chef Chipeewayan, ou sur une liste générale, qu'ils n'ont pas protesté à l'égard de cette inclusion et que donc à ce moment-là ils ont perdu tout droit d'appartenir à la Bande du Chef Chipeewayan.


[99]                         Abstraction faite du processus mentionné dans les deux paragraphes précédents, et des présomptions que, en ce qui le concerne, j'induis de la preuve, ou plus exactement de l'absence de preuve, je conclus que, si l'un des demandeurs autres que Donald Angus avait convaincu la Cour qu'il était un descendant en ligne directe d'un membre de la Bande du Chef Chipeewayan, il aurait droit d'introduire cette action en son propre nom.

[100]                     Quant à savoir si l'un des demandeurs désignés qui pourrait être jugé fondé à introduire cette action en son propre nom aurait ou non le droit d'introduire aussi l'action au nom de ceux qui sont décrits dans l'intitulé de la cause comme « ... les descendants de la Bande du Chef Chipeewayan » , je conclus que n'importe lequel des demandeurs ayant ce droit aurait aussi le droit d'introduire l'action au nom de la catégorie décrite[42]. Si une modification technique de l'intitulé et un ajout technique connexe à la déclaration dont il s'agit ici étaient nécessaires pour obtenir ce résultat, alors, malgré la tardiveté de la proposition de telles modifications, je serais enclin à accorder l'autorisation d'effectuer les modifications requises.

3)              La participation à des ententes récentes de règlement de revendications territoriales fondées sur des traités modifie-t-elle le droit des demandeurs, ou de l'un d'entre eux, au redressement recherché dans cette action? et

4)              La réclamation des demandeurs est-elle rendue irrecevable par la Limitation of Actions Act ou par le délai immotivé des demandeurs à faire valoir leurs droits?


[101]                     Comme ces questions sont interdépendantes, je les aborderai ensemble, et très brièvement. Chacune des deux questions présuppose un droit des demandeurs, ou de l'un ou plusieurs d'entre eux, de demander un redressement. Il y a ensuite la question du droit à un redressement, ou à certaines formes de redressement.

[102]                     Les redressements demandés au nom des demandeurs dans cette action, mentionnés plus haut dans les présents motifs, envisagent clairement d'autres étapes dans cette action s'il est décidé que les demandeurs ou l'un d'entre eux sont fondés à introduire l'action et à obtenir éventuellement une forme de réparation de la part de la défenderesse. Vu cette réalité, et les conclusions que j'ai tirées jusqu'à maintenant et qui apparaissent dans les présents motifs, et vu la faiblesse des témoignages et des arguments produits qui portent sur ces deux questions, je m'abstiendrai de les traiter dans le détail, du moins à ce stade. Je suis persuadé qu'il vaut mieux les aborder dans le contexte d'une reprise des procédures dans cette action après qu'il aura été jugé, le cas échéant, que la défenderesse est de quelque manière responsable envers les demandeurs ou l'un quelconque d'entre eux, sous réserve seulement de l'existence d'un obstacle à réparation, comme le donne à entendre ces questions.

5)              Le décret C.P. 1155 de 1897, censé transférer l'administration des terres formant la réserve de Stony Knoll, est-il valide?


[103]                     Les déclarations de l'honorable Alexander Morris, C.P., faites à l'occasion des négociations qui ont conduit au Traité no 6, entre autres, ne sont pas contestées. Il n'est pas contesté non plus que le Traité no 6 comprenait les dispositions suivantes :

... Et Sa Majesté la Reine par le présent convient et s'oblige de mettre à part des réserves propres à la culture de la terre, tout en ayant égard aux terres présentement cultivées par les dits Sauvages, et d'autres réserves pour l'avantage des dits Sauvages, lesquelles seront administrées et gérées pour eux par le gouvernement de Sa Majesté pour la Puissance du Canada,...

... les dites réserves de terre ou tout droit en icelles pourront être vendues et adjugées par le gouvernement de Sa Majesté pour le bénéfice et avantage desdits Sauvages, qui y auront droit, après qu'on aura au préalable obtenu leur consentement;            [Je souligne]

[104]                     La Loi sur les Indiens, telle qu'elle existait à l'époque pertinente[43], comprenait la disposition suivante :

[TRADUCTION]

39. La cession d'une réserve ou d'une portion d'une réserve détenue pour le bénéfice et l'avantage des Indiens d'une bande, ou d'un Indien en particulier, ne sera pas valide ni exécutoire, sauf aux conditions suivantes :

a)     la cession sera acceptée par la majorité des membres de sexe masculin de la bande, âgés de vingt et un ans révolus, au cours d'une réunion ou d'un conseil de la bande convoqué à cette fin, selon les règles de la bande, et tenu en la présence du surintendant général, ou d'un agent dûment autorisé à assister à tel conseil par le gouverneur en conseil ou par le surintendant général, mais aucun Indien n'aura le droit de voter ou d'assister à un tel conseil à moins qu'il ne réside ordinairement surla réserve en question et qu'il n'ait un intérêt dans ladite réserve.                                                                            [Je souligne]

...


[105]                     L'avocat de la défenderesse fait valoir qu'aucune des déclarations faites durant les négociations du Traité no 6, ni les extraits cités du Traité no 6 ni l'article 39 de la Loi sur les Indiens telle qu'elle existait à l'époque pertinente, n'ont de rapport avec la présumée cession de la réserve de Stony Knoll puisque, au moment de cette cession, la Bande avait cessé d'exister. Puisque, comme je l'ai dit précédemment, je ne suis pas persuadé, au vu de la preuve produite, que la Bande avait cessé d'exister à l'époque pertinente, je rejette l'argument de l'avocat.

[106]                     Vu ma conclusion selon laquelle la preuve produite n'établit pas que la Bande avait cessé d'exister à l'époque de la prétendue cession, et vu que je suis persuadé que la charge de la preuve revenait à la défenderesse sur ce point, puisque c'est la défenderesse qui affirme que la décision du gouverneur en conseil était justifiée, et vu les déclarations évoquées précédemment, les modalités du Traité no 6 citées plus haut et l'article 39 de la Loi sur les Indiens, également cité plus haut, et vu aussi que la preuve produite montre que rien n'a été fait pour que soient consultés les membres de la Bande à propos de la cession et que, en conséquence, aucun consentement d'aucune sorte à la cession n'a été obtenu de la Bande, je dirais, si j'étais requis de le faire (et je ne le suis pas) que le décret censé transférer l'administration des terres formant la réserve de Stony Knoll est invalide.

[107]                     La question suivante se poserait alors : quelles seraient les conséquences de l'invalidité du transfert de l'administration des terres formant la réserve, en l'absence d'autres facteurs?


[108]                     Dans l'arrêt Bande indienne de Semiahmoo c. Canada[44], le juge en chef Isaac (sa fonction à l'époque), s'exprimant pour la Cour, écrivait, aux paragraphes 33 et suivants :

Les lois fédérales successives qui ont précédé la Loi sur les Indiens actuelle prévoyaient toutes que les terres des réserves indiennes ne pouvaient pas d'une façon générale être aliénées sauf si elles étaient cédées à la Couronne...

...

Selon les arrêts, l'exigence relative à la cession est à l'origine de l'obligation fiduciaire qui incombe à la Couronne. Dans l'arrêt Guerin et autres c. La Reine et autres, le juge Dickson (tel était alors son titre) a dit ceci : « cette exigence d'une cession vise manifestement à interposer Sa Majesté entre les Indiens et tout acheteur ou locataire éventuel de leurs terres, de manière à empêcher que les Indiens se fassent exploiter » .

Dans l'arrêt Apsassin, Madame le juge McLachlin donne des précisions au sujet du mot « exploiter » employé par le juge Dickson dans l'arrêt Guerin, de façon à mieux définir l'étendue de l'obligation fiduciaire qui incombe à la Couronne. Voici ce qu'elle dit :

Il s'ensuit que, en vertu de la Loi des Indiens, les bandes avaient le droit de décider si elles voulaient céder leur réserve, et que leur décision devait être respectée. Par ailleurs, si la décision de la bande concernée était imprudente ou inconsidérée « et équivalait à de l'exploitation » , la Couronne pouvait refuser son consentement. Bref, l'obligation de la Couronne se limitait à prévenir les marchés abusifs. [Non souligné dans l'original]

Si j'applique ici le raisonnement des arrêts Guerin et Apsassin, l'intimée avait envers la bande l'obligation fiduciaire d'éviter de conclure un marché abusif lors de la cession de 1951.                                                                              [références omises]


Vu les faits de la présente affaire, et pour paraphraser le dernier paragraphe cité ci-dessus, je suis persuadé que le raisonnement adopté dans les arrêts Guerin et Apsassin, si on l'applique à la présente affaire, imposait à la défenderesse l'obligation fiduciaire envers la Bande de ne pas donner effet à une cession de la réserve de Stony Knoll sans une preuve claire et convaincante, en l'absence d'une décision de la Bande de céder la réserve, que la Bande avait cessé d'exister. Comme je l'ai dit précédemment, je suis persuadé que la défenderesse ne pouvait avoir à sa disposition aucune preuve claire et convaincante de cette nature.

[109]                     Sous la rubrique « Le droit des obligations fiduciaires » , le juge en chef Isaac s'est ensuite exprimé ainsi, aux paragraphes 37 à 40 de l'arrêt Semiahmoo :

Les ouvrages et arrêts portant sur les obligations fiduciaires établissent que les tribunaux doivent évaluer la relation particulière qui existe entre les parties afin de décider si elle donne lieu à une obligation fiduciaire et, dans l'affirmative, en vue de déterminer la nature et l'étendue de cette obligation. Cette approche s'applique également dans le contexte de l'obligation fiduciaire qui existe envers les bandes indiennes qui cèdent des terres de réserve. À mon avis, l'exigence législative relative aux cessions donne naissance à l'obligation fiduciaire qui incombe à la Couronne, mais la Cour doit examiner la relation particulière qui existe entre la Couronne et la bande indienne en question afin de définir la nature et l'étendue de cette obligation.

Dans l'arrêt Guerin, le juge Dickson cite l'explication donnée par le professeur Ernest Weinrib au sujet de l'origine des obligations fiduciaires : [traduction] « la marque distinctive d'un rapport fiduciaire réside dans le fait que la situation juridique relative des parties est telle que l'une d'elles se trouve à la merci du pouvoir discrétionnaire de l'autre » . Le juge Wilson, qui donnait des précisions au sujet de cette façon d'aborder la question des obligations fiduciaires dans l'arrêt Frame c. Smith, a proposé les indices suivants à l'égard des relations fiduciaires :

Les rapports dans lesquels une obligation fiduciaire a été imposée semblent posséder trois caractéristiques générales :

(1) Le fiduciaire peut exercer un certain pouvoir discrétionnaire.

(2) Le fiduciaire peut unilatéralement exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière à avoir un effet sur les intérêts juridiques ou pratiques du bénéficiaire.

(3) Le bénéficiaire est particulièrement vulnérable ou à la merci du fiduciaire qui détient le pouvoir discrétionnaire.


Dans presque tous les cas où des terres de réserve sont en cause, la Couronne possède un pouvoir considérable sur les bandes indiennes touchées en vertu de l'exigence relative aux cessions. Toutefois, en l'espèce, la bande était particulièrement vulnérable. En effet, la preuve montre qu'il était déjà arrivé que des terres de la bande soient prises par voie d'expropriation et qu'avant la cession de 1951, Travaux publics envisageait d'obtenir les terres ici en cause au moyen de l'expropriation. Il ressort clairement des motifs du juge de première instance que la latitude que la bande avait de consentir ou de refuser de consentir à la cession de 1951 était fortement influencée par le fait qu'elle savait que, quelle que soit sa décision sur la question de la cession, elle risquait de toute façon de perdre ses terres par voie d'expropriation.

C'est dans le contexte de ces conclusions que le juge de première instance a défini l'obligation fiduciaire qui incombait à l'intimée avant la cession, puis a conclu qu'il y avait eu manquement à cette obligation lors de la cession de 1951. Le juge de première instance a décrit la nature et l'étendue de l'obligation de l'intimée comme suit :

Lorsqu'on prend des terres de cette façon et qu'on ignore quel usage, si usage il y a, en sera fait, ou si les terres serviront à des fins gouvernementales, je crois que le fiduciaire se trouve dans l'obligation de subordonner la prise des terres à une clause de réversibilité, ou de s'assurer de quelque autre façon qu'on porte atteinte le moins possible aux droits des demandeurs. Je suis persuadée qu'il y a eu manquement à l'obligation fiduciaire envers les demandeurs.

                                                                                                        [références omises]                  

[110]                     Là encore, comme dans l'arrêt Semiahmoo, je suis persuadé que la Bande était, à l'époque pertinente, « particulièrement vulnérable » , pas simplement à l'influence de la Couronne, mais, en raison du fait qu'elle était sans chef et qu'elle était dispersée, à l'exploitation de la Couronne elle-même.

[111]                     Finalement, dans l'arrêt Semiahmoo, sous la rubrique « L'intimée a-t-elle manqué à l'obligation fiduciaire qu'elle avait avant la cession? » , le juge en chef Isaac s'est exprimé ainsi, au paragraphe 41 :

Compte tenu des circonstances de l'espèce, je souscris à la façon dont le juge de première instance a qualifié l'obligation qui incombait à l'intimée avant la cession. Je souscris également à la conclusion du juge de première instance selon laquelle, compte tenu des faits, l'intimée a manqué à cette obligation lorsqu'elle a consenti à la cession de 1951. ...

Si j'en étais requis, je tirerais ici une conclusion semblable.

À QUELLE RÉPARATION LES DEMANDEURS OU L'UN D'ENTRE EUX AURAIENT-ILS DROIT SI L'ON JUGEAIT QU'ILS SONT FONDÉS À INTRODUIRE CETTE ACTION?

[112]        Outre un éventail de jugements déclaratoires, les demandeurs sollicitent une ordonnance réservant à une audience future devant la Cour la question des dommages-intérêts découlant de la contravention de la défenderesse à son obligation fiduciaire. En prévision d'un tel recours, les demandeurs sollicitent aussi une ordonnance enjoignant la défenderesse, avant cette audience future, de verser aux demandeurs des fonds raisonnables pour leur permettre de préparer et de présenter une évaluation de la nature et du quantum des dommages-intérêts à leur accorder, de même qu'un compte rendu comptable se rapportant à l'aliénation de la réserve de Stony Knoll, y compris le détail complet des conditions auxquelles la possession et le titre ont été transférés par la Couronne.


[113]                     Vu mes conclusions précédentes, je refuse de m'exprimer sur la proposition de « second niveau » concernant cette action.

DÉCISION

[114]                     Vu ce qui précède, cette action est rejetée.

DÉPENS

[115]                     Dans le cours ordinaire des choses, les dépens suivent l'issue de la cause et donc, vu ma décision, la défenderesse aurait en principe droit à ses dépens, et elle exprime d'ailleurs une demande en ce sens dans sa défense modifiée déposée le 4 février 1993. La question des dépens n'a pas été abordée véritablement à la fin du procès, et elle n'est pas abordée véritablement non plus dans les mémoires présentés par les avocats.

[116]                     La seule mention des dépens durant le procès était dans les termes suivants :

La Cour :                  Je suppose qu'il est trop tôt à ce stade pour aborder la question des dépens.

Avocat des demandeurs :         Oui, je le crois, monsieur le juge.

La Cour :                  Ce que je proposerais donc de faire à cet égard, c'est de rédiger mes motifs et mon jugement et de les distribuer aux avocats, puis de leur demander à ce stade comment ils entendent aborder la question des dépens au vu du résultat[45].

[117]                     Les présents motifs seront signés et distribués, ainsi qu'un projet de jugement. Les avocats sont invités à communiquer avec la Cour, dans un délai de trente (30) jours après la date des motifs, pour que des dispositions soient prises en vue d'un débat sur les dépens, à moins que les avocats ne s'entendent à ce sujet. Si tel est le cas, la Cour devra en être informée sans délai.

       « Frederick E. Gibson »      

Juge

Ottawa (Ontario)

le 8 août 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-518-85

INTITULÉ DE LA CAUSE :             GEORGE KINGFISHER ET AUTRES c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                   CALGARY

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 10 JANVIER 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :    MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                        le 8 août 2001

ONT COMPARU :

JAMES A. GRIFFIN, c.r.                                                POUR LE DEMANDEUR

CORNELIUS TOEWS                                                    POUR LE DEMANDEUR

MARK R. KINDRACHUK                                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GRIFFIN TOEWS MADDIGAN BRABANT POUR LE DEMANDEUR

Regina (Saskatchewan)

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


CHIPEWAYAN SNAKE ALEXANDER                                                                                                   ANNEXE 1

ORGANIGRAMME FAMILIAL

                                                                                                                                CHEF CHIPEWYAN = SAYSAYSEW (The Plover)

sa mère s'appelait Emma

                                                                                                                                     ISPIMIKKAKEETOOT (Young Chipeewayan)

1er mariage à Omamees (Omamus                                                                                                            2e mariage

Soeur a épousé Cardinal à Snake Plain

Albert Snake = Jemima

n. 1872

Première fille

AH NEE NISPASKIMIN 1897 ALEC (AKEEYA) ALEXANDER

(deuxième fille)                           d. 1931

d. 1931

Alfred Snake

N. 5 fév. 1916

== Jemima Starblanket

Elizabeth Gaudry

N. 14 août 1902

==Baptiste Gaudry (vivant, aujourd'hui 91 ans)

John

n. mai 1895

d. 1982

d. 1892

ALEK ALEXANDER = MARY WAHPASS

n. 29 juin 1881

d. 12 mars 1982

MARIA ALEXANDER = RICHARD STANDINGWATER

n. 7 juin 1905

GEORGE KINGFISHER

1er mariage = Hilda Williams

Marshall Wayne Williams - 13 janv. 66

Mark James Williams - 18 avril 67

Marie Owen - 7 mai 68

Marvin Glen Williams - 29 juin 69

Marilyn Rose Williams - 24 nov. 70

Marnie Lynn Williams - 11 mars 73

2e mariage

== Jocelyn Harris

Niki - 10 déc. 87

Jillisa - 4 juin 90

April Dawn - 14 avril 92

AMY STANDINGWATER

n. 1925

a épousé Paddy

Gloria Paddy

n. 26 déc. 1953

Darlene Paddy

n. 14 nov. 1957

Janet Paddy

n. 11 déc. 1958

Barbara Paddy

n. 25 janv. 1960

Barry Paddy

n. 24 nov. 1965

ELISABETH STANDINGWATER

n. 3 juillet 1939

a épousé John MacAdam

Bernadine Standingwater

n. 11 nov. 1959

Roger Standingwater

n. 6 juillet 1961

Clara Standingwater

n. 2 mai 1963

Elaine Standingwater

n. 7 août 1964

Kenny Standingwater

n. 28 oct. 1966

Marcelle Standingwater

n. 25 juin 1969

Darwin Standingwater

n. 29 sept. 1971

Janeen Standingwater

n. 9 déc. 1979

JAMES STANDINGWATER

n. 2 nov. 1941

a épousé Bernadette MacAdam

n. 11 nov. 1941

Elizabeth Maria Standingwater

n. 26 déc. 1970

James Richard Standingwater

n. 3 nov. 1972

ABSOLUM STANDINGWATER

n. 12 sept. 1946

a épousé Lorraine Blackbird

n. 29 nov. 1956

Richard Lee Blackbird

n. 12 janv. 1975

Sheldon James Blackbird

n. 10 avril 1976

Maria Lynn Standingwater

n. 30 août 1981

Kelsey Standingwater

n. 21 juin 1987


ORGANIGRAMME DE LA FAMILLE CHICKNESS                                                                               ANNEXE 2

LA PORTION ADMISE EST EN ITALIQUE                                                                              KEE YEW WAH KA PIM WAHT

                                                                                                                                          No 5 dans la Bande Chipewayan en 1876

Fille                                                                               Deuxième fille = 1896 = Harry Chickness

(Ashley)                               N. déc. 1875

D. 27 avril 1947                   D. 17 sept. 1966

Garçon

N. 1897

D. 1898

John        ==

N. nov. 1902

D. 26 oct. 1963

1923 ==

Louise Weenie

D. 11 fév. 1973

Fille

Antoine    ==

N. fév. 1914

D. 21 déc. 1954

1942    ==

Jane Paddy

N. 1902

D. 10 janv. 1970

Clara

N. 25 déc. 1915

1949 ==

George Frerichman

N. 15 janv. 1906

Simon

D. -

Alphone ===

D. 1952

Hazel Brown

Daniel

N. 21 mars 31

Doris

N. 26 oct. 1935

Frank

23 mars 31

Bernard

janv. 21

Donald

3 fév. 12

Robert

août 14

Alfred

16 sept. 1893

D. 20 fév. 1985

====

Marjorie

Décédée

Larry ==== Darlene

Maria

25 fév. 58

Roger

15 sept. 59

Gary

16 janv. 61

Sandra

18 nov. 62

Marie

28 juillet 64

Deena

24 juillet 65

Herman

4 nov. 66

Marlene

30 mai 68

Angeline

17 juillet 75

Ruby

23 janv. 65

Christopher

25 déc. 65

Deborah

25 fév. 69

Lana

10 sept. 71

Alfred

28 mai 74

Jerry

27 juin 76

Kelly

12 nov. 75

Natasha

20 avril 77

Sheldon

14 avril 82

Ainie

18 sept. 88

Jamie

12 sept. 83

Randy

2 sept. 86

Emilee

N. 19 déc. 98

Stocker

Justin

Kerry

J Boy

Gineen

Clara

Sinclair

Jessie

Mary

Dakota

Joshua

Alfred

Keesha

Dawson

Courage

21 juillet 83

Blake

5 mai 84

Dalton

19 mai 85

Heather

11 nov. 86

Mark

11 juillet 88

Melodie

24 juillet 81

Jason

8 mars 84

Marvin

24 juin 88

Sherri Ann

25 mai 62

===

Cody

8 avril 86

Shawn

10 nov. 88

_____________________________________________________

Cet organigramme présenté comme preuve à la Cour était presque illisible. C'est ce que la Cour a pu faire de mieux pour interpréter l'organigramme.


ORGANIGRAMME DE LA FAMILLE ANGUS                                                                                        ANNEXE 3

LA PORTION ADMISE EST EN ITALIQUE                                                                         PAH PAH MOOTAWIN - WALKING MAN

                                                                                                                     No 22 SUR LA LISTE DE LA BANDE CHIPEWAYAN EN 1877

Sliza Watchusk === Basil Favel                                                                                   Fille                                                                                                          Fille

D. 1926

Mary Louise Favel ===== John Tootoosis

D. 1944

Julia Tootoosis ======== Harry Angus                                                          Constance Tootoosis ==== Paskimin

Georgina Angus                                            Ernest Angus    D. 8 juin 68                    Leslie Angus N. 10 nov. 42                                        Gordon Angus N. 10 déc. 45                    Albert Angus N. 22 mai

==Gordon Thunderchild

Corrine          N. 19 janv. 64

Marvin          14 mai 65

Melvin          6 nov. 66

Shirley-Ann 25 août 68

Merle            9 déc. 69

Muriel           24 mars 71

Léon             22 mars 72

==Audrey Sapp

Darwin    N. 15 déc. 66

==Hervina Collins

Julia             N. 6 oct. 67

Shelley          26 mai 71

Cory             9 oct. 77

Jody             3 mars 83

Kyle

Jordan

Cole

==Barbara Crate

Lianne           N. 15 sept. 68

Trevor           18 déc. 71

Skye             1er mars 77

Wilton          17 sept. 78

Christian       24 juillet 86

Dale              28 sept. 87

Michael         25 nov. 88

===Margaret King

Sharon       N. 11 juin 77

Joseph       19 oct 78

Sara          30 déc. 80

Dana        


ORGANIGRAMME DE LA FAMILLE WEENIE                                                                                      ANNEXE 4

LA PORTION ADMISE EST EN ITALIQUE                                                                         MAH CHAH CHE KOOS - L'ANTILOPE

                                                                                                            NE FIGURAIT PAS SUR LA LISTE DE LA BANDE CHIPEWAYAN EN 1882

Weenie Mahon==1900==Betsy Chatsees                                                                                                       Garçon                                   Fille                                              Fille                                      Mary

D. 1914                              Fille de George Chatsees

John Weenie ==== Ada Atcheynum                                                   William Weenie                                              Louisa       ===       John Chickeness                                  Alek Weenie                                   Fille

N. 1899                                                                                                                                                                                                                                                                         3 nov. 29

===Mary Mustus                                                                                                                                  Harriet Atimyod

Joseph

== Georgina Favel

Charles

== Emma

     Paskemin

Eugene

==Christine

     Dancher

Louis

Gabriel

Kenneth Pyakutch

Vincent Pyakutch

Lloyd

==Florence

     McIntosh

     Peeahchoo

Kate

==Boniface

     Kasokeo

Annie

==

Simon

Alphonse

Daniel

Frank

Bernard

Donald

Robert

Doris

Inez

Lawrence

=== Maggie

       Tootoosis

Mary

Adrianne

=== John Peters

Conrad Vernon

Heather

Cindy

Michelle

Loraine

==Donald Fox

Shannon Dwayne

Rhonda    Shona

Terry       Gaylyn

Keith

Gail

Angeline

Craig

Autre

Benn == Sylvia

           Atcheynun

Pamela    Kirkland

Rochelle Quentin

Benjy      Kimberly

         Jordan

Ernie

Donovan Amber

Carmel

Alice == Jonny Harper

Bruce     Ashley

Andrea Amanda

Archie

Adam

Lucy===Kahpaysewat

Preston    Raylene

Lynette    Janelle

Inez

Kenoall    Kenora

Wesley

Harvey == Helen

     Harley

===Rose

Ryan Nicole

Jonathan

Dawn

Archie

===Myrna

       Weesekat

Debbie      Curtis

Candace    Charlie

Darryl             

Malcolm == Verlinda

             Travis

Lori ==== Leonad Favel

      Lurylle

Roxanne === Niska

             Kwhanoa

Milton === Kay Lerat

           Garçon

June

Carol

Sherry


ORGANIGRAMME DE LA FAMILLE OKEEWEEHOW                                                                          ANNEXE 5

LA PORTION ADMISE EST EN ITALIQUE                                                                 OO KEE WA HAW (FLYING HOME) == FEMME

                                                                                                ELLE ET LUI NE FIGURENT PAS SUR LA LISTE DE LA BANDE CHIPEWAYAN EN 1876

                                                                                                                                                            14 sept. 1922

Norman Okeeweehow      ========      Lola Gabriella Dubois

N. 1898                                                  N. 30 avril 1903

D. 17 mars 35                                        D. 30 oct. 1969

Gordon Samuel

N. 20 avril 1923

D. 17 juin 1947

Janice Margaret Cappo Morin

N. 22 juillet 1946

Jaqueline Marie Morin

N. 25 mai 1968

Andrew Dwayne Morin

N. 2 déc. 1986

Ethth

N. 11 oct. 25

D. 1er juillet 64

Fred Pelletier

Charlene Fay

N. 10 oct. 1945

2 août 1968 Baker

Desiree

N. 12 mai 65

Forest

N. 28 oct. 68

Lola Gabriella Louise (Louise-Anne)

N. 23 janv. 1928

Frank Larose

(Eva) Gladys

N. 3 mai 1930

Mervin

D. 2 mois

Ernest

D. 17 ans

Frieda Elenor

N. 7 avril 1935

D. mars 1978

Hector Joseph Larose

(voir bas de la page)

Joanne

N. 29 janv. 51

Lance Richard James

N. 27 août 66

Laurie Louise

N. 28 mars 68

Dale Elmer Weaver

Cory Dale James

Larose Weaver

N. 5 avril 1989

Gerald James

N. 8 janv. 53

Jeremy Dean Obey

N. 25 juin 74

Christime

Jeanette

N. 31 oct. 55

Angela Jesson N. 29 janv. 80

Geraldine

N. 10 oct. 57

Anthony George

James

Franklin

N. 10 déc. 59

Jermaine

Willis

N. 10 déc. 59

Gail

Annette

N. 10 oct. 60

D. 1er avril 83

Toucher

Kelly Annette

Dale

Johnson

N. 21 oct. 61

Harmony

Rose

Dale Solomon

Terrence

Hugh

Campbell

11 juin 62

Kelly

June

Campbell

Clarence

Kelly

Campbell

4 janv. 64

Shane

Jonathon

Thomas

McNabb

Christine

Louise Big Eagle Obey

N. 1er août 89

Jeffrey Thomas Gasper

N. 12 nov. 77

Serena Gasper

N. 7 déc. 79

                                                                                                                              FRIEDA ELENOR 1961 HECTOR JOSEPH LAROSE

Sharon Ann

N. 8 mars 55

Richard

N. 29 oct. 56

Darlene Ann

N. 20 déc. 57

Lorna Ann

N. 17 nov. 58

Tina Marie

N. 20 oct. 60

Darrel James

N. 6 janv. 62

Wendal Perry

N. 27 juin 63

Lorne Del

N. 3 juillet 64

Wendy Marie

N. 27 févr. 67

Michelle Lee Kennedy

N. 6 mars 71

Jason Paul Kennedy

N. 16 janv. 75

Jason Robert

N. 29 avril 75

Jared Wayne

N. 9 mai 76

Jeremy Joseph

N. 27 sept. 77

Joshua Norman

N. 27 avril 80

Justin Hector

N. mars 81

Candice Marie

N. 26 août 76

Darcy Joseph

N. 30 mars 80

Mindy Lee

N. 24 nov. 81

Tyler Boyd

N. 2 déc. 82

Ricky Lee Lynn Flett

N. 29 juin 85

Christina Maria Flett

N. 15 juillet 86

Terra Lyn

N. 27 nov. 77

Dana Paul

N. 25 avril 80

Jessee Dwayne

N. 13 juillet 81

Tahnee Lee

N. 17 juin 87

Tia Rai

N. 20 oct. 88

James

Christopher

N. 2 déc. 83

Michael

N. 26 déc. 84

Allison Marie

N. 12 avril 84

Jan

Jenna

Montana


ORGANIGRAMME DE LA FAMILLE HIGGINS                                                                                      ANNEXE 6

LA PORTION ADMISE EST EN ITALIQUE

OOSTIKWAN===== OOS KEE CHE ESQUAD

Moving Stone

D. 1886

Chipewayan Band no 10 - 1885-1886

     Chipewayan Band no 10 - Moving Stones Widow 1887-8 - Thunderchild 1889

         1890

Apstatim    =====

Peter A. Higgins

Emma

N. 1862

D. 1er fév. 1898

N. 1861

Harris Colin Leonard Higgins -

N. 17 juillet 1891

D. 19 oct. 1948

12 juillet 1916 -

Katherine Sophia Schroder

N. 12 mai 1886

D. 19 sept. 1968

Donald Leonard Murry Higgins -

N. 18 mars 1926

29 juillet 1950 -

Beverley Froom

N. 17 mars 1929

Lori Katherine Higgins - 24 févr. 1984 -

N. 25 avril 1954

Christopher Brandt

N. 5 avril 1959



[1]         Le non-peuplement de la réserve, et la suite des présents motifs qui se rapporte à la Bande, est tiré du document 67 d'un « Exposé conjoint des faits » , plus exactement sous-titré « recension de quelques-uns des documents pertinents contenus dans les rapports généalogiques Shanahan et Four Arrows ... et autres documents choisis provenant d'archives historiques » , déposé au nom des parties le 22 décembre 1999. Le document 67 est décrit dans l'Index de l'Exposé conjoint des faits comme « appendice 1; Composition de la Bande Young Chipeewayan, 1876 - 1897 » . Les rapports généalogiques Shanahan et Four Arrows ont été déposés dans la présente affaire en tant que rapports d'expert au nom des parties. (Voir les paragraphes [22] et suivants des présents motifs).

[2]         Exposé conjoint de faits, document 67, page 3.

[3]         Document 67, page 4.

[4]         Exposé conjoint des faits, document 63.

[5]         Alfred Snake, l'un des demandeurs originaux dans la présente action, était décédé au moment où l'action a été inscrite au rôle. Par ordonnance non contestée en date du 20 janvier 2000, son nom a été radié comme demandeur et remplacé par celui de son fils, George Kingfisher.

[6]         Selon la règle 279 des Règles de la Cour fédérale, 1998, le témoignage d'un témoin expert recueilli à l'interrogatoire principal n'est pas admissible comme preuve, à l'instruction d'une action, à l'égard d'une question en litige, sauf si certaines conditions sont réunies, notamment que le témoin expert soit disponible à l'instruction pour être contre-interrogé. La règle 279 prévoit que la Cour peut rendre une ordonnance contraire. Avec le consentement des avocats, et de sa propre initiative, la Cour a rendu ici une ordonnance contraire, le résultat étant que la preuve contenue dans les rapports décrits dans les présents motifs est devenue admissible en ce qui a trait aux questions auxquelles elle se rapporte.

[7]         Exposé conjoint des faits, document 18, annexe 1 des présents motifs.

[8]         Appelée aussi Attakacoop.

[9]         Harry Michael a porté le nom de Harry Bighead jusque vers 1971.

[10]       Des copies de ces déclarations sont les documents 8, 9 et 15 de l'exposé conjoint des faits. Le document 8 indique la date du 17 février 1955, plutôt que l'année 1954 mentionnée à l'audience.

[11]       Ou Alfred Snake - les questions et réponses n'indiquent pas très clairement qui, d'Albert ou d'Alfred Snake, a effectivement rencontré M. Diefenbaker. La date de la rencontre est également sujette à caution. M. Diefenbaker est devenu Premier ministre le 21 juin 1957 et il a occupé cette charge jusqu'au 22 avril 1963.

[12]       Exposé conjoint des faits, document 27, annexe 2 des présents motifs, admis en partie seulement au nom de la défenderesse. Les portions admises sont en italique.

[13]       Pièce 1 des demandeurs.

[14]       Transcription, vol. 1, page 55.

[TRADUCTION]

Q       Bon, je vais vous montrer de nouveau le numéro 27 de l'exposé conjoint des documents. On voit un nom ici, Kee-Yeu-Ah-Tiah-Pim-Waht.

R       Oui. C'est le nom. Oui.

                       Q       Votre grand-mère a dit que c'était son père?

                       R       Oui.

[15]       Harry Chickness et Mme Chickness (appelée « Ashlee » ).

[16]       Exposé conjoint des faits, document 25, annexe 3 des présents motifs, admis seulement en partie au nom de la défenderesse. Les portions admises sont en italique.

[17]       Le témoin a déclaré qu'on lui avait dit cela au cours des veillées durant lesquelles sa mère dépouillait les rats musqués que son père avait capturés par trappage.

[18]       Noter que le grand-père et l'oncle de Leslie Angus portaient tous deux le même nom, John Tootoosis.

[19]       Transcription, vol. 1, page 74.

[20]       Transcription, vol. 1, pages 79 et 81.

[21]       Transcription, vol. 1, page 80.

[22]       Transcription, vol. 1, page 80.

[23]       Exposé conjoint des faits, document 23, annexe 4 des présents motifs, admis seulement en partie au nom de la défenderesse. Les portions admises sont en italique.

[24]       Ben Weenie a exprimé son désaccord avec l'orthographe et la traduction du nom « Mah Chah Che Koos » dans l'exposé conjoint des faits, document 23, affirmant que ce nom signifie « Grand Caribou » et non « l'Antilope » .

[25]       Exposé conjoint des faits, document 33, annexe 5 des présents motifs, admis seulement en partie au nom de la défenderesse. Les portions admises sont en italique.

[26]       Exposé conjoint des faits, document 39, annexe 6 des présents motifs, admis seulement en partie au nom de la défenderesse. Les portions admises sont en italique.

[27]       Des photographies se trouvent dans l'exposé conjoint des faits, document 36.

[28]       Transcription, vol. 1, page 127.

[29]       Transcription, vol. 1, page 128.

[30]       R.S.S. 1978, ch. L-15.

[31]       [2000] A.C.F. no 1568, (C.F. 1re inst.) en ligne : QL (CFC), précédent auquel on ne m'a pas renvoyé.

[32]       [2001] A.C.S. no 33, 2001 CSC 33, en ligne : QL (CSC), un précédent auquel on ne m'a pas renvoyé.

[33]       Transcription, vol. 1, page 55.

[34]       Transcription, vol. 1, page 115.

[35]       S.R.C. 1886, ch. 43.

[36]       [1999] 3 R.C.S. 456.

[37]       Morris, Alexander. The Treaties of Canada with the Indians of Manitoba and the North-West Territories. Toronto: Belfords, Clarke, 1880.

[38]       S.C. 1895, ch. 35, art. 8.

[39]       L.R.C. (1985), ch. I-5.

[40]       Voir par exemple l'exposé conjoint des faits, document 8, page 5.

[41]       S.C. 1951, ch. 29.

[42]      Voir Twinn c. Canada [1987] 2 C.F. 450 (C.F. 1re inst.), et plus particulièrement la discussion qui commence à la page 461 à propos de la « requête (2) » présentée dans cette affaire.

[43]       S.R.C. 1886, ch. 43.

[44]       [1998] 1 C.F. 3 (C.A.).

[45]       Transcription, vol. 2, page 253.

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